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Remédier aux défaillances de marché et hors marché

Section 1. Remise en cause du rôle traditionnel de l’État

1.1. Remédier aux défaillances de marché et hors marché

Certaines théories de l’économie publique admettent un certain degré d’intervention. Ceci correspond au courant théorique de la réglementation89.

Dans certains cas il n'est pas possible d'atteindre une situation d'équilibre parétien. Une première catégorie de ce type de phénomène peut être liée à l'absence de marché pour un bien ou un service donné. La puissance publique va chercher alors à suppléer aux défaillances de marché : le bien collectif90, les externalités91 et le cas du monopole naturel (Greffe, 1994, pp. 137-141). A la suite de Paul Samuelson, certains économistes retiennent donc trois formes principales de carences de marché :

* Les biens collectifs92 ne possèdent pas les mêmes qualités marchandes que les autres biens. Un bien collectif est défini comme celui dont la consommation réunit deux conditions : l'indivisibilité ou la non-rivalité et la non-exclusion.

L'indivisibilité signifie que la consommation par un agent du bien collectif ne diminue pas la quantité disponible pour les autres. La non-exclusion d'un consommateur ne peut être faite, y compris moyennant le paiement d'un prix. Ces deux qualités permettent d'analyser un ensemble de biens intermédiaires ou mixtes qui constituent des situations de droit commun. Les infrastructures de transport possèdent pour partie ces deux propriétés. Ainsi, tant qu’il n’y pas de saturation, on peut accroître le nombre d’utilisateurs d’une route ou d’un pont sans gêne pour les autres utilisateurs. S’il n’y a pas de système de péage, il est impossible d’exclure des utilisateurs potentiels. Néanmoins, comme la non-rivalité ne vaut qu’en l’absence de phénomènes de

89 Ces trois causes de défaillances de marché introduisent la non coïncidence entre l’équilibre et

l’optimum. C’est ici que réside la justification de l’intervention de l’État par la réglementation.

90 Ici on adoptera la dénomination de bien collectif pour éviter toute ambiguïté avec le bien public. 91 Une externalité existe lorsqu'une personne par son activité influence le bien-être d'une autre personne

sans que cette dernière reçoive ou paie une compensation pour cet effet. On parle d’externalité lorsque les décisions de consommer ou de produire d’un agent affectent directement la satisfaction ou le profit d’autres agents, de manière positive ou négative, sans que le marché évalue et fasse payer ou rétribue l’agent pour cette interaction. Une externalité engendre donc une divergence entre coûts privés et coûts sociaux.

92 Le concept de bien collectif ou public a été formulé pour la première fois dans l’article de Paul A.

Samuelson (1954). Pour une présentation plus précise nous pouvons nous référer à Joseph Stiglitz (2002), car la définition du bien collectif a beaucoup évolué et s’est adaptée au temps historique et au cadre socio- politique considéré.

congestion et que la non-exclusion est un choix politique, les infrastructures de transport s’apparentent à des biens mixtes plutôt qu’à des biens collectifs purs93.

Dans la réalité, les biens collectifs purs (Défense nationale, éclairage des rues) qui ont en outre les propriétés d'obligation d'usage et d'absence d'effets d'encombrement (ou de congestion) sont rares. Un bien collectif peut donc revêtir les caractéristiques d'un bien privé et d'un bien public. Une typologie plus large des biens est indispensable afin d'analyser les modes d'intervention de l'État. Il existe donc des biens collectifs dits impurs.

