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Pour un droit pluriel : Etudes offertes au professeur Jean-François Perrin

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Book

Reference

Pour un droit pluriel : Etudes offertes au professeur Jean-François Perrin

ROTH, Robert (Ed.), KELLERHALS, Jean (Ed.), MANAI-WEHRLI, Dominique (Ed.)

ROTH, Robert (Ed.), KELLERHALS, Jean (Ed.), MANAI-WEHRLI, Dominique (Ed.). Pour un droit pluriel : Etudes offertes au professeur Jean-François Perrin . Genève : Helbing &

Lichtenhahn, 2002

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:46308

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(2)

POUR UN

DROIT PLURIEL

Etudes offertes au professeur Jean-François Perrin

Helbing & Lichtenhahn Faculté de Droit de Genève

(3)

COLLECTION GENEVOISE

Pour un droit pluriel

Etudes offertes au professeur

Jean-François Perrin

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COLLECTION GENEVOISE

Pour un droit pluriel

Etudes offertes au professeur Jean-François Pen-in

Editées par Jean Kellerhals Dominique Manaï

Robert Roth

Helbing & Lichtenhahn Genève · Bâle · Munich 2002

(6)

Catalogage de la Deutsche Bibliothek

Pour un droit pluriel : études offertes au professeur Jean-François Perrin 1 Faculté de Droit de Genève. Ed. par Kellerhals .... - Genève ; Bâle ; Munich : Helbing et Lichtenhahn, 2002

(Collection genevoise) ISBN 3-7190-2087-8

Publié par la Faculté de droit de l'Université de Genève, avec le soutien financier de la Société genevoise de droit et de législation.

Les éditeurs remercient Jeanne Durlemann qui a relu les textes et les épreuves, ainsi que Michel Haas, qui a assuré la mise en page de l'ouvrage.

Tous droits réservés. L'œuvre et ses parties sont protégées par la loi. Toute utilisation en dehors des limites de la loi requiert l'accord préalable de l'éditeur.

ISBN 3-7190-2087-8

(7)

Table des matières

Avant-propos

Liste des abréviations

1. Droit privé

IX XIII

CHAPPUIS Christine, 3

Le texte clair du contrat

DALLÈVES Louis, 23

Quelques réflexions sur le minimum vital

(spécialement dans le domaine de l'exécution forcée)

DUNAND Jean-Philippe, 33

Le testament oral en droit suisse et dans l'ancien droit neuchâtelois

FüËX Bénédict, 59

Pour un registre foncier public

PETITPIERRE Gilles, 79

La partie générale du Code des obligations:

un texte au service d'un système

STAUDER Bemd, 91

L'Ombudsman des banques- Quel accès des consommateurs à la justice?

STETTLER Martin, 1 09

La référence aux proches dans le droit actuel et futur de la protection des adultes

v

(8)

Table des matières

II. Théorie du droit

AUBERT Gabriel, 125

Le pouvoir d'appréciation du juge en droit du travail (Observations sur l'art. 4 CC)

BELLEY Jean-Guy, 135

Le pluralisme juridique comme doctrine de la science du droit

BUCHER Andreas, 167

Savigny sans siège en droit international privé

MANAï Dominique, 179

Justice incertaine et pluralisme des valeurs à l'ère démocratique

OsT François, 201

Les enjeux éthiques du pluralisme juridique.

Le libéralisme politique est-il la solution ?

T ANQUEREL Thieny, 221

Le juge comme arbitre de l'intérêt public

V AN DE KERCHOVE Michel, 235

La diversité des rapports entre ordres juridiques.

L'exemple des ordres sportifs et des ordres ecclésiastiques.

III. Droit et sciences sociales CARBONNIER Jean,

Une minute suisse dans un siècle (ou presque) français ARNAUD André-Jean et CoMMAILLE Jacques,

Vers un nouveau processus de production législative.

L'exemple de la loifi'ançaise du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité

BASTARD Benoît et CARDIA-VONÈCHE Laura, Le divorce administratif en France.

Controverse autour d'une réforme non avenue DELLEY Jean-Daniel,

VI

Du miroir tendu au miroir tenu.

L'administrationface à l'obligation d'évaluer

255 267

279

303

(9)

Table des matières

GUIBENTIF Pierre, 311

Questions de méthode en sociologie du droit.

A propos de l'entretien en profondeur

KELLERHALS Jean, 339

Normes et idéaux de justice dans les mentalités contemporaines

MoRAND Charles-Albert, 355

L'étude d'impact des lois sur la jouissance des droits fondamentaux

RoBERT Christian-Nils, 379

Le «sujet craignant», objet récent de la criminologie

RoussEL Louis, 393

Quelques réflexions sur l'évolution récente du droit de la famille

LANGUIN Noëlle et Rom Robert, 403

La sociologie du droit au quotidien: bilan d'une expérience.

Liste des publications de Jean-François PERRIN 417

(10)
(11)

Avant-propos

Comme les peuples heureux, les hommes modestes n'ont pas d'histoire(s).

Le jubilaire du présent ouvrage est assurément un homme modeste. Hors de son temps, serait-on tenté de dire, tant lui sont étrangers l'auto-proclamation de l'excellence, l'esprit de compétition à tout prix, les effets d'estrade et la recherche des honneurs. Et pourtant, cette carrière, tout entière consacrée à l'Université et à ce qui en fait l'essence- l'enseignement et la recherche- est un témoignage profond et parfois émouvant de l'histoire des trois disci- plines dans lesquelles s'est développée cette carrière, trois disciplines dont la séquence donne le plan du présent ouvrage: le droit civil et sa réfonne, la théorie générale du droit et l'interface droit- sciences sociales. La meilleure manière de rendre hommage à Jean-François PERRIN est d'exposer très libre- ment, dans les lignes qui suivent, ses rapports avec et son apport à l'histoire en train de se faire1

Une partie importante des travaux et enseignements de Jean-François Perrin peut se lire comme la tentative de concilier les deux valeurs auxquelles il est peut-être le plus attaché: 1' ordre et la liberté. Et dans cette tentative, le dialogue entre droit et sciences sociales est essentiel. Disons brièvement pour- quoi.

L'intérêt de Jean-François PERRIN pour l'ordre prend appui sur le souci de sécurité dans les transactions sociales et de méfiance envers les passions non endiguées. Rien n'est plus étranger à cet homme que le laxisme, l'arbi- traire, les emportements de l'instant. Assurer cet ordre suppose évidemment l'exercice d'un pouvoir. Mais celui-ci trouve son principe et ses limites dans les libertés et droits individuels. Liberté de pensée, droit à la vie privée, ga- rantie de la propriété apparaissent à Jean-François PERRIN à la fois comme

1 Le dernier texte du présent recueil est consacré plus spécifiquement au bilan de l'institu- tion fondée par Jean-François PERRIN, le Centre d'étude, de technique et d'évaluation lé- gislatives (CETEL).

(12)

Avant-propos

des conditions essentielles d'expression- ou d'épanouissement- de laper- sonnalité et comme des outils indispensables à l'exercice de la responsabi- lité personnelle. Et cette dernière lui apparaît elle-même fondatrice de la so- lidarité sociale.

