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Comme nous l’avons précédemment indiqué, l’attention de l’élève joue un rôle majeur

dans le processus d’apprentissage cognitif (Connac, 2018 ; Lachaux, 2015 ; Leconte, 2005) et

moteur (Wulf & Lewthwaite, 2016). Les émotions, particulièrement présentes en EPS (Debois,

2007), influencent fortement les différentes fonctions attentionnelles (e.g., Cohen et al., 2011 ;

Payne et al., 2019), et sont également impliquées dans la qualité des apprentissages (Dernevaud

et al., 2017). Et malgré l’existence de quelques études (Maldonado et al., 2019 ; Ntoumanis,

2005 ; Standage et al., 2005 ; Zhang et al., 2012), il a été souligné que les conséquences

cognitives du climat motivationnel étaient peu documentées dans le contexte de l’EPS

(Vasconcellos et al., 2020). L’objectif général de ce projet doctoral a été d’examiner les

effets du climat motivationnel sur le vécu émotionnel et les fonctions attentionnelles des

élèves en EPS. En accord avec les principes de la TAD et de la TBA, notre hypothèse

générale a postulé qu’un climat motivationnel empowering présentait principalement des

bénéfices sur le vécu émotionnel et les fonctions attentionnelles. Inversement, il a été

postulé qu’un climat motivationnel disempowering entraînait principalement des effets

délétères. Pourtester ces hypothèses générales, plusieurs expérimentations ont été menées, par

l’intermédiaire de différentes approches méthodologiques, allant de l’étude écologique en EPS

à l’étude expérimentale en laboratoire.

Tout d’abord, la littérature portant sur l’attention des élèves en EPS n’offrait pas, à notre

connaissance, d’outils de mesures fiables et valides. Par conséquent, il nous a été, au préalable,

indispensable de combler ce manque. Certaines études menées en EPS (Maldonado et al., 2019

; Zhang et al., 2012) ont mesuré la concentration de l’élève en une échelle de six items,

développée par Standage et al. (2005). Une échelle similaire a également été développée par

Ntoumanis (2005), proposant une mesure en trois items. Bien que ces questionnaires

présentaient une consistance interne satisfaisante, leur processus de développement et de

validation n’a pas été publié, et n’a pas fait l’objet d’une traduction en langue française. Le

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Cognitive Processes Questionnaire in Physical Education (Solmon et Lee, 1997) était un

questionnaire développé pour mesurer les états cognitifs des élèves en EPS. Cette échelle, qui

n’a pas été publiée en langue française, évaluait les variables cognitives impliquées dans la

réussite, en école primaire et dans l’enseignement secondaire. Cette échelle était composée de

33 items mesurant cinq sous-échelles intitulées : « autorégulation », « confiance-efficacité », «

concentration », « volonté de s'engager » et « stratégies ». La sous-échelle «

attention-concentration » comprenait six items et évaluait le niveau de attention-concentration dans la tâche à

réaliser. À bien des égards, cette échelle était intéressante car elle mesurait la concentration de

l’élève vis-à-vis de la tâche et prenait en compte le rôle de l’enseignant. Toutefois, elle ne

mesurait pas la distraction de l’élève et ne considérait pas la distraction liée à l’enseignant. Par

conséquent, en l’absence d’outil de mesure de la concentration et de la distraction des

élèves, notre première expérimentation a eu pour objectif le développement et la

validation d’un outil de mesure auto-rapportée permettant d’évaluer l’attention de l’élève

en EPS.

