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La mise en concurrence ex ante : les enchères

Section 1. L’asymétrie d’information et le partage des risques

1.1. La mise en concurrence ex ante : les enchères

Selon la théorie des coûts de transaction (Demsetz, 1968), les enchères concurrentielles restent la meilleure option pour réduire l’asymétrie d’information, y

compris dans le cas des contrats de long terme et sont une alternative à la réglementation publique. En effet, dans ce cas, le problème de l’attribution d’un contrat est résolu par un mécanisme d’appel d’offre efficace. Pourtant les contrats restent le moyen de prémunir les partenaires contre les risques inhérents à l’échange, tout en laissant une marge de manœuvre aux partenaires afin de s’adapter à des changements (technologiques, de la demande) sans remettre en cause le contrat originel.

Selon Stephen Littlechild (2002), les risques doivent être répartis de façon à ce que chaque type de risque soit supporté par l’agent le plus à même de le prendre en charge. Cependant, la contractualisation du partage de risque doit conduire à s’assurer que le candidat sélectionné soit le plus efficace. Stephen Littlechild (2002) suggère qu’une présélection des firmes autorisées à soumettre une offre lors de l’enchère peut contribuer à limiter le risque d’un mauvais choix de candidat. L’autorité publique peut exiger que seules les entreprises capables de réunir les meilleures assurances en termes de compétences, de garanties financières et de réputation soient autorisées à se présenter à l’enchère. L’introduction de plusieurs critères peut être bénéfique, mais les arbitrages entre différentes possibilités selon la pondération des critères peuvent conduire à une certaine inefficacité, si la pondération est faite sans prendre en compte les attentes de tous les agents. Dans le cas de la France130, par exemple, au moment de l’appel d’offre la pondération doit être fixée dans le cahier des charges en amont, alors qu’à la lecture des propositions certains éléments peuvent finalement apparaître comme plus importants que d’autres.

Les travaux de Patrick Bajari, Stéphanie Houghton et Steven Tadelis (2004, p.2), suggèrent que l’estimation des coûts est incorrecte si le contrat est incomplet au moment des enchères, c’est-à-dire les conditions de fond mal spécifiées. L'information privée des contractants et leurs marges sont au cœur de l’analyse et de leurs comportements à venir. Les paiements liés au changement du contrat sont substantiels et impliquent qu'une part importante des profits du contractant soit parfois omise dans les modèles standards. Si le contrat d'acquisition dans le cas d'enchères est incomplet la manière d’estimer les coûts devient incorrecte.

En effet, Patrick Bajari, Stéphanie Houghton et Steven Tadelis (2004, p. 3) repartent des travaux de Susan Athey et de Jonathan Levin (2001), qui démontrent que

130 Nous prenons l’exemple français pour expliquer le mécanisme de pondération des critères de sélection

d’un projet, y compris en commande publique donc l’appel d’offre. En effet, en Europe centrale les procédures sont bien moins spécifiées et les expériences accumulées sont aussi bien moins importantes.

si les enchérisseurs sont mieux informés à propos des quantités finales que les agences gouvernementales, alors les enchères seront donc stratégiquement manipulées.

Beaucoup de travaux se concentrent sur le design d'un contrat où les enchères minimisent les rentes informationnelles des contractants en donnant des incitations appropriées afin de minimiser le hasard moral, et d’en limiter les coûts de transaction. Patrick Bajari, Stéphanie Houghton et Steven Tadelis (2004) estiment donc les coûts de transaction à partir de l’incomplétude contractuelle, en se référant à l’analyse de Williamson (1975, 1985). La valeur médiane estimée de leurs marges directes se situe autour de 28,3 % du projet estimé avec des coûts de transaction importants. Les coûts de transaction implicites sur les différents types de versement tournent autour de 1,5 $ au delà de quatre dollars pour chaque dollar de versement (Bajari, Houghton, Tadelis, 2004, p. 26) :“(…) our estimates imply that transactions costs are important. Implied

transactions costs on different types of final payment changes range from one and a half dollars to over four dollars for every dollar in change. When considering the amount of money awarded and deducted after the initial contract is signed, these costs are significant by any standard.”131

L’hypothèse repose sur l’estimation des marges ex ante qui s’intègrent dans les coûts indirects ex post au contrat du fait de l'incomplétude de l’information. La firme aura tendance à augmenter les enchères quand elle anticipe un retour sur bénéfice plus important. Le prix unitaire pourra être augmenté, ceci est d'autant plus vrai quand les parties anticipent une pénalisation voire des ajustements vers le bas en compensation pendant la réalisation du contrat. Selon leurs calculs, l'enchérisseur médian d’un contrat peut espérer 3,7 % de profit (Bajari, Houghton, Tadelis, 2004, p. 38).

