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Bénédict FoËx

Introduction

Dans une de ses publications récentes, le Professeur Jean-François Penin rap-pelle que la fortune, l'avoir, d'une personne fait en ptincipe partie de la sphère privée protégée par l'art. 28 CC1Loin de nous l'idée de le contredire, de surcroît dans un ouvrage publié en son honneur !

Il se trouve toutefois que cette protection soufli'e des exceptions, ainsi que Jean-François Petrin le souligne d'ailleurs lui-même2: l'art. 28 al. 2 CC ré-serve notamment les cas où l'atteinte est justifiée par la loi. Or, on peut considérer - même si la doctrine ne le mentionne pas toujours3 - que l'art. 970 CC constitue l'un des ces motifs justificatifs légaux. Cette dispo-sition fixe les conditions de la consultation du registre foncier et permet donc aux tiers d'avoir accès à des informations sur certains éléments du pattimoine des personnes inscrites.

Cette règle trouve son fondement dans l'art. 942 al. 1 CC, qui prévoit que

«le registre foncier donne l'état des droits sur les immeubles». Le registre foncier est 1 'instrument de publicité en matière immobilière: il est chargé de

J.-F. PERRIN, «La protection de la personnalité des personnes surendettées», in Insolvence, désendettement et redressement. Etudes réunies en l'honneur de Louis Da !lèves (B. FoËX et L. THÉVENOZ, éd.), Bâle et Genève 2000, p. 201 ss, p. 205 ss.

2 PERRIN (note 1 ), p. 206.

3 Voir par exemple: A. MEILI, in Kommentar zum schweizerischen Privatrecht. Sclnveize-risches Zivilgesetzbuch I (H. HoNSELL, N.P. VoGT et T. GEISER, éd.), Bâle 1996, n. 47 ad art. 28; C. BRüCKNER, Das Personenrecht des ZGB, Zurich 2000, p. 135. Voir cependant:

H. DESCHENAUX / P.-H. STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 4e éd., Berne 2001, p. 200; A. BucHER, Personnes physiques et protection de la personnalité, 4e éd., Bâle et Genève 1999, p. 130.

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rendre visible, manifeste pour les tiers, les droits réels immobiliers, à l'ins-tar de la possession en matière mobilière. Il ne peut évidemment remplir cette fonction que si les tiers peuvent le consulter. Le registre foncier doit donc être public. Et c'est précisément cette publicité (dite formelle4) du registre foncier qui fait l'objet de l'art. 970 CC, ainsi que le rappelle d'ailleurs la note marginale5

Adopté sans grandes discussions en 19076, l'art. 970 CC a été modifié par une loi du 4 octobre 19917, entrée en vigueur le 1•r janvier 19948. Il est aujourd'hui question d'amender à nouveau cette disposition9. Il nous a donc paru intéressant de lui consacrer les présentes lignes. Nous abordons ainsi une question du droit des biens qui a des répercussions dans un domaine cher au récipiendaire, celui de la protection de la personnalité et des données personnelles10, avec le risque qu'il ne partage pas nos conclusions; nous comp-tons toutefois sur sa bienveillante indulgence: n'a-t-il pas écrit que «la vé-rité du mot 'droit' est introuvable»''?

4 Cf. par exemple: P.-H. STEINAUER, Les droits réels, Tome I, 3• éd., Berne 1997, n° 534; H.

DESCHENAUX, Le registre foncier, Traité de droit privé suisse, Tome V/II/2, Fribourg 1983, p. 134; etc.

5 «Publicité du registre foncier», «pubblicità del registra», «Offentlichkeit des Grundbuchs».

6 BO CN 1906 pp. 1029 et 1033; BO CE 1907 p. 108.

7 Loi fédérale sur la révision partielle du code civil (droits réels immobiliers) et du code des obligations (vente d'immeubles), du 4 octobre 1994, in RO 1993 II 1404 ss (cf. p. 1407).

