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Le pluralisme juridique comme doctrine de la science du droit

Jean-Guy BELLEY

Introduction

L'idée de pluralisme juridique occupe une place de choix dans l'œuvre du professeur Jean-François Perrin. Elle est à la fois la source et la conséquence d'une théorie réaliste de la juridicité qui prend acte de la pluralité des grou-pes dotés d'appareils ayant la compétence d'édicter le «socialement néces-saire»'. Elle a le statut d'un paradigme dans le protocole de recherche d'une sociologie empirique du droit soucieuse de rendre compte des règles et des ordres juridiques qui ne doivent pas leur existence à l'intervention d'un or-gane de l'État, des rapports de collaboration ou de conflit entre les normes ou systèmes de normes, de l'interaction dynamique entre l'expérience vé-cue de la justice et les prescriptions du droit organisé dans la genèse comme dans la performance des règles juridiques2Elle prédispose 1' esprit juridique à reconnaître pleinement la pluralité des fondements qui peuvent conférer leur validité à des types sociologiquement distincts de contrats3Elle met sur la voie d'une interprétation pluraliste des sources du droit pour sortir des contradictions patentes et des solutions injustes imposées par une lecture

1 Jean-François PERRIN, Pour une théorie de la connaissance juridique, Genève, Librairie Droz, 1979, p. 77-90.

2 Jean-François PERRIN, Sociologie empirique du droit, Bâle et Francfort-sur-le-Main, Helbing

& Lichtenbahn, 1997, p. 32-64.

3 Jean-François PERRIN, «Une approche socio-juridique de la théorie générale du contrat civil», (1994) 33 Revue interdisciplinaire d'études juridiques 37-54.

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moniste qui appauvrit la prise en compte des principes généraux du droit, des règles éthiques ou des normes sociales en les soumettant à la suprématie omniprésente et constante de la loi étatique4

Si le professeur Perrin milite fotiement en faveur de l'idée de pluralisme juridique, c'est qu'il a pleinement conscience des obstacles épistémologiques qui s'opposent à la pleine reconnaissance de ses vetius heuristiques dans la science du droit et dans une moindre mesure en sociologie du droit. Au sein de cette dernière, l'admission du pluralisme juridique comme paradigme sera facilitée par la mise en évidence de son utilité pour l'étude de la réalité so-ciale du droit puisque la discipline se veut dévouée à la connaissance des faits juridiques dans toute leur diversité et leur dynamisme5Il en va autre-ment dans la science du droit parce qu'une doctrine du pluralisme juridique qui prétendrait énoncer ce qui a force obligatoire en droit, ce qui a valeur de norme juridique valide et non simplement effective, ne peut qu'entrer en conflit avec l'idéologie des sources du droit qui a valeur d'orthodoxie dans la pen-sée juridique moderne et plus intensément encore dans sa variante républi-caine à la française6La meilleure stratégie de promotion du pluralisme ju-ridique pounait bien être celle de montrer aux juristes que l'idée de la pluralité des modes de production, d'expression et d'action du droit n'est pas une hérésie au sein même de leur ordre juridique de référence, celui de 1 'État.

Elle conespond au contraire à ce qui se fait déjà, mais qu'on n'ose pas dire:

«La théorie du droit doit assumer souvent la délicate mission d'expri-mer en termes généraux ce qui se pratique déjà légitimement mais si-lencieusement. Le discours pluraliste n'est pas encore maîtrisé. Le dire fait plus peur que le faire.»7

Je partage entièrement cette conviction du professeur Perrin. Je conçois le présent texte comme une contribution personnelle à cette théorie du droit qui assume la mission de faire passer l'idée générale de pluralisme juridique de l'ordre du faire à l'ordre du dire. J'oserai dire que le pluralisme juridique a pris

Jean-François PERRIN, «Les relations entre la loi et les règles de la bonne foi: collaboration ou conflit intemormatif? (de la thémie à la sociologie de l'abus de droit)», dans P. AANcEL, G. AuBERT etC. CHAPPUIS, L'abus de droit. Comparaisons ji·anco-suisses, Saint-Étienne, Publications de l'Université de Saint-Étienne, 2000, p. 31-49.