Ex ante, la relation est bornée par le vendeur, dans le cas d’une relation

d’acquisition avec concurrence (Bajari, Tadelis, 2001). Un des moyens de réduire les coûts de transaction peut être de s’engager fermement dès le début, et non pas d'utiliser fréquemment les déductions et ajustements. Si le contractant anticipe une fréquence moins élevée de ces mesures alors il n’augmentera pas nécessairement son enchère afin de compenser les coûts de transaction anticipés par des changements ex post du contrat. Ces dernières années le niveau des relations adverses a dramatiquement augmenté du

131 Traduction par nos soins : “(…) nos estimations impliquent que les coûts de transactions sont

importants. Les coûts de transactions implicites sur les différents types de changements de paiement finaux d'un et demi dollars pour plus de quatre dollars pour chaque dollar dans l’échange. En considérant la quantité d'argent décernée et déduite après que le contrat initial soit signé, ces coûts sont

fait des deux parties contractantes, et pour en sortir une résolution légale est nécessaire mais, inefficiente et coûteuse. Le moyen pour accompagner une bonne définition ex

ante des clauses passe par la méthode d’une enchère multicritères.

L’enchère multicritères s’établit à partir d’une liste de critères hiérarchisés que le partenaire choisit. Ces critères peuvent être aussi bien qualitatifs que quantitatifs. Au moment de la conception de cette grille d’analyse des propositions et du choix in fine du candidat, les critères peuvent être interprétés de manière plus ou moins précise selon le « capital » de connaissances et expériences antérieures détenus par le partenaire privé et public. La coexistence de critères quantitatifs et qualitatifs rend subjective l’appréciation des projets de certains candidats. Les entreprises de petites tailles sont souvent désavantagées par la forme de leur réponse, moins détaillée ou moins bien illustrée. Les critères d’appréciation qualitatifs peuvent être largement altérés. A cela se rajoute un temps de réaction aux demandes de précisions du partenaire public souvent plus long.

Les partenariats public-privé et plus précisément le contrat de PFI britannique ont des formes contractuelles très fouillées avec une standardisation très poussée ex

ante, mais dans la pratique de nombreux problèmes sont identifiés (NAO, 2003) : des

coûts et délais excessifs pour la procédure de mise en concurrence, un manque de ressources pour les collectivités locales pour permettre une évaluation adéquate des différentes options, un manque d’expériences des partenaires publics, et un manque d’échange d’informations pendant la phase de conception. A la suite de ces constats des solutions, en Grande-Bretagne, ont été envisagées en aménageant la procédure de PFI. Le Smart PFI, élaboré par le Royal Institute of British Architects (RIBA), vise à augmenter l’échange d’informations dès la phase de conception. La spécification des besoins n’est pas toujours aisée pour le partenaire public souvent inexpérimenté ou incompétent dans la gestion de projet. Par conséquent, au moment de la phase de conception, il y a sélection d’une équipe avec proposition d’honoraires pour un travail de définition des besoins stratégiques et opérationnels. Cette équipe de projet va fournir un projet précis, qui sera ensuite comparé à la solution publique respectant le principe de « Best Value For Money ». Le dialogue compétitif va se poursuivre avec différentes équipes qui vont faire des propositions, soit l’équipe de départ va juger les autres propositions ou soit il sera fait appel à un conseiller extérieur. Ex ante, l’échange d’information est bien plus important et les innovations proposées sont plus

importantes. Le projet est soumis à une plus grande clarté et l’asymétrie d’information est réduite.

Dans ce cas, la gestion des risques ne change pas radicalement dans le cas du Smart PFI. Les principes de dialogue compétitif, établis par les directives européennes sur les marchés publics, sont respectés. Le Smart PFI permet de réduire ex ante l’asymétrie informationnelle pour la phase de conception, qui reste un des risques les plus couramment constaté dans le cas du partenariat public-privé.

L’asymétrie informationnelle est réduite ex ante mais ne disparaît pas et peut amener certains partenaires à retenir ou à biaiser l’information dont ils disposent. La mise en place de mesures incitatives permet de réduire cette asymétrie et implique l’existence d’organisations (Ménard, 1997, p. 58) : « les asymétries génératrices

d’organisations ».

« La présence d’organisations, et en particulier de grande taille, visant à internaliser ces coûts et à réduire certaines de ces asymétries, va modifier profondément la nature des informations qui circulent sur le marché » (Ménard, 1997,

p. 61). Et si l’asymétrie d’information y est réduite, et que les informations qui circulent sur le marché sont de nature à changer les négociations éventuelles, ces organisations doivent avoir un pouvoir de marché (Ménard, 1997, p. 61). Le partage du risque va s’effectuer en fonction des informations détenues par les partenaires, et peut être dans le cadre communautaire normé par les organisations communautaires.