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4. Expérimentations

4.2. EXPÉRIMENTATION I : Développement et validation d’une échelle de mesure auto-rapportée

4.3.3. Discussion

Cette étude a examiné les relations entre la concentration / distraction des élèves et le

climat motivationnel soutenu par l’enseignant d’EPS. Cette relation a également été analysée à

travers la médiation de chaque besoin psychologique fondamental (i.e., l’autonomie, la

compétence et la proximité sociale) puis par l’affect positif et l’affect négatif. Suite à plusieurs

problèmes de fiabilité des échelles de mesure du climat motivationnel disempowering et de la

frustration des besoins psychologiques fondamentaux, ces variables n’ont pas pu être intégrées

au modèle proposé en hypothèse. Plusieurs idées peuvent être avancées pour tenter d’expliquer

cette partie de nos résultats, qui a constitué une des limites majeures de ce travail. L’échelle du

climat motivationnel n’était pas validée. Cette échelle était issue d’un travail de thèse

(Escriva-Boulley, 2015) qui avait construit cet outil à partir d’items provenant d’autres questionnaires

.53

EMPO

SAT

AUTO

SAT

COMP

AFF

POS

CPROF

CTACHE

DPROF

DTACHE

.54

-.24

.79

AFF

NEG

.32

-.19

.70

.29

-.23

.18

.48

.12

SAT

RELA

-.22

.22

123

existants. Ces travaux ont rapporté une consistance interne satisfaisante pour la dimension

empowering (α = .86), mais la condition disempowering avait déjà présenté une faible

consistance interne (α = .51). À défaut de ne pas disposer d’échelles validées en français au

moment de la construction de ce projet de recherche, cette échelle avait été sélectionnée malgré

ses faiblesses. Ce constat est également applicable à l’échelle de frustration des besoins

psychologiques fondamentaux (Vanhove‐Meriaux et al., 2018). Bien que cette échelle ait fait

l’objet d’un processus de validation abouti et publié, celle-ci n’a été ni développée, ni validée

pour des élèves en EPS, mais pour des personnes âgées. Les légères adaptations apportées aux

items n’ont pas permis de rendre cet outil plus adapté à la population et au contexte de cette

étude. En somme, la première explication faite de cette limite de nos résultats réside en la

non-validité des outils utilisés, suggérant que les items ont été potentiellement mal compris. Outre

le manque de validité des outils utilisés, il est également possible que les élèves n’aient pas

souhaité indiquer qu’ils avaient perçus des comportements relatifs à un climat disempowering.

Ces mesures sont effectivement sujettes à différents biais méthodologiques, telle que la

désirabilité social (Van de Mortel, 2008). Ces résultats ont donc questionné la possibilité

d’analyser le versant négatif des principes de la TAD et de la TBA, en EPS, par mesures

auto-rapportées. Il serait intéressant de procéder, à l’avenir, par observation (Smith et al., 2015), ou

de tester ces variables dans des conditions plus expérimentales (Sarrazin et al., 2016). Toutefois,

ces résultats nous ont invité à considérer l’idée que ces comportements disempowering, ou ces

ressentis de frustration des besoins psychologiques fondamentaux, n’aient réellement pas été

perçus. En effet, de précédentes études ont indiqué que de tels comportements sont finalement

rarement observés (Van den Berghe et al., 2013). C’est pourquoi, la piste des comportements

neutres a été récemment explorée, insistant à nouveau sur le fait que si les besoins

psychologiques fondamentaux n’étaient pas satisfaits, ils n’étaient pas nécessairement frustrés

et inversement. Uniquement testée avec des coachs sportifs, cette idée a révélé une troisième

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dimension du climat motivationnel : neutre et impersonnelle. Ses implications divergeraient

d’un climat disempowering et d’un climat empowering (Bhavsar et al., 2019).

Bien qu’il soit regrettable de ne pas avoir pu tester cet aspect des postulats de la TAD et

de la TBA, les hypothèses suggérées dans le modèle révisé ont pu être vérifiées et partiellement

soutenues. L’analyse MSEM a rapporté une relation modérée et positive entre l’affect positif et

la concentration dans la tâche, et négative avec la distraction vis-à-vis de la tâche. Ces résultats

concordaient avec de précédentes études qui ont démontré que l’affect positif (i.e., l’excitation

et la joie) améliorait les capacités de concentration en contexte sportif (Vast et al., 2010). Ces

relations permettaient également d’alimenter la discussion qu’ont initié Pekrun et al. (2002). Ils

ont notamment avancé que certaines émotions positives pouvaient renforcer la distraction

vis-à-vis de la tâche, en provoquant une focalisation sur soi-même ou sur les autres. Cependant,

d’autres émotions positives permettaient justement de mieux résister aux distractions. Il serait

donc nécessaire que de futures recherches investiguent les effets d’émotions spécifiques sur la

concentration et la distraction des élèves. En ce qui concerne l’affect négatif, une faible relation

a été observée avec la distraction à cause de l’enseignant. Bien que notre approche des émotions

dans la présente étude était bidimensionnelle (Watson et al., 1988 ; Yik et al., 1999), et non

catégorielle (i.e., en distinguant des émotions spécifiques), plusieurs explications pouvaient être

suggérées, par l’intermédiaire des effets de l’anxiété. La théorie du contrôle attentionnel

(Eysenck et al., 2007) a notamment montré que des stimuli menaçants pouvaient générer de

l’anxiété, dirigeant le focus attentionnel vers l’événement non pertinent ou menaçant. Dans la

présente étude, notre modèle a suggéré que l’enseignant d’EPS pouvait avoir été un facteur

d’anxiété, expliquant pourquoi l’affect négatif favorisait la distraction à cause de l’enseignant.