Dans cette optique, la norme- «sociale» (toutes le sont) ou juridique ne saurait se fonder sur une légitimation que M. WEBER nomme tradition- nelle, c'est-à-dire sur le seul respect d'un ordre passé devenu fin en soi ou sur la transposition civile de préceptes religieux. Manifestations déguisées de surmoi infantilisant, cette manière d'installer l'ordre déchaîne l'ironie et la colère d'un juriste qui a derrière lui sept générations de pasteurs. Tout aussi néfaste lui paraît la légitimation charismatique, qui se construit sur la force de conviction ou d'adhésion d'un leader exceptionnel. Cette personnalisa- tion de l'appel à l'ordre n'apparaît au citoyen Penin que comme un fatal dernier recours en cas de désagrégation sociale. Reste alors, toujours dans les termes de M. WEBER, la légitimation rationnelle-légale, c'est-à-dire celle qui fonde la norme sur l'anticipation sensée de ses effets. C'est celle qu'ad- met notre jubilaire. Il faut ici expliciter un peu.

Jean-François PERRIN est persuadé qu'en dernière analyse l'individu n'en fait qu'à sa tête, et qu'en conséquence une norme étrangère aux convictions des citoyens sera ineffective, inappliquée. Or, cet admirateur de J. CARBONNIER craint énormément que le droit ne perde, du fait de l'ineffectivité de certai- nes de ses règles, son potentiel général de régulation. De surcroît, l'effectivité - 1' observance - de la règle est évidemment condition de son efficacité, à savoir de l'atteinte des objectifs qu'elle vise. D'où il vient que l'étude des conditions de 1 'effectivité, dans le de lege ferenda, est une tâche essentielle du législateur, tout comme l'essai- plus général que le premier- d'appré- hension objective de l'efficacité.

A ce double égard, Jean-François PERRIN est persuadé que les bons sen- timents ne suffisent pas: les paris de bon sens sur le degré d'effectivité et d'efficacité d'une norme à instaurer constituent un début de légitimation, mais doivent le plus souvent être complétés par des études plus étayées recoun-ant aux méthodes des sciences sociales: analyse des valeurs quotidiennes et des modes de vie, mise en lumière des effets systémiques des normes et des comportements, etc., sont des outils indispensables de l'art de légiférer.

C'est en cela surtout que droit et sciences sociales ont, pour Jean-Fran- çois PERRIN, partie liée. Le premier a besoin des secondes, et, réciproque- ment, notre jubilaire n'est peut-être pas loin de penser, comme Durkheim, que les sciences sociales ne se justifient guère que par leur aptitude à fonder des normes.

x

(13)

Avant-propos

Pour évoquer Jean-François PERRIN civiliste, il suffirait de rappeler l'hon- neur qui lui a été fait d'être associé à la réfmme des dispositions du Code Civil comme membre de la commission d'experts chargée de réviser le droit du divorce, tant cet honneur est éloquent en lui-même. A son tour, le Dépar- tement genevois de justice et police l'a désigné comme expert pour préparer les modifications du droit cantonal suscitées par le nouveau droit fédéral du divorce. Une telle consécration rend superflus tous les éloges que nous pour- rions faire au civiliste.

Néanmoins l'originalité de son approche du droit civil mérite d'être sou- lignée. Ardent défenseur du divorce par consentement mutuel et de l'attri- bution de l'autorité parentale conjointe, Jean-François PERRIN a mis son es- prit critique, son constant souci de justice et d'efficacité au service du changement législatif. Par son savoir pluridisciplinaire, il a prouvé que l'éla- boration de la loi résulte de différentes interactions sociales, qu'elle ne jaillit pas arbitrairement de l'Etat et que les faits sociaux génèrent aussi une nor- mativité que le droit doit prendre en compte.

Jean-François PERRIN civiliste est aussi l'homme du désenclavement. Aussi bien son refus de s'enfermer dans le texte de la loi pour mettre en valeur l'esprit de celle-ci que son soupçon systématique face au dogme le condui- sent à une approche du droit civil qui n'hésite pas à actualiser la règle juri- dique lorsque les pratiques sociales le requièrent.

Jean-François PERRIN civiliste est enfin l'homme des intetTogations. Son questionnement toujours en éveil et sa conscience critique de bon aloi ne se satisfont jamais ni des idées communément partagées, ni des réponses sim- plificatrices. Plaçant ainsi le droit civil au cœur de la complexité des faits sociaux, il a contribué à le rendre vivant, dé-dogmatisé et en adéquation avec l'évolution de la modernité.

Les éditeurs ont choisi de donner à cet ouvrage le titre Pour un droit pluriel.

Ce choix était facile, voire évident, pour qui connaît les engagements acadé- miques et la tonalité des enseignements de Jean-François PERRIN. De la pre- mière à ce qui n'est heureusement que la dernière heure officielle de cet enseignement, notre jubilaire a exprimé son attachement profond au plura- lisme des opinions sur et dans le droit, son refus de tous les dogmatismes - 1 'héritage spirituel de la longue lignée de pasteurs dont il a été question plus haut se reflète également ici- sa conviction profonde qu'il n'est de bonne réflexion universitaire, de bonne théorie du droit que dans la recherche as- sidue, têtue - notre homme 1' est assurément - de la pluralité des manifesta- tions de cet objet fascinant qu'est le droit.

Jean Kellerhals, Dominique Manai; Robert Roth

(14)

Avant-propos

La Société genevoise de droit et de législation est heureuse de pouvoir s'as- socier à 1 'hommage rendu dans le présent ouvrage à 1 'un de ses anciens présidents (1980-1982). Jean-François PERRIN a été un membre actif du co- mité durant plusieurs années. Il a grandement contribué à la réalisation du but social par les conférences qu'il a organisées, comme par celles qu'il a lui-même données avec brio sur des sujets marquants tels que la limitation de la responsabilité contractuelle ou les sociétés fictives. Qu'il soit chaleu- reusement remercié ici du temps et des efforts ainsi consacrés à la Société.

Christine Chappuis, Présidente

XII

(15)

AI AJP/PJA ATF AVS BGB BISchK BOCE BOCN Bull. civ.

BVerfGE Cas s.

cc

CC fr CCit CE Ci v.

Civ. Bruxelles Civ. Liège CJCE CNRS

co

Cst DC DEP DR DJP

Liste des abréviations

Assurance invalidité

Aktuelle Juristische Praxis/Pratique juridique actuelle

Arrêt du Tribunal fédéral

Assurance vieillesse et survivants Bürgerliches Gesetzbuch

Blatter fur Schuldbetreibung und Konkurs Bulletin officiel du Conseil des Etats Bulletin officiel du Conseil national Bulletin de la Chambre civile de la Cour de cassation

Bundesverfassungsgerichtentscheide Cour de cassation

Code civil

Code civil français Code civil italien Conseil d'Etat

Cour de cassation, Chambre civile Tribunal civil de Bruxelles Tribunal civil de Liège

Cour de justice des communautés européennes Centre national de la recherche scientifique Code des obligations (RS 220)

Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999

Dalloz critique

Le droit de 1 'environnement dans la pratique Dalloz hebdomadaire

Département de justice et police

(16)