Ensuite, plusieurs critiques pouvaient être adressées aux rares études portant sur les

relations entre climat motivationnel, besoins psychologiques fondamentaux, vécu émotionnel

et concentration des élèves en EPS (Maldonado et al., 2019 ; Ntoumanis, 2005 ; Standage et al.,

2005 ; Zhang et al., 2012). Ces études, exclusivement ancrées dans les principes de la TAD,

n’ont pas tenu compte des principes de la TBA. Il était donc nécessaire de poursuivre leur

réflexion, en enrichissant la conceptualisation du climat motivationnel avec les notions de buts

motivationnels (buts de maîtrise versus buts d’ego), dont l’orientation agissait différemment sur

le besoin de compétence. De plus, la conceptualisation négative du climat motivationnel (i.e.,

menaçant les besoins psychologiques fondamentaux ; Bartholomew et al., 2010), offrait de

nouvelles perspectives de recherches. La TAD a largement démontré que si les besoins

pouvaient être satisfaits, ils pouvaient également être frustrés (Sarrazin et al., 2006). Pourtant,

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les études s’intéressant aux conséquences de la frustration des besoins psychologiques

fondamentaux en EPS était encore très limitées (Escriva-Boulley, 2015) et commençaient

seulement à émerger (Cheon et al., 2016 ; García-González et al., 2019 ; Haerens et al., 2015,

2019 ; Warburton et al., 2020). Par ailleurs, la réduction des trois besoins psychologiques

fondamentaux en une variable latente unique, ne permettait pas d’examiner isolément le rôle

du besoin d’autonomie, de compétence et de proximité sociale. Enfin, à l’exception de quelques

études (e.g., Haerens et al., 2015, 2019 ; Papaioannou et al., 2004), les méthodes statistiques

utilisées (i.e., corrélations, régressions linéaires simples, modèle d’équation structurelle ;

Maldonado et al., 2019 ; Standage et al., 2005, 2005 ; Zhang et al., 2012) n’ont pas tenu compte

de la variance liée au contexte de la classe. Les analyses multiniveaux ont pourtant été

largement recommandées dans les contextes d’étude dont les résultats pouvaient dépendre du

groupe d’individus (e.g., contexte éducatif ; Bressoux, 2007). En ce qui concerne la prise en

compte des effets des émotions sur l’attention, peu d’études ont été réalisée en EPS. À titre

d’illustration, Ntoumanis (2005) ainsi que Standage et al. (2005) ont analysé les effets du climat

motivationnel sur l’affect positif, l’affect négatif et la concentration des élèves, sans prévoir

d’effet médiateur des affects sur la concentration. Cependant, de nombreux travaux ont prouvé

l’existence de relations entre émotions et attention (Eysenck et al., 2007 ; Eysenck & Wilson,

2016 ; Fredrickson, 2013 ; Vuilleumier et al., 2004). Il était donc pertinent de tester un potentiel

effet médiateur du vécu émotionnel des élèves sur leurs fonctions attentionnelles. Ainsi,

l’objectif de notre seconde expérimentation était de tester un modèle multiniveaux reliant

le climat motivationnel aux fonctions attentionnelles des élèves en EPS. Cette relation a

été testée par la médiation de la satisfaction / frustration de chaque besoin psychologique

fondamental, et des affects positif et négatif.

Toutefois, la complexité de la dynamique d’une classe pouvait potentiellement masquer

certains phénomènes psychopédagogiques (Gurgand, 2019). En outre, il a déjà été démontré

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que le climat motivationnel était multifactoriel et non bipolaire (Smith et al., 2015). Les

enseignants pouvaient, par exemple, utiliser des stratégies contrôlantes, frustrant le besoin

d’autonomie, mais malgré tout structurées, soutenant le besoin de compétence. Par conséquent,

il était alors difficile de dissocier les effets des stratégies empowering des stratégies

disempowering. De plus, l’examen des fonctions attentionnelles par mesure auto rapportée ne

fournissait des informations qu’à partir du ressenti subjectif des élèves. Ainsi, compléter nos

données écologiques, par l’intermédiaire d’une autre méthodologie, constituait une piste

d’investigation pour le moins utile et enrichissante. La réalisation d’une expérimentation en

situation de laboratoire offrait la possibilité d’explorer objectivement les fonctions

attentionnelles qui nous intéressaient, par d’autres moyens que des mesures auto rapportées