En ce qui concerne la relation entre la satisfaction de chaque besoin psychologique et

les affects, la satisfaction du besoin de compétence était positivement liée à l’affect positif et

négativement liée à l’affect négatif. Ces résultats sont conformes à des études antérieures dans

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le contexte éducatif, qui ont montré que la compétence perçue favorisait l’affect positif et

diminuait l’affect négatif (Mouratidis et al., 2008, 2013). De plus, le fait que seul le besoin de

compétence ait été en relation avec les affects et la concentration / distraction, rejoignait de

précédents travaux qui ont démontré la prévalence du besoin de compétence en milieu éducatif.

Ce résultat rejoignait également la TBA (Ames, 1992 ; Nicholls, 1984) qui a placé le sentiment

de compétence au centre du processus de régulation des buts motivationnels et des

comportements d’approche / évitement. La théorie du sentiment d’efficacité personnelle (e.g.,

Bandura, 1997) a également considéré le sentiment de compétence comme un déterminant

majeur de la réussite scolaire. Enfin, la théorie contrôle-valeur (Pekrun, 2006) a également

souligné que le besoin de compétence jouait un rôle important dans le vécu émotionnel des

élèves. Cependant, il convenait de préciser que si, dans la présente étude, la satisfaction du

besoin d’autonomie était négativement liée à la concentration grâce à l’enseignant, cette relation

était présentée comme positive dans la matrice de corrélations. Ce résultat contradictoire

pouvait être la conséquence d’un artefact statistique. En effet, le climat motivationnel

empowering prédisait fortement la concentration grâce à l’enseignant, et assumait peut-être une

part trop importante de la variance partagée (Adie et al., 2012). Par ailleurs, la satisfaction du

besoin de proximité sociale n’était liée qu’au climat motivationnel empowering dans l’analyse

MSEM, alors que d’autres relations significatives étaient présentes dans la matrice de

corrélations. Ce résultat était similaire à d’autres études qui ont déjà constaté que l’association

du besoin de proximité sociale à d’autres variables dépendantes pouvait disparaître lorsque les

besoins de compétence et d’autonomie étaient inclus dans le même modèle (Gunnell et al., 2011

; McDonough & Crocker, 2007 ; Wilson et al., 2006). Par exemple, il a été démontré, dans le

domaine de l’activité physique pour la santé et dans le domaine de l’EPS, que le besoin de

compétence avait un poids plus important que les deux autres besoins psychologiques

fondamentaux dans la prédiction d’une motivation autodéterminée (Dupont et al., 2009 ;

126

Ntoumanis, 2001 ; Teixeira et al., 2012). En EPS, cette prévalence pouvait se justifier par le fait

que l’élève était fréquemment amené à exposer ses compétences physiques (Standage et al.,

2006).

Conformément à d’autres travaux (e.g., García et al., 2019 ; Van den Berghe et al.,

2014), des relations faibles à modérées reliaient le climat motivationnel empowering à la

satisfaction de chaque besoin psychologique. Compte tenu des effets liant climat motivationnel

empowering et distraction à cause de l’enseignant par la médiation du besoin de compétence et

de l’affect négatif, ces résultats ont confirmé que les comportements de l’enseignant pouvaient

favoriser la distraction des élèves. Cet effet du comportement de l’enseignant sur la distraction

des élèves serait lié aux effets observés du climat motivationnel empowering sur la satisfaction

du besoin de compétence. Plus le climat motivationnel était empowering, plus le sentiment de

compétence augmentait, réduisant l’affect négatif des élèves. In fine, moins d’affect négatif,

provoquait moins de distraction. De plus, le climat motivationnel empowering était également

relié à l’affect positif. Ce résultat était cohérent avec de précédents travaux indiquant, par

exemple, que les feedbacks autoréférencés favorisaient l’espoir et la fierté des élèves. À

l’inverse, les feedbacks orientés sur l’ego renforçaient les émotions négatives (Pekrun et al.,

2014). En EPS, il a également été démontré que le climat motivationnel était relié à l’affect

positif, par la médiation de la satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux et de la

motivation intrinsèque (Standage et al., 2005)

Enfin, le climat motivationnel empowering était fortement lié à la concentration grâce à

l’enseignant et faiblement à la concentration dans la tâche. Ces relations rejoignaient les

propositions de Moran (2016) qui a énuméré de nombreuses techniques de concentration, telle

que la fixation d’objectifs. Cette fixation d’objectifs fait référence au processus par lequel les

individus se fixent un but à atteindre afin d’améliorer leurs performances et augmenter leur

niveau de réussite (Moran, 2016). Cette technique pouvait être associée aux stratégies

