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Le regroupement via le partage des ressources naturelles par secteurs d’activité

TERRITORIAL AU MALI

L’EUPHORIE DE DEVELOPPER LES TERRITOIRES A L’EPREUVE DES REFORMES DE LA DECENTRALISATION AU MALI

III. La mise en place des structures décentralisées en 1999: l’ébauche d’une approche de développement durable

3. Le regroupement via le partage des ressources naturelles par secteurs d’activité

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2. La problématique du découpage communal.

Dans l’ensemble du pays, des interrogations ont été abondamment faites par la population nomade et sédentaire autour de grandes zones géographiques couvrant certaines richesses naturelles. Il s’agit de la question liée à la répartition de certaines potentialités existantes et d’autres ressources naturelles (bassins, pâturages…) selon les besoins de chaque catégorie des populations. Nous analyserons le contexte dans deux volets : d’une part le regroupement des villages sur la base des ressources naturelles et d’autre part, le regroupement sur la base historico géographique et socio ethnique.

3. Le regroupement via le partage des ressources naturelles par secteurs d’activité.

Sur la question des ressources naturelles, une série des questions s’était posée lors du découpage. Le problème était de savoir avant tout : comment opérer le découpage territorial sur des espaces immenses dotés des ressources aléatoires et divergents ? Comment composer les populations nomades et sédentaires autour des ressources naturelles en vue de former un regroupement communal ? Comment gérer ces ressources naturelles ? Il était aussi question de savoir : par où établir la permanence de vie des populations nomades et sédentaires, (lesquelles sont toujours en conflit, voir en mobilité) pour que leurs communes soient capables d’enclencher un processus de développement durable.

Comment protéger les ressources communautaires ? Il était question aussi de : comment faire la répartition équitable des zones stratégiques ?

Ainsi, le découpage peut-il être opéré rationnellement sur des nombreuses interrogations dans la mesure où les territoires ne correspondent pas aux mêmes réalités sociologiques et géographiques ? Pour affiner le contexte, nous avons deux visions sur cette question qui se juxtaposent sur l’enjeu de la décentralisation.

Pour certains, la commune est un domaine administratif dont elle est l’alliée objective et le relais officiel de l’Etat. Elle est l’auxiliaire de l’autorité administrative. Il s’agit par-là de ceux qui ne croient pas à la décentralisation dont l’idéologie du pouvoir coercitif reste gravée dans les esprits. C’est le cas des couches sociales se réclamant autochtones craignant la perte de leur privilège. C’est ce que le Maire de Diéma (Sadio Tounkara) montrait à propos de sa commune : « même si la décentralisation est devenue quelque chose de bien commun pour

tous, certains ont du mal à s’adapter à son fonctionnement et à ses principes. Parfois, les gens ont du mal à s’acquitter de leurs taxes et payer la TDRL en croyant que nous

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collectivités territoriales, nous sommes l’Etat et on a remplacé le commandant (actuel sous-préfet) qui était là avant la décentralisation »86. Le système de domination du régime dictatorial ou militaire qui avait marqué l’histoire du pays, est toujours présent dans les esprits. L’Etat a toujours le contrôle sur les ressources. Dans ce sens, la décentralisation offre peu des chances aux nouvelles entités pour la gestion locale des ressources. L’accès aux ressources constitue une problématique fondamentale, voir même une fausse promesse de la décentralisation malienne. Certains acteurs ont l’idée selon laquelle : même si le découpage territorial est au bénéfice des communes, la circonscription demeure toujours un domaine appartenant à l’Etat. La gestion autonome du domaine appartient à la commune, aux populations concernées. Selon certains acteurs, la compréhension sur le découpage communal grâce à la décentralisation ne fait pas figure de frontière entre la commune et l’Etat. Mais, elle reste un transfert des pouvoirs et des ressources vers le niveau local et dans un même territoire découpé. Le fait de composer tel ou tel village en une seule commune relève du choix ultime de l’Etat. Dans ce contexte, les ressources sont toujours gérées par l’Etat. L’attirance des villages ou des populations locales autour des ressources a peu d’influence par rapport aux réalités sociologiques. Tout est laissé à la seule volonté de l’Etat de constituer le regroupement communal.

