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Droit coutumier neuchâtelois et droit romain

Le testament oral en droit suisse et dans l'ancien droit neuchâtelois

II. Le testament oral dans l'ancien droit neuchâtelois (testament nuncupatif)

1. Droit coutumier neuchâtelois et droit romain

La coutume neuchâteloise est une coutume d'essence germanique issue du droit burgonde. Se confondant presque avec la coutume de Bourgogne au début du Moyen Age, elle va se développer de manière indépendante à par-tir du XVIe siècle et demeurer ouverte à des influences diverses39Il faut cependant se garder d'inférer de cette tradition coutumière l'absence totale d'influence du droit romain dans l'ancien droit neuchâtelois. Bien au con-traire, comme dans toute l'Europe, le droit romain s'est introduit de deux manières dans l'ordre juridique neuchâtelois. Premièrement, le droit romain pouvait, au besoin, être appliqué à titre supplétif, en cas de lacune dans la coutume locale40. Deuxièmement, les coutumes elles-mêmes ont été impré-gnées dans de très nombreux domaines par la tradition romaniste. Le droit

38 Cf. Point de coutume du 6 mars 1723, in George-Auguste MATILE, Déclarations ou points de coutume rendus par le Petit-Conseil de la ville de Neuchâtel, Neuchâtel1836, pp. 175s.

Voir aussi, Henri-Florian CALAME, Droit privé d'après la coutume neuchâteloise, Neuchâ-tel1858, pp. 402ss et Henri JACOTTET, Le droit civilneuchâtelois, tome I, Neuchâtel1879, pp. 612ss.

39 Cf. JACOTTET, Le droit civil (n. 38), Introduction, pp. Xlls et Isabelle AuGSBURGER-BUCHELI, Le code civilneuchâtelois 1853-1855, Saint-Blaise 1988, p. 29.

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Cf. AuGSBURGER-BucHEu, Le code civil (n. 39), pp. 30s; Carlo Augusto CANNATA, «Le droit écrit à Neuchâtel, pays de coutumes», in Cahiers de l'Institut de sociologie et de science politique de l'Université de Neuchâtel, mars 1987, pp. 31-46, pp. 35s et Raoul VAN CAENEGEM, Introduction historique au droit privé, Bruxelles 1988, pp. 52-93.

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coutumier des peuples germaniques qui se sont installés dans le territoire de l'ancien Empire romain d'Occident a, en effet, très tôt été influencé par le droit romain vulgarisé, puis s'est modifié au cours de l'époque féodale au gré des besoins économiques et sociaux41 .

Dans de nombreux domaines, le droit germanique fruste et lacunaire a été complété par des règles d'origine romaine. Le cas du droit testamentaire est exemplaire. On peut aussi l'expliquer par le biais de la conception par-ticulière des rapports d'appartenance dans le droit germanique. D'une ma-nière générale, le droit germanique limite, au profit de sa famille, le droit de l'individu sur ses biens. Le sort de sa fortune après sa mort ne dépend pas seulement de sa volonté personnelle, mais aussi du droit général des mem-bres de sa famille. Le droit germanique considère comme la règle la succes-sion ab intestat, organisée de manière à conserver les biens dans les familles, et n'admet en conséquence qu'avec réticence la possibilité de modifier la succession par le biais d'un testament42Au contraire, le droit romain privi-légie le droit de l'individu et fait dépendre de sa volonté personnelle le sort de ses biens après sa mort. Pour le droit romain, la règle se trouve dans la succession testamentaire, et à défaut de testament, la succession ab intestat est organisée selon la volonté présumée du défunr3Ces conceptions diver-gentes ont évidemment eu des conséquences sur le développement des rè-gles testamentaires: elles sont développées en droit romain, pratiquement inexistantes en droit germanique. Dans les régions favorables au testament, c'est dès lors nécessairement dans la tradition romaniste que le droit coutu-mier, même d'origine germanique, a été puiser les concepts et les règles du régime testamentaire. Ainsi, pendant le Moyen Age les testaments étaient rédigés selon des formulaires issus de la pratique romaine44. Comme nous allons maintenant le constater, cette influence du droit romain se retrouve clairement dans le droit testamentaire neuchâtelois45

