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SYNTHESE des notions centrales du chapitre 2

3.2. Les facteurs influençant les stratégies anaphoriques

La production des marques anaphoriques, que ce soit à l’oral ou à l’écrit, se développe donc sensiblement selon les mêmes étapes. Pourtant, il existe des facteurs qui influencent les stratégies anaphoriques.

3.2.1. Effet du type de texte sur les procédés anaphoriques utilisés

Rutter & Raban (1982) ont analysé des textes libres d’enfants de 6 et 10 ans. Les résultats de leur étude montrent que les enfants les plus jeunes (6 ans) ont plutôt tendance à employer des pronoms personnels pour référer. Les enfants plus âgés (10 ans) ont recours à des stratégies plus variées, telles que différentes formes de syntagmes nominaux ou des anaphores nominales. Comme l’indiquent toutefois De Weck & Schneuwly (1994), l’utilisation de textes libres ne permet pas de définir si un type de texte est plus propice qu’un autre à l’emploi de différentes stratégies.

Pellegrini & al. (1984) ont voulu déterminer si le type de texte avait un effet sur les stratégies référentielles des enfants. Dans cet objectif, les chercheurs font produire à 71 enfants de 7, 9 et 11 ans un texte narratif et un texte argumentatif, à l’oral et à l’écrit. Les résultats de cette étude indiquent que les enfants emploient plus d’anaphores nominales lexicales dans les textes narratifs que dans les textes argumentatifs. En outre, du point de vue développemental, l’étude montre que la cohésion grammaticale s’acquiert autour de 9/10 ans.

L’emploi de différents types d’anaphore en fonction du type de texte a été confirmé par De Weck et Schneuwly (1994). Ils ont comparé les procédés anaphoriques employés par des enfants de 10, 12 et 14 ans, dans 4 types de textes différents: argumentatif, explicatif,

narratif et compte-rendu d’une expérience personnelle (typologie des auteurs). D’un point de vue développemental, les résultats mettent en lumière le fait que « intralinguistic units of reference [e.g. anaphoric procedures] are acquired relatively late27 » (De Weck & Schneuwly, 1994 : 475). Le développement de la maîtrise des marques anaphoriques est inégal et couvre une longue période. En outre, les stratégies de reprises anaphoriques employées par les enfants ne sont pas les mêmes en fonction du type de texte. En effet, lorsque l’on regarde dans le texte narratif, qui est celui auquel s’intéressent nos propres travaux, en proportion, les pronoms personnels anaphoriques et les SN possessifs à la troisième personne sont plus nombreux que dans le texte argumentatif. Les SN démonstratifs et indéfinis sont également moins nombreux que dans le texte explicatif. Le type de texte a donc un effet sur le choix des expressions référentielles, comme le montrent également plusieurs autres recherches (Bronckart & Schneuwly, 1991 ; Berman & Katzenberger, 2004).

3.2.2. Effets de la connaissance partagée sur l’utilisation des expressions référentielles

Des travaux ont cherché à étudier l’effet de la connaissance partagée sur l’utilisation des expressions référentielles. Ces travaux nous intéressent particulièrement dans la mesure où ils permettent d’étudier l’anticipation par le rédacteur de la mauvaise compréhension possible par son futur lecteur.

Dans les travaux que nous nous apprêtons à présenter, la situation de connaissance non partagée a été testée à l’oral. Mais cette situation s’apparente également à la production d’écrit. En effet lors de la lecture d’un texte, le lecteur/récepteur ne peut s’aider d’un quelconque appui visuel pour décoder le message et l’encodeur/scripteur ne peut miser sur le fait que le lecteur partage les mêmes informations que lui. L’encodeur/scripteur fera donc en sorte de donner au lecteur toutes les informations nécessaires à la construction de la référence. Hickmann, Kail et Roland (1995) cherchent à étudier comment la connaissance partagée affecte l’évolution de l’utilisation des expressions référentielles par des enfants français de 6, 9 et 11 ans28. À cette fin, il est proposé aux enfants (20 par groupe d’âge) 2 situations. Dans la première, concernant la moitié des enfants de chaque groupe d’âge (soit 10        

enfants), un livre d’images leur est présenté, relatant des évènements concernant 3 personnages principaux (un garçon, un chien, une grenouille) et 4 personnages secondaires (des abeilles, une taupe, un cerf, un hibou). Chaque enfant doit raconter oralement l’histoire à un expérimentateur adulte qui regarde le livre avec lui (situation de connaissance partagée). Dans la seconde situation (concernant les 10 autres enfants par groupe d’âge), chaque enfant doit raconter oralement l’histoire en s’appuyant sur le livre d’images mais cette fois-ci, à un adulte dont il a au préalable bandé les yeux et qui doit la raconter ensuite à son tour (situation de connaissance non partagée). L’étude révèle que les enfants de 9 et 11 ans utilisent plus d’expressions référentielles (SN indéfinis, pronoms) en situation de connaissance non partagée qu’en situation de connaissance partagée. En outre, à partir de 9 ans, la manière d’introduire les référents varie en fonction de la situation : en connaissance non partagée, les enfants utilisent principalement des formes linguistiques indéfinies alors qu’en situation de connaissance partagée, ils emploient plutôt des formes définies. On constate donc qu’à partir de 9 ans, les enfants sont sensibles à la notion de connaissances partagées : lorsqu’ils savent que leur interlocuteur ne partage pas les mêmes connaissances qu’eux, ils ont conscience de la nécessité d’être plus explicites. Ces travaux indiquent aussi que c’est à 11 ans que les enfants emploient systématiquement les formes indéfinies pour l’introduction des référents, quel que soit le type de situation (connaissance partagée ou non).

Lorsqu’il s’agit du maintien de la référence, l’étude montre que le choix des formes linguistiques utilisées est déterminé par les relations de coréférence : 1) quel que soit l’âge et la situation, les pronoms employés sont principalement coréférentiels, 2) les SN nominaux simples et disloqués sont non coréférentiels. Si la conscience de la coréférence commence à se manifester à l’âge de 9 ans, elle ne devient le principe dominant de l’organisation discursive qu’à partir de 11 ans. Ces recherches appuient le fait que les procédures d’introduction des référents se mettent en place plus précocement que celles qui régissent le maintien de la référence (cf. notamment Hickmann & Schneider, 1993). Les procédures différentes utilisées pour l’introduction ou pour le maintien d’un référent s’expliqueraient par le fait que sur le plan cognitif, l’introduction d’un référent exige moins de coût de traitement. En outre, elle et est plus saillante que le maintien. Sur le plan linguistique, introduire un référent en français met en œuvre des oppositions moins complexes que celles nécessaires au maintien de la référence (Hickmann & al., 1995).

Ainsi que nous l’avons vu, la gestion des marques anaphoriques en production dépend non seulement de l’âge mais aussi de divers facteurs tels que le type de texte ou la situation de

connaissances partagées ou non. À ces éléments, il faut ajouter le poids des contraintes exercées par les processus rédactionnels, éléments que nous présentons dans la section suivante.

3.3. La place de la gestion de la cohésion textuelle dans les processus

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