8 RO 1993 II 1409.

9 Cf. le Message du Conseil fédéral relatif à la loi fédérale sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique (SCSél), du 3 juillet 2001, in FF 2001 p. 5423 ss (pp. 5449 et 5469). On peut également consulter le «Rapport d'activité» de l'Office fédéral chargé du droit du registre foncier et du droit foncier présenté à l'occasion du 53• Congrès de la Société Suisse des Conservateurs du Registre foncier (7-8 septembre 2001 à Marti-gny)», publié en allemand in RNRF 2001 p. 380 ss (voir p. 382 s.) et disponible en fran-çais (ainsi qu'en allemand) sur les sites Internet de l'OFRF (http://www.ofj.admin.ch/themen/

gbalintro-f.htrn) et de la RNRF (http://www.zbgr.ch) (voir p. 3 s.).

10 Cf. par exemple J.-F. PERRIN, «Evaluation de la loi fédérale sur la protection des données personnelles. (Quelques propositions méthodologiquement «légères»)», in Aux confins du droit. Essais en l'honneur du Professeur Charles-Albert Morand (A. AUER, 1.-D. DELLEY, M. HoTTELIER et G. MALINVERNI, éd.), Bâle et Genève 2001, p. 135 ss, où l'auteur conclut en appelant de ses vœux <ame revitalisation et [à] une réorientation de cette réglementa-tion» (p. 151).

11 J.-F. PERRIN, Sociologie empirique du droit, Bâle 1997, p. 23.

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Pour un registre foncier public

1. Les mutations de l'art. 970 CC:

une publicité des droits gauche

A. Le texte de 1912

Le Code civil adopté en 1907 énonçait très clairement le principe de publi-cité formelle du registre foncier: dans une phrase d'une belle simplipubli-cité, le premier alinéa de l'art. 970 indiquait que «le registre foncier est public». A première vue, chacun pouvait donc consulter le registre foncier, sans avoir à justifier d'un intérêt particulier. La loi tirait au troisième alinéa de 1 'art. 970 CC la conséquence logique de ce principe, en prévoyant que «nul ne peut se prévaloir de ce qu'il n'a pas connu une inscription portée au registre fon-cier». Le système pouvait donc sembler cohérent: la consultation du registre foncier étant en principe libre, celui qui ne prend pas la peine d'effectuer cette démarche n'est pas protégé.

Mais, entre ces deux alinéas, entre l'affirmation que le registre foncier est public et la fiction de la connaissance des inscriptions, l'on trouvait un deuxième alinéa à la rédaction quelque peu sibylline: «quiconque justifie d'un intérêt a le droit de se faire communiquer en présence d'un fonctionnaire du bureau les feuillets spéciaux qu'il désigne, avec les pièces justificatives, ou des 'en faire délivrer des extraits».

Ainsi donc, alors même que, selon le premier alinéa de l'art. 970 CC, le registre foncier était proclamé public, le deuxième alinéa n'ouvrait la con-sultation qu'à celui qui justifiait d'un intérêt. On a souvent dit qu'il y avait là une forme de contradiction, un registre ne pouvant pas à la fois être pu-blic et en même temps être accessible seulement à un cercle limité d'inté-ressés, aussi large soit-il12. A vrai dire, ces deux alinéas n'étaient pas néces-sairement irréconciliables; on peut concevoir qu'un registre, quoique public, ne soit pas ouvert à tous vents: la fonction du registre foncier n'exige peut-être pas nécessairement qu'il soit donné libre cours, ainsi que le disait le Prof.

H. Deschenaux, «à une curiosité gratuite ou peut-être mal intentionnée»13

12 Voir par exemple: Message du Conseil fédéral à l'appui des projets de loi fédérale sur le droit foncier rural (LDFR) et de loi fédérale sur la révision pattielle du code civil (droits réels immobiliers) et du code des obligations (vente d'immeubles), du 15 novembre 1988, in FF 1988 Ill889 ss,p. 1023; D. BANZIGER-COMPAGNONI, Die Offentlichkeitdes Grundbuches -de lege lata- rechtsvergleichend- de lege ferenda, thèse, Zurich 1993, p. 30 s.; J. ScHMID, in Kommentar zum schweizerischen Privatrecht. Sclnveizerisches Zivilgesetzbuch II (H. HoNSELL, N.P. VoGT et T. ÜEISER, éd.), Bâle 1998, n. 2 ad mt. 970; etc.

