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La décentralisation dans l’héritage du système colonial aux périodes d’indépendance de 1960

TERRITORIAL AU MALI

L’EUPHORIE DE DEVELOPPER LES TERRITOIRES A L’EPREUVE DES REFORMES DE LA DECENTRALISATION AU MALI

IV. L’approche territoriale du développement durable dans la perspective de décentralisation et de coopération décentralisée

3. La décentralisation dans l’héritage du système colonial aux périodes d’indépendance de 1960

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1er, 2ème et 3ème classes dont la première classe était plus proche des colonisateurs pour l’assimilation et faire imiter les colonisateurs dans tous les sens où aujourd’hui, on a les sapeurs comme pratique culturelle venue de la colonisation »72. Ce processus n’a pas épargné le cas du Mali dans son processus de création des structures par le pouvoir colonial. Ainsi, sous cette domination coloniale au Mali, seules 13 communes furent créées au Soudan français (actuel Mali). Elles étaient hiérarchisées en communes mixtes, de moyen exercice et de plein exercice, suivant la loi n°55 l489 du 18 novembre 1955. En outre cette municipalisation inachevée ne concernait que le milieu urbain. Le milieu rural était exclu par ce mouvement de création des communes ou processus de décentralisation. A l'indépendance, le Mali hérita de cette situation administrative avec seulement cinq communes de plein exercice.

3. La décentralisation dans l’héritage du système colonial aux périodes d’indépendance de 1960.

Pendant les périodes d’indépendance (1960), le souci des nouvelles autorités maliennes fut de restaurer la pyramide administrative sur des nouvelles bases (renaissance

d’indépendance, panafricanistes, socialistes, unitaires…). C’est la continuité de l’héritage du

système colonial jacobin qui dominait pour la plupart du système de gestion du pouvoir central et local. Le pouvoir du système colonial comme l’observe V.Y. Mudimbe dans The

Invention of Africa [L’invention de l’Afrique]73, fut édifié et consolidé sur la base de « la

domination » de l’espace physique, la réformation de la mentalité des « indigènes », et

l’intégration des histoires économiques locales dans la perspective occidentale. L’ensemble de ces projets hérités de la colonisation constitue de ce qu’on peut qualifier la construction des structures colonisatrices, laquelle embarrasse l’ensemble des aspects physiques, humains et spirituels de l’expérience colonisatrice » (Mudimbe 1988, p.2). Cette expérience colonisatrice va profiter à la première structure politique malienne dès 1958 comme système de gestion des affaires publiques héritées de la colonisation. Il s’agit du parti de l'Union Soudanaise pour le Rassemblement Démocratique Africain (US RDA)74. Il obtint la suppression des cantons qui

72 Atelier de formation des associations de développement des migrants en Seine-Saint-Denis, CG 93, 2017.

73- Grosfoguel Ramon, Les implications des altérités épistémiques dans la redéfinition du capitalisme global :

transmodernité, pensée frontalière et colonialité globale, Multitudes, N°26, automne 2006, pp.67.

74 US RDA : C’est le premier grand parti politique du Mali indépendant qui s’opposait politiquement au PSP en tant que

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étaient dirigés par les chefs traditionnels regroupés sous la bannière du Parti Soudanais Progressiste (PSP), et alliés à la puissance coloniale française75. Les élites maliennes (avant

l’indépendance) issues des structures politiques ont pris la forme d’un dénigrement des

cultures et des pouvoirs locaux (structures décentralisées). C’est dire que la domination par les élites héritiers de la colonisation méprisaient les pouvoirs indigènes et que les représentations coloniales sont inscrites dans une dimension contestée. La domination des élites héritiers de la colonisation a consisté de créer d’autres cultures « élitistes,

dominatrices » à la différence des cultures de base « indigènes, soumises et mise sous silence ». Ce mouvement de création des structures liées à la décentralisation n’étaient ni

participatives et représentatives des populations locales. Ainsi, L'article 41 de la Constitution du 22 septembre 1960 énonce déjà la nouvelle structuration territoriale du pays : "Les

collectivités territoriales de la République du Mali sont : les régions, les cercles, les arrondissements, les tribus nomades, les communes, les villages et les fractions nomades".

Les subdivisions administratives devenaient ainsi des collectivités territoriales qui s'administrent librement par des conseils élus, placés sous la tutelle de l'administration centrale76. A l'exception des conseils de communes déjà existant, ces dispositions n'ont jamais été effectives. En fait ces collectivités sont restées des circonscriptions administratives placées sous l'autorité des représentants de l'Etat central. La loi n°66 9/AN RM du 2 mars 1966 portant code municipal au Mali met un terme à la hiérarchisation coloniale précédente en uniformisant le statut des 13 communes sous le régime de plein exercice, mais elle ne donne pas lieu à d'autres créations de communes. Cette situation peut s'expliquer par la politique d'Etat nation préconisée par les dirigeants de la première république. Ils étaient soucieux de maintenir le peuple dans le carcan de l'unanimisme politique et dans le parti unique devant être le creuset de l'unité nationale. Le centralisme démocratique qui est de règle, impose la primauté du politique dans tous les domaines de la vie sociale. Il instaure aussi le centralisme administratif comme instrument d'exécution des affaires publiques.

75- Diarrah. Cheick Oumar (1996) : Le défi démocratique au Mali, L’Harmattan, Paris.

