UNE APPROCHE INTEGREE DE LA CITOYENNETE DEMOCRATIQUE PAR L’EGALITE
1. Egalité de condition : une question de priorité
Ainsi fait, l’égalité introduite comme une évidence partagée dans les prototypes, fait l’objet d’une approche intuitive, puisque qu’elle ne figure pas comme une donnée inscrite au même titre que les termes de citoyens et de pouvoir.
Pourtant elle participe à la dynamique interne du régime démocratique, dans les deux logiques imaginaires de citoyenneté en égalisant la condition politique des participants à la démocratie.
Dans la réflexion dominante, la situation d’égalité passe par le même statut politique pour les gouvernants ; pour la réflexion mineure, la situation d’égalité passe par l’association de chacun à la décision, pour les gouvernés.
Les deux conceptions de citoyenneté font état d’une certain rapport à l’égalité dissociant la communauté :
- Le premier modèle de citoyenneté est tissé sur l’existence de ce que Jean-Pierre Vernant a nommé « groupes d’égaux » destinés à réaliser « l’ensemble des citoyens, tous les citoyens ». De nature politique, elle ne concerne pas le rapport de force entre riches et pauvres citoyens.
L’égalité de condition politique est la composante essentielle de l’infrastructure de ce type de citoyenneté juridique dont le sens est situé dans la sphère de l’Etat.
- Le deuxième modèle, du point de vue de Bordas, déplace l’investigation sur une figure populaire, très idéalisée le « peuple » dans la sphère de la société civile. L’intervention du principe égalitaire ne correspond pas à la solidarité statutaire du premier cas. L’hypothèse situe l’égalité sur la dimension sociale de la démocratie. La contribution plaide pour une citoyenneté en acte, soumise à l’approbation de la société.
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Les deux premiers points seront consacrés aux finalités associées à l’égalité dans chaque type de citoyenneté.
Dans le dernier volet, nous prendrons soin du statut théorique de l’égalité politique dans les deux conceptions de la démocratie, et de ses conséquences sur la manière d’exercer la citoyenneté.
a. Progression d’ensemble du niveau de participation des citoyens Même si les préoccupations respectives en matière d’égalité politique ne sont pas comparables, la complexité de l’égalité est réduite grâce à sa projection de l’unité sur sur la communauté politique.
C’est encore par l’idée de souveraineté introduite dans notre réflexion que « l’égalité reconnait l’égale importance et l’égale liaison des citoyens pris dans cette totalité souveraine sur l’expression d’un tout qui se gouverne lui-même à base d’égalité » selon l’orientation de Gurvitch.173
L’égalité de condition s’est développée sur deux voies qui ne se rencontrent pas en terrain définitoire, pour lesquelles nous avons montré la bataille d’idées, forgée autour de l’idée d’inclusion.
En tant qu’argument ensembliste pour le premier prototype, la réflexion sur l’égalité est porteuse d’une convention rappelant la théorie politique des semblables de l’Antiquité dont « homoios » exprime la similitude de qualité, caractérisant l’égalité de traitement entre pairs.
On retrouve cette solidarité politique dans les énoncés théoriques, dans la manière de réunir les individus par le statut qu’ils partagent en commun. Dans cette première conception de la citoyenneté, le désir de généralisation de l’égalité reste exclusivement dans les limites du gouvernement fort d’un corps politique de citoyens, jouant la même partition politique comme un seul acteur.
b. « L’humanité » dans la sphère d’influence du pouvoir : Bordas En parallèle, dans la deuxième situation initiée par Bordas, la revendication d’égalité tend à insérer l’humanité « le peuple » dans la sphère d’influence du pouvoir. En démocratie, l’égalité participe à une logique d’intégration de la société au pouvoir politique.
173 Chez L’auteur « l’égalité est une manière forte d’être liée dans le tout ou par le tout dans la communauté dont l’assise
politique est ancrée dans le principe du droit. Dans notre contexte l’égalité juridique favorise l’interaction entre l’idée de souveraineté politique et l’idée de démocratie en garantissant une logique d’intégration ».in Georges GURVICTH « Le principe
démocratique et la démocratie future » Revue de Métaphysique et de Morale, T. 36, No. 3 (Juillet-Septembre 1929), pp. 403-431
« Le peuple décide » aménage une pratique égalitaire problématisée sur la pluralité du public. Le rôle de l’égalité favorise une citoyenneté active en garantissant les conditions de participation.
c. Dialectique entre égalité politique et égalité sociale : Identité collective
Par comparaison entre les deux schémas de citoyenneté, le problème théorique est construit sur l’opposition binaire de deux identités collectives.
La première ligne de force de l’égalité agit sur l’unité du groupe et façonne l’identité politique de la communauté des citoyens dans le cadre institutionnel.
La seconde ligne de force pense la politique sur la pluralité des acteurs. L’égalité ne joue qu’au moment de la participation à la prise de décision.
L’approche de la démocratie orientée sur la progression d’ensemble des citoyens pour les uns et sur la démocratisation de la vie publique pour les autres, interrogent le contenu politique de la citoyenneté, du point de vue d’une dichotomie entre les citoyens et ceux qui ne le sont pas.
Cette manière de penser une communauté d’égaux à partir de catégorie en marge de la vie commune est remise en cause par Jacques Rancière dans « leur séparation comme marque d’un certain partage du sensible »174.
L’égalité politique des citoyens prépare une forme de citoyenneté dominée par une problématique d’identité collective, de droits politique et une intégration à la vie politique par le statut dans le premier cas. La participation à l’exercice du pouvoir repose sur des limites fixées juridiquement par la collectivité.
L’égalité sociale aspire à ouvrir la participation politique à la société et à imposer son droit de regard dans l’action au regard d’une conception élargie à une citoyenneté plurielle promouvant le sens d’une citoyenneté sociale s’imposant dans l’espace public.
Le premier modèle de démocratie cadre le contenu politique de la citoyenneté sur un rapport bipolaire d’inclusivité/d’exclusivité restreignant les limites de l’égalité politique que le manuel Bordas entend prolonger par une forme d’égalité sociale.