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2. Cadre théorique

2.2. Les émotions des élèves

2.2.2. Classification des émotions

La discrimination des émotions, ainsi que leur classification ou catégorisation ont

également fait l’objet de nombreuses études. La littérature recense deux principales méthodes

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de catégorisation des émotions, au sein desquelles des divergences continuent d’exister : la

conception catégorielle et la conception dimensionnelle.

2.2.2.1. Conception catégorielle des émotions

Les chercheurs se sont accordés à considérer le processus émotionnel comme un

processus multidimensionnel composé de différentes émotions, nommées les émotions de base

ou encore les émotions primaires. Beaucoup d’auteurs ont suggéré une classification qui leur

était propre, priorisant certaines caractéristiques à d’autres (e.g., les expressions faciales, les

tendances à l’action etc ; tableau 1). Les modèles évolutionnistes ont considéré les émotions à

un niveau primaire et à un niveau secondaire, dont le caractère adaptatif contribuait à la survie

de l’espèce. Parmi ces modèles, les travaux de Ekman (1982) ont été fréquemment cités, en

listant six classes d’émotions de base (i.e., la colère, la peur, le dégoût, la surprise, la joie et la

tristesse), identifiées à partir d’expressions faciales.

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Tableau 1. Liste non-exhaustive de différentes classifications d’émotions basiques

Auteurs Emotions basiques Théories Motifs

d’inclusion

Ekman (1982) Colère (anger), dégoût

(disgust), peur (fear), joie

(joy), tristesse (sadness),

surprise (surprise)

Evolutionniste Expressions

faciales

universelles

Izard (1992) Colère (anger), mépris

(contempt), dégoût

(disgust), détresse (distress),

peur (fear), culpabilité

(guilt), curiosité (interest),

joie (joy), honte (shame),

surprise (surprise)

Neurophysiologique Dispositions

innées

Panksepp (1982) Espérance (expectancy),

peur (fear), fureur (rage),

panique (panic)

Neurophysiologique Dispositions

innées

Plutchik (1980) Résignation (acceptance),

colère (anger), anticipation

(anticipation), dégoût

(disgust), joie (joy), peur

(fear), honte (shame),

surprise (surprise)

Evolutionniste Relation aux

processus

biologiques

adaptatifs

Tomkins (1984) Colère (anger), curiosité

(interest), mépris

(contempt), dégoût

(disgust), détresse (distress),

peur (fear), joie (joy), honte

(shame), surprise (surprise)

Neurophysiologique Densité de la

réponse

neurale

Note. Issue de la thèse de Gendre (2015), inspiré des travaux de Kemper (1987) et Ortony et Turner (1990).

La roue de Plutchik figure parmi l’une des classifications les plus utilisées. Celle-ci a

identifié huit émotions primaires à partir desquelles des émotions secondaires et tertiaires

pouvaient être ressenties (figure 2 ; Plutchik, 1980). La disposition de chaque émotion a été

faite en fonction de son intensité. Les émotions les plus intenses, considérées comme primaires

(e.g., chagrin), ont été placées au centre de la roue. Les émotions les moins intenses ont été

placées à l’extrémité de la roue (e.g., songerie). Les autres théories cognitivistes ont suggéré

des classifications différentes. Par exemple, la théorie de Fridja (1986) a identifié autant

d’émotions que de tendances à l’action. Chacune de ces tendances à l’action a été associée à

une émotion spécifique, et constituait la résultante d’une évaluation cognitive de la situation.

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Le modèle d’évaluation cognitive de Roseman (1996) a identifié treize émotions à partir de cinq

critères d’évaluation distincts liés à l’événement (i.e., la causalité, la probabilité, le contrôle, la

valence, la tendance à l’action). Le concept d’émotions de base présente plusieurs avantages,

tels que la possibilité de les dénombrer et de leur attribuer des propriétés biologiques et

fonctionnelles spécifiques (Piolat et al., 2008).

Figure 2. La roue de Plutchik

Note. Extrait des travaux de thèse doctorale de Morgado Ferreira (2014), à partir de Plutchik, (1980)

Cependant, certaines émotions ne sont pas aisées à catégoriser, tant leur nature est

complexe. C’est le cas de l’anxiété. Tout d’abord, l’anxiété est considérée comme une qualité

d’humeur à tonalité négative se caractérisant par la perception d’un danger mal défini, une

attente dans un état de tension de ce danger, et un sentiment de désorganisation (Ey, 1950).

L’humeur anxieuse intervient lorsqu’une situation stressante est sur le point de se produire et

que celle-ci comporte un danger potentiel, mais qui reste à ce stade non identifiable. De ce point

de vue, l’anxiété est tellement complexe que 21 facteurs d’humeurs sont nécessaires pour la

définir (Bolmont & Abraini, 2001). En ce sens, l’anxiété peut être considérée comme une

représentation générique d’affects à tonalité négative. L’anxiété peut également faire référence

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à un trait de personnalité (i.e., trait d’anxiété) reflétant la manière dont l’individu se sent

habituellement, ainsi que ses dispositions à développer son état d’anxiété (Spielberger, 1983).