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La première république des années d’indépendances (1960) procède à un renouvellement de l'élite politico administrative en réaction avec l’héritage de la politique coloniale qui avait privilégié les leaders traditionnels. Ces responsables administratifs ou leaders traditionnels deviennent des fonctionnaires nommés par l'Etat selon plusieurs critères : compétences professionnelles, engagement politique, népotisme, clientélisme etc., soumis à l'autorité de leurs supérieurs hiérarchiques. La naissance, l'héritage et la collaboration ne déterminent plus l'accès à l'exercice de l'autorité administrative depuis la révocation du cantonal. Les chefs de village et de fraction sont réduits au rôle de simples auxiliaires de l'administration dans des activités de collecte d'impôts et à travers les fonctions de représentants du droit coutumier. Le pouvoir s'exerce donc verticalement du sommet à la base de la pyramide et l'uniformisation des pratiques devient la règle générale. En ce sens, la première république est demeurée la digne héritière du système colonial (dont le jacobinisme) qui est demeuré la forme privilégiée d'administration. La disparition de cet héritage colonial est une des conditions essentielles à la réussite de la décentralisation, dont la recherche d’un modèle de développement durable en milieu rural qu’en milieu urbain, peut préfigurer le

bien-être des populations. Le régime militaire issu du coup d'Etat du 19 novembre 1968, a dissout les conseils

municipaux existants auxquels il a substitué des délégations spéciales nommées par décret. Il procéda néanmoins à un nouveau redécoupage administratif, suivant l'ordonnance 77 44/CMLN du 12 juillet 1977 du Comité militaire de libération nationale (CMLN). La ville de Bamako fut érigée en district subdivisé en six communes ayant à l'instar de celles existantes, le statut de collectivités décentralisées. Cependant, le district demeure une circonscription administrative assimilée à une région et dirigé par un gouverneur nommé par les pouvoirs publics. La même ordonnance laisse la possibilité à l'arrondissement de s'ériger en commune sous l’influence du pouvoir militaire étant désormais dictatorial dans son essence. Sous la Constitution du 2 juin 1974, en plus de la création du district et de ses six quartiers érigés en commune on a enregistré sur l'ensemble du territoire, la création de la seule commune de Bougouni. Pour la première fois, vont commencer à émerger les premiers programmes de développement dans le cadre de la décentralisation malienne. On assiste cependant à la mise en place d'un vaste programme de développement participatif. Il vise à associer les cadres techniques et administratifs ainsi que les populations locales à la conception et à la réalisation des programmes de développement à travers des organes que sont les conseils et comités de développement. Un fonds de développement régional et local (FDRL), issu de la perception

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de taxes et impôts divers sert à financer les programmes régionaux et locaux de développement. Cependant, l'administration est demeurée maîtresse sur le terrain en contrôlant et en gérant l'utilisation de tous les fonds de développement destinés dans des actions qu'elle jugeait prioritaires. En fait, la réforme de 1977 dans le cadre de la décentralisation a hérité du système colonial et abouti à une déconcentration très poussée de l'administration d'Etat77. Cette réforme a procédé à une planification du développement, en direction des circonscriptions déjà créées (régions, cercles, arrondissements), sans pour autant réaliser la décentralisation qui avait été préconisée comme objectif ultime. La réforme administrative ayant créée certaines collectivités locales (la majorité est issue du milieu

urbain) a mis à l’écart le milieu rural qui a complètement échappé à la décentralisation.

Après mars 1991, la "transition" a créé 5 nouvelles communes qui sont : Banamba, Dioïla, Bandiangara, Niono et Djenné. Avant l'avènement de la décentralisation au Mali, (système de

gouvernance préconisé par la Constitution issue de la Conférence nationale, qui stipule en son titre XI que "les Collectivités Territoriales sont créées et administrées dans les conditions définies par la loi et qu'elles s'administrent librement par des Conseils élus"78), le pays ne comptait que 19 communes urbaines.

II Les fondements opérationnels des années 1990 : perspectives et enjeux de développement

Au Mali, la décentralisation a entraîné l’instauration des unités institutionnelles et d’un programme de développement durable pour toutes les collectivités territoriales du Mali (PDESC). Ce sont des dispositifs prévus par le pacte national et la loi n° 93-008 qui ont exigé des mesures préalables visant à régler l’ensemble des problèmes existant dans le pays et plus particulièrement, au Nord. Le Pacte National prévoit de consolider la paix, réconcilier les habitants, réinstaller l’administration autonome transitoire dans les localités en vue de permettre une reprise immédiate des activités. Ce dispositif institutionnel s’en suit également d’associer les populations et tout ce qui se faisait en matière de développement durable. Dans ce processus de décentralisation, l’Etat a mis en place des équipes mobiles composées des personnes d’une compétence professionnelle et en même temps qui reflétaient l’ensemble de

77. Diarrah. Cheick Oumar, (1996), Le défi démocratique au Mali, L’Harmattan, Paris.

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la diversité ethnique et sociale79. Ces équipes devaient combler en amont le vide, discuter avec les proximités pour mettre des structures transitoires appelées collèges transitoires d’arrondissement. En pratique, des commissions ont été mises en place pour animer, sensibiliser les fractions et villages afin de mener à bien, la volonté de l’Etat en vue de créer les communes.

Au niveau national l’Etat a mis en place les G R E M et G L E M (Groupes d’Etude et

de Mobilisation dans chaque Région) en tant qu’instruments techniques de la décentralisation.

Ils constituent aussi les supports matériels en matière de communication et de sensibilisation sur les formes institutionnelles de la décentralisation. Ces groupes sont constitués des éléments informels d’hommes et des femmes servant l’information et la mobilisation de masse autour des enjeux de la décentralisation et de développement territorial. L’objectif est de mobiliser les acteurs dans un processus de construction commune (la décentralisation) afin que chacun comprenne la décentralisation et que la mise en place des structures ait lieu. Dans ce volet, il convient d’évoquer en premier lieu les démarches de l’administration transitoire puis, une étude s’effectue sur la mise en place des communes. Enfin, nous terminons par l’étude du fonctionnement des nouvelles communes mises en place.