13 DESCHENAUX (note 4), p. 137.

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Quoi qu'il en soit, puisant leur inspiration dans le § 11 de la Grundbuchordnung allemande du 24 mars 189714, les auteurs se sont assez vite convaincus que l'intérêt exigé par l'art. 970 al. 2 CC ne pouvait être quelconque, mais qu'il devait être légitime ou digne de protection15. La con-sultation ne devait donc pas seulement être refusée à ceux qui sont mus par un caprice, par une curiosité mal placée, par une lubie ou peut-être par une intention de nuire, mais à tous ceux qui ne peuvent justifier d'un intérêt qualifié: pour pouvoir consulter le registre, il faut en quelque sorte se mettre au-dessus de la mêlée.

La jurisprudence s'est également montrée restrictive, le Tribunal fédéral exigeant que l'intérêt à consulter le registre foncier soit légitime et «perti-nent eu égard à la fonction du registre foncier comme instrument de publi-cité foncière»16Ainsi, notre Haute Cour a par exemple jugé en 1985 qu'un journaliste qui voulait consulter le registre foncier dans le cadre d'une en-quête sur une personne soupçonnée d'accaparer les terres agricoles, n'était pas au bénéfice d'un intérêt suffisant, motif pris notamment que l'intérêt allégué relevait «de l'information générale» et ne présentait donc pas «de rapport direct avec la fonction même du registre foncier comme instrument de la publicité foncière»17

Ainsi donc, sous l'ancien droit, au-delà du texte légal, la consultation du registre foncier n'était ouverte qu'à celui qui justifiait d'un intérêt qualifié.

Ce faisant, jurisprudence et doctrine ont introduit un facteur d'insécurité juridique non négligeable: ainsi que l'a indiqué lui-même le Tribunal fédé-ral, «la notion d'intérêt légitime ressortit à l'appréciation selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC)»18; elle peut donc faire (et a fait) l'objet d'interprétations qui divergent d'un canton à l'autre, d'un conservateur à un autre, voire d'un fonctionnaire à un autre19

14 Voir aujourd'hui le § 12 al. 1 GBO: «Die Einsicht des Grundbuchs ist jedem gestattet, der ein berechtigtes Interesse darlegt».

15 Cf. C. WIELAND, Les droits réels dans le Code civil suisse, Tome II, Paris 1914, n. 1 ad art. 970; F. ÜSTERTAG, Besitz und Grundbuch, Bemer Kommentar, vol. IV.3, 2° éd., Beme 1917, n. 2 ad art. 970; H. LEEMANN, Wer ist zur Einsicht in das Grundbuch berechtigt?, in RSJ 1917 p. 373 s., p. 374; A. HOMBERGER, Besitz und Gmndbuch, Zürcher Kommentar, vol. N.3, 2e éd., Zurich 1938, n. 8 ad art. 970.

16 ATF Ill II 48/50; ATF 117 II 151/153, JdT 1993 I 16/18; ATF 112 II 422/426; etc.

17 ATF 111 II 48/50.

18 ATF Ill II 48/50.

19 A titre d'illustration, l'on peut rappeler qu'en 1979, la République islamique d'Iran a cherché à recueillir des renseignements sur la fortune immobilière de l'ex-shah en Suisse. Le conservateur du registre foncier de Genève a fourni à la requérante l'ensemble des documents

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Pour un registre foncier public

B. Le texte de 1994

Depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1994, de la loi du 4 octobre 1991, l'art. 970 al. 1 CC prévoit que «chacun a le droit d'apprendre qui est inscrit comme propriétaire d'un immeuble au registre foncier>>. En d'autres termes, si le principe selon lequel le registre foncier est public a été supprimé, il a été remplacé par une faculté nouvelle, celle qui compète à tout un chacun d'apprendre, sans avoir à justifier du moindre intérêt2°, qui est inscrit comme propriétaire d'un immeuble déterminé. Il ne s'agit toutefois pas d'un droit de consultation: la loi petmet à chacun de se faire communiquer la désigna-tion du propriétaire (au sens de l'art. 31 al. 1lit. a ORF) (voire, s'il y a plu-sieurs propriétaires, la forme de propriété collective qui les unit )l', mais non pas de prendre connaissance du feuillet de l'immeuble concerné.