L’état d’anxiété est un concept plus situationnel et désigne le ressenti du participant, à l’instant

présent, en réponse à d’éventuelles menaces actuelles ou non actuelles (Spielberger, 1983).

Dans la perspective d’un épisode émotionnel bref, l’état d’anxiété apparaît comme une réponse

émotionnelle particulière, résultat d’une combinaison d’émotions primaires telles que la peur,

la détresse, la honte, la colère et des émotions positives actives (Izard, 1991). Cette émotion

complexe se manifeste par le biais de modifications cognitives (i.e., tension, appréhension) et

somatiques (i.e., activation du système nerveux autonome ; Spielberger, 1972). Ainsi, l’état

d’anxiété peut prendre la forme d’une émotion ou d’une humeur selon son intensité et sa durée,

et à ce titre être considérée comme un état affectif dynamique (Bolmont, 2010). Sa

catégorisation dans les classifications catégorielles est par conséquent délicate. D’autres

paradigmes ont été envisagés afin de pouvoir positionner des émotions complexes telles que

l’anxiété. À l’instar de Barrett (2006), il est en effet réfutable que des bases neurales soient

exclusivement dédiées à des émotions de base spécifique. Dans cette logique, d’autres

chercheurs ont proposé une catégorisation plus pragmatique des émotions (Yik et al., 1999).

2.2.2.2. Conception dimensionnelle des émotions

L’approche dimensionnelle des états affectifs a permis de regrouper les émotions à partir

de deux caractéristiques pour lesquelles la littérature scientifique s’est avérée assez

consensuelle : la valence et l’activation (figure 3). Dans cette approche plus macroscopique, la

valence désigne les ressentis de plaisir ou déplaisir, d’agrément ou de désagrément, d’affect

positif ou négatif. La valence est un critère de base utilisé par le cerveau pour traiter tout type

de stimulations aussi bien externes (e.g., des objets, des événements), qu’internes (e.g., des

éventualités, des possibilités ; Elliot, 2006). L’activation entendue ici comme l’activation

physiologique associée à cette émotion et reflète le niveau de perception subjective d’activation

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/ excitation de la réaction émotionnelle (Sander & Scherer, 2009). En somme, la dimension

affective positive fait référence aux vécus émotionnels agréables. Un affect positif actif reflète

par exemple du plaisir, tandis qu'un affect positif inactif renvoie plutôt à de la sérénité (Watson

et al., 1988 ; Webb & Forrester, 2015). Inversement, la dimension négative fait référence aux

vécus émotionnels désagréables. Un affect négatif actif peut être de la peur, tandis qu’un affect

négatif inactif peut faire référence à de l'ennui (Russell, 1980). Cette approche qui s’est

concrétisée dans la théorie biphasique des émotions (Russell, 1980 ; Yik et al., 1999) présentait

l’intérêt de regrouper les émotions sans passer par une identification spécifique de chacune

d’entre elles. En revanche, l’approche dimensionnelle perdait en information puisqu’elle ne

permettait pas de discriminer des émotions présentant des caractéristiques de valence et

d’activation similaires(Ekman, 1984, 1989 ; Izard, 1971). Par exemple, l’anxiété et la colère

sont des émotions caractérisées par une valence et une intensité similaires mais sont très

différentes au regard de leur tendance à l’action, de leur perception subjective ou encore de leur

expression (Lazarus, 2000 ; Martinent & Ferrand, 2015). Bien que cette modélisation

biphasique ne fasse pas l’unanimité, l’omniprésence de ces deux dimensions dans la littérature

a permis d’affirmer qu’un consensus s’était établi (Watson & Tellegen, 1985).

Figure 3. Représentation circulaire de l’espace affectif bidimensionnel

Note. Adapté de Yik et al. (1999)

Forte activation

Forte activation

Plaisant

Forte activation

Déplaisant

Plaisant

Déplaisant

Faible activation

Faible activation

Plaisant

Faible activation

Déplaisant

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Les recherches portant sur une proposition de classification théorique des émotions se

sont appuyées sur diverses méthodologies pour les identifier. Si certaines se sont appuyées sur

les expressions faciales pour les énumérer (e.g., Ekman, 1982), d’autres ont également

considérées leurs modifications neurophysiologiques (Izard, 2007). Cette divergence

s’explique par le fait que l’expression émotionnelle s’opère de différentes manières.

L’identification des différentes composantes d’une émotion ont ainsi permis de nous renseigner

sur leur fonctionnement et ont ouvert la voie à de multiples techniques de mesure.