41 Cf. CANNATA, Le droit écrit (n. 40), p. 32s.

42 Cf. JAcOTTET, Le droit civil (n. 38), pp. 492ss et 584ss.

43 Cf. HuMBERT, L'acte à cause de mort (n. 27), pp. 131ss et JAcOTTET, Le droit civil (n. 38), pp. 492ss et 584ss.

44 Cf. CANNATA, Le droit écrit (n. 40), p. 32.

45 Cf. JACOTTET, Le droit civil (n. 38), pp. 588ss.

Le testament oral en droit suisse et dans l'ancien droit neuchâtelois

2. Régime du testament nuncupatif dans la coutume neuchâteloise Le recours au testament oral dans le pays de Neuchâtel est attesté par de nom-breuses sources, dont certaines, consistant en des actes de la pratique judi-ciaire, datent même du xve siècle46Je me suis pour ma part concentré sur les sources coutumières des XVIIe et XVIIIe siècles, en particulier sur des textes codifiant, reproduisant, ou interprétant la coutume locale.

Les principales références se situent dans deux grandes catégories de sour-ces. La première catégorie est composée de divers coutumiers d'origine pri-vée, consistant en des compilations, des aides-mémoires ou des tentatives de codification de la coutume47. Il s'agit généralement de manuscrits, par-fois peu lisibles, qui ont souvent été recopiés plusieurs par-fois, sans qu'il soit toujours possible de distinguer clairement l'original des copies. J'indiquerai en conséquence la référence exacte de chaque manuscrit cité dans ce texte48.

On sait, en revanche, que Neuchâtel n'a jamais connu de coutumier officiel49

Quant à la seconde catégorie, il s'agit des points de coutume, sorte d'avis de droit donnés à un particulier par le Conseil des Vingt-quatre de la Ville et Bourgeoisie de Neuchâtel (Petit Conseil de Neuchâtel), pouvoir municipal qui remplissait en même temps les fonctions de Cour de Justice50Dénués de force légale, ces points de coutume n'en avaient pas moins une autorité certaine, bien qu'il ait toujours été possible d'apporter la preuve du contraire51

Selon la coutume neuchâtel oise, le testament nuncupatif consistait en ce que le testateur fasse «verbalement et de vive voix sa déclaration de dernière volonté en présence de cinq témoins qui la certifient ensuite après sa mort judiciairement par leur témoignage consonnant et uniforme»52Voulant

défi-nir les principales caractéristiques du régime de ce testament, je reprendrai, par souci de clarté et de comparaison, la stmcture choisie pour la présenta-tion du régime du testament oral en droit suisse. Il s'agira, ainsi, en premier

46 Cf. PouDRET, Successions, (n. 24), pp. 270s.

47 Cf. Dominique FAVARGER, «Coutumes et coutumiers neuchâtelois à la fin de l'Ancien Ré-gime», in Musée neuchâtelois, 1967, pp. 60-78, pp. 65ss.

48 Les manuscrits consultés proviennent soit de la Bibliothèque publique universitaire de Neuchâtel (référence: BPU), soit des Archives de la ville de Neuchâtel (référence: AV).

49 Cf. AuosBURGER-BucHELI, Le code civil (n. 39), pp. 29ss.

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Cf. FAVARGER, Coutumes (n. 47), pp. 63ss et JACOTTET, Le droit civil (n. 38), Introduction, pp. XIII et XIV.

51 Cf. MATILE, Déclarations (n. 38), Notice historique, p. XXX.

52 Point de coutume du 10 avril 1722, in MATILE, Déclarations (n. 38), p. 170.

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lieu, de se demander si le testament verbal ou nuncupatif de l'ancien droit neuchâtelois était un testament ordinaire ou extraordinaire (sous-section a).

En deuxième lieu, sera décrite la procédure (sous-section b).

a) Circonstances ordinaires ou extraordinaires?

Comme nous le ven·ons, le testament nuncupatif a incontestablement été conçu dans le code civil neuchâtelois comme un testament extraordinaire, auquel le testateur ne pouvait recourir que dans des cas de nécessité (cf. ci-dessous section C.2.a). En revanche, le régime de ce testament sous la coutume neuchâteloise est controversé. Selon une doctrine traditionnelle, soutenue notamment par JACOTTET, spécialiste reconnu du droit neuchâtelois, le testament nuncupatif coutumier était une forme ordinaire de tester qui pouvait librement être choi-sie par le testateur53L'analyse de nombreux documents rédigés sous l'em-pire de la coutume pennet cependant de contester cette opinion.

C'est ainsi que, citant diverses sources neuchâteloises du XV< siècle, PouDRET a récemment démontré de manière convaincante que la pratique judiciaire de l'époque considérait le testament oral comme une forme de

né-cessité, à laquelle on ne recourait qu'à défaut de notaire54. Par ailleurs, les documents des XVIIe et XVIIIe siècles que nous avons étudiés permettent généralement de tirer la même conclusion.

