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Synthèse des notions centrales du chapitre 3

CHAPITRE 4 : L’enseignement des marques de cohésion et le jugement de cohérence des enseignants jugement de cohérence des enseignants

4.1. L’enseignement des marques de cohésion

4.1.2. L’enseignement des marqueurs référentiels

Lorsqu’il est question de cohérence ou de cohésion textuelle dans les programmes, et plus particulièrement lorsqu’il s’agit de réinstancier un référent dans un texte d’élève, beaucoup d’enseignants réduisent cette notion à l’évitement des répétitions (Schnedecker, 1995). Or, comme le résume Garcia-Debanc (1993 : 23), l’enseignement des marqueurs référentiels nécessite « d’inventer des démarches didactiques s’appuyant au plus près sur les besoins constatés chez les élèves en production d’écrits et fondées sur une analyse linguistique précise des obstacles ». L’enseignement des marqueurs référentiels peut donc s’effectuer en plusieurs étapes.

En premier lieu, il s’agit d’identifier les problèmes rencontrés par les élèves lors de la production d’écrit, et plus précisément dans le cadre de notre recherche, les difficultés ayant trait à la référence. Plusieurs chercheurs ont travaillé avec cet objectif, couplé ou non à des propositions didactiques37.

Une fois les difficultés identifiées, il est plus facile de mettre en œuvre une démarche didactique efficace pour l’enseignement des notions qui posent problème (Tauveron, 1987 ; Djebbour & Lartigue, 1994). Ainsi, quelle que soit la forme de travail envisagée pour améliorer les compétences discursives des élèves en matière d’anaphores, les objectifs d’apprentissage restent les mêmes. En effet, après avoir mis en place progressivement la terminologie métalinguistique adéquate pour parler du texte et s’y référer, il est nécessaire de dépasser le traitement local des faits linguistiques et de prendre en compte leur dimension discursive. En d’autres termes, les élèves doivent être sensibilisés au fait qu’un remaniement ponctuel (supprimer une répétition et la remplacer par un pronom par exemple) peut avoir des répercussions sur la cohérence du texte entier (Djebbour & Lartigue, 1994).

Un autre axe de travail concerne les remaniements syntaxiques (Ibid.). L’élève doit apprendre que les problèmes de répétitions conduisent à des transformations syntaxiques (effacement du sujet par exemple). L’évitement des répétitions peut également conduire à une condensation de deux phrases en une ou à un déplacement de l’information, opérations qu’il convient de prendre en compte afin d’une part, que le lecteur comprenne toujours de quoi il        

37 On peut penser notamment à Tauveron, 1987 ; Charolles, 1988a, 1988c ; Reichler-Béguelin, 1988b, 1995 ; Garcia-Debanc, 1993 ; Djebbour & Lartigue, 1994 ; Schnedecker, 1995 ; Cappeau & Roubaud, 2005 ; Cavanagh, 2006.

s’agit et d’autre part, que la lecture soit rendue plus fluide, le texte plus « cohérent ». Enfin, il s’agit également de faire prendre conscience aux élèves de la diversité des substituts et de la possibilité d’en utiliser plusieurs dans un texte (Tauveron, 1987 ; Djebbour & Lartigue, 1994 ; Paret, 2003). Garcia-Debanc (1993) propose un inventaire des objectifs à maîtriser dans le domaine de la référence et une carte des activités correspondantes, en s’appuyant sur Reichler-Béguelin (1993). Tous les objectifs d’apprentissage précédemment cités peuvent être travaillés en prenant pour supports des textes qui en favorisent l’acquisition progressive, mettant ainsi le texte au centre de l’apprentissage de la langue (Chartrand, 2008 ; Marmy-Cusin, 2012), dans une tentative de grammaire intégrée qui associe à la fois la grammaire phrastique et la grammaire textuelle (cf. section 4.1.1).

Dans la même période, au milieu des années 1990, Djebbour & Lartigue (1994) ont travaillé sur des activités de construction de savoirs métalinguistiques dans des classes de cycle 3 (CM1 et CM2) pour améliorer les compétences discursives des élèves en matière de référence. Partant de problèmes rencontrés par les élèves au niveau de la désignation des personnages, c’est-à-dire au niveau des anaphores, dans des activités de lecture et d’écriture de textes narratifs, elles cherchent à mettre en place des projets d’enseignements pour résoudre ces problèmes. À cet effet, les chercheuses proposent trois situations didactiques que nous présentons ci-après, à la fois dans le but de dresser un état des lieux des savoirs métalinguistiques des élèves, et de proposer un projet d’enseignement de ces notions.