La consultation proprement dite du registre foncier reste régie par le se-cond alinéa de l'art. 970 CC, qui n'a subi que des modifications mineures.

En particulier, la loi n'exige plus que la consultation s'effectue «en présence d'un fonctionnaire du bureau» du registre foncier, ce afin de permettre la consultation à distance, par le biais de l'ordinatem·22. On peut enfin rappeler qu'un nouvel art. 970a, introduit également en 1994, prescrit que les acqui-sitions de propriété immobilière doivent être publiées par les Cantons, dans un but de transparence des opérations immobilières et de lutte contre la spé-culation foncière23; jugée dans un premier temps contraire au droit fédéraF4 puis laissée dès 1989 à la discrétion des cantons25, la publication des trans-ferts est ainsi devenue obligatoire.

demandés (extraits du registre foncier et copie des contrats en cause); en revanche, son homologue des Grisons, s'il a bien délivré les extraits, a refusé de remettre une copie des actes notariés, estimant que la République islamique d'Iran n'avait pas établi d'intérêt légitime à cet égard. Cf. H. REY, «Zur Offentlichkeit des Gmndbuchs», in RNRF 1984 p. 73 ss, p. 73.

2

°

Cf. STEINAUER (note 4), n° 581 s. Selon D. ZOBL (Grundbuchrecht, Zurich 1999, n° 545), la loi pose en quelque s01te la fiction de l'existence d'un intérêt.

21 ScHMID (note 12), n. 7 ad art. 970.

22 Cf. par exemple: Message (note 12), p. 1024; P. SJMONIUS 1 T. SUTTER, Sclnveizen"sches Immobiliarsachenrecht. Band!, Bâle 1995, p. 204; BANZIGER-COMPAGNONI (note 12), p. 32.

23 Cf. ScHMID (note 12), n. 3 ad art. 970a.

24 ATF 114 II 40/44 s., JdT 1989 I 249/252 s.; ATF 112 II 422/428 s.

25 Voir l'art. 8 de l'Arrêté fédéral concernant un délai d'interdiction de revente des immeu-bles non agricoles et la publication des transferts de propriété immobilière, du 6 octobre 1989 (RO 1989 III 1974 ss), qui a cessé de produire effet le 31 décembre 1994 (cf.

l'art. 10 al. 3).

Bénédict FoËx

Cela étant, pas plus qu'auparavant, l'art. 970 (version de 1994) ne précise que l'intérêt de l'impétrant à consulter le registre foncier doit être légitime (ou digne de protection): le Conseil fédéral a estimé que cela allait de soi26. Il aurait été néanmoins utile que le texte légal l'indique: en l'état, nous devons tou-jours nous contenter, pour toute base légale à cette exigence contestable, du

§ 12 de la Grundbuchordnung allemande ... Quoi qu'il en soit, même si la loi reste muette sur ce point, l'on doit retenir que, comme par le passé, la con-sultation proprement dite du registre foncier n'est ouverte qu'à celui qui jus-tifie d'un intérêt légitime27Le Tribunal fédéral l'a rappelé encore récemment28

Simultanément, notre Haute Cour a précisé qu'il fallait tenir compte, dans l'interprétation des art. 970 et 970a CC, des buts visés par le législateur (étendre dans une cetiaine mesure la publicité foncière et lutter contre la spéculation foncière)29, ce qui l'a amenée à reconnaître un intérêt suffisant à un journa-liste qui voulait se faire communiquer, dans le cadre d'une enquête sur les activités spéculatives de trois personnes, la liste des immeubles acquis par celles-ci au cours des douze derniers mois30Il y a là une évolution non né-gligeable de la jurisprudence: la publicité du registre foncier étant réputée servir également à lutter contre la spéculation foncière, l'intérêt légitime justifiant la consultation s'étend en conséquence à cette nouvelle contrée31

C. Le projet de loi fédérale du 3 juillet 2001

En annexe à son projet de Loi fédérale sur les services de certification dans le domaine de la signature électronique (SCSél), du 3 juillet 2001, le Conseil fédéral propose notamment de modifier les deux premiers alinéas de l'art. 970 CC, dont la teneur serait la suivante32:

«1. Toute personne a accès aux informations suivantes du grand livre:

1. la désignation de l'immeuble et sa description;

2. le nom et l'identité du propriétaire;

3. le type de propriété et la date d'acquisition;

4. les inscriptions relatives aux servitudes et aux charges foncières;

5. les mentions.