Jean-François PERRIN, Sociologie empirique du droit, op. cit., note 2, p. 38.

Jean-François PERRIN, Pour une théorie de la connaissance juridique, op. cit., note 1, p. 103-108.

Jean-François PERRIN, «Les relations entre la loi et les règles de la bonne foi...», op. cit., note 4, p. 42.

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une importance telle dans la réalité sociale du droit contemporain, à l'inter-face des productions étatiques et non étatiques de la juridicité, qu'il n'est plus loisible aux juristes de persister dans leur refus d'y reconnaître une nouvelle orthodoxie nécessaire scientifiquement et pratiquement. J'énoncerai les argu-ments de fait et de droit qui militent en faveur du pluralisme juridique comme doctrine principale de la science du droit. Je soulignerai les changements lo-giques, conceptuels et méthodologiques qui maximiseront la valeur heuristi-que de cette doctrine. Pour éviter qu'elle ne devienne à son tour un dogme scientifique et politique, j'essaierai d'identifier les limites et les lacunes de l'idéologie juridique pluraliste qui s'affirme aujourd'hui en montrant quel pourrait être l'apport scientifique d'une sociologie du droit fidèle à sa mission de révéler tout ce que la juridicité triomphante marginalise et tend à faire oublier.

M'inspirant du style souvent adopté par le professeur Perrin, j'exprimerai tout cela sous la forme de questions, car «ce qui fait progresser le savoir, c'est moins les changements de réponses que les changements de questions»8

Y a-t-il encore des pratiques légitimes mais silencieuses du pluralisme juridique

?

Au cours de la première modernité, l'État se concevait et voulait qu'on le reconnaisse comme une puissance souveraine. L'esprit juridique s'est fait esprit d'État9 et lui a fourni la théorie des sources du droit qui conforterait cette prétention identitaire. Aujourd'hui, au stade de la modernité avancée, l'État se conçoit lui-même et veut être reconnu comme une puissance en interaction utile avec d'autres puissances. L'esprit juridique prend ses distances avec l'ancien esprit d'État pour élaborer la théorie des relations de droit qui soutiendra ef-ficacement les stratégies de coopération des puissances étatiques et non éta-tiques. Je proposerai plus loin une interprétation de ce changement fondamental de l'idéologie juridique dominante. Je veux d'abord souligner l'effet capital de ce changement sur le statut et la portée de l'idée de pluralisme juridique dans la science du droit qui se transforme aujourd'hui à un rythme accéléré.

Sous l'empire de l'ancienne théorie des sources du droit, une doctrine du pluralisme juridique ne pouvait être qu'une conception antinomique, subal-terne ou insatisfaisante de la juridicité. Le droit qu'elle prétendait observer dans les faits sociaux ou dans la nature des choses pouvait être objet de

8 Jean-François PERRIN, Pour une théorie de la connaissance juridique, op. cit., note 1, p. 9.

9 Pierre BoURDIEu, «Esprit d'État: Genèse et structure du champ bureaucratique», (1993) 96-97 Actes de la recherche en sciences sociales 49-69.

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curiosité ou d'inspiration pour les juristes, mais c'était un abus de langage que d'y voir du droit dès lors qu'on prétendait s'intéresser à la réalité juri-dique des sociétés modemes plutôt qu'à celle des sociétés sans État ou qu'on s'adressait aux juristes ayant assumé la rupture avec le jusnaturalisme10Dans une culture modeme qui conçoit l'État, plutôt que la société, et la volonté humaine, plutôt que la nature des choses, comme sources éminentes de la juridicité, les faits et même les normes invoqués au titre du pluralisme juri-dique ne sauraient être que de l'infra-droit ou du non-droit. L'esprit juridi-que pouvait légitimement et devait peut-être professionnellement s'en désin-téresser aussi longtemps que les instances de l'État ne leur avaient pas encore conféré le supplément de valeur qui leur manquait pour accéder à la qualité de droit proprement dit. À défaut de cette reconnaissance étatique, les phé-nomènes de pluralisme juridique et la doctrine qui les disait tels ne pouvaient revendiquer en droit qu'une légitimité incettaine et se trouvaient plus sou-vent qu'autrement confinés au silence. L'État se payait le luxe de n'enten-dre et de ne reconnaître que la juridicité produite par ses instances.