La première situation didactique que ces chercheuses préconisent est le repérage des chaînes anaphoriques (voir aussi Lentz, 1993 ; Bucheton 1994). Dans un premier temps, ce repérage est effectué dans des textes d’auteurs. L’objectif de cette situation est de faire réfléchir les élèves sur les personnages : leur introduction dans le récit, la manière dont ils sont situés les uns par rapport aux autres. Pour aider à ce repérage, les élèves doivent surligner d’une même couleur chacun des éléments d’une même chaîne. Dans un second temps, ce repérage par le surlignage en couleur intervient dans les récits produits par les élèves eux-mêmes. L’objectif poursuivi ici est de permettre la mise à distance du texte pour une prise de conscience des éventuels problèmes anaphoriques (ambiguïté, répétitions abusives…). On retrouve cette première phase de reconnaissance dans une situation décrite par Tauveron (1987), du moins dans son objectif car la mise en œuvre est différente du fait de l’âge des élèves. Comme l’indique Tauveron (ibid.), dans le but de faire des reprises anaphoriques un objectif d’apprentissage, trois enseignantes de CP proposent à leurs élèves de souligner dans

que cette opération permet de comprendre du texte, les élèves doivent reprendre chaque terme pour remonter à sa source. Autrement dit, il s’agit pour eux de comprendre à qui ou à quoi chaque mot souligné fait référence. Une fois le référent des pronoms retrouvé, les élèves identifient tous les autres termes référant à la même entité (noms propres, substituts lexicaux, etc.), sous la forme d’un jeu de lecture dont la consigne est la suivante : « je peux venir montrer que j’ai reconnu un « il » ou « elle », un « son »… à la seule condition de dire en même temps ce qui se cache derrière ». À l’aide de couleurs différentes, est ainsi dégagée la chaîne de référence de chacun des personnages. Cette première situation, quelle que soit sa mise en œuvre, permet aux enfants, en fonction de leur âge, d’identifier, différencier et classer les moyens linguistiques permettant la reprise anaphorique. Ces moyens sont une aide à la production d’écrit mais également à la lecture car ils permettent aux enfants de mieux comprendre la progression des expressions référentielles dans un texte.

La deuxième situation proposée par Djebbour & Lartigue (1994), (mentionnée aussi chez Tauveron, 1987 ; Charolles, 1988c ; Bergeron, 2003) est la réécriture d’un texte de pair ou d’un texte d’auteur présentant des ambiguïtés référentielles. Sur la base d’un texte d’élève produit dans la classe et présentant de nombreuses répétitions, une évaluation collective est proposée. Par groupes, les élèves font le même travail de repérage que dans la première situation puis proposent une réécriture du texte dans le but de remédier aux dysfonctionnements observés.

La troisième situation, sur la base des conclusions qui ont émergé des deux premières situations, consiste en la rédaction par les élèves d’une fiche-outil. Cette fiche doit contenir des propositions linguistiques pour résoudre des problèmes d’ordre anaphorique, ainsi que les précautions à prendre pour opérer les remaniements dans un texte.

Avec le même objectif d’étude des problèmes référentiels rencontrés par les élèves lors de la production d’un texte, Schnedecker (1995) analyse divers textes d’élèves du CM à la troisième. Pour chaque type de problème référentiel rencontré, elle s’attache à proposer une intervention didactique. Par exemple, lorsqu’il s’agit de renforcer un savoir-faire établi, tel que la désignation d’un référent saillant, ou de sensibiliser aux problèmes que suscite un texte pluriréférentiel, un remaniement du texte peut être envisagé. Le texte d’origine peut être modifié de telle sorte qu’il comporte alors des blancs après un pronom renvoyant à l’un des référents. Pour identifier le référent du pronom, l’élève doit se demander à qui (à quel personnage/quelle entité) renvoie le pronom en question. Un deuxième type d’exercice peut

consister dans le fait de proposer aux élèves un corpus de textes simples (par exemple : résumés de films, extraits de romans…) puis de les sensibiliser aux critères qui aident à déterminer quel est le personnage central, comme l’ordre des mentions dans le texte ou le nombre de reprises. À partir de cette activité, un travail plus précis sur les ambiguïtés et leurs différents degrés (Charolles, 1988a) peut être débuté, tout d’abord à travers une série d’énoncés décontextualisés qui présentent des ambiguïtés potentielles. Dans un second temps, les énoncés réinsérés dans leur contexte d’origine font l’objet d’une discussion autour des éléments qui empêchent justement cette ambiguïté.

Lorsqu’il s’agit d’attirer l’attention des élèves sur le choix des expressions référentielles dans le contexte de la redénomination, il peut être proposé aux élèves une version « pronominalisée » d’un texte. Ils devront alors dire s’ils jugent le texte cohérent, comment ils interprètent la redondance des pronoms, et par quels autres éléments ils pourraient les remplacer (voir aussi Charolles, 1988c). L’accent peut être mis également sur le fait que deux expressions référentielles identiques qui apparaitraient dans deux propositions qui se suivent ne sont pas incompatibles, à la condition qu’elles se manifestent dans deux espaces de véridiction bien distincts et circonscrits. À cet effet, les élèves peuvent être confrontés à un exercice consistant à lever une contradiction sans remplacer l’expression référentielle : Pierre est un excellent cuisinier. Pierre est un cuisinier incompétent. Devient :

Dans son restaurant, Pierre est un excellent cuisinier. Chez lui, Pierre est un cuisinier incompétent. Ou encore : Marie prétend que Pierre est un excellent cuisinier. En réalité, Pierre est un cuisinier incompétent.

Ces diverses situations didactiques peuvent être considérées comme des propositions de séances qui pourraient être menées en classe afin d’améliorer les compétences discursives des élèves en matière de référence.

4.2. Évaluer la cohérence et la cohésion textuelles : la place de la cohésion et

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