FF GBO GEDIM InsO IR JCP JdT JOCE JP LBI LCD LCP LDFR LDIP LGDJ LITEC LP LPD MOST/UNESCO

OJ OMO ORF OTEMO PUF

Liste des abréviations

Feuille fédérale

Gmndbuchordnung (Deutschland) Globalisation économique et droits du MERCOSUR

Insolvenzordnung vom 5. Oktober 1994 (Deutschland)

Informations rapides

La Semaine juridique (Juris-Classeur périodique) Journal des tribunaux

Journal officiel des Communautés européennes Justice de paix

Loi fédérale du 25 juin 1954 sur les brevets d'invention (RS 232.14)

Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (RS 241) Loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887

Loi fédérale du 4 octobre 1991

sur le droit foncier mral (RS 211.4 71.11) Loi fédérale du 18 décembre 1987 sur le droit international privé (RS 291) Librairie générale de jurispmdence Librairies techniques

Loi fédérale du 11 avril sur la poursuite pour dettes et la faillite (RS 281.1)

Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (RS 235.1)

Management of Social Transformations Programm/United Nations Educationa1, Scientific and Cultural Organisation Loi fédérale d'organisation judiciaire (RS 173.110)

Ordonnance du 18 novembre 1992

sur la mensuration officielle (RS 211.432.2) Ordonnance du 22 février 1910 sur le registre foncier (RS 211.432.1)

Ordonnance technique du 1 0 juin 1994 sur la mensuration officielle (RS 211.432.21) Presses universitaires de France

(17)

RabelsZ RCADI REDC RIEJ RNRF

RO

RS RSJ/SJZ

SAP

SchKG SJ SM TF URP/DEP WM ZBB ZBI ZeSo ZRP

Liste des abréviations

Rabels Zeitschrift fiir auslandisches und internationales Privatrecht

Recueil des Cours de l'Académie de droit international de La Haye

Revue européenne de droit de la consommation Revue interdisciplinaire d'études juridiques Revue de notariat et du registre foncier Recueil officiel des lois fédérales Recueil systématique du droit fédéral

Revue suisse de jurisprudence/Schweizerische Juristen-Zeitung

Syndicat des avocats de France Bundesgesetz vom 11. April 1889

über Schuldbetreibung und Konkurs (RS 281.1) Semaine judiciaire

Syndicat de la Magistrature Tribunal fédéral

Umweltrecht in der Praxis/Le droit de l'environnement dans la pratique Wertpapier-Mitteilungen

Zeitschrift fiir Bankrecht und Bankwirtschaft Schweizerisches Zentralblatt fiir Staats- und Verwaltungsrecht

Zeitschrift fiir Sozialhilfe Zeitschrift fiir Rechtspolitik

xv

(18)
(19)

I. Droit privé

(20)
(21)

Le texte clair du contrat

Christine CHAPPurs*

<<La jurisprudence récente a nuancé le principe selon lequel il y aurait lieu de recourir à des règles d'interprétation uniquement si les termes de l'accord passé entre parties laissent planer un doute ou sont peu clairs. On ne peut ériger en principe qu'en présence d'un 'texte clair', on doit exclure d'emblée le recours à d'autres moyens d'inte1prétatimm1 Ces mots figurant dans un arrêt récent éveillent nécessairement l'intérêt de qui a été formé par le récipiendaire des présents Mélanges à s'interroger sur les prolongements théoriques de problèmes juridiques courants. Qu'un texte clair ne soit pas susceptible d'interprétation paraît relever de l'évidence.

Le lecteur est d'abord étonné qu'une telle évidence puisse être «nuancée», surpris ensuite par 1' absence de toute référence à la jurisprudence antérieure.

Dans une décision de 1999, qui confirme l'existence d'une évolution en matière d'interprétation du contrat, on peut lire que la jmisprudence «actuelle n'attache plus une importance décisive au fait que les parties ont utilisé une expression juridique précise»2; figure entre parenthèses la référence à un arrêt de l'année précédente3, qui n'a pas fait l'objet d'une publication. Le lecteur s'aperçoit alors que l'essentiel s'est fait, presque en cachette, en dehors du Recueil officiel: le premier signe d'un changement en matière d'interpréta- tion d'un texte contractuel clair paraîr se manifester dans une décision non

*

Je tiens à remercier vivement Miguel OURAL, assistant à la Faculté de droit, avocat, de sa participation aux recherches et de sa relecture attentive du présent texte.

ATF 127 (2001) III 444, 445.

2 ATF 125 (1999) III 305, 308 s. consid. 2b.

3 Arrêt non publié du 9 juillet 1998 dans la cause 4C.436!1997 consid. 2.

4 La recherche dans les arrêts non publiés rendus avant 2000 est hasardeuse.

(22)

Christine CHAPPUIS

publiée de 19955, à plusieurs reprises confirmée par des arrêts ultérieurs qui n'ont pas davantage été publiés6Après avoir brossé l'arrière-plan théorique de la maxime du texte clair (1.), on s'interrogera sur les conséquences de son abandon pour l'interprétation du contrat (II.).

I. Origine et critique de la maxime du texte clair

La maxime7 du texte clair a été développée, puis critiquée en rapport avec l'interprétation de la loi (A.); son application au contrat ne relève pas néces- sairement de l'évidence (B.).

A. Principe d'interprétation de la loi

La maxime du «texte clair» est un principe d'interprétation de la loi exprimé en latin par la sentence clara non sunt inte1pretenda8, sobrement désigné en allemand par le terme de EindeutigkeitsregeP. La jurisprudence du Tribunal fédéral s'y réfère fi:équemment de manière expresse ou implicite10

4

Anêt non publié du 10 mars 1995 dans la cause 4C.32511995 consid. 4.

An·êt non publié du 23 août 2000 dans la cause 4C.68/2000 consid. 2b; anêt non publié du 9 juillet 1998 dans la cause 4C.436/1997 consid. 2.; anêt non publié du 2 mars 1998 dans la cause 4C.24/1997 consid. 1.

Différents termes sont utilisés en français: «directive» [François OsT 1 Michel van de KERCHOVE,

«Les directives d'interprétation en théorie du droit et en droit positif belge, La lettre et l'es- prit», in Jean-François PERRJN (dir.), Les règles d'intelprétation, Fribourg 1989, p. 7, 18, 25 ss (cité: Directives d 'inte1prétation 1989) expriment leur préférence pour ce tetme ], «doc- ttine» [Michel van de KERCHOVE, «Le sens clair d'un texte: argument de raison ou d'auto- rité?», in Arguments d'autorité et arguments de raison en droit in Travaux du Centre Na- tional de Recherches de Logique, Bruxelles 1988, p. 291 ss, 292 (cité: Sens clair d'un texte 1988)]; autres dénominations également utilisées: maxime, brocard, règle, principe.

François OsT 1 Michel van de KERCHOVE, «Interprétation>>, in Vocabulaire fondamental du droit, Archives de philosophie du droit 35 (1990), p. 165 ss, 174 (cité: InteJprétationl990).

Autres formulations latines: in claris non fit inte1pretatio ( ... ), ou inte1pretatio cessat in claris: OsT 1 van de KERCHOVE, Directives d'inte1prétation 1989, op. cit. n. 7, p. 27; Char- les PERELMAN, Logique juridique, Nouvelle rhétorique, 2e éd., Paris 1999, N° 25 p. 36.

