• Aucun résultat trouvé

L’exemple du Private Finance Initiative

Section 1 : Les Partenariats Public-Privé

1.3. L’exemple du Private Finance Initiative

Le Private Finance Initiative(PFI) est souvent présenté par le gouvernement britannique comme le modèle de référence influençant de nombreux pays. Avant d’être un montage contractuel et financier, le PFI est un programme du gouvernement britannique. Lancé par le Chancelier de l’Echiquier Norman Lamont, en 1992, il vise à augmenter la capacité de financement des collectivités publiques, par l’étalement du

paiement de l’investissement, à améliorer la qualité des services publics, et à diminuer les dépenses publiques.

a. Définition

Dans ce type de contrat, le partenaire privé est appelé à réaliser et gérer une infrastructure pour l'administration publique. Le montage de type PFI (Private Finance Initiative)47 se définit comme “Design, finance, build and manage”48 selon le HM

Treasury49. Dans ce modèle, la rémunération du partenaire privé prend la forme, non de redevances versées par les usagers de l'ouvrage ou du service, mais de paiements réguliers reçus du partenaire public. Le PFI est donc une forme de financement de projet avec paiement par la collectivité publique. Ces paiements peuvent être fixes ou calculés de façon variable, en fonction, par exemple, de la disponibilité de l'ouvrage ou des services y afférents, ou même de la fréquentation de l'ouvrage50. Il s’agit par exemple des autoroutes avec péage fictif (« Shadow Toll »). Le péage fictif est utilisé quand la fréquentation est insuffisante et qu’il ne peut constituer la source de revenus de l’exploitant. Alors, on établit un complément aux recettes versé par le partenaire public.

Le principe du recours à un PFI repose sur la notion de Value for Money. Avant d’entreprendre un projet les collectivités locales doivent établir la supériorité de l’utilisation du Private Finance Intiative par rapport à celle des fonds publics avec une allocation optimale des risques.

En 2000, le Gouvernement britannique a publié “les Partenariats Public-Privé– l'Approche du Gouvernement”51 qui a défini les partenariats public-privé en distinguant trois catégories. Dans ce rapport apparaît clairement le caractère particulier du PFI par rapport au PPP, et qui à notre sens revêt une attention particulière dans les choix stratégiques publics de long terme. La PFI est une forme particulière de PPP dont la spécificité repose donc sur la nature de la transaction (HM Treasury, 2003, p. 7) et non pas sur la forme contractuelle. Le Private Finance Initiative est d’une certaine manière un équipement à péage pour l’État ou la collectivité, car il n’y pas de transfert de propriété à la fin du contrat. Le partenariat public-privé, lui, peut être aussi une possession de structure. Cette distinction essentielle d’un point de vue financier,

47 Le PFI a, par exemple, inspiré le développement du « Betreibermodell » en Allemagne. 48 Le PFI va de la conception, le financement, la construction et à la gestion du service. 49 HM Treasury est le Ministère des Finances britannique.

50http://www.audit-commission.gov.uk/subject.asp?CatID=ENGLISH^LG^SUBJECT^LG-EDU,

consultation juin 2005.

implique aussi la mise en œuvre d’outils d’évaluation et de régulation spécifiques. En effet, dans le cas du Private Finance Initiative, l’État assimile le paiement à des charges de gestion courante qui ne pèsent pas par conséquent sur son endettement ni sur sa capacité future à s’endetter de nouveau. Les décisions d’investir sur le long terme vont peser sur le budget de fonctionnement des collectivités locales avec une estimation du coût ex ante sur une longue durée. Le risque est de voir augmenter les charges du fait de réajustements contractuels sans pouvoir les maîtriser et les anticiper, ou de voir se multiplier le recours au PFI sans pouvoir anticiper les augmentations.

Dans le schéma traditionnel, le gouvernement définit les inputs et détient les droits de contrôle au-delà du service. Dans le Private Finance Initiative, le gouvernement spécifie l’output, un standard de services de base et l’entreprise a le droit de contrôle sur la façon de délivrer le service. Ceci inclut des concessions et des franchises, où un partenaire de secteur privé prend la responsabilité de fournir un service public, y compris de maintenir, d’améliorer ou de construire l'infrastructure nécessaire. Au final, l'État paie des loyers. Cela le dispense d'un préfinancement des travaux et surtout lui ouvre la possibilité de ventiler son investissement total au sens comptable du terme en le considérant comme une charge. L'État est assuré de la bonne conduite des travaux par l'indexation des loyers sur le respect du cahier des charges et, à défaut, par l'imposition de pénalités au constructeur.

