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Le maintien des référents dans la narration : une construction progressive avec le pronom pour expression privilégiée le pronom pour expression privilégiée

SYNTHESE des notions centrales du chapitre 2

3.1. Les marques anaphoriques en compréhension et en production

3.1.2. Les marques anaphoriques en production

3.1.2.2. Le maintien des référents dans la narration : une construction progressive avec le pronom pour expression privilégiée le pronom pour expression privilégiée

Lorsqu’il s’agit de maintenir la référence à une entité, il semblerait que 7 ans soit un âge charnière. C’est en effet à partir de cet âge que les enfants établissent des liens anaphoriques ou intralinguistiques entre les différentes mentions d’un même élément.

Comme l’explique De Weck (1991), Hickmann (1980, 1984, 1987) montre une évolution dans la manière dont les enfants maintiennent la référence. Avant 7 ans, on observe une prédominance des étiquetages plus ou moins explicites qui ré-introduisent souvent le personnage lorsque l’enfant passe d’une image à l’autre « de telle sorte que les énoncés successifs sont à la fois indépendants les uns des autres et dépendants du contexte non linguistique » (De Weck, 1991 : 87). À partir de 7 ans, les enfants manient les pronoms et les déterminants de telle sorte qu’il existe des relations entre les expressions employées pour maintenir la référence et les référents eux-mêmes. C’est le cas par exemple dans une histoire où le protagoniste a un rôle plus central que les autres. Pour maintenir la référence à ce personnage, les enfants emploient des pronoms explicites et des anaphores-zéro alors qu’ils utilisent plutôt des syntagmes nominaux et quelques pronoms pour référer aux personnages secondaires. Hickmann (1987 : 256, cité par De Weck, 1991) conclut ainsi que :

« ce n’est qu’après 7 ans que les enfants présupposent les référents par rapport au co-texte et/ou ne les « ré-introduisent » plus d’énoncé en énoncé lorsque c’est clairement possible, notamment lorsqu’ils réfèrent souvent à un même personnage principalement présenté comme agent et/ou sujet d’une image à l’autre ». Karmiloff-Smith (1980, 1981) a étudié l’acquisition de l’anaphore pronominale chez 170 enfants entre 4 et 9 ans dont la langue maternelle est soit l’anglais soit le français. Dans ces travaux, elle demande aux enfants de produire un récit à partir de 6 images. Les résultats de cette étude, résumés par Bamberg (1986 : 239) et Wigglesworth (1990 : 107), ont montré qu’avant l’âge de 6 ans, les emplois pronominalisés ne sont que déictiques. Ce n’est qu’à partir de l’âge de 6 ans que les enfants commencent à utiliser des pronoms anaphoriques pour maintenir la référence, à travers la stratégie dite du sujet thématique. En effet, les enfants de 6 ans et au-delà réservent l’emploi du pronom personnel placé en début de phrase au sujet thématique, qui est en général le personnage principal de leur histoire. Les autres entités du récit sont dénommées à l’aide de SN définis. Les enfants plus âgés (8/9 ans) emploient également le pronom en position initiale dans la phrase pour référer au sujet thématique, mais ils peuvent aussi placer des personnages secondaires en position initiale, qu’ils décrivent alors à l’aide d’expressions définies. Les résultats de cette étude ont permis à Karmiloff-Smith (1983) de déterminer 3 phases du développement de la référence chez l’enfant, résumés par

de 6 ans, est caractérisée par des pronoms utilisés de manière déictique. La deuxième phase, entre 6 et 8 ans environ, est caractérisée par l’emploi de pronoms pour le sujet thématique, pronoms qui apparaissent de manière prédominante en position initiale dans la phrase. Enfin, la troisième phase (à partir de 9-10 ans environ) est caractérisée par l’emploi de pronoms qui peuvent référer à d’autres éléments que le sujet thématique, par exemple « in reduplicating a noun phrase in initial or last slot of utterances24 » (De Weck & Schneuwly, 1994 : 466).

Ces phases de l’acquisition de la référence ont été confirmées par Bamberg (1986). Ce chercheur étudie la manière dont les enfants et les adultes maintiennent la référence au cours d’un discours en utilisant des formes linguistiques variées. Pour cela, il propose à des enfants monolingues allemands et un de leurs parents un livre de 24 pages sans texte. Les parents doivent raconter l’histoire correspondant aux images à leur enfant. Quelques jours plus tard, les enfants doivent à leur tour raconter l’histoire, en s’appuyant sur le livre d’images. Bien que les enfants soient influencés par la manière de raconter de leurs parents, ces travaux montrent que la plupart des enfants entre 3 et 4 ans, ainsi que quelques-uns autour de 5-6 ans, emploient principalement un pronom en position initiale dans la phrase lorsqu’il s’agit de référer au sujet thématique. À partir de 9 ans, les enfants utilisent des pronoms en position initiale de phrase pour maintenir la référence, même s’il s’agit d’une entité autre que le sujet thématique. En revanche, ils emploient des SN pour introduire ou changer de référent.

De même, dans une étude plus récente, Jisa (2000, 2004) demande à 3 groupes d’âges différents (5, 7 et 10 ans) de 15 enfants chacun de regarder attentivement un livre d’images mettant en scène les aventures d’un homme et d’un chien. Les enfants doivent ensuite raconter l’histoire à un adulte qui n’a pas connaissance des images. Les résultats de l’expérience confirment la prédominance de l’emploi des pronoms dans le maintien de la référence, quel que soit l’âge des enfants. D’autres recherches arrivent au même constat. Bartlett (1984) par exemple, demande à 160 enfants de langue anglaise de 11 à 13 ans de raconter par écrit les évènements qu’ils ont vus au préalable dessinés sur des images. Dans chaque groupe d’âge, les enfants sont divisés en deux sous-groupes : un constitué d’enfants considérés comme bons dans les tâches d’écriture, c’est-à-dire ayant des compétences au-dessus de la moyenne (good writters) et l’autre d’enfants médiocres, c’est-à-dire ayant des compétences en-dessous de la moyenne (poor writters). L’étude montre que quel que soit le groupe d’âge ou de niveau, les pronoms sont privilégiés dans le maintien de la référence. De        

même, les recherches de Hickmann (1987, opp. cité) ; Hickmann & al., (1995, voir section 3.1.2.3. de ce chapitre) ; Hickman (2003) et Berman (2004) arrivent aux mêmes conclusions. Ainsi, de nombreuses études montrent que le pronom est l’expression référentielle préférée dans le maintien de la référence.

Quelques travaux se sont intéressés à l’utilisation de l’article défini dans le maintien de la référence. Warden (1976), par exemple, constitue 4 groupes (3 ans, 5 ans, 7 ans et 9 ans) d’une vingtaine d’enfants anglais chacun. Dans chaque groupe, le chercheur propose à un enfant une histoire composée de 3 dessins comprenant 3 référents animés et un inanimé. L’enfant doit alors raconter l’histoire à un autre enfant qui n’a pas accès aux dessins. L’expérience révèle que c’est à partir de 9 ans que les enfants limitent leur utilisation de l’article défini dans le discours narratif à l’article défini anaphorique. À partir de cet âge, ils emploient l’article défini pour un référent en seconde mention. Karmiloff-Smith (1979) arrive à la même conclusion. De même, Jisa (2000)25 indique que l’article défini est principalement employé pour réintroduire un référent, c’est-à-dire placer à nouveau en position sujet un référent déjà introduit dans le discours, ou en d’autres termes, réactiver le référent devenu peu accessible en mémoire (cf. chapitre 1, section 1.2.).

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