Edward E. On, Die Interpretation von Vertriigen und Statuten unter besonderer Beriicksichtigung der in der Gerichtsprw;is effektiv venvendeten Entscheidungsgriinde, Bâle, etc. 2000, p. 42 n. 1 04; Ernst A. KRAMER, Juristische Methodenlehre, Berne, Munich 1998, p. 62 n. 138 (cité: Methodenlehre 1998); Peter JAaGI/ Peter ÜAUCH, in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, «Übligationenrecht» (art. 18 CO), Zurich 1980, N 368 (cité: ZK-JAGGI/ GAUCH); Ernst A. KRAMER, Grundfragen der vertraglichen Einigung, Munich/

Salzbourg 1972, p. 138 ss, 139 (cité: Grundji·agen 1972). ATF non publié du 10 mars 1995 dans la cause 4C.325/1994 consid. 4a.

(23)

Le texte clair du contrat

Cette maxime remonte à des temps lointains!!. L'idée qu'un texte clair est soustrait à toute interprétation a trouvé un écho patticulier dans la tradi- tion de l'école de l'exégèse12. S'il est vrai que les fonctions de juge et de législateur doivent être clairement distinguées, que le juge ne fait qu'appli- quer la loi, l'interprétation doit être strictement limitée à l'hypothèse d'une ambiguïté ou d'une obscurité de la loi13Telle était la conception sous-ten- dant la tradition de l'exégèse.

La doctrine conteste le bien-fondé de ladite maxime depuis bien des an- nées14. On a ainsi pu dire qu'elle était de l'ordre du présupposé et relevait de la «philosophie spontanée des juristes»15. Le recours à cette directive d'in- terprétation est souvent instinctif et, à ce titre, n'est pas mis en question par l'interprète qui y appuie son raisonnement sans même en être conscient. Cette retenue du juriste face à un texte qu'il qualifie de clair a été mise en lumière par les enseignements du courant herméneutique dont les acquis ont été re- çus par la pensée juridique16.

Dans le domaine du droit, François Ost et Michel van de KERCHOVE cons- tatent ainsi que «toute application de la loi met enjeu une préinterprétation, généralement non consciente, de celle-ci»17L'interprète de la loi s'appro- che du texte avec certaines attentes quant à son contenu, fondées sur sa pré- compréhension de celui-ci (Vorverstiindnis)l8L'effet de cette précompréhen- sion se manifeste en particulier dans la maxime du texte clair: «comment en

10 Par exemple, ATF 126 (2000) III 49 consid. 2d, SJ 2000 I 431 (rés.); 126 (2000) V 57 consid. 3; 121 (1995) III 31 consid. 2c, JdT 1997 II 105; 121 (1995) III 408 consid. 4b.

11 Michel van de KERCHOVE, «La doctrine du sens clair des textes et la jmisprudence de la Cour de cassation de Belgique», in L'interprétation en droit, Approche pluridisciplinaire, Bruxelles 1978, p. 13 (cité: Doctrine du sens clair 1978).

12 PERELMAN, op. cit. n. 8, N° 25, p. 36.

13 OsT 1 van de KERCHOVE, Interprétation 1990, op. cit. n. 8, p. 182 s.

14 Van de KERCHOVE, Sens clair d'un texte 1988, op. cit. n. 7, p. 293; PERELMAN, op. cit. n. 8, N° 25 p. 36. Voir pour la doctrine suisse en pmiiculier: David DÜRR, in Kommentar zum Sclnveizerischen Zivilgesetzbuch, «Einleitung» (mi. 1-7 CC), Zurich 1998, Vorbem. Art. 1 und 4 N 154,228, CC 1 N 70s. (cité: ZK-DDRR); EmstZELLER,Auslegungvon Gesetz und Vertrag, Zurich 1989, § 8 N 191 s; Jean-François PERRIN, «Pour une théorie de l'interprétationjudi- ciaire des lois», in Les règles d'interprétation, Fribourg 1989, p. 243 ss, 246 ss, 253 s.

15 Van de KERCHOVE, Sens clair d'un texte 1988, op. cit. n. 7, p. 296; François OsT, «L'inter- prétation logique et systématique et le postulat de rationalité du législateur», in L 'intelpré- tation en droit, Approche pluridisciplinaire, Bruxelles 1978, p. 97 ss, 101.

16 KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 219 ss.

17 François OsT 1 Michel van de KERCHOVE, Jalons pour une théorie critique du droit, Publi- cations des Facultés universitaires Saint Louis, Bruxelles 1987, p. 405 ss (cité: Jalons 1987).

18 KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 219 ss.

(24)

Christine CHAPPUIS

effet prétendre à la clarté d'une expression (et conclure à l'inutilité de son inte1prétation) si une préinte1prétation n'a pas instantanément orienté la lecture du texte en question?»19Ce phénomène de précompréhension du texte pose le problème d'échapper à tout débat en ce sens que la voie de l'inter- prétation est d'emblée fermée. Différentes critiques inspirées des dévelop- pements d'ordre philosophique et he1méneutique ont été adressées à la maxime du texte clair. EUes sont brièvement résumées ci-après:

Il n'existe pas de texte en soi clair0, puisque le langage juridique, pas plus que le langage ordinaire, n'échappe à la règle de la polysémie21

Un texte légal révèle son sens lors de son application à un cas concret.

Comme le remarque fort à propos PERELMAN, l'impression de clarté est alors moins «l'expression d'une bonne compréhension que d'un manque d' imagination»22

Un texte qui paraît clair à une personne, ne le sera pas nécessairement pour une autre, car tout dépend de l'ensemble des présupposés acceptés par 1' interprète23.

Affirmer qu'un texte est clair implique déjà un acte d'interprétation24La maxime du texte clair induit par conséquent un raisonnement circulaire où la clarté du texte intervient à la fois comme cause et conséquence.

Il est vain de rechercher la seule et unique interprétation d'un texte qui soit correcte, car il existe généralement plusieurs solutions acceptables, entre lesquelles l'interprète doit choisir la plus appropriée25.

19 OsT 1 van de KERCHOVE, Jalons 1987, op. cit. n. 17, p. 406.

20 Van de KERCHOVE, Doctrine du sens clair 1978, op. cit. n. Il, p. 19 ss. PERRIN, op. cit. n. 14, p. 253; ZELLER, op. cit. n. 14, § 8 N 75 ss.

21 François OsT, «Retour sur l'interprétation», in Aux confins du droit, Essais en l'honneur du Professeur Charles-Albert Morand, Genève 2001, p. 111 ss, 122 (cité: Retour sur l'in- terprétation 2001); van de KERCHOVE, Sens clair d'un texte 1988, op. cit. n. 7, p. 304 ss.

22 PERELMAN, op. cit. n. 8, N° 25 p. 36.

23 ZK-DüRR, op. cit. n. 14, Vorbem. Art. 1 und 4 N 154; van de KERCHOVE, Sens clair d'un texte 1988, op. cit. n. 7, p. 314 s.

24 Karl LARENZ, Methodenlehre der Rechtswissenschaft, 6e éd., Berlin, etc 1991, p. 343; van de KERCHOVE, Doctrine du sens clair 1978, op. cit. n. 11, p. 37 ss.

25 KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 224 et n. 813; ZELLER, op. cit. n. 14, § 8 N 191 s. et n. 252. Cf. aussi, OsT, Retour sur l'inte1prétation 2001, op. cit. n. 21, p. 114.

