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PARTIE I CONTEXTE, METHODE ET DESCRIPTION DU SITE D’ETUDE SITE D’ETUDE

2.3 Précisions sur le recueil et analyse des données

2.3.1 Relevés ethnobotaniques dans les parcelles forestières

Les relevés ethnobotaniques ont été réalisés dans une seule communauté (Acaratinga) pour des raisons logistiques. Ils ont été menés sur 23 parcelles de 0,1 ha chacune (20m x 50m). Ces parcelles ont été choisies en fonction du type de forêts identifiées par les villageois lors des visites des terrains. L'échantillonnage détaillé de ces parcelles est résumé dans le tableau ci-dessous. Les forêts non exploitées à des fins agricoles (mata

virgem et mata queimada) ont été échantillonnées sur trois types de sols car ces derniers

engendrent, selon les habitants, des profils forestiers différents (composition floristique et/ou structure forestière). Il n’a pas été cité de différence liée à des conditions édaphiques pour les forêts secondaires post agricoles (capoeiras), qui, en outre, se situent en général sur des sols sableux.

Sols

Types de forêts Sol sableux (areia) (terra misturada) Terre mélangée Sol argileux (barro)

Mata virgem 3 3 4

Mata queimada 3 3 3

Capoeira grossa 2 (30 ans)

2 (15 ans)

Tableau 7. Nombre de parcelles forestières échantillonnées par type de forêts et type de sols (total de 23 parcelles de 20m x 50m chacune).

Il n’y a pas eu de parcelles inventoriées dans les jeunes forêts secondaires post agricoles (capoeiras finas, constituées essentiellement de broussailles et d’arbustes très fins), car les relevés ne portaient que sur des individus de diamètre à hauteur de poitrine (DHP) supérieur ou égal à cinq centimètres.

Afin de prendre en compte la diversité des forêts dans le paysage, nous avons essayé autant que possible de « distribuer » les parcelles dans différentes zones forestières, qu’elles soient fréquemment ou occasionnellement visitées par les villageois (maximum une heure de marche de la rive du fleuve et du village). Une réunion préalable avec les villageois a permis de localiser ces zones, en s'aidant de la carte communautaire réalisée au cours du premier terrain (Carte 6, p110).

Les relevés ethnobotaniques ont été réalisés à tour de rôle avec six informateurs masculins locaux. La participation de plusieurs habitants a été encouragée afin de

pouvoir accéder à la diversité des connaissances sur les espèces forestières, à travers notamment la nomenclature locale des plantes et les usages de ces dernières. Il aurait été de plus inopportun de faire travailler seulement une ou deux personnes sans créer des problèmes dans la communauté, sachant que le travail était rémunéré. Cette question avait été abordée au cours d'une réunion communautaire prélable au cours de laquelle les villageois avaient décidé de limiter à un le nombre de de participant par foyer pour ne pas favoriser certaines familles au détriment d'autres. Tous les volontaires ont été acceptés à l'exception de l'un d'eux du fait de son origine. Il ne pouvait en effet être considéré comme un autochtone de la Flona Tapajós étant originaire de la région de Manaus où il a vécu jusqu’à un âge avancé. Cinq participants sont nés à Acaratinga, et le sixième est originaire d'une communauté voisine mais habite depuis presque dix ans dans le village. Parmi ces six informateurs, seul un a vécu en ville pendant une courte période (cinq ans) avant de revenir avec sa famille. La moyenne d'âge est de trente-huit ans, le plus jeune ayant vingt-quatre ans et le plus âgé, cinquante ans. Il aurait été intéressant de travailler avec des personnes plus âgées dans les parcelles forestières mais les conditions physiques requises ne le permettaient pas. En effet, outre les distances parfois assez longues parcourues en forêt, l’informateur devait participer à la mise en place de la parcelle en débroussaillant à la machette sur tout le périmètre de celle-ci (soit 140 mètres) pendant que je lui indiquais la direction à suivre à l'aide d'une boussole. Ce type d’organisation a aussi écarté les femmes des relevés ethnobotaniques. A cela, s'ajoute le fait que nombre d'entres elles affirmaient ne pas connaître suffisamment les arbres pour les nommer et indiquer leurs usages, à l'inverse des hommes qui, selon elles, possèdaient une meilleure connaissance générale des forêts. Les femmes ont donc délibérément choisi de ne pas participer à ces relevés en forêt.

En moyenne, trois à quatre parcelles ont été inventoriées avec chaque informateur. Les données ethnobotaniques récoltées dans chaque parcelle proviennent chaque fois d'un seul villageois. Les arbres, palmiers23 et lianes de DHP≥ 5 cm (n=2473) ont été mesurés et numérotés dans chaque parcelle. Le même type d'information a été recueilli auprès de chaque villageois, à savoir:

- les noms populaires des végétaux rencontrés et les synonymes le cas échant,

- les noms populaires des autres plantes appartenant aux mêmes séries,

- les données morphologiques des végétaux (couleur du fruit, de la fleur, des graines...), ceci afin de faciliter l’identification ultérieure des espèces botaniques,

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Notons que le diamètre des palmiers n’augmente pas au cours du temps contrairement aux arbres et aux lianes (croissance uniquement apicale). Le fait de préciser un diamètre minimum indique que seuls les palmiers possédant un caule sont inventoriés dans les parcelles (ils existent en effet des palmiers acaules).