L’analyse sectorielle permet de mettre en lumière l’universalité de ce type de contrat et de son développement par l’existence d’un cadre juridique défini et d’une standardisation poussée des dispositions contractuelles.

b. Une analyse sectorielle des Private Finance Initiative en Grande-Bretagne

L’analyse sectorielle en Grande-Bretagne en 2009 montre une répartition concentrée sur les transports. Par rapport aux autres départements ou ministères, le nombre de projets est plus restreint mais les engagements sont bien plus élevés dans le transport. En 2003, la plus grande opération, au niveau mondial a été réalisée pour le métro de Londres avec un montant de 3,9 milliards d'euros. Le nombre de secteurs concernés par les Private Finance Initiative est très large : du fonctionnement des ministères et de l’administration centrale à la santé et aux transports en commun…. En nombre les Private Finance Initiative en Grande-Bretagne sont les plus représentés dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de la défense.

TABLEAU 15 :LES INVESTISSEMENTS DE PRIVATE FINANCE INITIATIVE PAR MINISTERES ET DEPARTEMENTS EN COMPARAISON AUX INVESTISSEMENTS TOTAUX DE CES MEMES

ENTITES. Départements nombre de projets en millions de Livre Sterling Montant moyen des projets

L’éducation (la famille, L'école et l'enfance) 140 6133 43,81

Les autorités locales et communes 77 2367 30,74

L'environnement, l'alimentation et les affaires rurales 22 2867 130,32

Les transports 50 11763 235,26

La santé 114 11367 100

La défense 50 8805 176,1

La justice 25 697 27,88

Source: HM Treasury, 2010, Les PFI comptabilisés le sont à la date de clôture du budget 2009.

c. L’environnement juridique et la standardisation des dispositions contractuelles L’environnement juridique en Grande-Bretagne

Le cadre juridique anglo-saxon est celui de la Common Law. Ce type de droit n’admet pas de distinction entre les personnes privées et les personnes publiques. Le système juridique est fondé sur deux principes : la liberté de contracter et l’inviolabilité des contrats. Par conséquent, la liberté totale de contracter implique des contrats différents et négociés. Comme ils sont inviolables, ils doivent prévoir à travers leurs clauses toutes les circonstances pouvant altérer l’exécution du contrat. En 1996, pour encourager la mise en place des Private Finance Initiative, les autorités centrales ont mis en place des mesures incitatives, sous forme de subventions accordées aux autorités locales. De profondes mutations juridiques et institutionnelles permettent aux autorités locales de contracter librement tout en étant très encadrées et en bénéficiant d’une standardisation et de l’aide de nombreux organes d’accompagnement. Cependant, toute modification même mineure implique une étude et un chiffrage des coûts qui sont onéreux. C’est une des limites de ce modèle. Le partenaire public est donc captif et ne peut faire appel à un autre partenaire pour procéder au changement.

La première version du contrat Private Finance Initiative en était une version de test, dans laquelle n’étaient pas prévus par exemple les changements, les nouvelles réglementations, les indemnités, les assurances, les fins de contrats… La version de 2004 parachève et borne les cas possibles de changement des co-contractants, les fautes, les conflits et leur résolution, les refinancements possibles et donc tous les changements de nature de la relation contractuelle… De plus elle adapte ce guide des contrats de Private Finance Initiative à différents secteurs. La mise en œuvre du contrat et sa constitution devient plus facile et plus homogène.

Cette volonté de standardiser répond à des objectifs de réduction des risques contractuels, des temps de négociations (HM Treasury, 2004, p. 4) et selon le rapport « Standardisation of PFI Contracts » d’une bonne connaissance mutuelle des risques. Cela implique une réduction a priori des asymétries d’informations entre le principal et l’agent (Williamson, 1994). Selon la théorie des coûts de transaction, il s’agit d’une gouvernance bilatérale, avec un contrat standardisé mais dont le contenu permet une adaptation précise en fonction du secteur et des aléas. Cette standardisation permet de choisir la structure de financement la plus appropriée.

La procédure de conduite d’un PFI

La création de l’OGC (Office of Government Commerce) en 2000 a permis de réaliser des économies dans les marchés de fournitures d’équipements publics, et de favoriser la mise en place de projets Private Finance Initiative avec la « PFI Unit ». Le PUK (Partnership UK), dont les capitaux sont à la fois publics et privés, a pour objectif d’élaborer les contrats de partenariats public-privé clés en main.

