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5. Discussion générale

5.1. Comment rendre les élèves plus attentifs en EPS ?

Notre travail a démontré qu’un climat motivationnel empowering permettait d’agir

positivement sur les fonctions attentionnelles. En EPS, nos résultats ont indiqué que la

concentration augmentait et que la distraction diminuait grâce aux divers effets du climat

motivationnel. En laboratoire, la concentration et les temps de réaction ont progressé pour les

participants exposés à un climat motivationnel empowering. Ces résultats ont confirmé notre

hypothèse générale, et étaient en adéquation avec de précédents travaux (Maldonado et al., 2019

; Ntoumanis, 2005 ; Standage et al., 2005 ; Zhang et al., 2012). En revanche, les conséquences

du climat motivationnel disempowering étaient plus nuancées. L’étude en laboratoire a montré

que le climat motivationnel disempowering a réduit la distraction vis-à-vis de la tâche et

amélioré les temps de réaction. Mais cette progression ne s’est pas faite sans contrepartie. Ces

mêmes participants ont, en parallèle, réalisé plus d’erreurs dans leurs réponses. Un climat

motivationnel disempowering les aurait donc orienté sur de mauvais choix stratégiques en les

focalisant sur la vitesse de réponse, au détriment de leur précision. Le climat motivationnel

disempowering a également réduit leur sentiment de concentration grâce à l’enseignant, et

augmenté leur sentiment de distraction à cause de l’enseignant. Malheureusement, en raison

d’écueils méthodologiques, nous ne disposons pas de données supplémentaires appliquées à

l’EPS qui nous auraient permis de mieux comprendre les conséquences d’un climat

motivationnel disempowering. En raison des résultats obtenus, et de la littérature scientifique

existante, nous avons supposé qu’en contexte scolaire, une augmentation de la distraction et

une diminution de la concentration étaient possibles lorsque l’enseignant adoptait un climat

motivationnel disempowering. Cependant, nous sommes vigilants sur cette hypothèse, car de

précédents travaux ont montré qu’un climat motivationnel renforçant les motivations

contrôlées, pouvait favoriser (dans de faibles proportions) la concentration des élèves

(Maldonado et al., 2019).

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Par ailleurs, nos résultats ont prouvé que la satisfaction / frustration du besoin de

compétence jouait un rôle clef dans la relation entre le climat motivationnel et les fonctions

attentionnelles en EPS. L’expérimentation en laboratoire a confirmé ce rôle potentiellement

isolé du besoin de compétence. Ces résultats nous ont invité à nous questionner sur

l’indépendance de chaque besoin psychologique fondamental (i.e., il n’y a pas de relation

hiérarchique entre eux). En effet, plusieurs études en EPS ont présenté les besoins

psychologiques fondamentaux comme un concept psychologique qui ne prenait sens qu’à

travers la satisfaction ou la frustration globale et non individuelle de chaque besoin (Haerens et

al., 2015, 2019 ; Maldonado et al., 2019 ; Ntoumanis, 2005 ; Standage et al., 2005). Pourtant,

nos observations ont montré qu’en contexte éducatif, le besoin de compétence jouait un rôle

tout particulièrement central, comparé au besoin d’autonomie et de proximité sociale. Ce

résultat était cohérent avec d’autres travaux dans le domaine de l’activité physique pour la santé

et de l’EPS. En effet, il a été suggéré que le besoin de compétence avait un poids plus important

que les deux autres besoins psychologiques fondamentaux, dans la prédiction d’une motivation

autodéterminée (Dupont et al., 2009 ; Ntoumanis, 2001 ; Teixeira et al., 2012). Cette prévalence

du besoin de compétence, rejoignait ainsi les postulats de la TBA (Ames, 1992 ; Nicholls, 1984)

qui a considéré que l’orientation des buts motivationnels des élèves était principalement régulée

par leur sentiment de compétence. Ce résultat s’associait à la théorie du sentiment d’efficacité

personnelle (e.g., Bandura, 1997) postulant que le sentiment de compétence jouait un rôle

majeur dans la réussite scolaire. En EPS, cette prévalence a été expliquée par le fait que les

compétences physiques étaient particulièrement mises en avant et exposées aux pairs (Standage

et al., 2006). Cependant, d’autres chercheurs ont alerté sur la nécessité de bien considérer les

trois besoins psychologiques fondamentaux. Selon eux, la satisfaction du besoin d’autonomie

est indispensable pour passer le seuil d’autodétermination (i.e., passer des régulations

motivationnelles externes et introjectées à des régulations identifiées et intégrées ; Van den

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Berghe et al., 2014). De plus, les dernières avancées de la TAD ont souligné l’importance de

construire des relations interpersonnelles de haute qualité pour atteindre une motivation de type

intrinsèque (Ryan & Deci, 2017 ; Standage & Ryan, 2020). Pour cela, il est important que les

personnes impliquées dans la relation interpersonnelle satisfassent les trois besoins

psychologiques fondamentaux. Par exemple, le sentiment de satisfaction, de sécurité et de

bien-être dans la relation sont de meilleure qualité lorsque les besoins d’autonomie et de compétence

y sont satisfaits (Ryan & Deci, 2017 ; Standage & Ryan, 2020). En somme, la prise en compte

des trois besoins psychologiques fondamentaux est bien nécessaire. Pour autant, modéliser les

trois besoins psychologiques fondamentaux comme une variable latente unique ne permet pas

d’en identifier isolément les tenants et les aboutissants. À l’instar de nos travaux, nous

recommandons de continuer à les modéliser comme trois variables latentes indépendantes.

Ce travail a apporté plusieurs contributions significatives à la littérature. Pour autant, les

résultats obtenus restent plus complexes qu’une simple dualité entre conséquences adaptives du

climat motivationnel empowering et maladaptives du climat motivationnel disempowering. À

cet égard, les résultats de l’expérimentation portant sur les effets de l’évaluation confirment la

complexité du climat motivationnel disempowering. En testant les effets de l’évaluation

sommative sur l’apprentissage moteur, il a été démontré que cette facette du climat

motivationnel disempowering ne présentaient pas d’effets négatifs. Au contraire,

l’apprentissage moteur durant le module d’apprentissage était aussi bon que celui des élèves en

évaluation formative, et bien meilleur quatre mois plus tard. Ce résultat a pu être expliqué à

l’aide d’autres variables potentiellement médiatrices, relatives au vécu émotionnel de l’élève.

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