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SYNTHESE des notions centrales du chapitre 5

6.2. Recueil des données

Une part importante de la constitution d’un corpus d’étude est le recueil de données. Nous présentons en 6.2.1. notre protocole expérimental. Les raisons qui ont déterminé le choix de notre public et les conditions de recueil des données sont exposées en 6.2.2. Nous terminons cette section par la présentation de la composition de notre corpus d’étude final.

6.2.1. Protocole expérimental

Pour mesurer les marqueurs linguistiques utilisés par les élèves pour désigner un même référent, nous reprenons une tâche problème de C. Garcia-Debanc contraignant les élèves à résoudre plusieurs problèmes d’anaphores (Debanc, Bonnemaison, 2014 ; Garcia-Debanc, Bras, 2016 ; Garcia-Debanc & al. 2017). La consigne d’écriture s’inspire de celle de Charolles (1988 ; cf. chapitre 3, section 3.1.2.3.) mais se distingue par le support inducteur choisi. Là où Charolles (ibid.), dans la lignée des travaux en psycholinguistique, s’appuie sur un ensemble d’images composant une bande dessinée, notre consigne s’appuie sur un ensemble de phrases. Ce choix nous permet d’analyser la prise en compte de certains indices linguistiques par les élèves dans la résolution de la tâche. De ce fait, elle peut être qualifiée d’épilinguistique car elle attire l’attention des élèves sur une dimension du fonctionnement de la langue, sans pour autant utiliser les termes du langage technique (Garcia-Debanc & al. 2017).

La consigne de la tâche-problème proposée est la suivante :

Racontez une histoire dans laquelle vous insèrerez, séparément et dans l’ordre donné, les trois phrases suivantes :

3. Depuis cette aventure, les enfants ne sortent plus la nuit.

La tâche-problème comporte plusieurs problèmes à résoudre. Pour en proposer l’analyse, nous reprenons Garcia-Debanc & Bonnemaison (2014) et Garcia-Debanc & al. (2017).

Les phrases de la consigne contiennent des expressions référentielles anaphoriques qui nécessitent l’introduction de référents : les pronoms personnels elle et il, les syntagmes nominaux (SN) démonstratifs anaphoriques cette maison et ce grand bruit, le SN défini pluriel les enfants. Ainsi, l’absence de référence explicite pour chaque occurrence à traiter conduit les élèves à insérer des phrases supplémentaires avant l’occurrence. Toutefois, les distances entre une reprise anaphorique et un terme source peuvent être diverses. La résolution peut être effectuée selon des enchaînements locaux entre phrases successives ou nécessiter une plus grande distance entre ces deux éléments.

Si la tâche proposée induit les élèves à gérer les marques de cohésion textuelle, elle ne donne aucune indication sur les personnages. Les élèves doivent décider eux-mêmes si les enfants mentionnés dans la dernière phrase sont un terme générique reprenant les personnages désignés précédemment par les pronoms personnels elle et il, s’il s’agit d’autres personnages ou encore, si cette moralité est une généralisation à partir de l’aventure arrivée à un seul enfant.

En outre, le choix du genre du récit est tout à fait ouvert. Il est guidé par la phrase fermoir, avec les mots nuit et aventure et le caractère de moralité qu’elle semble revêtir, qui suggère un danger et une peur. Comme l’indiquent Garcia-Debanc & al. (2017) : « ces éléments constituent donc à la fois des contraintes linguistiques à prendre en compte et des lanceurs d’écriture, tremplins de l’imaginaire ». Ainsi la dernière phrase joue-t-elle un rôle important pour la planification textuelle (Hayes & Flower, 1980), dans la mesure où elle contraint le cadre temporel de l’épisode-clé du récit, la nuit, et oriente l’atmosphère générale : si les enfants ne sortent plus la nuit, c’est qu’un ou plusieurs d’entre eux ont vécu une ou plusieurs aventures terrifiantes ou dangereuses la nuit. Aussi, tous les éléments induits par la phrase finale font apparaître la nécessité d’une planification à rebours du texte (Schneuwly, 1988).

Les deux premières phrases imposées de la consigne sont écrites à l’imparfait ou au passé simple, ce qui suppose que le texte à rédiger doit l’être dans les temps du passé. La troisième phrase imposée, quant à elle, est écrite au présent et a valeur « d’affirmation générique » (Garcia-Debanc & Bonnemaison, 2014). Elle implique de ce fait un lien de cause/conséquence entre le récit au passé comportant les deux premières phrases imposées et elle-même. De surcroît, l’élève doit aussi prendre garde à respecter les indications spatiales (dans cette maison) et temporelles (depuis longtemps, la nuit, depuis cette aventure).

Pour contourner d’éventuelles modifications apportées aux phrases proposées, celles-ci sont inscrites sur des bandelettes de papier que les élèves collent à l’endroit où ils le souhaitent dans le texte. Ce dispositif a été également choisi pour éviter d’induire la rédaction d’une longueur donnée de texte si ces phrases avaient été séparées par des pointillés.