26 Message (note 12), p. 1023.

27 STEINAUER (note 4), n° 584; ZOBL (note 20), n° 551; etc.

28 ATF 126 III 512/517 s., JdT 2001 1 228/233.

29 ATF 126 III 512/518, JdT 2001 1 228/233.

30 ATF 126 III 512/520, JdT 2001 1 228/233.

31 Pour une critique de cet arrêt, voir par exemple l'analyse de D. DÜRR in PJA 2001 p. 721 s.

32 Cf. Message (note 9), p. 5469.

Pour un registre foncier public

2. La personne qui fait valoir un intérêt légitime dans un cas particulier ou de manière générale pour un nombre indéterminé d'interrogations peut obtenir des informations supplémentaires ou la délivrance d'un extrait».

Le premier alinéa aurait pour effet d'étendre sensiblement les données qui seraient librement accessibles: au-delà de la désignation du propriétaire (et des données relatives à l'immeuble issues de la mensuration officielle33), ce seraient désormais la plupart des données du grand livre du registre foncier qui pounaient être consultées34 sans avoir à justifier d'un intérêt. En outre, l'art. 970 al. 1 est rédigé de smte à petmettre un accès à distance, par Internet, lorsque les conditions s'y prêtent35

Le second alinéa du projet soumettrait à la justification d'un intérêt (qua-lifié, cette fois, de «légitime») la consultation d'autres données (gages im-mobiliers, annotations), l'accès à des éléments constitutifs du registre autres que le grand livre Goumal, pièces justificatives, etc.) ainsi que la délivrance d'extraits. Par ailleurs, il permettrait de reconnaître à certains utilisateurs un intérêt légitime générique (ou «d'ordre généra/»)36, justifiant un nombre in-déterminé de consultations. Ainsi que le relève le Conseil fédéral dans son Message37, cette disposition étendrait un régime introduit en 1995 à l'art. 111m ORF38, qui est toutefois limité au registre foncier informatisé, ne vaut que pour les ingénieurs-géomètres (ainsi que pour certains autres utilisateurs [autorités, officiers publics, titulaires de droits réels sur l'immeuble en cause]

33 Cf. à cet égard les art. 33 ss OMO ainsi que les art. 62 et 65 0TEMo; cf. M. RusER 1 S. CHAULMONTET, Droit suisse de la mensuration, Fribourg 2000, p. 97 s. Voir également le Message (note 9), p. 5449.

34 Même si le texte allemand reprend (de façon probablement malheureuse) une partie la for-mulation de l'actuel premier alinéa («Jede Persan ist berechtigt, Auskunft zïberfolgende Daten des Hauptbuchs zu erhalten), il semble bien (à la lecture tant des textes français et italien du projet que du Message du Conseil fédéral [note 9] dans les trois langues) que le nouvel mt. 970 al. 1 CC conférerait le droit de consulter le registre foncier et non pas seulement celui d'apprendre quels sont les droits inscrits (FF 200lpp. 5706 et 5727 [alle-mand], FF 2001 pp. 5134 et 5153 [italien], FF 2001 pp. 5449 et 5469 [français]). Le Message du Conseil fédéral précise d'ailleurs que les données visées à l'alinéa 1er pourront être mises par les Cantons «à la disposition des intéressés sur Internet» (FF 2001 p. 5449).

35 Cf. Message (note 9), p. 5449.

36 Message (note 9), p. 5449.

37 Message (note 9), p. 5449.

38 RO 1995 I 28; modification entrée en vigueur le 1er janvier 1995, cf. RO 1995 I 33. Sur l'art. 111m ORF, voir en particulier K. KARAu, «L'article 111m ORF et les réglementations cantonales concernant l'accès au registre foncier informatisé», in RNRF 2001 p. 65 ss, notamment p. 72 ss. Voir aussi: ScHMID (note 12), n. 24 ss ad art. 949a.