La théorie des relations juridiques qui s'impose désormais à l'intérieur comme à 1' extérieur de 1 'État change la donne de façon radicale. La juridicité s'accroît en extension et en profondeur pour épouser toutes les formes et toutes les fonctions des relations politiques, économiques ou sociales que 1' on veut entretenir parce qu'elles sont indispensables à la réussite des projets d'ac-tion concertée. Le nombre des opérateurs juridiques et surtout l'intensité de leur activité notmative augmentent. Les niveaux de la régulation juridique se pluralisent et s' affment au-delà de la juridicité classique (le macrojuridique) et en-deçà (le microjuridique). La juridicité ne se confère plus comme une appellation d'origine contrôlée. Elle fait corps avec un processus relationnel et s'y transmet par osmose, par mimétisme, par reconnaissance mutuelle ou par simple phénomène de reflet. Ce qui n'était pas juridique à l'origine, ce qui ne prétend pas à cette qualité ou qui y résiste, prend néanmoins la cou-leur du droit dès lors que les acteurs en relation lui reconnaissent une utilité stratégique. Les faits et les normes ne sont pas juridiques parce qu'une ins-tance étatique leur a conféré une nouvelle identité. Ils sont juridiques parce que convoqués pour assurer la durée et l'évolution dynamique des proces-sus de coopération, y compris ceux auxquels 1 'État ne participe pas. Ils ac-cèdent à la juridicité pour le temps et dans la mesure de leur contribution à cette dynamique processuelle, sans perdre pour autant l'identité particulière

10 A contrario, les juristes restés jusnaturalistes préconisent volontiers une certaine idée du pluralisme juridique. Alain SÉRIAUX, «Pluralisme juridique et droit naturel», (1993) Revue de la recherche juridique 585-590.

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au nom de laquelle ils sont convoqués. Le droit proprement dit accepte dé-sormais de se conjuguer avec des normativités différentes de lui qui acquiè-rent ainsi une s01ie de juridicité par alliance.

Dans une science du droit qui concentre son attention sur la mobilisation généralisée et dynamique de la juridicité, l'idée de pluralisme juridique devient la nouvelle orthodoxie, celle qui dit la pluralité des voies et moyens du droit, la diversité de ses champs d'opération, son ouverture à toutes les rationalités et normativités qui sont partie prenante des projets à réaliser. Y a-t-il encore, dans ce contexte, des pratiques légitimes mais silencieuses du pluralisme ju-ridique? Je suggère trois propositions de réponse. Les pratiques légitimes du pluralisme juridique sont plus nombreuses parce que leur légitimité ne dépend plus de l'imprimatur étatique. Le pluralisme juridique qui accède à l'orthodoxie n'est plus toutefois celui auquel pensaient la plupart des précurseurs de la théo-rie et auquel s'intéressent encore la majorité des sociologues ou anthropolo-gues qui s'en réclament. C'est un pluralisme juridique plus organisé que spon-tané, plus dynamique que statique, plus réflexif que symbolique. Enfin, ce nouveau pluralisme juridique désigne des pratiques qui s'affichent ouvertement, savent se faire entendre et sont publiquement voire officiellement reconnues.

La thèse soutenue ici impose de montrer que le pluralisme juridique a gagné en importance dans la sphère du droit et non simplement dans la société. Le meilleur indice de sa reconnaissance nouvelle réside pour cette raison dans l'évolution inteme de la communauté juridique, plus particulièrement dans l'intérêt que lui portent dés01mais les théoriciens qui sont à l'avant-garde du changement de la pensée juridique et, d'autre part, les juristes praticiens dont l'activité professionnelle a le plus d'impact sur la transformation du marché des services juridiques. Si les pratiques de pluralisme juridique gagnent aujourd'hui en légitimité et en visibilité dans la sphère du droit, c'est en d'autres termes parce qu'il s'agit de pratiques significativement théorisées et assumées par les juristes eux-mêmes. Contrairement à l'ancien pluralisme juridique pratiqué silencieusement par les milieux sociaux peu perméables au droit étatique ou revendiqué marginalement par des juristes réfractaires au positivisme juridique, le nouveau pluralisme juridique trouve des promo-teurs et des acpromo-teurs privilégiés parmi les notables du droit.

