• Aucun résultat trouvé

Le recours administratif ou contentieu

ET SORTIE DE CRISE

A) Le recours administratif ou contentieu

Deux voies, alternatives ou cumulatives, s’ouvrent aux parties à la procédure (le salarié ou l’employeur) dès lors qu’elles contestent la décision rendue par l’inspecteur du travail et en demandent l’annulation ou la réparation pécuniaire : le recours administratif ou le recours contentieux.

Le recours administratif, c’est-à-dire porté devant l’administration elle-même, peut s’adresser à l’autorité qui a émis l’acte (recours gracieux) ou à l’autorité supérieure (recours hiérarchique porté devant le Ministre chargé du travail). Il n’a pas d’effet suspensif : dès lors, le licenciement autorisé par l'inspecteur du Travail produit tous ses effets : le salarié qui a été licencié de son travail n'est par conséquent plus tenu à l'obligation de loyauté qui pesait sur lui pendant la durée du contrat3

. Les services du Ministère du travail en charge du dossier litigieux peuvent désigner un échelon intermédiaire (région ou département) qui se verra confier la charge de réaliser une contre-enquête et de rédiger une note de synthèse. La circulaire DRT n° 3 du 1er

mars 20004

prévoit qu’ils doivent recevoir les pièces qui ont été communiquées par les parties à l’inspecteur du travail. Le Ministre n’est pour autant pas tenu, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, de faire procéder à une enquête contradictoire5

. Les parties peuvent également contester soit directement la décision de l’inspecteur du travail, soit la décision rendue dans l’affaire par le Ministre. Le recours devient alors juridictionnel car porté devant les juridictions administratives (Tribunal administratif, Cour administrative d’appel, Conseil d’Etat). En vertu du principe de séparation des pouvoirs6

, il appartient aux seules juridictions administratives de se prononcer sur la légalité d’une décision administrative. L'annulation, par le Conseil d'Etat, de la décision de refus d'autorisation du

1 Merlier R. (2002), "Les licenciements de représentants du personnel en 2000", Premières informations, novembre 2002,

n°48.2

2 En 2003, deux tiers des demandes de licenciement de salariés protégés se fondent sur un motif économique tandis que

seulement un tiers des salariés licenciés s’inscrivant à l’ANPE déclarent avoir été licenciés pour motif économique.

3 12 mai 1998 - N° 247, Sociale

4 Circulaire DRT n° 3 du 1er mars 2000, Ministère de l’emploi et de la solidarité, Dr. Ouvrier oct. 2000, p. 442 à 451 5 CE 22 mai 2002, n° 214637, Zaugg, RJS 8-9/02 V, n° 999.

6 Posé en principe par les articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor An III et consacré par le

Conseil constitutionnel (Déc. n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, considérant n° 15, JO de 25 janvier, p. 924) ; cf. J.-Y. Kerbourc’h, Le statut protecteur des représentants du personnel, LITEC, 2003, 343 p., p. 263.

114 licenciement ne peut valoir autorisation de licenciement1

. Il appartient alors, le cas échéant, à l’employeur, de formuler une nouvelle demande auprès de l’inspection du travail.

Les tribunaux judiciaires (Conseil de prud’hommes, Cour d’appel, Cour de cassation) doivent surseoir à statuer dans l’attente de la décision de la juridiction administrative2

, même si, comme le relève J-Y Kerbourc’h, "il n’est pas rare que le juge judiciaire méconnaisse l’autorité de la chose décidée par le juge administratif, que ce dernier confirme ou annule l’autorisation de licencier"3

. Il est aussi tenu, sur le fond, par la décision de la juridiction administrative4

: un tribunal administratif ayant retenu que l'autorisation de licencier un salarié reposait sur des faits matériellement inexacts, la cour d'appel aurait dû en déduire nécessairement l'inexistence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement5

. Par conséquent, le juge judiciaire ne peut apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement ; il doit, le cas échéant, surseoir à statuer en renvoyant l'appréciation de légalité à la juridiction administrative6

. Il demeure cependant compétent pour statuer sur les licenciements prononcés en dépit ou sans autorisation administrative ou encore sur les demandes de réintégration ou d’indemnisation.

S’il ne peut se prononcer sur l’existence d’une faute commise par le salarié, il peut la qualifier (grave ou lourde) mais est tenu de n’examiner que les fautes retenues par l’autorité administrative (encadré)

Cass. Soc. 10 juillet 2001 - N° 260

REPRÉSENTATION DES SALARIÉS. - Règles communes. - Contrat de travail. - Licenciement. - Mesures spéciales. - Autorisation administrative. - Portée.