127

pédagogiques de l’enseignant d’EPS soutenant un climat motivationnel empowering. Par

définition, l’enseignant soutenant un climat motivationnel empowering, donne à ses élèves des

objectifs clairs et adaptés (Duda, 2013b). Par conséquent, il était probable que ce type d’objectif

ait permis aux élèves de mieux se concentrer et de persévérer (Burton, 1992). Enfin, cette

relation entre climat motivationnel et concentration / distraction, était également médiée par la

satisfaction du besoin de compétence, et l’affect positif / négatif des élèves. D’une certaine

manière, ces résultats s’inscrivaient dans la continuité de précédents travaux (Maldonado et al.,

2019 ; Ntoumanis, 2005 ; Standage et al., 2005). Ces travaux ont, notamment, montré qu’un

climat motivationnel empowering était lié à la satisfaction des besoins psychologiques

fondamentaux. Et que cette satisfaction des besoins psychologiques fondamentaux était liée à

une motivation plus autodéterminée, favorisant la concentration.

4.3.4. Limites et recherches futures

Plusieurs limites nécessitaient d’être soulignées. Tout d’abord, l’analyse MSEM a

uniquement été testée avec des lycéens durant un cours d’EPS. Ces résultats ne pouvaient donc

ni être généralisés à d’autres contextes (e.g., les mathématiques ou une pratique sportive

extra-scolaire), ni à d’autres publics (e.g., des collégiens ou des élèves d’école primaire). De plus, les

mesures utilisées étaient toutes auto rapportées, souffrant inévitablement de divers biais (e.g.,

mémoire, désirabilité sociale, véracité des réponses ; Brenner & DeLamater, 2014). Par ailleurs,

la présente étude ne s’est finalement intéressée qu’au versant positif de la TAD et de la TBA,

sans tenir compte de son versant négatif (i.e., climat motivationnel disempowering frustrant les

besoins psychologiques fondamentaux ; Bartholomew et al., 2010 ; Duda, 2013), De plus, la

conceptualisation du climat motivationnel en contexte sportif a, dernièrement, fait l’objet d’une

conceptualisation tridimensionnelle : soutenant des besoins psychologiques, indifférents et

menaçant des besoins psychologiques (Bhavsar et al., 2019). À cet égard, une échelle

psychométrique permettant de mieux discriminer les comportements des entraîneurs sportifs a

128

été créée (Bhavsar et al., 2019). Les recherches futures devraient tenir compte de cette nouvelle

conceptualisation car elle semble mieux refléter les perceptions des élèves en EPS. En outre,

les relations spécifiées dans l’analyse MSEM et leur caractéristique unidirectionnelle étaient

hypothétiques puisque l’ensemble des mesures ont été réalisée en même temps. Les futures

recherches devront envisager une méthodologie longitudinale afin d’établir une réelle relation

de causalité entre le climat motivationnel et d’autres variables liées aux élèves (Cheon et al.,

2016). Enfin, nous n’avons pas inclus de variables explicatives au deuxième niveau (i.e.,

between-level). À l’instar de Haerens et al. (2019), les futures recherches devraient intégrer à

l’analyse MSEM des variables qui permettent d’expliquer la variance de niveau 2, afin d’étoffer

la compréhension des relations entre climat motivationnel, états émotionnels et attentionnels en

EPS.

4.3.5. Conclusion

La présente étude a apporté de nouvelles preuves soutenant les principes théoriques de

la TAD et de la TBA en EPS. Il a notamment été démontré que plus l’enseignant était perçu

comme empowering, plus les élèves s’étaient sentis concentrés et moins distraits. Cette

meilleure concentration et cette distraction réduite étaient également dues à une meilleure

satisfaction de leur besoin de compétence, augmentant l’affect positif et diminuant l’affect

négatif. Ainsi, plusieurs implications pratiques pouvaient être retenues. Le développement de

l’attention des élèves à travers un climat motivationnel empowering et un meilleur vécu

émotionnel semblait être une piste prometteuse pour améliorer leur attention. Cependant, très

peu d’études se sont, à notre connaissance, penchées sur les effets du climat motivationnel

disempowering et à la frustration des besoins psychologiques fondamentaux (Cheon et al., 2016

; Haerens et al., 2015 ; Warburton et al., 2020). Dans la présente étude, ces questions sont

finalement restées en suspens. Dans la perspective d’une compréhension plus fine de ces

relations, la mise en œuvre d’une étude expérimentale nous semblait nécessaire. Cette troisième

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expérimentation répondait notamment à plusieurs recommandations, invitant à ce que les

questions de recherche en éducation, soit investiguées à la fois en situation appliquée au

contexte scolaire, et à la fois en situation de laboratoire (Gurgand, 2019 ; Sarrazin et al., 2016).

4.4. EXPÉRIMENTATION III : Effet du climat motivationnel sur le vécu