(e.g., TR à une tâche attentionnelle). La mise en œuvre d’une étude en situation de laboratoire

nous permettait aussi de contrôler le climat motivationnel auquel était soumis le participant,

favorisant la dissociation des effets d’un climat motivationnel empowering versus

disempowering. L’objectif principal de cette troisième expérimentation a été de comparer,

en situation de laboratoire, les affects positif / négatif et les fonctions attentionnelles des

participants, en fonction de leur exposition à un climat motivationnel empowering ou

disempowering.

Par ailleurs, le climat motivationnel étant un concept multifactoriel (Duda, 2013b ;

Milton et al., 2018), il était apparu nécessaire d’en tester les effets d’une facette isolée. Selon

le TARGET (Epstein, 1988 ; Maehr & Midgley, 1991), l’évaluation faisait partie intégrante du

processus d’apprentissage et du processus d’enseignement, et constituait un élément clef du

climat motivationnel (pour plus de précisions, voir le cadre théorique). D’une part, l’évaluation

formative contribuait à la construction d’un climat motivationnel empowering (Morgan, 2017).

D’autre part, l’évaluation sommative participait au soutien d’un climat motivationnel

disempowering (Gipps, 2002 ; Morgan, 2017). Parmi les études récentes en EPS, Krijgsman et

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al. (2017) ont examiné l’influence de la note sur la motivation et le ressenti de peur des élèves.

Martos-Garcia et al. (2017) ont évalué les différences de perception des élèves d’un dispositif

éducatif innovant, reposant sur une évaluation formative et par les pairs. Lentillon-Kaestner et

al. (2018) ont analysé l’impact de divers types d’évaluations sur plusieurs facteurs liés à

l’enseignement et à l’apprentissage. Bien que la littérature ait déjà recensé des effets de

l’évaluation sur le vécu émotionnel des élèves et l’apprentissage en EPS (e.g., Krijgsman et al.,

2017 ; Lentillon-Kaestner et al., 2018), les travaux à ce sujet restaient rares et méritaient d’être

étoffés. En outre, des critiques ont été formulées à l’égard de l’approche dimensionnelle des

affects qui ne permettait pas une identification des effets spécifiques d’une émotion particulière

(Lazarus, 1991b ; Mouratidis et al., 2009). Par conséquent, il était important de compléter les

mesures utilisées dans ce travail, en ciblant une émotion précise. L’anxiété a été l’une des

émotions les plus étudiées dans le contexte scolaire et sportif. Les relations que cette émotion

entretenait avec les apprentissages scolaires (Cassady, 2010), la performance sportive (Eysenck

& Wilson, 2016 ; Jones et al., 1993), ainsi que le contrôle attentionnel (Eysenck et al., 2007)

pouvaient expliquer cet intérêt. De plus, l’EPS semblait être particulièrement exposée aux

manifestations d’anxiété (e.g., perception subjective d’un danger, faire face à une situation

inconnue ou inhabituelle, comparaison sociale ; Debois, 2007 ; Endler et al., 1991 ; McDonald,

2001). Enfin, des recommandations ont été formulées pour dépasser l’analyse des états

psychologiques, afin d’investiguer les effets directs du climat motivationnel sur l’apprentissage

moteur (Sun et al., 2017). Par conséquent, une analyse des effets de l’évaluation sur l’anxiété

(plutôt que sur les affects positif et négatif), et l’apprentissage moteur (plutôt que sur les

fonctions attentionnelles) semblait nécessaire pour dépasser les objectifs généraux de ce travail.

Cette quatrième et dernière expérimentation a comparé, les effets de deux types

d’évaluation (i.e., formative versus sommative) sur l’état d’anxiété, et l’évolution de la

performance des élèves (indicatrice d’apprentissage moteur ; Kok et al., 2020).

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