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La pensée réductrice du développement sur l’Afrique et les paradoxes du néocolonialisme

TERRITORIAL AU MALI

LA COOPERATION DECENTRALISEE A L’EPREUVE DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA REGION DE KAYES

2. La pensée réductrice du développement sur l’Afrique et les paradoxes du néocolonialisme

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plus en plus, l’ouverture à l’international. La coopération décentralisée intervient pour aider le citoyen à nouer son niveau local avec l’international, les associations, les ONG et autres acteurs. Cela montre le rôle important que peut jouer la société civile dans un contexte de mondialisation. Pour l’émergence de ce modèle politique de coopération au développement, on peut se demander si cela est efficace pour lutter contre la pauvreté et favoriser un développement soutenable.

2. La pensée réductrice du développement sur l’Afrique et les paradoxes du néocolonialisme.

L’histoire des pays d’Afrique, notamment celle de l’Afrique de l’Ouest et plus particulièrement celle du Mali, est marquée par la période coloniale douloureuse. Les discours autour du colonialisme demeurent embarrassants sur les modes de gestion du pouvoir public, les modèles imposés et des objectifs à atteindre dans la perspective de développement. « Par

exemple en 2009 au Mali, deux collectivités territoires avaient un litige concernant la gestion des ressources de coopération décentralisée. Affaire. La collectivité française avait préféré saisir le tribunal administratif de Paris considéré comme compétent tout en niant les juridictions maliennes !!! ». Ce cas est considéré comme système néocolonial en continuité

dans les relations sociales, politiques et administratives entre le Nord (dominant) et le Sud (faible)104. Les discours et les rapports liés à l’esprit du colonialisme nourrissent les débats contradictoires dans les espaces de développement. C’est le cas des rapports de force sur la gestion locale des affaires de coopération décentralisée entre les collectivités territoriales du Nord et du Sud. Les premiers rapports de forces entre les pays du Sud et l’Occident remontent au 19ème siècle considéré comme le début des premiers bouleversements socioéconomiques et culturels. De ces premiers rapports est né la réaction identitaire à travers certains résistants rejetant le projet colonial considéré comme utilitariste, inégalitaire et raciste envers les populations autochtones et leurs cultures. Le système colonial s’intègre au fur et à mesure et va aboutir à la mise en place des Etats modernes fondés sur le modèle occidental. Le projet d’étatisation va permettre aux peuples d’aboutir au projet d’indépendance qui représentait une rupture avec la logique coloniale pour les peuples. Ces rapports entre les colonisateurs et les colonisés constituent un paradoxe affectant l’expression du développement.

104Fofana. Aly, (Directeur national des coopérations décentralisées au Mali), Conférences sur le développement durable de Marcoussis (France) en juin 2010.

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Les mots et les discours s’exportent par le système colonial et imposés aux populations colonisées. Ce système est considéré par une manière de dominer le langage, les aspects culturels qui orientent les discours de développement dans un contexte d’incompréhensible pour les peuples. Dans les politiques de développement, le paradoxe colonialisme constitue l’aspect controversé dans les discours d’aide au développement. Les rapports entre dominateurs et dominés sont nourris dans les langages et les expressions utilisés par les experts. Dans le cadre de programmes au développement ou coopération au développement, les termes employés tels que solidarité, développement durable, l’aide au développement sont traduits dans les expressions qui créent l’inégalité entre les deux parties. Cette posture crée une vision misérabiliste de l’Afrique et les collectivités territoriales font les partenariats au développement avec leurs partenaires du Nord. Parfois, les rapports de force ignorent l’histoire des partenaires de coopération au développement et permettent de nier les populations locales. C’est à l’usage des discours, du langage populaire et des expressions que les partenaires font souvent référence à l’ »Afrique » ou aux « africains » sans tenir compte aux différences et aux spécificités locales des peuples. L’auteur A. Mbembe rappelle dans son article en prenant le terme d’Hegel qui selon lui : « l’Afrique est le pays de la substance

immobile et du désordre éblouissant, joyeux et tragique de la création. Les nègres, tels nous les voyons aujourd’hui, tels ils ont toujours été. Dans l’immense énergie dans l’arbitraire naturel qui les domine, ni le moment moral, ni les idées de liberté, de justice et de progrès n’ont aucune place ni statut particulier. Celui qui veut connaitre les manifestations les plus épouvantables de la nature humaine peut les trouver en Afrique. Cette partie du monde n’a, à proprement parler, pas d’histoire. Ce que nous comprenons en somme sous le nom d’Afrique, c’est un monde anhistorique non développé, entièrement prisonnier de l’esprit naturel et dont la place se trouve au seuil de l’histoire universelle ». C’est sous ce rapport de manque

d’histoire (révolution industrielle pour le développement économique) que beaucoup de discours se penchent sur l’Afrique dans une optique réductrice rendant difficile la question de développement. Dans cette considération de manque, Lévy Brühl tenta d’en faire un système dans ses considérations sur « la mentalité primitive », distinguant d’une part l’homme occidental doué de raison et les peuples et races non occidentaux enfermés dans le cycle de la répétition et du mythe. Toujours les rapports de forces fondés sur les idées réductrices emmènent les acteurs dans une ligne à opter le modèle unilatérale du développement à l’occidental. Une telle vision des relations internationales et de la coopération au développement peut, elle aussi, contribuer à comprendre les raisons de l’échec de toutes les politiques menés par les acteurs (Etats, collectivités territoriales, ONG etc.).