(25)

Le texte clair du contrat

Ces critiques, dont la validité est largement reconnue26, mènent à la cons- tatation qu'un texte à priori clair n'autorise pas l'interprète à renoncer d'em- blée à toute interprétation. L'art. 1 al. 1 CC l'interdit d'ailleurs, puisqu'il prescrit au juge d'appliquer «la lettre ou l'esprit» de la loi. Le texte ne prime par con- séquent pas sur l'esprit. Dans le cas normal, c'est-à-dire lorsque le législateur a bien fait son travail27, «le texte traduit fidèlement 1 'esprit. L'esprit est bien servi par la lettre»28C'est pourquoi, Jean-François PERRIN a pu exprimer le rapport entre la lettre et 1' esprit de la loi en une présomption selon laquelle le sens découlant du seul texte reflète correctement le sens de la loi29. Une telle présomption, susceptible d'être renversée, facilite le travail de l'interprète, sans le supprimer. La qualification d'un texte par sa clarté n'apporte par conséquent rien au débat. La présomption selon laquelle le texte reflète correctement 1' esprit est d'application générale et peut être confirmée aussi bien qu'infirmée.

La jurispmdence actuelle relative à 1' interprétation de la loi confnme cette opinion. Le Tribunal fédéral ne se considère en effet pas comme absolument lié par le texte de la loi, ce qui explique notamment le principe interprétatif de la réduction téléologique (teologische Reduktion) à laquelle il a procédé à diverses reprises30En ce qui concerne la doctrine, Ernst A. KRAMER31, en particulier, s'est prononcé en faveur de cette manière de corriger les solutions insatisfaisantes auxquelles une application stricte de la loi peut conduire. Moins invasive que la correction de la loi fondée sur l'art. 2 al. 2 CC, envers laquelle les tribunaux ont montré leur réticence, la réduction téléologique relève de l'interprétation de la loi. Elle consiste à limiter l'application de la loi contre son texte -même clair- sur la base des autres méthodes d'interprétation permettant de découvrir la ratio legis, la raison d'être de la loi.

26 Cf. OsT, Retour sur l'inte1prétation 2001, op. cit. n. 21, p. 117; voir également, KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 62 n. 138.

27 Ce que François OsT et Michel van de KERCHOVE, Jalons 1987, op. cit. n. 17, p. 100 ss, désignent par le «principe de rationalité du législateur».

28 PERRIN, op. cit. n. 14, p. 246 s.

29 PERRIN, op. cit. n. 14, p. 247 s.

30 ATF 123 (1997) III 292 consid. 2, JdT 1998 I 586, SJ 1998 537; ATF 121 (1995) III 219 consid. 1d.aa, JdT 1997 I 641. Voir cependant l'ATF 123 (1997) III 445 consid. 2b.aa, JdT 1998 I 354 et l'ATF 122 (1996) III 414 consid. 2b, JdT 1997 I 641, 642 («iln 'appartient pas au juge de modifier des dispositions légales claires»), qui reflètent une conception plus étroite des tâches du juge.

31 Ernst A. KRAMER, «Teleologische Reduktion- P!adoyer fiir einen Akt methodentheoretischer Rezeption», in Rechtsamvendung in Theorie und Praxis, Symposium zum 70. Geburtstag von Arthur Meier-Hayoz, Beiheft 15 zur ZSR, Bâle 1993, 65, 66; le même, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 161 ss. Cf. également Hans Michael RIEMER, «Zur sogenannten 'teleologischen Reduktion'», recht 1999 176 ss.

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Christine CHAPPUIS

Même en droit pénal, domaine où le juge est davantage encore lié au texte de la loi (art. 1 CP), le Tribunal fédéral a tout récemment admis que le code pénal pût être corrigé32Il ne s'agissait pas, dans cette affaire, d'une réduc- tion, mais d'une augmentation téléologique. L'accusé invoquait le texte de l'art. 189 al. 1 CO qui vise la «contrainte à subir» un acte d'ordre sexuel (Notigung zur Duldung) pour contester sa condamnation pour la contrainte à «entreprendre» un acte d'ordre sexuel (Notigung zur Vornahme). Le Tri- bunal fédéral lui donne tmt après avoir constaté que le texte de l'art. 189 al. 1 CP était h·op étroit et reposait sur une erreur du législateur. Si la réduc- tion téléologique peut être admise, quoiqu'avec prudence, à 1 'inverse, rien ne devrait en principe s'opposer à une augmentation téléologique permet- tant en l'espèce de sanctionner la contrainte à entreprendre, tout comme la contrainte à subir un acte d'ordre sexuel.

En conclusion, et contrairement à une confortable idée reçue, le fait qu'un texte légal soit clair n'est, en soi, pas un obstacle à l'interprétation.

B. Application au contrat?

En Suisse, la maxime du texte clair a essentiellement été développée, puis critiquée en rapport avec l'interprétation de la loi. L'index alphabétique des arrêts du Tribunal fédéral publiés au Recueil officiel montre que, depuis les années 197533, la question s'est surtout posée en rapport avec l'interpréta- tion de la loi. Elle surgit de manière plus discrète et sporadique pour l'inter- prétation du contrat avec quelques formules classiques:

<<Lorsque le texte d'un contrat est clait; il n

y

a pas lieu de dénaturer son sens par la recherche d'une interprétation fondée sur des éléments extrinsèques à la convention»34«On ne peut en effet recourir à ces règles d'inte1prétation que si les termes de l'accord passé entre par- ties laissent planer un doute ou sont peu clairs»35

32 ATF 127 (2001) 198 consid. 3.

33 «Le caractère déterminant du texte clain> fait son entrée dans le répertoire des arrêts du Ttibunal fédéral en 1975, avec les années 101-110 (1975-1984), sous la rubrique «Inter- prétation de la loi»; auparavant, on trouvait les mentions «Portée du texte» ou «Sens litté- ral non déterminant>>. De nombreux renvois se trouvent dans les répertoires 111-120 (1985-

1994) et 121-126 (1995-2000).

34 ATF 99 (1973) II 282, 285 consid. 1.

35 ATF Ill (1985) II 284, 287 consid. 2.

8

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Le texte clair du contrat

La transposition au contrat des règles d'interprétation de la loi, en parti- culier l'interdiction d'interpréter un texte clair, semble aller de soi. Ne se plaît- on pas à répéter que le contrat est la loi des parties, selon la belle formule de l'art. 1134 al. 1 CCfr? Il n'est pourtant pas certain que les deux types d'in- terprétation obéissent nécessairement aux mêmes impératifs. Premièrement, si le contrat peut être qualifié de loi, il s'agit d'une loi d'un genre particu- lier, d'application strictement limitée aux parties contractantes en vertu du principe de la relativité des conventions. C'est ainsi que le contrat tend à mé- nager un équilibre enh·e les intérêts de deux parties individuelles. La loi, en revanche, est censée réaliser un arbitrage entre des intérêts abstraitement opposés: ceux de l'employeur et du travailleur, ceux du bailleur et du loca- taire, de manière plus générale, la sécurité des transactions contre la protec- tion de la partie faible, la protection de l'apparence (sécurité dynamique) contre une irrégularité juridique (sécurité statique).

