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La place de la cohérence/cohésion dans les programmes d’enseignement de la grammaire de quelques pays francophones grammaire de quelques pays francophones

Synthèse des notions centrales du chapitre 3

CHAPITRE 4 : L’enseignement des marques de cohésion et le jugement de cohérence des enseignants jugement de cohérence des enseignants

4.1. L’enseignement des marques de cohésion

4.1.1. La cohérence textuelle dans les programmes d’enseignement

4.1.1.5. La place de la cohérence/cohésion dans les programmes d’enseignement de la grammaire de quelques pays francophones grammaire de quelques pays francophones

Québec

Au Québec, l’enseignement du français a également connu plusieurs phases, comme l’indique la synthèse de Chartrand (2011) sur laquelle nous nous appuyons. Jusque dans les années 1970, les programmes scolaires, appelés programmes-cadres, se résumaient à un balisage général. Les premiers programmes de français ont été publiés en 1980, rompant avec

la tradition d’un enseignement jugé trop formaliste et éloigné des pratiques langagières. Notons au passage que ce constat est le même que celui des années 70 en France, qui a conduit au Plan de rénovation de l’enseignement du français (Projet Rouchette). Avec cette nouvelle vision de la langue au Québec, la priorité a été donnée à la langue comme moyen de communication et la grammaire renvoyée au second plan, utile à seule fin de résoudre une difficulté dans la communication écrite. Cependant, ces programmes, malgré une volonté de rupture, n’ont eu que peu d’effet dans les classes. Du point de vue de l’étude de la langue, ces programmes ont eu le mérite d’amener les élèves à appréhender les textes dans leur contexte de production et de réception. En revanche, l’approche communicative préconisée a eu pour effet d’évacuer l’étude de leur textualité (Chartrand, 2011 : 48).

Suite à ce constat, les programmes québécois de 1995 adoptent une approche fondée sur l’analyse des séquences textuelles. Avec cette rénovation de l’enseignement de la grammaire, un nouveau regard sur la langue et sur l’analyse du français a été proposé, à travers une observation de la langue qui prend en compte à la fois la grammaire de phrase et la grammaire de texte, comme l’indiquent les programmes : « observer le fonctionnement d’un phénomène grammatical afin de découvrir les règles d’organisation et de fonctionnement dans les textes lus » (Chartrand & Paret, 2010 : 63), et « évaluer l’apport du phénomène grammatical étudié au sens de la phrase et du texte dans les textes lus et rédigés par les élèves » (ibid. : 63). Ces programmes s’inscrivent dans un courant d’enseignement de la grammaire qui existe depuis plus de 40 ans en Europe.

Une nouvelle réforme est venue réorganiser les programmes d’enseignement en 2005-2007, en formulant les contenus de formation en termes de compétences. Cependant, en ce qui concerne l’enseignement de la grammaire (ou travail sur la langue), les contenus restent les mêmes que dans les programmes précédents. Ainsi, au sujet de l’enseignement du français au Québec, Chartrand (2011 : 50) résume la situation ainsi :

« En somme, pour l’enseignement grammatical, les enseignants de français ont eu trois programmes en 25 ans. […] Celui de 1980 prescrivait de mettre la grammaire au service de la communication, sans préciser comment (chaque enseignant devait le découvrir !), préconisait une grammaire à l’occasion, n’imposait pas de contenus précis, ne présentait pas explicitement une critique des contenus et démarches de l’enseignement traditionnel de la grammaire, pourtant en bonne partie incompatible avec ses orientations. Celui de 1995 prônait un enseignement systématique de la grammaire (en continuité avec les années 1950 et 1960 et en rupture avec celui de 1980) où les contenus étaient organisés selon la logique du système de la langue, plutôt que celle des besoins langagiers des élèves. Celui de 2005-2007, mise à part la référence au programme antérieur, ne s’engage

pas. Il se contente de dresser une liste de « notions et concepts » grammaticaux à enseigner sans préciser en quoi ils sont utiles ni quand les enseigner ».