Nous consulterons, en premier lieu, le «coutumier Hory»55 de 1618, rédigé à la demande d'Henri II de Longueville par Jean HoRY (1573-1656), juriscon-sulte et homme politique devenu lieutenant du gouverneur du pays, dit le

«Chancelier Hory>>. Il faut préciser que ce coutumier n'eût jamais de caractère obligatoire%. Il a toutefois joui d'une certaine autorité, de sorte qu'il consti-tue une source de référence, malgré son caractère parfois un peu académique57 53 Cf. JACOTTET, Le droit civil (n. 38), p. 614: «Ainsi, l'état de droit existant au moment de l'élaboration de notre Code admettait trois formes normales d'actes de dernière volonté, mises sur la même ligne et emp01tant les même effets: la forme olographe ... ; la forme publique ou solennelle; la forme nuncupative .. . ». Dans le même sens, cf. AuosBURGER-BucHELI (n. 39), p. 106.

54 Cf. PoUDRET, Successions, (n. 24), pp. 270s.

55 Le titre exact du coutumier HoiJ' est le suivant: «Coutumier de Son Altesse Sérénissime Henri d'Orléans, Prince de Neuchâtel & Valangim>. Il est aussi parfois appelé «Coutumier Henri»

du nom du prince sous lequel il a été élaboré. J'ai consulté le manuscrit déposé aux Archi-ves de la Ville de Neuchâtel (référence AV: BB 13/15), que l'on a présenté comme pouvant être l'original (cf. AUGSBURGER-BUCHELI, Le code civil (n. 39), p. 15, note 2).

56 Le coutumier HolJ' a été examiné en 1618 par les Audiences générales, autorité judiciaire et législative de l'époque, puis, par le Conseil d'Etat, en 1623. Mais il n'entra jamais en force, en raison de l'opposition de la bourgeoisie de Neuchâtel.

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Selon ce coutumier, le «Testament peut aussi être bon et valable quand même il n'y a point de notaire, & combien qu'il ne soit pas rédigé par écrit moyennant que les autres formalités cy dessus soyent observées & que les heritiers du testateur soyent clairement et intelligiblement nommés en presence desdits témoins et tel testament est appelé nuncupatif»58On constate que, selon ce coutumier, le testament nuncupatif présentait une certaine subsidiarité par rapport aux autres formes de tester. Son caractère extraordinaire résulte d'ailleurs expressément d'un point de coutume du 10 avrill722, déjà men-tionné (cf. note n. 52): «Lorsqu'un testateur, sans laisser par écrit pendant sa vie sa disposition et dernière volonté, soit en forme de testament olographe, soit en fonne de testament solennel reçu d'un notaire, se contente, avant sa mort, de faire verbalement et de vive voix sa déclaration de dernière volonté ... , en ce cas c'est un testament verbal ou nuncupatif...» (pp. 169s).

Dans ses Pandectes des Notaires, rédigé en 1738, BoREL, notaire, donne également au testament nuncupatifun caractère subsidiaire, forme testamen-taire que le testateur était en droit d'utiliser, au cas où il n'avait pas pu re-courir à un notaire:

«Le testament verbal, est celui par lequel un Testateur faute de Notaire, déclare sa dernière volonté par devant 7 témoins & nomme celuy qu'il veut être son héritier de sa propre bouche ... »59.

Le caractère extraordinaire du testament nuncupatif est encore clairement affirmé par BoYVE, avocat réputé, dans son traité consacré à l'ancien droit neuchâtelois: «Le testament verbal, ne se fait parmi nous que par les gens malades, ou qui se trouvent dans quelque circonstance pesante, ou dans quel-que danger imminent, ou lorsqu'on n'est pas à portée d'avoir un notaire, notre point de coutume s'exprime ainsi»60.

Toujours selon BoYVE, si le danger avait disparu, le testament verbal per-dait sa validité après un délai de six semaines, ce qui correspond dans son principe à la règle de caducité adoptée aussi bien dans le code civil neuchâ-telois (cf. art. 720 al. 2 CCN) que dans le code civil suisse (cf. art. 508 CC):

57 Cf. AUGSBURGER-BUCHELI, Le code civil (n. 39), pp. 35s, FAVARGER, Coutumes (n. 47), pp.

65 et 70, Dominique FAVARGER, <<A propos du coutumier Hary de 1618», in Musée neu-châtelois 1970; pp. 69-72, ainsi que Jean-François PounRET, Coutumes et coutumiers, patiie I, Les sources et les artisans du droit, Berne 1998, pp. 198s.