Dans ce contexte, l’enjeu du développement durable a peu d’influence dans cette perspective de mise en place des communes comme pilier du développement territorial. Les populations locales ont du mal à dégager et construire par eux-mêmes, des idées qui construisent l’espace public participatif au profit d’un développement durable.

Pour d’autres, la commune reste l’unité administrative de base, au même titre que le village. Cette tendance ne voit pas une grande différence qu’avec l’ancien système d’organisation territorial. Nous voyons ici, un renforcement des capacités et des entités (villages et communes). C’est ce que soulignait, Bamba Keita, directeur régional des eaux et forêts : «depuis l’avènement de la décentralisation au Mali, la mise en œuvre de nos

programmes de protection de la forêt est devenue souple car, nous réunissons les deux unités territoriales »87. Le village ou l’organisation traditionnelle constitue une réalité sociologique, ethnographique et dynamique. Le chef de village et ses conseillers constituent l’instance de décision pour l’ensemble de la population. La commune qui constitue alors un champ social

86Interview du Maire de Diéma (Sadio Tounkara), Diéma, le 16 décembre 2010

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moderne, de la société civile, du lieu de rassemblement des groupements éparpillés çà et là n’a rien de semblable. Dans cette vision, l’autorité revient aux notables du chef-lieu. Toutes les couches sociales du village ne sont pas concernées. La chefferie prédomine l’organisation sociale et communautaire. Les ressources communautaires sont au ressort de ces autorités traditionnelles et notables dont l’enjeu de construire des concepts de développement durable demeure peu propice. On peut affirmer qu’il y avait des gens qui voient le découpage communal comme chose non utile en raison des spécificités liées aux ressources et attachement provincial. Il s’agit soit des activités nomades soit des activités sédentaires. Par exemple, certains villages n’ont pas souhaité rejoindre d’autres villages pour former une entité communale pour des conflits sociopolitiques liés au partage de ces ressources ou secteurs d’activités différents.

Par ailleurs la décentralisation comme moyen d’approfondissement de la démocratie, du changement social et de promotion de la libre administration, pose dans cette région une autre problématique : à la fois pertinente et délicate. Comment la décentralisation va- t- elle s’appliquer sur une société anciennement hiérarchisée dont le statut social domine ?

Les options pour une administration moderne et les nouveaux modèles de vie constituent les principaux facteurs. Toutefois, la vague de changement n’est pas aussi grande. Les jeunes s’immigrent pour manque d’un développement durable répondant à leurs aspirations. A cet effet, ils représentent que partir à l’immigration, cela permet de changer leur vie. Dans beaucoup des cas, pour les conservateurs et selon certains acteurs dans la chefferie lignagère, c’est le travail d’un édifice social déjà entamé qui répond difficilement aux besoins réels. Cette tendance montre qu’il y a des gens qui s’opposent à la décentralisation comme un mal. Pour les conservateurs (qui souhaitent garder leur statut social de maître au-dessus des

autres) elle peut conduire à une remise en cause du fonctionnement actuel de la société.

Pour les classes sociales dominées « castes et descendants de captifs », dont le statut social était opprimé dans la servitude avec peu des droits dans l’espace public, la décentralisation est une voie vers l’affranchissement. Ils considèrent et s’intéressent à la décentralisation comme un véritable changement de leur handicap social. Avec ce dispositif institutionnel (la décentralisation), les descendants des anciens captifs et hommes de castes ont le droit de prétendre à la gestion de l’espace communal. C’est l’opportunité offerte à cette classe sociale de participer à la gestion et au développement de la cité.

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4. Le découpage des communes du bassin du lac « magui » dans le cercle de Kayes : un