Suisse romande

En Suisse romande, une rénovation de l’enseignement a également eu lieu dans les années 70-80 et a touché les contenus et les méthodes d’enseignement du français à l’école obligatoire (Reichler-Béguelin, 1999). De même que le Plan de rénovation français, dont il s’inspire, le document Maîtrise du français (1979) marque une rupture dans l’enseignement suisse en donnant la priorité à une visée communicative de la langue, à travers quatre grandes finalités : savoir écouter, savoir parler, savoir lire et savoir écrire (Simard & al., 2010). Comme l’explique Bronckart (2016), de ces préconisations découle un ensemble de travaux visant à la modernisation de l’enseignement de la langue maternelle :

‐ l’élaboration d’une méthodologie générale intégrant et coordonnant les traditionnelles composantes d’expression, grammaire, vocabulaire et conjugaison ; ‐ la production de grammaires et d’autres moyens d’enseignement adaptés aux

différents niveaux de la scolarité ;

‐ la mise en place d’un dispositif de suivi et d’évaluation des effets de l’implémentation des innovations, assurés par des formateurs, linguistes et pédagogues réunis dans le groupe Bally.

À travers les préconisations de ce document, l’enseignement de la grammaire visait à écarter toute caractéristique de la grammaire traditionnelle, en abandonnant par exemple des définitions « qui mélang[ent] critères référentiels et critères morphosyntaxiques » ou en rejetant « une didactique procédant par mémorisation de définitions et de règles, suivie de leur application » (Bulea Bronckart & Bronckart, 2017 : 23). L’enseignement rénové du français qui est proposé alors prend notamment appui sur l’analyse distributionnelle et la grammaire générative transformationnelle, comme l’indique Bronckart (2016 : 4) :

« Ces tentatives se sont caractérisées aussi, sur le plan de l’identification et de la dénomination des entités linguistiques, par l’instauration d’une démarche d’abord fondée sur des procédés (manipulations) et critères syntaxiques ».

Dans les années 90, la grammaire de l’oral et la grammaire textuelle font leur apparition dans les textes officiels avec les notions de connecteurs, anaphores, genres et de nouvelles procédures de travail (résolution de problèmes d’écriture, lecture suivie, ateliers de

négociation graphique, etc.) (Aeby, De Pietro & Wirthner, 2001). Mais la grammaire textuelle et la grammaire de phrase restent des domaines étanches et superposés (Reichler-Béguelin, 1999), bien qu’enseignées toutes deux. Comme l’indiquent Buléa Bronckart & Bronckart (2017), la Conférence Intercantonale de l’Instruction publique de la Suisse romande et du

Tessin (CIIP) a engagé dans les années 2000 un réexamen d’ensemble des programmes et

méthodes d’enseignement du français à l’école obligatoire. Un travail de fond a été entrepris qui a donné lieu à la publication d’Orientations (CIIP, 2006) énonçant les finalités et les principes généraux de la discipline, puis en l’adoption et la diffusion d’un Plan d’Etudes

romand (CIIP, 2010) qui inventorie les objectifs d’apprentissage et les contenus

d’enseignement. Les orientations qui découlent de ce remaniement restent dans le prolongement des préconisations du document fondateur de 1979, Maîtrise du français, mais proposent une actualisation des fondements de l’enseignement du français. Cette actualisation se traduit notamment par l’enseignement de la production et la compréhension de textes, qui doit être le « point de départ pour construire et apprendre les concepts grammaticaux » et le « point d’arrivée pour les mettre en œuvre dans la lecture et l’écriture » (Orientations : 11, cité par Buléa Bronckart & Bronckart, 2017). Ainsi, l’enseignement de la grammaire en Suisse romande se veut large, incluant à la fois l’approche phrastique dans son analyse logique et structurale (types et formes de phrases, classes grammaticales, fonctions syntaxiques…) et l’approche textuelle.

L’enseignement de la grammaire du français, que ce soit en France ou dans d’autres pays de la francophonie, a ainsi connu plusieurs phases. Les différentes théories linguistiques qui l’ont inspiré semblent se retrouver dans les programmes actuels, notamment en France et en Suisse, sans s’exclure les unes les autres, comme cela a longtemps été le cas. L’enseignement explicite de la cohérence et la cohésion textuelle est relativement récent mais reste souvent peu détaillé et exprimé en des termes linguistiques parfois opaques pour les enseignants, voire confus. La complexité de la définition des notions de cohérence et cohésion, même pour les linguistes, n’est sans doute pas étrangère à ce phénomène. En outre, nombres d’adultes aujourd’hui enseignants ont vécu leur scolarité dans la prédominance de l’enseignement traditionnel de la grammaire. De ce fait, il n’est pas étonnant que beaucoup de professeurs se trouvent démunis lorsque vient le temps d’enseigner à leurs élèves à « rédiger un texte cohérent ».

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