58 Cf. Jean HoRY Coutumier Hary (n. 55), p. 43.

59 A. BoREL, Les Pandectes des notaires où l'on voit tout ce qui est nécessaire tant pour la théorie que pour la pratique du Notariat, 1738, manuscrit (référence BPU: MSA 546), p. 138.

60 Jacques-François BoYVE (1692-1771), avocat aux barreaux de Berne, Vaud et Neuchâtel, Coutumier de Neuchâtel, manuscrit (référence BPU: MSA 519), tome II, pp. 949s.

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«Cependant suivant notre coutume comme le testateur n'est censé avoir fait un testament verbal que par la crainte de la mort à cause de l'état où il se trouve actuellement nos Praticiens tiennent que si le testateur ne meure pas de la maladie dont il était attaqué lorsqu'il a fait son testament verbal &

qu'il soit rétabli et qu'il sorte de la maison passé et au délai des six semai-nes sans écrire ou faire écrire son testament, que lors son testament verbal ne peut être d'aucun effet & qu'il est censé révoqué et cela est conforme à l'ancienne coutume de nos voisins [canton de Vaud] qui était la même que la notre»61

Cet usage neuchâtel ois était au demeurant confmme à ce qui se pratiquait dans tous les autres pays romands, puisque le testament oral y était réservé au moins à partir du

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siècle aux testateurs disposant sur leur lit de mort62 On peut encore noter que la coutume neuchâteloise connaissait aussi un testament nuncupatifprivilégié aux conditions d'établissement facilitées. En effet, alors que, dans les cas usuels, la coutume exigeait la présence de cinq témoins, elle se contentait dans des cas exceptionnels, comme en temps de peste ou de guerre, de deux témoins. Ainsi, résulte-t-il du coutumier Hary qu' «en danger de guerre ou de peste ou en quelquautre nécessité», la cou-tume de Neuchâtel admettait la validité du testament nuncupatif effectué de-vant deux à trois témoins dignes de foi et non suspects. La même règle ré-sulte d'un point de coutume rendu en 1628: «et s'il y a quelque disposition au contraire soit de tous ses dits biens, ou d'une partie d'iceux par testament ou donation verbale ou par écrit, elle ne doit subsister, sinon qu'elle ait été faite en présence de cinq à sept témoins dignes de foi, non suspects et non parens aux intéressés en la succession du défunt, hmmis en cas de nécessité, comme en danger de peste et de guerre hors du pays»63On la retrouve aussi chez BoYVE: «On croit qu'un testament fait à la campagne dans un lieu où on n'avait pas pu trouver des témoins en suffisance au moment que le tes-tateur pressé par la maladie aurait voulu tester, ne laisserait pas d'être vala-ble, s'il se conste que le nombre de 5 témoins n'ait pu se rencontrer avant que le testateur soit mort pourvu toutefois qu'il s'y soit trouvé pour le moins 2 à 3 témoins dignes de foi»64

61 BoYVE, Coutumier (n. 60), p. 951.

62 Cf. POUDRET, Le testament (n. 24), p. 43.

63 Point de coutume du 8 décembre 1628, in MATILE, Déclarations (n. 38), p. 47.

64 Jacques-François BovvE, Projet de sistème sur les us et coutumes écrites et non écrites de la Principauté de Neuchâtel et Valangin, manuscrit (référence BPU: MSA 521), p. 238.

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b) Procédure

Une fois que le testateur avait nommé verbalement ses héritiers devant 5 ou 2 témoins, suivant les circonstances, il s'agissait de déterminer la suite de la procédure et notamment la manière selon laquelle sa déclaration orale serait validée après son décès. Tout comme la procédure du droit suisse, les règles prévues dans la coutume neuchâteloise et qui sont relatées dans divers cou-tumiers et traités avaient comme souci de garantir la constatation et l'exécu-tion fidèles de la volonté du testateur.