En second lieu, le contrat naît de par la rencontre de deux ou plusieurs volontés, dans la libetté de la forme (sauf exceptions), alors que la loi émane d'organes étatiques compétents pour édicter et publier des lois après un pro- cessus législatif parfois long et laborieux, particulièrement en Suisse. La loi est l'expression d'une volonté, fictivement unique, mais composée par les participants de tous partis politiques à l'élaboration de celle-ci.

En troisième lieu, la loi est en principe faite pour durer indéfiniment, du moins jusqu'à son abrogation, alors que le contrat, même s'il est de durée, ce qui n'est pas nécessairement le cas, est prévu pour un an, deux ou cinq, voire dix ans, rarement au-delà. Le contrat est une emprise sur l'avenir36 (ce qui est également vrai de la loi), mais un avenir plus proche que celui envi- sagé par la loi. Rien de commun avec l'âge vénérable qu'atteignent le Code suisse des obligations de 1881 ou le Code civil français de 1804.

La distinction enh·e l'interprétation du contrat et celle de la loi se mesure également aux formules très différentes qui se sont dégagées relativement à l'une et à l'autre. La formulation, désormais classique, par laquelle le Tribu- nal fédéral résume les règles présidant à l'interprétation du contrat est la suivante: <<Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, faute d'avoir pu établir la volonté commune et réelle des parties (art. 18 al. 1 CO), le juge apprécie les clauses d'un contrat en procédant à une interprétation dite objective (application du principe de la confiance), ils 'agit d'une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir en instance de réforme (. .. ). Selon ce

36 Selon la formule de Georges RlPERT, La règle morale dans les obligations civiles, 4e éd., Paris (LGDJ) 1949, p. 151 W 84.

(28)

Christine CHAPPUIS

principe, les déclarations de volonté relatives à un contrat s'interprètent d'après le sens qu'un destinataire pouvait et devait leur donna On en ju- gera, non seulement d'après le texte et le contexte de la déclaration, mais aussi d'après les circonstances qui l'ont précédée et accompagnée (. . .)»37 Le raisonnement se construit en deux étapes clairement distinctes: 1 'inter- prétation dite subjective, qui relève du fait, précède 1 'interprétation dite objective considérée comme une question de droit. Seule l'interprétation ob- jective peut être revue dans le cadre du recours en réfmme. Le passage de la première à la seconde suppose que la volonté réelle n'ait pas pu être établie (ou soit divergente).

En matière d'interprétation de la loi, la formule qui s'est cristallisée au cours de ces dernières années est d'une teneur fort différente: <<La loi s'in- telprète en premier lieu d'après sa lettre (inte1prétation littérale). Si le texte légaln 'est pas absolument clail; si plusieurs inte1prétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme, en la déga- geant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (in- telprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt pro- tégé, (interprétation téléologique) ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (inte1prétation histori- que) ( .. .)»3s.

Le raisonnement en deux étapes valant pour le contrat, dont seule la se- conde est revue par le Tribunal fédéral, ne se retrouve pas pour l'interpréta- tion de la loi. L'importance de la volonté commune et réelle non plus, puis- que la loi n'est pas le résultat d'une rencontre de la volonté de deux ou plusieurs parties, mais d'un processus légal d'élaboration des lois reflétant un compromis entre diverses volontés politiques. Si le texte et le contexte de la loi sont pris en considération par l'interprète, le même poids n'est pas accordé aux circonstances qui ont précédé et accompagné l'adoption de la loi, contrairement à celles qui entourent la conclusion d'un contrat. La hié- rarchie des moyens, qui contraint le juge à rechercher d'abord la réelle et commune intention des parties (mt. 18 al. 1 CO), ne vaut pas non plus dans le domaine de 1 'interprétation de la loi.

37 ATF 119 (1993) II 449 consid. 3; cf. aussi, ATF 121 (1995) III 118 consid. 4b/aa, JdT 1995 I 274 (rés.).

38 ATF 121 (1995) Ill 408 consid. 4b. Cf. également, ATF 126 (2000) V 57 consid. 3; 124 (1998) III 229 consid. 3c, JdT 1998 I 668; 121 (1995) III 219 consid. 1d.aa, JdT 1996 I 162.

(29)

Le texte clair du contrat

Nonobstant les divergences qu'on vient de mettre en évidence, il existe un point commun fondamental entre l'interprétation de la loi et celle du contrat, qui réside dans la démarche intellectuelle consistant à attribuer un sens à un texte donné39C'est ainsi que peut s'expliquer la transposition de la maxime du texte clair à l'interprétation du contrat.

Si la maxime elle-même est transposable au contrat, il s'ensuit que les objections40 qu'on peut adresser à la restriction que s'impose le juge con- fronté au texte dit clair de la loi valent également lorsqu'il s'agit de la rete- nue observée en matière contractuelle. La doctrine contractuelle s'est mon- trée sensible à ces critiques depuis bien des années. JAGGI et GAUCH, en 1980 déjà, remettaient en cause l'idée même du texte clait41KRAMER42, quelques années plus tard, qualifiait la Eindeutigkeitsregel de reliquat d'un antique for- malisme verbal. Plus récemment, il affirmait avec vigueur que la doctrine du sens clair <<Sollte ein for allemal passé sein»43

Aux critiques déjà énoncées en rapport avec l'interprétation de la loi, il faut ajouter une objection supplémentaire fondamentale qui est propre au do- maine du contrat. L'art. 18 al. 1 CO enjoint le juge à «rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénomina- tions inexactes dont [les parties] ont pu se servir». Cela implique qu'en matière contractuelle, le texte ne peut pas avoir valeur absolue puisqu'il faut tou- jours réserver la possibilité que les parties se soient mal exprimées.

En conclusion, la maxime selon laquelle il n'y a pas lieu d'interpréter un texte clair- légal ou contractuel -relève d'une confortable mais trompeuse certitude. Elle appartient à cette catégorie de règles qui sont «trop belles pour être vraies»44 et doit être -pour le moins -traitée avec la plus grande pm- denee.

39 Sur les points communs et les divergences entre interprétation de la loi et du contrat, cf.

ZELLER, op. cit. n. 14, § 22. Contra: Max BAUMANN, in Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Einleitzmg (art. 1-7 CC), Zurich 1998, CC 2 N 98 p. 511, considère que l'intetprétation du contrat n'est pas soumise aux mêmes principes que celle de la loi; cf.

dans le même sens, LARENZ, op. cit. n. 24, p. 346 s.

4

°

Cf. supra, I.A.

41 ZK-JAGGI 1 GAucH, op. cit. n. 9, CO 18 N 368,429,480. Cf. aussi, Peter GAUCH, <<Auslegung, Erganzung und Anpassung schuldrechtlicher Vertrage, in GAUCH 1 ScHMID, Die Rechtsentwickhmg an der Schwelle zwn 21. Jahrhundert, Zurich 2001, p. 209 ss, 215 s.;

Wolfgang WIEGAND, in HoNSELL 1 VoGT 1 WIEGAND (édit.), Kommentar zum Schweizerischen Priva/recht, Obligationenrecht 1 (art. 1-529 CO), 2e éd., Bâle, etc. 1996, CO 18 N 25.

