• Aucun résultat trouvé

La coopération et l’échec de politiques d’aide au développement

TERRITORIAL AU MALI

LA COOPERATION DECENTRALISEE A L’EPREUVE DU DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LA REGION DE KAYES

1- La coopération et l’échec de politiques d’aide au développement

123

1- La coopération et l’échec de politiques d’aide au développement.

Dans le contexte actuel et plus particulièrement, dans le cadre de coopération au développement, il convient de s’interroger sur l’efficacité de politiques de développement mises en place depuis l’indépendance des Etats bénéficiaires de l’aide publique au développement. Qu’entendons-nous de l’aide publique au développement dans le cadre de la coopération ? Nous entendons par l’aide publique au développement, l’ensemble des opérations de coopération à caractère financier, humain, matériel, culturel destiné à un acteur. L’aide peut être accordée à un Etat ou une collectivité territoriale dans le cadre bilatéral ou multilatéral. Ce terme sous-entend également « développement soutenable à caractère

financier» ou développement conditionné dans la mise en œuvre des programmes de

développement comme le PSA (Programme d’Ajustement Structurel). Dans ce contexte, il comprend l’ensemble des politiques et des flux financiers qui vont du Nord vers le Sud. Ce dispositif est essentiellement conduit dans le cadre des relations entre les Etats, puis entre d’autres acteurs et dans des formes multiples comme nous préciserons plus tard dans les points suivants.

2 - Quelles sont les raisons de l’échec de politiques d’aide au développement ?

L’aide apportée par les pays donateurs n’a pas toujours été une solution d’appui institutionnel pour les collectivités territoriales décentralisées au Mali. L’aide liée aux politiques de coopérations constitue un facteur exogène voulue par les Etats initiateurs du Nord vers les Etats bénéficiaires du Sud. Elle constitue une condition accordée pour l’appui institutionnel des Etats dits démocratiques au sens large du terme. A la fin des puissants empires précoloniaux (empire du Ghana, empire du Manding, empire Songhoi…), la question du développement n’a pas été une préoccupation majeure durant la période coloniale. L’administration coloniale installa pour instaurer un modèle de développement au service de l’accumulation des biens au profit de l’industrialisation et de la puissance coloniale. Durant cette période, les puissances coloniales s’accaparèrent sur les richesses en vue de l’enrichissement au compte de la mondialisation et au détriment des populations locales. Les indépendances des pays colonisés d’Afrique francophones, ont suscité d’immenses espoirs. Ce processus d’in dépendance n’a pas toutefois continué à créer les moyens nécessaires pour les populations locales et ont faiblement apporté des solutions de changement social. Les conséquences de la colonisation ont continué à répercuter sur la confiscation des biens de l’Etat au compte des minorités invisibles élitistes. Il s’agit des moyens de l’Etat touchés par la

124

corruption par la bureaucratie, le détournement des deniers publics, la confiscation des droits fondamentaux, de l’absence de libertés etc.

Sans doute, on peut rajouter aussi l’interventionnisme chronique des anciennes puissances coloniales occasionnant les raisons de l’échec des politiques de développement. A cela, on rajoute les exigences imposées par les institutions financières (Banque mondiale, le

FMI…). C’est dans ce contexte historique que les relations au développement et les

coopérations multiformes s’inscrivent dans une dynamique unilatérale écartant une part importante de la population et soutenant une minorité bureaucratique dirigeante. L’échec de l’aide publique au développement constitue une dynamique historique de la colonisation liée à l’exclusion des populations locales. L’échec est la résultante de l’exclusion des groupes sociaux à participer pleinement à l’exercice du pouvoir local et au développement de leurs propres territoires.

Dans ce contexte et pour mieux rechercher les raisons de l’échec au développement ou les coopérations au développement, on propose l’ouvrage intitulé : « L’impatience des

pauvres » de Gérard Winter économiste et chercheur à l’IRD (Institut de Recherche sur le Développement). Dans son travail, il s’interroge sur les raisons de l’échec des politiques de

développement en Afrique et réfléchit sur les solutions pouvant être apportées. Il souligne également que la mondialisation (comme précédemment définie), tant chantée et présentée comme modèle, a pris un nouveau tournant. Ce phénomène s’accompagne du désengagement des Etats, de leurs fonctions proprement politiques, d’orientation, d’arbitrage et surtout de régulation sociale, de la prépondérance des interventions du marché financier, de la concurrence des pays aux bas salaires. Dans le même contexte, il montre que cette mondialisation agit comme le révélateur de ceux qui ne s’intègrent pas dans son mouvement. C’est là que le phénomène devient un « système d’exclusion96»). Il rajoute que la réduction de la pauvreté est devenue au Nord comme au Sud, un objectif prioritaire du développement. L’échec au développement apparait dans le contexte où l’aide afflue. C’est ce qu’a pu montrer ici (Tidiane Diakité 2002) : plus on aide au développement, plus le nombre des pays africains

pauvres parmi les plus pauvres augmente97. Dans le même contexte, Jean Louis Bianco, ancien Président du Haut Conseil de la Coopération Internationale de 1999 à 2002 a déclaré à propos du Sénégal que ; force est d’admettre que toutes les recettes de développement

96- Winter. G (2002), L’impatience des pauvres, Editions PUF.

125

appliquées jusqu’alors n’ont pas permis à ce pays de réduire la pauvreté chronique dont la population reste victime98. Ces points de vue divergents sur l’échec au développement constituent une dynamique remise en question. Une nouvelle expression de développement est ancrée dans les coopérations décentralisées en vue de pallier l’inefficacité de l’aide publique au développement.

3 - L’expression de développement en question et la quête d’un nouveau modèle.

