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La dimension subjective de la décision de l'inspecteur du travail

II E PARTIE – L'INTERVENTION DE « TIERS

DIRECTION DES RELATIONS DU TRAVAIL SOUS-DIRECTION DES DROITS DES SALARIES

C) La dimension subjective de la décision de l'inspecteur du travail

Il convient de noter que le travail des inspecteurs du travail peut présenter d'importantes différences. En effet, ces derniers peuvent effectuer leur activité dans un autre ministère, ce qui place l'inspecteur du travail dans une configuration singulière, ainsi que le montre l'exemple donné ci-dessus :

"(Je suis) le seul inspecteur du travail pour toute la branche des transports sur le département (avec) des contacts plus ou moins épisodiques (avec mes collègues). Aux transports, on n’a pas défini une règle stricte de seuil d’effectif de salariés, mais on a réparti entre nous les entreprises de transport, de façon à ce que, notamment les contrôleurs qui ont une certaine ancienneté puissent aussi avoir des entreprises plus importantes." (Inspecteur du travail)

Les changements de fonction, la mobilité spatiale des inspecteurs du travail, les remplacements pendant les absences tout comme la manière dont chacun délègue plus ou moins de tâches aux contrôleurs, comme les cas ci-dessus, impliquent que la connaissance du contexte professionnel peut être assez différente d'une affaire à une autre.

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"Je venais d’arriver sur la section, donc je n’ai pas une grande connaissance des entreprises, enfin, surtout à l’époque. […] Je venais de découvrir (l'entreprise qui a fait une demande de licenciement économique) peu de temps avant. Les faits, je crois, avec l’enquête contradictoire, remontent à début mai. Moi je suis arrivé en février sur la section, ça faisait 2 mois et demi, je ne connaissais quasiment pas l’entreprise. Ceci dit, j’avais vu passer leur plan social. Il y avait à la fois procédure de redressement judiciaire et plan social, donc bien évidemment, j’avais été forcé de m’intéresser un peu à l’entreprise, mais je ne pouvais pas dire que je la connaissais. Je ne la connaissais que par les documents du plan social, je n’avais pas une connaissance pratique, je ne m’y étais jamais rendu." (Inspecteur du travail)

"Je ne connaissais pas l'entreprise. Ce n'est pas moi qui suis cette entreprise, qui est une petite structure, et c'est un contrôleur du travail qui suit de façon plus spécifique, cette entreprise. Les connaissances que j'ai, c'est en discutant avec le contrôleur, s'il a des éléments, et puis le dossier d'entreprise. Mais dans le dossier d'entreprise, il y a très peu d'éléments. […] J'ai très peu d'éléments, en fait, sur l'état des relations même sociales et du dialogue social, étant donné qu'il n'y a pas de représentant du personnel élu dans l'entreprise." (Inspecteur du travail)

En outre, la volonté farouche des inspecteurs du travail de ne pas se voir imposer de contraintes qui homogénéiseraient leur activité conduit à ce que l'activité de contrôle est fortement marquée par les contextes locaux (régulation collective plus ou moins forte) ou par la personnalité même de l'inspecteur du travail. L'ethos du professionnel peut donc être une conception individuelle autant qu'une conception partagée par l'ensemble des membres du corps.

D'autre part, le corps des inspecteurs du travail n'est pas monolithique et est touché par les modifications qui affectent d'autres groupes de salariés. Nous ne pouvons, dans les limites de cette enquête, tirer des enseignements généraux. Toutefois, l'affirmation d'un représentant d'un DRH, ne semble pas totalement dénuée de pertinence et semble reprendre des impressions que nous avons pu avoir dans les entretiens.

"Mais aujourd’hui, et particulièrement parmi les plus jeunes, on se rend compte que les inspecteurs du travail comprennent et savent qu’il y a absolument besoin d’un dialogue social dans l’entreprise, et pour qu’il y ait dialogue social, il faut qu’il y ait un certain consensus entre les représentants syndiqués ou du personnel et la direction. Et que quand il y a des litiges qui sortent du cadre professionnel, c'est-à-dire qui rentrent dans le cadre de la fraude dans le cadre du vol, du non-respect, ils n’insistent pas et ne cherchent pas à maintenir un salarié qui est à ce stade-là dans une entreprise." (DRH, PME)

Tout se passe comme si les inspecteurs du travail les plus jeunes se positionnaient beaucoup plus en techniciens qu'en défenseurs des salariés. Une étude centrée spécifiquement sur ce corps produirait certainement des informations intéressantes qui éclaireraient de manière plus systématique que ce qui a pu être réalisé dans cette enquête, le problème des licenciements et celui de "l'effectivité du droit".

Ces différences dans la manière de concevoir le travail comme dans la manière de le réaliser constituent la marque d'une certaine subjectivité de la décision de l’inspecteur du travail. Un inspecteur du travail évoque ainsi la "subjectivité inhérente à la décision". Elle est, d'une part, le reflet d’une certaine représentation par l’inspecteur du travail de ses missions (1), elle dépend, d’autre part, de l’appréhension, par l’inspecteur du travail, du contexte (2).

89 Les fonctions de l’inspecteur du travail sont prévues dans plusieurs textes. Tout d’abord, la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l'inspection du travail signée le 11 juillet 19471

(que l’on retrouve, en substance, aux article L. 611-1 et R. 611-1 et 2 du Code du travail) qui définit, en son article 3, les missions de l’inspection du travail : contrôle de l’application de la législation du travail dans les entreprises, vérification de l’application du droit et signalement aux pouvoirs publics des situations qui nécessiteraient une évolution de la réglementation (cf. encadré).

CONVENTION N° 81 DE L’OIT