La conversion de la communauté juridique se manifeste dans trois direc-tions majeures: celle du droit indépendant de l'État, celle de l'infra-droit et celle du non-droit. Dans chacune de ces directions, la théorisation et l'acti-vité professionnelle des juristes ne visent plus à établir la différence et la sou-veraineté du droit étatique, mais à souligner, au contraire, sa connexité et sa complémentarité avec certaines expressions privilégiées de la juridicité et de la normativité non produites par les instances de 1 'État.

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L'intérêt des juristes pour le droit qui s'élabore et se pratique indépen-damment de l'État, valens nolens, est certainement le plus manifeste. Cha-que communauté juridiCha-que nationale accrédite les nouveaux corpus de rè-gles identifiés au droit «supra-étatique», «transnational», «global» ou

«mondial»: le droit intemational des droits de l'homme, de l'environnement et de la sécurité transfrontalière, le droit européen, le droit du libre-échange et ses régimes régionaux, le droit des entreprises multinationales et de leurs codes de conduite, le droit des ONG et associations internationales, la lex mercatoria, les codifications privées du droit des contrats, les standards tech-niques normalisés ... L'intégration juridique supra-nationale, l'harmonisation des droits étatiques, la production polycentrique du droit de l'économie mondialisée, le développement de l'arbitrage commercial international et du marché des services de conseil juridique aux opérateurs de la nouvelle éco-nomie, sont des processus auxquels les juristes théoriciens11 et praticiens12 prêtent leur concours sans attendre une reconnaissance étatique officielle, en militant au besoin pour qu'elle advienne. Une communauté juridique trans-nationale se fonne sous nos yeux en se réclamant d'un nouveau sens com-munjuridique13 et d'une pratique professionnelle dont l'État n'est plus le centre de gravité 14.

L'intérêt des juristes pour l'infra-droit est moins spectaculaire parce que l'effervescence actuelle de la mondialisation lui fait de l'ombre. Les théori-ciens et les pratithéori-ciens qui en sont porteurs n'ont pas la cote des juristes trans-nationaux, mais ils n'en poursuivent pas moins leurs efforts de connaissance et leurs activités professionnelles. L'infra-droit qui les préoccupe s'identifie aux deux versants de ce qu'on pourrait appeler le droit de l'autonomie juri-dique conférée et/ou reconnue par l'État.

11 André-Jean ARNAUD, Pour une pensée juridique européenne, Paris, PUF, 1991; Mark van HoECKE and François Osr, eds., The Harmonization of European Priva te Law, Oxford, Hatt, 2000; Gunther TEUBNER, ed., Global Law Without aState, Dartmouth, Aldershot, 1997; André-Jean ARNAUD, Entre modemité et mondialisation, Paris, LGDJ, 1998; Bmno ÜPPETIT, Droit et modernité, PUF, 1998; Daniel MocKLE, «Mondialisation et État de droit», (2000) 41 Les Cahiers de Droit 237-288.

12 Yves DEZALAY, Marchands de droit. La restmcturation de l'ordrejwidique intemationa/

par les multinationales du droit, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1992; Hany W. ARTHURs,

«Globalization of the Mind: Canadian Elites and the Restmctming of Legal Fields», (1997) 12 Canadian Joumal of Law and Society 219-246.

13 Boaventura de SousA SANTOS, Toward a New Common Sense. Law, Science and Politics in the Paradigmatic T!·ansition, New York, Routledge, 1995.

14 Yves DEZALAY, «Multinationales de l'expertise et dépérissement de l'État», (1993) 96-97 Actes de la recherche en sciences sociales 3-20.