L’expression de la coopération au développement constitue un langage exogène dans les collectivités territoriales de la région de Kayes. Nos interviews réalisées sur le terrain montrent que certains acteurs ont du mal à donner une expression du développement durable au sein de leurs collectivités territoriales décentralisées. L’expression du développement a une dimension historique. Elle fait référence à ce qui est communément appelé le « post consensus

de Washington » décidé par les pays donateurs à partir de 1995. C’est un dispositif de

développement orienté vers les pays du Sud en vue d’accompagner le processus institutionnel de pays bénéficiaires. De façon générale, ce dispositif oriente un discours et une stratégie de lutte contre la pauvreté. Le débat est né en 1990 sur l’efficacité de l’aide publique au développement. C’est dans le contexte de raréfaction et de conditionnalité des ressources attribuées aux pays bénéficiaires que le débat a pris de l’ampleur remettant en question l’aide au développement. Au début de la même période (1990), un programme des institutions financières internationales (Consensus de Washington) a été initié par les pays dits « développés » dans le monde occidental. L’objectif de ce programme vise : la doctrine

socioéconomique classique, l’ajustement structurel, l’ouverture des économies, la dérèglementation financière, anéantir le rôle de l’État, la réduction des services sociaux de base, la privatisation des services publics, la réduction du coût de la main d’œuvre. On peut

également signaler que le discours de la Baule du 20 avril 1990 prononcé par l’ex Président de la République française : François Mitterrand était significatif. Ainsi, il avait montré que : « la France liera ses efforts de contribution à tous les efforts faits pour aller plus de liberté ». Dès lors, il était clair que l’aide aux pays du Sud sera conditionnée par l’engagement des chefs d’Etat en faveur d’un processus de démocratisation, vers un Etat de droit99. Ce

98- Diakité. T, (2002) : L’Afrique et l’aide ou comment s’en sortir ? Paris, L’Harmattan, p.121)

99- « La construction d’un Etat de droit garantit une bonne gestion des affaires publiques et des principes qui s’y attachent :

transparence, prévisibilité et clarté des règles, acceptation des contrôles internes et externes. Elle suppose le développement d’institutions publiques et d’une fonction publique formée et régulièrement payée, capables d’assurer la sécurité publique, de

126

consensus de Washington va sur une nouvelle base qui consiste à intégrer deux innovations :

une stratégie de lutte contre la pauvreté et une stratégie d’instaurer la participation de la société civile100. Cette stratégie suppose la conditionnalité et l’adoption d’une « approche-programme-territoire » essentiellement basés à lutter contre la pauvreté et intégrer la société civile dans les affaires publiques. Cette action méthodique consiste à harmoniser les pratiques de bailleurs de fonds dans la même logique. C’est ainsi qu’a été mis en avant le modèle de développement intégré. Il s’appuie essentiellement sur les approches : programmes et sur les documents stratégiques de réduction de la pauvreté. Les outils de ce plan de Washington s’avèrent compliqués pour les collectivités territoriales décentralisées. La participation de la société civile au développement sous la supervision des institutions financières internationales constitue une conditionnalité non soutenable pour le développement. C’est dans la même perspective qu’on voit l’émergence du concept de la bonne gouvernance utilisé dans un rapport de la Banque mondiale sur l’Afrique en 1989. Ce cadre institutionnel instaure la conditionnalité de l’aide accordée aux pays bénéficiaires pour lutter contre la corruption. Est-ce que Est-cette corruption est la cause de l’échec au développement ou du sous-développement ? Les réponses à cette question sont développées dans les chapitres suivants et dans l’étude des cas des programmes. L’émergence de la bonne gouvernance est le corolaire de la notion de la lutte contre la corruption comme volonté exprimée par les institutions financières internationales. La notion de bonne gouvernance est apparue dans le milieu politique des institutions financières (Banque mondiale, FMI) pour conditionner davantage l'aide accordée aux pays du Sud. Pour la Banque mondiale, il s'agit des conditions politiques intégrées connues sous cette notion de « bonne gouvernance ou good governance 101» utilisée pour la première fois dans un rapport sur l'Afrique en 1989.

créer un environnement favorable au développement du secteur privé et de rendre accessibles les services sociaux de base » Mémorandum du gouvernement français sur l’aide au développement 96/98 pour le CAD de l’OCDE.

100- Par société civile, on entendra l’ensemble des entités sociales, des acteurs sociaux et des institutions (ONG, syndicats, organisations populaires, groupements de paysans, associations, groupes de jeunes, groupes de femmes etc. qui ne sont pas directement impliqués dans la gouvernance et dans la gestion des affaires publiques et dont l’action concourt à l’émergence ou à l’affirmation d’une identité sociale collective, à la défense des droits de la personne humaine et au mieux-être des populations).

101-W. Kalinowski 2008: Chronique de la gouvernance, Paris, Editions Charles Léopold Mayer, p.229. Pour cet auteur, l'émergence de la bonne gouvernance dans le débat politique national et international marque une nouvelle conception des relations de pouvoir (Etat, collectivités territoriales, organisations supranationales, mais aussi les organisations de la société civile et le secteur privé). Cette notion traduit également la quête collective de modes nouveaux de concertation et de

127

III - Le développement, un cadre référentiel qui veut occidentaliser le monde

Dans ce paragraphe, nous mettons l’accent sur quelques points qui démontrent que les efforts entrepris par les acteurs, suivent des lignes et imitent des modèles issus des pays industrialisés. Cela montre que le développement est un processus d’imitation des acteurs poursuivant des objectifs et des finalités déjà ciblées. Ces différents processus de développement ont projeté des représentations néfastes sur le retard du développement de l’Afrique. Cela a donné plus de motivations aux collectivités territoriales de nouer des relations de coopérations avec leurs partenaires engagés dans les pays développés (Europe).