L’OGC regroupe toutes les institutions : le Buying Agency (TBA) qui passe des contrats d’approvisionnement, la Central Computer Telecommunications Agency (CCTA) spécialisée dans les achats d’équipements techniques, le Prosperity Advisors to the Civil Estate (PACE), spécialisé dans la gestion des fonds immobiliers, la PFI Unit, et le PUK (Partnership UK).

Les différentes étapes relèvent de la logique de gestion de projet et passe par l’identification des besoins, puis par la sélection, l’évaluation52, la négociation et enfin

le choix final du partenaire privé.

La première étape du montage des Private Finance Initiative est celle de l’identification des besoins. Le Trésor décide de l’option d’utilisation du Private Finance Initiative. Le cahier des charges est préparé (Outline Business Care). Tout PFI doit comporter un document nommé PSC (Public Sector Comparator) qui est une évaluation du projet s’il était mené par le secteur public seul.

Ensuite, une sélection des négociateurs est faite dans les différents organismes publics concernés. Le Treasury Taskforce, créé en 1997 afin de développer les Private Finance Initiative, recommande à cette occasion de recourir aux services des cabinets de conseils qui apportent un regard externe sur le projet.

La sélection est formalisée par une publication obligatoire au JOCE (Journal Officiel des Communautés Européennes avec un prix minimum). La Commission Européenne préconise une passation des marchés transparente avec une mise en concurrence préalable. Cette publication comporte plusieurs étapes : la note de pré- information53, l’établissement d’une liste de ces entreprises et l’avis de marché54. Ce dernier donne les caractéristiques essentielles des conditions minimales à mettre en œuvre, les délais, les variantes, les critères de sélection.

Les traits distinctifs du Private Finance Initiative sont donc ceux de la standardisation des dispositions contractuelles et de la mise en œuvre d’une procédure claire et transparente de conduite d’un contrat de Private Finance Initiative. Ils peuvent être considérés comme des points forts et riches d’enseignements pour les pays d’Europe centrale, mais présentent des limites qu’il est nécessaire de connaître et de dépasser.

L’évaluation du service fourni

Les critères d’évaluation du service fourni sont les coûts unitaires avec un principe de comptabilisation par points de pénalités en cas de défection ou de mauvaise performance de l’entreprise privée. Cependant, le danger pour les deux parties d’une

52 La manière dont les candidats sont évalués doit s’effectuer en appliquant le principe essentiel : « best

value money », c’est-à-dire la meilleure adéquation entre le prix public payé pour le service et la qualité offerte pour répondre aux demandes des utilisateurs.

53 La note de pré-information se nomme : « information memorandum » qui permet d’identifier les

entreprises préqualifiées.

approche comparative sectorielle en terme de coûts unitaires moyens (définis par les services fournis moyens d’autres contrats) peut être celui d’un service de moindre qualité (HM Treasury, 2004, pp. 69-70). En effet, les critères de mesure ne sont pas toujours quantifiables et relèvent du domaine qualitatif.

Dans le cas du PFI, deux modèles sont proposés. Le premier modèle dit « A » (HM Treasury, 2004, pp. 82-83) est le modèle préconisé : il répond aux attentes en terme de service fourni et se fonde sur le calcul en terme de coût unitaire. Le second, le modèle « B », emprunte une logique différente celle de l’accessibilité comme critère d’évaluation et de détermination du paiement des services. Les méthodes utilisées afin de fixer le prix du service fourni sont celles du « benchmarking »55 et du « market testing »56. Ces méthodes peuvent conduire à une détermination inadéquate du prix du contrat, d’autant que le service revêt des qualités complexes ou difficiles à déterminer. Les coûts d’organisation peuvent être élevés et réduire les gains du recours au secteur privé dans la fourniture du service ou du bien. Plus le contrat est complexe, plus il prévoit de scénarios de transactions possibles avec des systèmes de sanctions pécuniaires ou pas. Cependant même quand les imprévus peuvent être spécifiés dans les contrats, de nombreux risques associés peuvent émerger (Klein-Crawford-Alchian, 1978).

La faillite de Metronet57, principal prestataire privé du métro de Londres dont la filiale britannique d'EDF est un des actionnaires, soulève au Royaume-Uni de nouvelles critiques envers les partenariats public-privé. Les deux contrats représentent 17 milliards de ₤ (soit 25 milliards d’euros). Metronet s’est vu refusé par le régulateur de ces PFI la rallonge de 551 millions de ₤ (817 millions d'euros) qu'il réclamait à London Underground (LU), l'office public qui gère le métro de Londres. 121 millions de ₤ ont été accordées (soit 179 millions d’euros), en estimant que Metronet aurait eu moins de problèmes s'il fonctionnait "de manière efficace et économique". London Underground ne cessait de lui demander des travaux non prévus par les termes initiaux du contrat. Ceci s’explique par un sous-investissement chronique. Metronet devait entretenir et

55 Le « benchmarking » est une analyse comparative, un processus consistant à comparer la méthode, les

délais ou les coûts d’une opération, d’un service ou d’un produit avec ceux d’autres organismes, de préférence considérés comme les meilleurs du marché.