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Le premier versant regroupe toute la production juridique des instances étatiques ou para-étatiques qui n'a pas le statut de législation, mais dont les publicistes spécialisés ont une connaissance théorique et pratique de plus en plus systématique: les règlements et règles infraréglementaires de l'adminis-tration gouvemementale15; la réglementation produite par les collectivités locales, par les services publics et sociétés d'État, par les ordres profession-nels et autres groupements reconnus d'intérêt public ... La connaissance de plus en plus fine des étagements de la juridicité étatique et de sa production décentralisée révèle aujourd'hui dans toute son ampleur la toile d'araignée juridique tissée par l'État tout au long du 20e siècle.

Le second versant du droit de l'autonomie juridique n'est pas en reste.

Les règles formulées au titre de l'autoréglementation et des pouvoirs de droit privé n'ont pas cessé de s'y accumuler parallèlement au développement de la juridicité étatique et souvent en interaction avec elle. Cette production infra-juridique fait l'objet d'un intérêt plus soutenu depuis que la déréglementa-tion et la privatisadéréglementa-tion inspirent la transformadéréglementa-tion de l'ordre juridique étati-que: les statuts et règles de fonctionnement interne des organisations et associations privées dotées de la personnalité juridique; les conventions gé-nérales, règlements et formules-standards que les entreprises adoptent pour harmoniser leurs échanges et/ou imposent à leurs clients à travers la pratique des contrats d'adhésion16; les conditions d'accès et règles de conduite édic-tées par les détenteurs d'un droit de propriété aux usagers de leurs biens ou de leurs services; les règles de gestion de l'information imposées au nom du droit à la vie privée; les clauses des contrats et des actes juridiques unilaté-raux dont la validité est garantie sous réserve du respect de l'ordre public ...

L'explosion du phénomène organisationnel au 20e siècle dans les sphères du droit public et du droit privé tient pour beaucoup dans le développement exponentiel du droit de 1' autonomie juridique. Le raffinement et les ramifications des modes d'expression de cette juridicité inspirent désormais des efforts remarquables de renouvellement de la pensée juridique dans le sens d'une meilleure théorisation des pouvoirs normatifs de droit public et de droit privé17La pluralité des régimes d'autonomie juridique, leur insularité

15 Daniel MocKLE, Recherches sur les pratiques administratives pararéglementaires, Paris, LGDJ, 1984.

16 Jean-François PERRIN, Les conventions déclarées de force obligatoire générale en tant que sow'Ce de droit, Rapport à la société suisse des juristes, Helbing et Lichtenhahn Verlag AG, Bâle et Francfort-sur-le-Main, 1976; Louis L. JAFFE, «Law-Making by Private Groups», (1937) 51 Harvard Law Review 201-253.

17 Daniel MocKLE, «Ordre normatif interne et organisations», (1992) 33 Les Cahiers de droit 965-1 056; Pierr-e TRUDEL, «Les effets juridiques de l' autoréglementation», ( 1989) 19 Revue

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évidente et les liens variables qu'ils entretiennent encore avec le droit commun sont au coeur des tentatives les plus ambitieuses de reconceptualisation générale du droit18

Du côté de la pratique professionnelle du droit, seule la spécialisation sans cesse plus fine de 1' expertise juridique peut éviter aux juristes de succomber au vertige: les conseillers juridiques des ministères, commissions et agen-ces; les juristes à l'emploi des corporations municipales, scolaires et profes-sionnelles; les avocats d'entreprises et d'associations privées; les avocats d'af-faires ... Ces nouveaux praticiens du droit ont en commun une double expertise qui les distingue de leurs prédécesseurs généralistes: une connaissance pré-cise de lajuridicité infra-étatique qui a cours dans leur champ d'intervention respectif et une forte sensibilisation à 1 'imp01iance des normes du milieu qui n'ont pas valeur de droit, mais que les opérateurs et leurs conseillers juridi-ques n'ont pas le loisir d'ignorer19

L'intérêt des juristes pour le non-droit est probablement le meilleur in-dice de la transfonnation contemporaine de l'esprit juridique. Quand Jean Carbonnier s'est fait le promoteur du concept, l'idée avait d'abord une

L'intérêt des juristes pour le non-droit est probablement le meilleur in-dice de la transfonnation contemporaine de l'esprit juridique. Quand Jean Carbonnier s'est fait le promoteur du concept, l'idée avait d'abord une