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En ce qui concerne les relations avec l’Afrique dans le cadre de politiques de coopération au développement, la crise semble être liée à la non prise en compte des évolutions profondes qui ont eu lieu sur le continent. Ce manque d’Histoire de l’autre constitue un paradoxe pour le développement. Au Mali, l’échec de certains projets ou programmes de coopération au développement est lié à ce paradoxe. Parfois, les programmes de développement durable ou autres dispositifs ne sont pas soutenus par les politiques par faute de financement. Cela conduit à l’échec des dispositifs. C’est ce que voulait montrer le directeur régional des eaux et forêt de Kayes (Bamba Keita) : « Oui…, le modèle de

développement comme le développement durable, c’est souvent du slogan ou discours politique ! On fait du slogan parce que chez-nous, il n’y a pas des actions concrètes. On ne peut pas faire du développement durable sans les moyens financiers. Moi, j’ai trop écouté ces politiques mais concrètement, je ne vois pas de moyens financiers. En réalité, si on ne préserve pas nos ressources naturelles, pour les générations futures, nous aurons tous des problèmes énormes pour vivre sur la planète. Pour votre question, cela me rappelle sur beaucoup des cas auxquels les gens pensent qu’avec nos dispositifs et programmes, on va y arriver. Non, il ne faut pas se tromper avec ces programmes où les agents de forêts sont sans actions de financement important. Si on ne parvient pas à soutenir ces programmes, je ne vois pas comment on va s’en sortir dans ces crises environnementales et de pauvreté »?105 La logique de développement ne s’est pas adaptée aux conditions socio-politiques nouvelles et n’a pas pu répondre aux conditions socio-économiques des bénéficiaires. Ainsi, la France entretient encore des fortes relations paternalistes avec l’Afrique et en particulier avec le Mali. Selon Jacques Tinturier à propos de la politique d’aide de la France : « la crise au

développement a fondamentalement pour origine la conception néocoloniale de nos rapports avec les pays « coopérés ». Il restait des « sujets » de notre aide sans qu’ils soient en mesure d’exercer pleinement le pouvoir que l’indépendance de leurs pays leur a confié. Pour sortir de cette crise, il faut complètement changer les rapports que la France veut entretenir avec ses partenaires en recherche de développement. L’intérêt des bénéficiaires doit devenir l’objet de notre aide c’est-à-dire la finalité qui doit guider nos décisions et nos actions »106. Cette analyse montre toujours que l’aspect du néocolonialisme constitue toujours un paradoxe de développement lié à certains facteurs essentiels pour le développement de l’Afrique.

105 Interview de Bamba Keita du 11/12/2010 : (Directeur régional des eaux et forêts).

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Dans la vision néocoloniale en termes de coopération au développement, la coopération pour le cas des pays d’Afrique a pris la forme de don. Selon J.J. Gabas, membre du HCCI : « le glissement de la coopération vers l’aide s’accompagne aussi d’une traduction

très étroite du concept de don, donner, recevoir, rendre. On ne construit pas ensemble actuellement selon les spécificités. On fait pour maintenir l’autre dans une position de demandeur sans lui donner le choix de recevoir ou non, ni de rendre. De cette situation, on voit émerger certains comportements, de rejets, de contournements, d’appropriation par les acteurs locaux dans un sens très différent de celui conçu au moment où la coopération était envisagée »107. Dans cet état-là, pourquoi les besoins ne sont pas définis ensemble ? Cela résulte du fait que dans les rapports entre acteurs, l’un ne peut pas construire sans, une implication réelle de l’autre. Un proverbe africain dit ceci : « tout ce que tu fais pour moi, si tu

le fais sans mois, tu le fais contre moi ».

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Section 2

L’émergence des acteurs multi-niveaux dans la coopération au développement

Dans le domaine de la coopération au développement, plusieurs acteurs interviennent pour entretenir des relations de solidarité visant plusieurs domaines. Cette dynamique est également exprimée dans des espaces différents avec des représentations et concepts de développement multiformes. En ce qui concerne notre cas d’études, ces derniers interviennent auprès des territoires locaux pour promouvoir et employer des expressions ou des termes auprès des territoires spécifiques. Après la remise en cause des politiques de développement de l’Etat-Nation face à la persistance de la pauvreté et au désengagement de l’Etat, aujourd’hui le débat porte essentiellement sur l’émergence de ces nouveaux acteurs. Pour la première fois, on peut se rappeler du Forum social mondial, réunit pour la première fois à Porto-Alegre au Brésil en janvier 2001 (il a lieu chaque année depuis cette date) et le Forum des autorités locales témoignant tous notamment de la volonté d’impliquer des nouveaux acteurs sur les questions de développement territorial. On peut aussi se demander si ce n’est pas le début de montrer les limites des Etats face aux manques liés à leur missions socioéconomiques (accentuation de la pauvreté, inégalités sociales etc.) qu’attendent les citoyens. Il est à noter que la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix sont des années pionnières de l’émergence de ces acteurs. Ce phénomène intervient au moment où est posée la question du devenir de l’Etat-providence. Dans cette perspective, comment la fin de l’Etat-providence a pu contribuer à l’apparition des nouveaux acteurs et à la coopération au développement?

I - La fin de l’Etat-Providence : début de l’émergence des acteurs

D’abord, l’Etat se caractérise avant tout par une autorité souveraine où émanent les droits et les devoirs des citoyens. On peut le comprendre aussi comme le lieu où se construisent des vies communes des personnes ayant des droits et devoirs communs. C’est la réalité d’un peuple exprimée par une culture, des traditions, une histoire et ayant un territoire défini. Au sens propre du terme, c’est une entité géographique et historique considérée comme une fabrication humaine. Ainsi, comment définir l’Etat-providence dans la perspective de fin de l’Etat et dans la dynamique de coopération au développement ?

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