Bénédict FoËX

désignés par les cantons39) et laisse aux cantons le soin de déterminer si cet accès par appel de données peut s'effectuer sans l'intervention et hors la pré-sence du conservateur du registre foncier (ou de l'un de ses subordonnés)40

Le projet du 3 juillet 2001 va plus loin, puisqu'il ne vise pas uniquement le registre foncier informatisé et qu'il définit de façon beaucoup plus large le cercle des personnes auxquelles l'intérêt générique pourrait être reconnu (de façon à inclure «les personnes habilités à dresser les actes authentiques, les autorités fiscales, les autorités de surveillance du registre joncie1; ainsi que [ . .}certaines personnes ayant des activités dans l'immobilier ou le domaine hypothécaire» selon le Message du Conseil fédéral41).

Ce n'est pas le lieu d'analyser en détail ce projet. On relèvera cependant que les ouvertures proposées constituent une demi-mesure: sauf à être l'un des bénéficiaires du blanc-seing octroyé à certains professionnels, il faudra continuer à justifier d'un intérêt légitime concret pour accéder à des don-nées aussi importantes que les gages immobiliers, par exemple, ou pour obtenir un extrait.

A cela s'ajoute que le Conseil fédéral ne fournit guère d'explications sur la ratio de ces distinctions. Se justifie réellement de soumettre les gages à un régime juridique différent de celui des servitudes et charges foncières?

Sont-ils moins opposables aux tiers que ces demières? Comment va-t-on traiter la lettre de rente, à la fois gage et charge foncière selon l'art. 847 al. 1 CC?

Pour quels motifs un intérêt légitime serait-il reconnu par avance aux ban-ques, assurances et agents immobiliers, mais non pas aux avocats ou aux agents d'affaires? Le notaire-avocat pourra-t-il toujours déterminer en laquelle de ses deux qualités il consulte le registre?42

On le voit, le projet de modification pose un certain nombre de questions, dont l'énumération pourrait se poursuivre. Lit de Procuste, le nouvel art. 970 est trop petit pour permettre une véritable publicité foncière, mais trop grand pour contenir dans des limites cohérentes un accès restreint aux données du grand livre.

39 Art lllm al. 2 ORF.

40 Sur cette distinction entre accès «direct» et «indirect», voir KARAu (note 38), p. 72 s.

41 Message (note 9), p. 5449.

42 Cf. à cet égard KARAu (note 38), p. 75, qui indique que «la situation est certes délicate»

lorsque les officiers publics au bénéfice de l'accès par appel de données prévu à l'art. lllm ORF «exercent en même temps la profession d'avocat».

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Pour un registre foncier public

II. Un bref bilan: les feuillets s'effeuillent

Le domaine de la publicité formelle du registre foncier est marqué par une évolution non négligeable: partant de la proclamation en 1912 que le regis-tre foncier est public, tempérée par une interprétation frileuse de l'art. 970 al. 2 CC, l'on a tout d'abord admis que les cantons pouvaient publier les transferts (1989), puis l'on a considéré que le nom du propriétaire pouvait être connu de tout un chacun en même temps que 1' on rendait obligatoire la publication des acquisitions immobilières (1994); les portes se sont ouvertes un peu plus encore lorsqu'un accès par connexion informatique a été reconnu à certains intéressés (1995) et que le Tribunal fédéral a eu 1' occasion de préciser son interprétation des règles entrées en vigueur en 1994 (2000). Et voilà que

Le domaine de la publicité formelle du registre foncier est marqué par une évolution non négligeable: partant de la proclamation en 1912 que le regis-tre foncier est public, tempérée par une interprétation frileuse de l'art. 970 al. 2 CC, l'on a tout d'abord admis que les cantons pouvaient publier les transferts (1989), puis l'on a considéré que le nom du propriétaire pouvait être connu de tout un chacun en même temps que 1' on rendait obligatoire la publication des acquisitions immobilières (1994); les portes se sont ouvertes un peu plus encore lorsqu'un accès par connexion informatique a été reconnu à certains intéressés (1995) et que le Tribunal fédéral a eu 1' occasion de préciser son interprétation des règles entrées en vigueur en 1994 (2000). Et voilà que