42 Ernst A. KRAMER, in KRAMER/ ScHMIDLIN (édit.), Berner Kommentm; Kommentar zu Art. 1- 18 OR, Berne 1986, CO 18 N 1 et 47. Voir également, Theo GUHL 1 Anton K. ScHNYDER 1 Jean Nicolas DRUEY, Das Schweizerische Obligationenrecht, 9e éd., Zurich 2000, § 12 N 31.

43 KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 62 n. 138.

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Christine CHAPPUIS

II. Texte clair et interprétation du contrat

Ces considérations générales sur la maxime du texte clair ayant été énon- cées, il convient de revenir au renversement de jurisprudence mentionné plus haut et à son incidence sur l'interprétation du contrat. Quelle doit être la réaction de l'interprète face au texte d'un contrar5 en apparence clair: peut- il déposer les armes ou doit-il continuer à réfléchir? Après avoir examiné comment la conception du Tribunal fédéral sur cette question a évolué (A.), on verra quelles leçons peuvent en être tirées (B.), en confirmant l'analyse par une brève incursion en droit comparé (C.).

A. Evolution de la jurisprudence

Le statut de la maxime du texte clair est ambigu au sein même de la juris- prudence. D'un côté, le Tribunal fédéral affirme que «la jurisprudence récente a nuancé le principe selon lequel il y aurait lieu de recourir à des règles d'in- terprétation uniquement si les termes de 1 'accord passé entre parties laissent planer un doute ou sont peu clairs»46La même idée se retrouve en des ter- mes légèrement différents dans d'autres arrêts selon lesquels «la jurisprudence actuelle n'attache plus une importance décisive au fait que les parties ont utilisé une expression juridique précise»47D'un autre côté, on découvre, dans un arrêt non publié48, que le Tribunal fédéral aurait en réalité abandonné, plutôt que nuancé, la règle du texte clair. Or, cet arrêt se réfère à une décision ( éga- lement non publiée) moins affirmative, selon laquelle il convient «de nuan- cer le principe qui a été posé dans les ATF 111 II 284 consid. 2 p. 287, 101 II 329 consid. 2 p. 331 et 99 II 282 consid. Ill p. 285»49Le principe a-t-il été simplement nuancé ou véritablement abandonné?

44 Selon les termes cités par Jean BELLISSENr, Contribution à l'analyse de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat, Paris (LGDJ) 2001, N° 1215.

45 A noter que l'interprétation du contrat ne repose pas nécessairement sur un texte en raison du fait qu'un contrat peut être valablement conclu oralement, voire par actes concluants.

46 ATF 127 (2001) III 144 consid. lb.

47 ATF 125 (1999) III 305 consid. 2b. Voir aussi, ATF du 23 août 2000 dans l'affaire 4C.68/

2000 consid. 2b.

48 ATF du 9 juillet 1998 dans l'affaire 4C.436/1997 consid. 2: «Aufgabe der Eindeutigkeitsregel». Dans le même sens, ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.325/1994 consid. 4a: «Soweit damit bei 'klarem' Wortlaut eine Berzïcksichtigung weiterer Auslegungsgesichtspunkte zum vornherein ausgeschlossen werden sollte, ist eine derartige

'Eindeutigkeitsregel' indessen abzulehnen».

49 ATF du 2 mars 1998 dans l'affaire 4C.24/1997 consid. le.

(31)

Le texte clair du contrat

Ce flottement entre simple nuance et véritable abandon se reflète égale- ment dans les anêts plus anciens cités par la jurisprudence récente50Aucun de ces anêts ne proscrit de manière absolue toute interprétation en présence d'un texte dit clair. Ainsi, le plus ancien d'entre eux, s'il commence par affirmer dans un bel élan que <<Lorsque le texte d'un contrat est claù; il n

:v

a pas lieu de dénaturer son sens par la recherche d'une inte1prétation fon- dée sur des éléments extrinsèques à la convention»51, s'écarte malgré tout du texte du contrat, à première lecture clair, au motif que la clause litigieuse ne fournissait pas au problème posé une réponse qui satisfit à la logique de l'opération envisagée par les parties. Le Tribunal fédéral conclut que ladite clause «ne peut être réputée un texte clair» 52

La clarté apparente du texte n'a de fait pas résisté à un examen plus poussé sur la base d'éléments ex- trinsèques destinés à déterminer la réelle et commune intention des parties conformément à l'art. 18 CO.

Le second anêt53 régulièrement cité se limite à constater que 1 'argument du vendeur, qui prétendait que l'acheteur s'était obligé à reprendre les cédules hypothécaires déjà constituées sur l'immeuble vendu, était contraire au texte clair de la clause prévoyant qu'une partie du prix de vente devait être payée en espèces et l'auh·e partie au moyen d'une cédule hypothécaire de premier rang à constituer en faveur du vendeur. Cette réglementation relative au paie- ment du prix supposait que l'immeuble fût vendu libre de tout gage, donc qu'il fût préalablement dégrevé par le vendeur, raison pour laquelle un délai de deux ans était accordé à ce dernier pour procéder à 1 'inscription de l'ache- teur au registre foncier. C'est ici le principe de la confiance qui est invoqué au secours du texte clair pour le confirmer dans son sens apparent.

Le troisième anêt54 porte sur l'interprétation d'une «reconnaissance de dette» signée par quah·e «débiteurs solidaires», dont la société SOCSIL SA.

Cette demière avait cherché à contester son engagement sur la base de la jurisprudence relative à la distinction entre un cautionnement et un engage-

ment principal (solidaire ou cumulatif). Le Tribunal fédéral se réfère au pre- mier anêt mentionné plus haut55 et oppose à SOCSIL SA l'argument du texte

5

°

Cf. les décisions citées n. 4 7 à 49.

51 ATF 99 (1973) Il 282 consid. 1.

52 Ibid.

53 ATF 101 (1975) II 329 consid. 2, JdT 1977 I 98.

54 ATF 111 (1985) 11284 consid. 2, que GAUCH, op. cit. n. 41, p. 215 n. 36, considère comme ayant déjà affaibli la règle initialement posée («absclnviichend»).

55 Cf. supra, n. 51.

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Christine CHAPPUIS

clail.s6Il retient que «Selon le principe de la confiance, est déterminant le sens que, selon les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait rai- sonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre ( .. ). Si en appli- quant ce principe, le juge peut donner un sens clair et conférer un effet juridique aux déclarations de volonté, une interprétation plus approfondie est superjlue»57Le sens clair est, dans cet arrêt, le résultat d'une interpréta- tion selon le principe de la confiance, ce qui est précisément en contradic- tion avec l'idée qu'un texte clair n'est pas sujet à interprétation. Dans la suite de l'arrêt, le Tribunal fédéral procède effectivement à une telle interpréta- tion qui lui permet de confirmer le sens résultant du texte clair de l'engage- ment58, en ce qu'il conespondait au «sens que pouvait raisonnablement prê- ter la créancière NEGRESCO SA à l'engagement pris par SOCSIL SA»59, soit que cette dernière avait assumé la position de débitrice solidaire à l'égard de NEGRESCO SA. A nouveau, le Tribunal fédéral prétend s'interdire toute interprétation du fait que le texte serait clair, alors qu'en réalité il fait passer le sens, à première vue, évident du texte par le crible du principe de la con- fiance.