56 La méthode du « market testing » signifie que le contractant soumet au marché le service proposé afin

de tester la valeur monétaire de ce service.

57 Metronet est un consortium (composé de Metronet SSL et Metronet BCV) dans lequel figurent à part

égale les groupes Balfour Beatty, Bombardier, EDF Energy, Thames Water et WS Atkins. Il a emporté deux des trois contrats PFI sur trente ans d'une valeur totale de 30 milliards de livres accordés au début

moderniser neuf des onze lignes du métro londonien devenu vétuste. Les coûts liés à l’arrêt de l’activité entraînaient des pertes importantes du chiffre d’affaires. Ceci a contribué à l’impossibilité pour Metronet de faire face à ses créances. En juillet 2007, Metronet passe sous administration judiciaire. En février 2008, London Underground rachète 95 pour cent de l’encours de Metronet plutôt que de payer cela sur la durée totale du contrat. Six mois après la mise en administration judiciaire du consortium, les créanciers de Metronet ont exercé l'option leur permettant de récupérer 95 % de leurs prêts. Le secteur public avait en effet garanti les dettes de Metronet, en 2003 lors de la mise en place du PFI. Le ministère des transports va donc devoir verser 2,68 milliards d'euros pour éponger ces dettes, la part supportée par les contribuables sera élevée.

Le ministère des Transports a donc financé pour 1,7 milliards de ₤ (2,5 milliards d’euros) afin d’améliorer les infrastructures. De fait, LU doit se concentrer sur les services de passagers et le secteur privé lui doit être mobilisé pour la maintenance et les principales améliorations des infrastructures.

Les actifs de Metronet ont été transférés dans deux entités, filiales en propriété exclusive de TFL (Transport for London), en attendant une nouvelle décision. L’estimation du National Audit Office de la perte pour les contribuables est comprise entre 170 à 410 millions de ₤, soit entre 250 à 606 millions d’euros (NAO, 2009, p. 7). La gestion du métro londonien a été transférée à l'Agence des Transports de la mairie de Londres (« Transport for London, TfL »). Le budget de TfL s’élevant à 52,3 milliards d’euros sera utilisé en partie pour les travaux du RER londonien, pour la modernisation du métro londonien et l’expansion des services d’autobus. Au final, le contribuable se voit être celui qui doit payer pour faire face aux dettes d’un consortium privé dont les bénéfices n’auraient sans doute jamais été redistribués côté public. C’est un retour à la gestion publique.

L’incomplétude et l’incertitude radicale conduisent les agents à l’opportunisme (Williamson, 1975) sous certaines conditions de captation de rente et à l’augmentation des coûts de négociation et de transaction.

L’une des limites du Private Finance Initiative dépend du degré de spécificité des actifs (Klein-Crawford-Alchian, 1978) car ces derniers peuvent être des investissements durables qui sont avancés pour réaliser la transaction et qui ne sont pas redéployables sans coût vers d'autres usages ou d'autres clients. Par conséquent, une fois ces investissements effectués ou pas, conjointement ou par une des parties, une

dépendance bilatérale se crée58. Les comportements opportunistes sont exacerbés. Les

parties sont dangereusement liées.

Conclusion de la section 1

Le partenariat public-privé est un concept très large qui désigne de nombreuses variantes contractuelles ainsi que des engagements différents des partenaires. Le degré de transfert de responsabilité peut être plus ou moins élevé. Dans le cadre communautaire des « Guidelines » et des « Best practice » existent pour les partenariats public-privé mais ces outils d’orientation générale ne formalisent pas clairement la structure et le contenu du contrat lui-même. Ces règles offrent un cadre minimal harmonisé.

Le concept de Private Finance Initiative s’inscrit dans la définition communautaire des Partenariats Public-Privé, lato sensu, mais il est encadré et standardisé afin de faciliter sa mise en œuvre. Les contrats de PFI en Grande-Bretagne représentent plus de 15% des investissements publics et sont souvent utilisés comme modèle de référence.

La définition négociée des services à fournir demeure difficile et les méthodes d’évaluation ne relèvent pas toujours du seul domaine quantitatif. En effet, de nombreux enjeux qualitatifs existent dans la fourniture de biens et services d’intérêt général.