Cassation. N° 98-42.808

M. WAQUET, conseiller doyen faisant fonctions de président Sur le moyen unique:

Vu l'article L. 425-1 du Code du travail;

Attendu que M. Clémot, engagé en 1976 par la société Martin-Rondeau en qualité d'attaché commercial, élu délégué du personnel à partir de 1990, a été licencié pour faute grave par lettre du 24 juin 1994 après autorisation donnée par l'inspecteur du travail et fondée d'une part, sur l'existence d'activités personnelles pendant le temps de travail et d'autre part, sur l'établissement de faux rapports de visite; que sur recours hiérarchique, le ministre du travail n'a retenu que le premier grief pour confirmer la décision de l'inspecteur du travail;

Attendu que pour dire que le licenciement de M. Clémot reposait sur une faute grave et rejeter ses demandes d'indemnités, la cour d'appel retient que l'existence de faux rapports de visite établie par les pièces versées aux débats suffit pour dire que la société Martin Rondeau apporte la preuve de faits imputables à Jacques Clémot constituant une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de celui-ci dans l'entreprise, même pendant la durée limitée du préavis;

Attendu, cependant, que seul le ou les motifs retenus par l'autorité administrative pour autoriser le

licenciement disciplinaire d'un représentant du personnel peuvent justifier ce licenciement; que le juge judiciaire, compétent pour apprécier si le salarié protégé a commis une faute grave ou une faute lourde, ne peut examiner que les fautes retenues par l'autorité administrative;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que pour confirmer l'autorisation de licenciement, le ministre du travail n'a retenu à l'encontre de M. Clémot que le grief tiré d'activités personnelles pendant le temps de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé;

1 Cass. Soc. 26 juillet 1984 - N° 336.

2 Cass. soc. 3 juillet 1985 - N° 391 : "C'est à bon droit qu'une cour d'appel a sursis à statuer sur la demande de réintégration

d'un salarié protégé jusqu'à ce que la juridiction administrative compétente se soit définitivement prononcée sur la question préjudicielle de la légalité de la décision du ministre qui a annulé sa précédente décision".

3 J-Y Kerbourc’h, Le statut protecteur des représentants du personnel, Litec, 2003, 343 p., p. 256.

4 Cass. Soc. 1er oct. 2003, Abdel Malek Boucherit et autres c/ Sté Entrepose Montalev, Dr. Soc. 2003, p. 1136 à 1138, note J.

Savatier.

5 Cass. Soc. 12 mars 1987 - N° 149. 6 Cass. Soc. 25 novembre 1997 - N° 399.

115

PAR CES MOTIFS:

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes;

M. Clémot contre société Martin Rondeau.

Président: M. Waquet, conseiller doyen faisant fonction. - Rapporteur: M. Lanquetin. - Premier avocat général: M. Benmakhlouf. - Avocats: la SCP Célice, Blancpain et Soltner, la SCP Piwnica et Molinié.

D’autre part, si l’examen de la légalité de la décision de l’autorité administrative autorisant ou refusant la rupture d’un contrat de travail incombe aux juridictions administratives, les juridictions judiciaires demeurent compétentes pour octroyer des dommages-intérêts (encadré) :

Cass. Soc. 14 mai 1987 - N° 330

"Doit être cassé l'arrêt ayant déclaré la juridiction prud'homale incompétente pour statuer sur les demandes en paiement des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par un membre du comité d'entreprise aux motifs que cette juridiction ne pouvait, sans enfreindre le principe de la séparation des pouvoirs, connaître d'une instance dont l'objet remettrait en cause la légalité de la décision administrative en vertu de laquelle le licenciement était intervenu, alors que si la cour d'appel a exactement relevé que la décision de l'inspecteur du travail ne pouvait être critiquée par le salarié que par la voie du recours hiérarchique ou par un recours devant la juridiction administrative intervenant comme juge de l'excès de pouvoirs, elle n'en demeurait pas moins compétente, à l'exclusion des juridictions administratives et après solution le cas échéant par elles des questions préjudicielles pour statuer ensuite sur la demande de l'intéressé en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse".

Suite à une annulation de l’autorisation administrative de licenciement, le salarié peut 1) demander sa réintégration au même poste1

et une indemnité compensant la perte de salaire

2) saisir le juge judiciaire aux fins d’obtenir réparation et demander le versement de dommages et intérêts (montant des avantages directs et indirects qu’il aurait dû percevoir à compter de la rupture jusqu’à la fin de la période de protection)

Article L436-3 du Code du travail

(L. n° 82-915, 28 oct. 1982)

L'annulation, sur recours hiérarchique, par le ministre compétent d'une décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement d'un salarié mentionné aux articles L. 436-1 et L. 436-2 emporte, pour le salarié concerné et s'il le demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, droit à réintégration dans son emploi ou dans un emploi équivalent.

Il en est de même dans le cas où, sauf sursis à exécution ordonné par le Conseil d'État, le juge administratif a annulé une décision de l'inspecteur du travail ou du ministre compétent autorisant un tel licenciement. Le salarié concerné est réintégré dans son mandat si l'institution n'a pas été renouvelée. Dans le cas contraire, il bénéficie pendant une durée de six mois, à compter du jour où il retrouve sa place dans l'entreprise, de la procédure prévue à l'article L. 436-1.

Lorsque l'annulation de la décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié concerné a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration s'il l'a demandée dans le délai, prévu au premier alinéa, ou l'expiration de ce délai dans le cas contraire. Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à ladite indemnité, qui constitue un complément de salaire.

Parallèlement à ces sanctions civiles, le juge pénal peut être saisi et condamner l’employeur pour délit d’entrave.

1 Par exemple, Cass. Soc. 11 décembre 2001, Abderrahim c/ Sté Mesnil G20, Dr. Ouvrier mars 2002, p. 125 et 126, note

116

CODE DU TRAVAIL