- les usages locaux des plantes et les parties végétales utilisées.

Lorsque cela était possible, au moins un échantillon de chaque morphotype identifié par chaque informateur a été récolté. Des échantillons complémentaires ont été recueillis hors de ces parcelles forestières et concernent des espèces n'ayant jamais été rencontrées dans celles-ci mais qui sont connues par les villageois (indépendamment de leur DHP). La majorité de ces échantillons concerne des espèces forestières (arbres, lianes, palmiers) mais certaines proviennent des abattis et des jardins. Au total, 422 échantillons ont été prélevés et identifiés au laboratoire de botanique de l'Embrapa Amazônia Oriental de Belém. Des photographies ont été prises afin de compléter les identifications.

L’analyse des données liées aux usages locaux des espèces forestières a nécessité le recours à des catégories d’usages. La définition de ces dernières s’est largement inspirée des 13 catégories de Cardenas et al. (2002) et de Marin-Corba et al. (2005). La plupart des autres travaux en ethnobotabotanique quantitative se limite à un nombre plus réduit de catégories qui ne prend pas en compte, selon nous, la diversité des usages des plantes (Tableau 8).

Auteurs

Nombres de catégories

d’usage

Détails des catégories

Cardenas et al. (2002) et Marin-Corba et

al. (2005), 13

Alimentation, Artisanat, Bois de scierie, Colorant, Combustible, Construction, Culturel,

Fourrage, Médecine, Ornementation, Psychotropes, Toxiques, Autres

Torre-Cuadros et Gerald (2003) 9

Artisanat, Médecine, Construction, Technologie, Combustible, Alimentaire, Rituel, Teinture,

Autres

Prance et al. (1987), Galeano (2000), Phillips et Gentry (1993), Reyes Garcia et

al. (2006), Kvist et al. (1995), Pinedo-Vasquez et al. (1990)

6 Construction, Technologie, Combustible, Alimentation, Médicine, Commerce

Tableau 8. Synthèse des catégories d’usages retenues dans les travaux de quelques auteurs travaillant en ethnobotanique quantitative.

Dans cette étude, 12 catégories ont été retenues (Tableau 9), certaines modifications ayant été apportées aux catégories proposées par Cardenas et al. (2002) et Marin-Corba

scierie » a été éliminée car la vente de bois sous forme de grumes est interdite dans la Flona Tapajós. De même, la catégorie fourrage a été écartée car elle ne concernait pas les plantes forestières, ainsi que la catégorie psychotrope car aucune espèce n’a été recensée pour cet usage. Enfin, la catégorie « commercialisation » a été rajoutée, certaines espèces pouvant être valorisées financièrement par les villageois.

La méthode concernant le calcul des valeurs d’usage des espèces sera détaillée dans le chapitre 12.

Catégories

d'usage Espèces concernées

Combustible (Cb) Espèces valorisées comme bois de feu ou pour faire du charbon

Construction (CST) Espèces utilisées dans les constructions durables ou temporaires : habitations (murs, toiture, portes, charpente des maisons et des carbets), baraques improvisées, fours traditionnels, clôtures…

Alimentation (Al) Espèces dont les fruits sont comestibles

Artisanat (Art) Espèces utilisées pour la fabrication de paniers (jamaxi, panacú..), balais, tipiti (couleuvre à manioc), bancs, pirogues…

Technique (Tec)

Espèces utilisées pour étanchéifier les pirogues et pour la fabrication de divers outils : manches de machettes, cannes à pêches, rames, perches, ainsi que des cordes ou des paniers d’appoint servant à transporter le gibier ou les plantes prélevés en forêt.

Médecine (Md) Espèces utilisées pour traiter ou prévenir les maux et maladies

Colorant (Col) Espèces utilisées pour obtenir des colorants naturels

Ornemental (Orn) Espèces utilisées pour la décoration

Toxique (Tox) Espèces dont l’usage est relatif à leur toxicité (activité de pêche à la nivrée)

Culturel (Cult) Espèces dont l’usage est fortement liée à une croyance locale : tirer la panema d’un chien, éloigner le boto, etc…

Commerce (Com) Espèces ayant déjà été commercialisées par la population locale, dans les villages ou en ville

Autres (autres) Espèces dont les usages n’ont pas pu être classés dans les catégories précédentes

Tableau 9. Détails des usages des espèces forestières dans les différentes catégories retenues dans cette étude.

2.3.2 Recueil et analyse des connaissances liées à la diversité de quelques