Il résulte de ce qui précède que, malgré quelques belles affirmations théo- riques, les juges ne se laissent en fin de compte pas anêter dans leur mis- sion d'interprètes du contrat lors même que le texte en paraissait a priori clair.

La lecture de ces quelques arrêts laisse le sentiment que la règle du texte clair relève de cette préconscience avec laquelle le juriste aborde les ques- tions relevant de l'interprétation du contrat60Depuis quelques années, la pro- blématique est évoquée de manière suffisamment consciente pour être discutée.

C'est ainsi que le Tribunal fédéral, dans un anêt non publié de 199561, men- tionne expressément trois arguments contre le refus de principe d'interpréter un texte dit clair. Premièrement, le texte d'une clause contractuelle n'acquiert un sens déterminé que lorsqu'il est confronté à une situation de fait à régler, c'est pourquoi un sens littéral d'emblée clair n'existe pas. En second lieu,

56 A noter que les deux arrêts antérieurs cités [ATF 83 (1957) II 297 consid. 5a, JdT 1958 I 473 et 81 (1955) II 520 consid. 3, JdT 1956 I 462] ne sont pas aussi catégoriques quant au refus d'interpréter un texte contractuel clair.

57 ATF 111 (1985) II 284 consid. 2.

58 Ibid.: <<Le texte de la reconnaissance de dette litigieuse est tout à fait clair et le sens de l'engagement pris par ceux qui ont signé sous la rubrique 'débiteurs solidaires' est dé- pourvu de toute équivoque».

59 Ibid.

60 Cf. PERRIN, op. cit. n. 14, p. 253.

61 ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.325/1994 consid. 4a.

14

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Le texte clair du contrat

l'mi. 18 CO interdit de s'en tenir uniquement au texte et à une interprétation littérale. Enfin, lors même que le texte d'une clause contractuelle paraît clair à première vue, le rapport avec une autre disposition contractuelle, le but pour- suivi par les parties ou d'autres circonstances peut montrer que ledit texte rend mal compte du sens de la convention des parties.

Cette triple motivation du refus par le Tribunal fédéral d'en rester à un texte sans l'interpréter en raison du fait qu'il serait clair correspond aux dé- veloppements figurant ci-dessus62 et ne peut qu'être approuvée.

B. L'interprétation du texte clair d'un contrat

Une fois abandonnée la confortable certitude qu'assure la maxime du texte clair, il importe de définir quel est le statut du texte (légal ou contractuel).

La question est de savoir si 1' on peut encore se fier aux mots écrits. Lorsque les parties se sont donné la peine de rédiger un contrat, parfois longuement débattu, souvent mûrement réfléchi, il peut paraître choquant d'en reléguer ainsi le texte au second plan.

En réalité, nonobstant ce qui vient d'être dit, le texte reste de première importance et constitue le point de départ nécessaire du raisonnement. Le récipiendaire des présents Mélanges a montré une voie raisonnable en ma~

tière d'interprétation de la loi, qui permet d'ordonner les rapports entre un texte dit clair et son éventuel besoin d'interprétation. Il propose d'admettre une présomption en faveur du texte63 , présomption qui peut être renversée lorsque les circonstances font surgir un doute sur le fait que ce texte reflète véritablement l'esprit de la loi. Cette solution peut être transposée au domaine contractuel en ce sens que le texte adopté par les parties est présumé refléter leur volonté réelle et commune ou le sens raisonnable du contrafi'l.

Deux hypothèses sont envisageables, dans lesquelles la présomption en faveur du texte de l'accord peut être renversée: premièrement, s'il est établi que le texte d'une clause ne correspond pas à la volonté réelle et commune des parties; en second lieu, si ledit texte est en contradiction soit avec une autre disposition contractuelle, soit avec le but poursuivi par les parties65, ou

62 Cf. supra, I.

63 PERRIN, op. cit. n. 14, p. 253. Cf. également, KRAMER, Methodenlehre 1998, op. cit. n. 9, p. 62 n. 138.

64 Les développements qui précèdent valent sous réserve de règles particulières d'interpréta- tion, en particulier lorsqu'il s'agit d'un texte figurant dans des conditions générales ou un contrat préformulé par l'une des parties.

65 Tel était le cas de l'ATF 99 (1973) Il282.

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Christine CHAPPUIS

rend mal compte du sens de la convention pour d'autres motifs66Lorsque la présomption en faveur du texte est renversée, il y a lieu de recourir aux méthodes usuelles d'interprétation du contrat. Dans la première hypothèse, c'est la réelle et commune volonté des parties qui prévaut sur le texte conformément à l'art. 18 al. 1 CO (interprétation subjective), dans la seconde, le sens que des parties raisonnables auraient donné de bonne foi à la clause l'emporte sur le sens résultant à première vue du texte (interprétation objec- tive).

En réalité, cette solution est déjà contenue en germe dans 1' arrêt NEGRESC067 qui subordonne l'interprétation du texte clair d'un contrat à l'existence de circonstances particulières, non réalisées dans le cas d'espèce.

Ce sont les références ultérieures à cette décision qui ont rendu inutilement absolu le refus d'interpréter un texte clair.

Il est intéressant de relever que, malgré la modification de la jurisprudence, quatre des arrêts récents dans lesquels le Tribunal fédéral prend ses distan- ces avec la maxime du texte clair, constatent que le sens effectivement voulu par les parties ou le sens raisonnable fondé sur le principe de la confiance correspondent au sens dit clair68Un seul arrêt s'écarte d'un texte dit claitii9

On peut en conclure que l'ajustement théorique auquel le Tribunal fédéral a procédé, et qui mérite d'être salué, n'a pas eu pour effet de repousser le texte de l'accord au second plan.

Le bien-fondé d'une présomption en faveur du texte peut être démontré au moyen de la dernière décision du Tribunal fédéraF0 à ce sujet. Dans le cadre de négociations en vue de la conclusion d'un contrat de société simple, un économiste signe une reconnaissance de dette d'un montant de Frs 15'975 en faveur d'un garagiste. Par la suite, un document intitulé «Règlement pour solde de tout compte» pmtant la signature des deux parties est établi. Il a pour but de fixer le «Règlement de ma71 dette de Frs 13'500.-de la manière sui- vante»: les modalités du remboursement de la dette figurent dans la suite du

66 Enumération tirée de l' ATF du 10 mars 1995 dans l'affaire 4C.325/1994 consid. 4a.

67 ATF 111 (1985) II 284 consid. 2, cité supra, n. 54.

68 ATF 127 (2001) III 144; ATF du 23 août 2000 dans l'affaire 4C.68/2000; ATF du 9 juillet 1998 dans l'affaire 4C.436/1997; ATF du 2 mars 1998 dans l'affaire 4C.24/1997. Parmi les arrêts plus anciens, voir l' ATF 111 (1985) II 284.

69 ATF 125 (1999) III 305 (voir l'analyse qui en est faite infi'a, II.B). Deux décisions anté- rieures au changement de jmisprudence interprètent une disposition contractuelle après avoir précisé qu'elle n'était pas claire: ATF 111 (1985) II 284; 99 (1973) II 282.

70 ATF 127 (2001) III 144, SJ 2002 I 149 (consid. 2, non publié au Recueil officiel desATF).

71 La dette de l'économiste envers le garagiste.

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