Dans son traité célèbre consacré aux lois, us et coutumes de Neuchâtel, composé entre 1756 et 1757, puis imprimé après sa mort en 1785, Samuel

ÜSTERVALD, nous livre de nombreuses règles de la pratique neuchâteloise en la matière65Certaines règles concernent la qualité des témoins. Tout d'abord, les témoins devaient être des personnes honnêtes, saines d'esprit et qui avaient les capacités auditives et visuelles nécessaires à une reproduction exacte des paroles du testateur:

«C'est principalement lorsqu'il est question de ces sortes de testaments, que les témoins doivent être gens non suspects, bien connus & bien formés, non parens, d'âge viril & majeurs, avoir l'oreille & la vue bonnes, afin de connaître sûrement & d'entendre clairement le testateur. Il est aussi néces-saire qu'ils possèdent bien la langue qu'il parle, autrement ils seraient hors d'état de témoigner avec une pleine & certaine connaissance qu'elle a été sa disposition & dernière volonté»66

En outre, les témoins ne devaient pas être des parents proches ni du tes-tateur ni des héritiers institués: «Les témoins qui assistent à un testament nuncupatif ne doivent être plus proches parents du testateur & de 1 'héritier, ou des héritiers institués, que le tiers & quart degré, & des légataires, que du tiers degré»67

En principe, la coutume neuchâteloise n'exigeait aucune activité particu-lière des témoins entre le moment où le testateur leur avait déclaré ses der-nières volontés et le décès de ce dernier. Mais à la mort du testateur, les témoins étaient appelés à rapporter sous serment la déclaration de dernière volonté

65 Samuel ÜSTERVALD (1692-1769) fut licencié en droit de l'Université de Bâle, puis conseiller d'Etat et Président du Conseil d'Etat Neuchâtelois. J'ai utilisé l'exemplaire imprimé qui se trouve aux Archives de la Ville de Neuchâtel (référence AV: BB 13/15): Samuel OsTERVALD, Les lois, us et coutumes de la Souveraineté de Neuchâtel et Valangin, Neuchâtell785.

66 Cf. ÜSTERVALD, Les lois, us et coutumes (n. 65), p. 104.

67 Cf. OsTERVALD, Les lois, us et coutumes (n. 65), p. 104.

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de ce dernier. Dans son coutumier établi en 1731, MEURON précise qu'il re-venait à l'héritier institué dans le testament verbal de faire citer les témoins en justice après la mort du défunt ou le jour même de son décès, afin que ceux-ci déposent de la disposition du défunt68Selon un point de coutume du 18 mars 1628, relaté aussi bien par ÜSTERVALD69 que par BoYVE70, l'héri-tier institué dans un testament verbal devait faire déposer les témoins en justice dans les six semaines à partir du décès ou du moins les faire convenir en justice le dernier jour de ces six semaines sous peine de forclusion, à moins que quelque prétendant fut absent du lieu, auquel cas un délai supplémen-taire lui était accordé.

Pour que le testament nuncupatif soit validé, il fallait que les témoigna-ges de tous les témoins soient concordants, ou selon l'expression d'un point de coutume du 10 avrill722, «consonnants» et <mnifmmes»71Dès lors, pour éviter le risque de contradictions et garantir une fidèle compréhension des dernières volontés du testateur, les témoins étaient encouragés à rédiger les dernières volontés du de cujus. Le testament n'en conservait pas moins son caractère oral puisque le testateur avait nommé verbalement ses héritiers.

C'est ainsi que, même s'ils n'y étaient pas tenus, il était conseillé aux té-moins de mettre par écrit les déclarations du testateur, ce qui était de nature à faciliter leur déposition le moment venu. Un point de coutume du 6 mars 1723 indique, par exemple, que la déclaration verbale du testateur «peut être rédigée par écrit par un ou plusieurs des témoins pour s'en souvenim72

Au cours du XVIIIe siècle, il semblerait même que la rédaction par les témoins des dernières déclarations du testateur soit devenue un usage cou-rant. Deux procédures sont relatées dans les sources neuchâteloises, lesquel-les, dans leur esprit, ne sont pas sans nous rappeler les deux procédures al-ternatives prévues actuellement dans notre code civil (cf. art. 507 al. 1 et 2 CC). Selon la première, les témoins mettaient par écrit les déclarations du testateur et signaient le document: ainsi, BoYVE définit-il le testament

Au cours du XVIIIe siècle, il semblerait même que la rédaction par les témoins des dernières déclarations du testateur soit devenue un usage cou-rant. Deux procédures sont relatées dans les sources neuchâteloises, lesquel-les, dans leur esprit, ne sont pas sans nous rappeler les deux procédures al-ternatives prévues actuellement dans notre code civil (cf. art. 507 al. 1 et 2 CC). Selon la première, les témoins mettaient par écrit les déclarations du testateur et signaient le document: ainsi, BoYVE définit-il le testament