Les partenariats public-privé qui permettent de fournir des SIG s’inscrivent dans cette typologie élargie du bien privé et public, car ils concernent aussi bien des biens et des services purs ou impurs. Les partenariats public-privé couvrent des secteurs très différents allant de l’eau à la gestion d'établissements hospitaliers. De fait, l'intervention publique sera justifiée par la nature collective du bien offert. Le marché serait inefficace pour offrir ce type de bien ou service du fait du non-respect des principes de non- exclusion et de non-rivalité. Dans le cas d’un bien non-exclusif et rival, on retrouve l’eau comme secteur par exemple. Ici on se rend compte que ce secteur manque cruellement de moyens et en général est contraint par des quotas, normes, rationnement, gestion, concession… Si le bien est exclusif et non-rival, par exemple la télévision cryptée, la fourniture de ce bien peut être privée.

Selon les pays considérés, l'existence d'un cadre juridique et institutionnel ou de la fourniture publique permet de protéger les usagers de l'exclusion par exemple. Les conditions d’existence d'un bien collectif s'apprécient par rapport à un marché, mais aussi par rapport à un contexte sociologique et institutionnel donné.

*Les externalités

Les externalités sont la variation d'utilité d'un agent due à l'action ou à l'abstention d'un autre agent, non validés par le marché. Ceci est par définition le cas lorsque l'action de l'autre agent ne donne pas lieu à compensation. Les externalités peuvent être positives ou négatives et ne sont pas évaluées sur le marché. Elles peuvent faire diverger les intérêts privés et collectifs. L’intervention publique vise à internaliser ces effets. Cette politique d’internalisation peut prendre plusieurs formes :

• la taxation ou sanction financière ;

• la subvention à la réduction d’effets externes ;

• une réglementation établissant les règles de cette redistribution du surplus (positif ou négatif) entre l’agent qui est à l’origine de l’externalité et la collectivité qui la subit.

L’intervention étatique s’inscrit dans une dynamique de mutualisation des externalités positives et de limitation des externalités négatives. Internaliser une externalité demande de modifier les incitations de telle manière que les individus prennent en compte les effets externes de leurs actions. Le gouvernement peut internaliser une externalité négative en imposant une taxe sur les producteurs de manière à diminuer la quantité d’équilibre au niveau socialement désirable. Des taxes dites de Pigou sont des taxes servant à corriger les effets d’une externalité négative. La solution pigouvienne passe par une taxe prélevée par l’Etat sur chaque unité de pollution émise sur l’entreprise polluante. Selon Arthur Cecil Pigou, il convient d’associer quelques degrés de surveillance sur les personnes au profit desquelles les transferts sont réalisés (Pigou, 1924, p. 712). Cependant cela suppose que le régulateur soit omniscient et que l’information soit parfaite et symétrique. D’autres alternatives peuvent être envisagées comme les subsides.

*Le monopole naturel se caractérise par l’existence d’activités à rendements croissants. Une entreprise peut produire à des coûts plus bas que plusieurs entreprises qui coexistent sur le marché. Si ce type de monopole est souhaitable, encore convient-il qu'il ne tire pas profit de cette situation pour exploiter les consommateurs ou les usagers, d'où de nombreuses critiques en faveur de la réglementation de ces marchés en monopole naturel. Dans cette situation, le monopole est plus efficace que la concurrence, s’il n’y a pas d’abus de position dominante (prix, qualité dégradée par exemple). La délimitation du monopole naturel est complexe. William J. Baumol, John C. Panzar et Robert D. Willig (1983) montrent que la présence de rendements d’échelle croissants est une condition suffisante mais non nécessaire à l’existence du monopole naturel. Une entreprise en monopole peut être incitée à une gestion efficace, c’est-à-dire conduite à pratiquer une tarification au coût moyen éliminant sa rente de monopole.

Cependant, les coûts sociaux qui sont les coûts reportés sur les agents peuvent être mal évalués et perçus différemment selon les agents économiques. L’importance d’appréhender l’État comme l’émanation de la majorité du peuple et les rapports de force existants nous impose la prise en compte de la contradiction entre l’intérêt privé, individuel et l’intérêt général. De plus, dans le calcul et l’évaluation des partenariats

public-privé, la prise en compte des coûts sociaux est difficile et souvent soumise à controverses.