En ce qui concerne le mode de passation, l’enseignant.e/l’expérimentateur a pour consigne d’expliquer le moins possible l’exercice et de s’en tenir strictement à la consigne distribuée, afin de ne pas biaiser les résultats en donnant des exemples pour aider les élèves ou en identifiant à leur place les occurrences à introduire. Chaque séance d’écriture a duré entre 40 et 50 minutes. Les élèves pouvaient recourir au brouillon s’ils en éprouvaient le besoin mais celui-ci n’était pas examiné par un adulte. De fait, la grande majorité des élèves a écrit directement le texte.

Dès la fin de la collecte, chaque texte a été scanné afin de conserver une iconicité maximale (Boré & Elalouf, 2017 ; cf. chapitre 5 section 5.2.2.) permettant de restituer le graphisme, la mise en page, les éventuels jeux de couleur. En outre, le support numérique permet d’accéder à la photographie de l’original en cas de doute ou pour une analyse plus fine du texte.

6.2.2. Public choisi et conditions de recueil

L’étude de la référence chez des élèves de 9 à 11 ans est la continuité de notre recherche de master. La thèse devait initialement porter sur l’étude de la référence chez les élèves de 9 à 15 ans, soit du CE2 à la troisième. Devant l’étendue du public concerné, nous avons restreint notre étude à l’observation de textes d’élèves de 9 à 11 ans, soit du CE2 au

le cycle 3 de l’école primaire. Depuis, le CE2 a été intégré au cycle 2 (CP, CE1, CE2) et le cycle 3 regroupe maintenant les CM1, CM2 et 6°. Malgré cette réorganisation officielle, nous avons fait le choix de garder notre public initial (CE2, CM1, CM2) car il permet de suivre de plus près les évolutions dans les apprentissages telles que celles constatées en psycholinguistique développementale entre 8/9 ans et 11 ans.

Le public visé par notre recherche se compose donc d’élèves de 9 à 11 ans, du CE2 au CM2 de l’école primaire française. Les élèves sont issus d’écoles primaires de Haute-Garonne et du Tarn-et-Garonne. Certaines écoles sont en milieu rural, d’autres en milieu urbain. Une école propose des enseignements bilingues français-occitan (Calandreta). En outre, certaines classes sont composées d’un petit nombre d’élèves et d’autres sont des classes multiniveaux. Il y a donc une hétérogénéité certaine du point de vue sociologique.

Le corpus ayant fait l’objet d’une extension progressive, la collecte des données a été effectuée en plusieurs temps. La première, issue de nos travaux de recherche en master, a été réalisée en 2012 par C. Garcia-Debanc. Il s’agit de trois classes de CM2 (CM2 B, CM2 S, CM2 T) et d’une classe de CM1 (CM1 B). Les collectes suivantes ont été effectuées par nos soins durant les deux premières années de thèse. Une collecte en juin 2015 a permis de recueillir des textes d’une classe de CM1 (CM1 T1) et d’une classe de CE2 (CE2 L). Une deuxième collecte en juin 2016, a permis également le recueil des textes d’une classe de CM1 (CM1 T2) et de CE2 (CE2 P). Enfin, un dernier recueil en juin 2017 a permis de réunir des textes d’une classe de CM2 (CM2 M) et de trois classes de CE2 (CE2 C, CE2 T, CE2 U). Cette dernière collecte visait à équilibrer le nombre de textes par niveau scolaire. Nous précisons que certaines classes sont des classes multiniveaux.

Au final, nous avons recueilli 210 textes d’élèves. Le tableau ci-après montre la composition de notre corpus.

Classe Nombre de textes recueillis par classe Nombre de textes recueillis par niveau CE2 C 6 70 CE2 L 8 CE2 P 22 CE2 T 25 CE2 U 9 CM1 B 15 70 CM1 T1 29 CM1 T2 26 CM2 B 15 70 CM2 S 25 CM2 T 21 CM2 M 9 TOTAL 210 210

Tableau 1 : Nombre de textes recueillis par classes et niveau scolaire  

Parmi les textes collectés, nous avons écarté de l’analyse les textes ne répondant pas à la consigne, c’est-à-dire les textes dans lesquels les phrases imposées ne respectent pas l’ordre indiqué ou sont collées les unes à la suite des autres, ainsi que les textes contenant un trop grand nombre d’éléments illisibles, rendant l’exploitation impossible. Ainsi, nous avons pu exploiter 185 textes.

Le corpus est constitué des textes d’élèves scannés et de leurs transcriptions (cf. section 6.3.) ainsi que de métadonnées indiquant l’identité du scripteur, son sexe, sa date de naissance, son niveau scolaire et la date de réalisation de l’exercice.

Mise à part la première collecte, tous les recueils de données ont été précédés de plusieurs documents :

‐ une note explicative à l’attention des parents expliquant les enjeux de cette recherche

‐ une autorisation d’exploitation à signer par les parents ou représentants légaux de l’élève. Ce dernier document vise à autoriser l’exploitation des données dans un cadre scientifique plus large que la seule réalisation d’une thèse de doctorat, comme la mise à disposition du corpus pour tout membre de la communauté scientifique.

Les enseignants qui ont accepté de participer à notre projet de recherche sont issus de notre propre réseau de connaissances ou des réseaux professionnels de collègues didacticiens. La composante didactique n’étant pas notre objet d’étude, nous n’avons pas tenu compte des caractéristiques de l’environnement didactique des classes, ni recueilli d’informations concernant les enseignants.

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