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3.2 Etudes complémentaires

3.2.2 Effets de reconstruction

3.2.2.4 Reconstruction de la phase sur une base de pixels

Dans tous les cas de figure précédents, la phase aberrante φ était estimée via sa décomposition sur la base des Zernike ak. Cette base est particulièrement adaptée à la description d’une phase aberrante à support circulaire, mais sa géométrie polaire n’est pas adaptée aux fonctions d’influence du MD. Celles-ci présentent en effet une géométrie cartésienne, d’où les effets de couplage. Le choix de la base des Zernike était essentiellement d’ordre pratique, mais montre ses limites lorsque l’on souhaite compenser les NCPA avec un MD à géométrie cartésienne.

Nous avons donc testé une autre base permettant d’estimer les aberrations : la base des pixels. En effet la phase est codée numériquement sur une carte de quelques milliers de pixels. Cette décomposition représente un bien plus grand nombre d’inconnues que les quelques dizaines de coefficients de Zernike à estimer dans le cas d’une décomposition sur la base de Zernike. Elle nécessite donc la mise en place de régularisations soignées. Je parlerai dans la suite de carte de phase pour décrire la phase décomposée sur une carte de pixel φ(k, l).

Régularisation sur le Laplacien L’estimation d’une carte de phase a été prévue dans la diversité de phase développée à l’ONERA, et ce pour estimer les fortes aberrations. L’estimation d’un grand nombre d’inconnues favorise la présence de minima locaux dans la forme du critère à minimiser, et conduit souvent à une amplification du bruit de mesure. Dans le cas d’une estimation de carte de phase, il est donc prévu

FIG. 3.8 – Evolution du rapport de Strehl en fonction du nombre d’iteration. La méthode utilisée pour compenser les aberrations utilise la projection sur la matrice Zernike-Zernike. Le nombre de polynômes mesurés par diversité de phase est toujours de 75.

d’utiliser un terme de régularisation Jregul(φ)portant contrainte sur les phaseurs. Jregul(φ) = X (l,m)∈S  ej(φl−1,m−φl,m)− ej(φl,m−φl+1,m) 2 + ej(φl,m−1−φl,m)− ej(φl,m−φl,m+1) 2 (3.7) Cette régularisation permet de conserver des sauts de 2π et des discontinuités de la phase reconstruite dans le cas de très fortes aberrations. Dans le cas qui nous intéresse de faibles aberrations, ce terme de régularisation peut se réécrire au premier ordre comme le laplacien de la phase :

Jregul(φ) ' X (l,m)∈S

h

l−1,m− 2φl,m+ φl+1,m|2+ |φl,m−1− 2φl,m+ φl,m+1|2i, (3.8) ce qui correspond à une pénalisation quadratique sur la dérivée seconde de φ. Ce type de régularisation portant sur une minimisation du Laplacien permet d’adoucir le profil de la grandeur estimée.

Implémentation Cette fonctionnalité implémentée, nous l’avons testée sur le banc BOA avant de l’inclure dans la Pseudo-Closed Loop. Le test consiste à appliquer une tension de 0,5 V à un actionneur, (la déformée du miroir correspond alors à une fonction d’influence). Cette déformée due à l’actionneur s’ajoute bien sûr à celles dues aux aberrations que nous cherchons à mesurer. Puis, nous estimons la déformée du miroir par diversité de phase sur une carte de pixels. Le résultat est montré Figure3.9.

L’avantage de la mesure de phase sur une base de pixels est ainsi mise en évidence : la décomposition de la phase précédente (Figure3.9) sur la base des Zernike demanderait un grand nombre de modes pour la décrire correctement.

Pseudo-Closed loop en carte de pixel La décomposition de la phase sur la base des pixels modifie le calcul des pentes de correction à additioner aux pentes de référence pour compenser les NCPA. Certes il est possible de projeter la carte de phase sur la base des Zernike, et d’utiliser le même processus qu’auparavant.

FIG. 3.9 – Estimation de la phase sur la base des pixels, sur des images expérimentales. La phase est estimée sur une carte de 60 × 60 pixels. Une tension de 0,5 V est envoyée à l’un des actionneurs, visible en bas à gauche.

Cependant nous perdons alors toute l’information gagnée lors de l’estimation de la phase sur une base plus complète que celle des Zernike.

L’idée permettant de conserver l’information utile est d’utiliser la base des modes miroirs M (cf chapitre 2.2.4.2). Cette base est constituée des vecteurs propres résultant de la diagonalisation de la matrice d’inter-action. Elle est plus complète vis-à-vis des déformées du miroir que la base des polynômes de Zernike tronquée à quelques dizaines de coefficients, et évite les effets de couplage.

Les matrices intervenant dans le nouveau calcul des tensions appliquées au MD sont alors : – φ est le vecteur de mesure : la carte de phase dans la base des pixels,

– F la matrice des fonctions d’influence, elle permet de passer d’une carte de phase aux tensions, – C la matrice de commande déjà utilisée.

Il est alors possible d’exprimer les NCPA dans l’espace des tensions via la matrice d’influence :

v= Fφ (3.9)

Les pentes de correction à ajouter aux pentes de références s’écrivent alors à l’aide de la matrice d’in-teraction :

p= Dv. (3.10)

L’expression complète des pentes de correction en fonction des mesures φ s’écrit alors :

p= DFφ. (3.11)

Lors de la fermeture de boucle, les tensions réellement appliquées au miroir seront donc :

v= CDFφ (3.12)

Or, la matrice de commande C s’exprime en fonction de la matrice d’interaction D par la relation C= DTDDT. Il s’ensuit que les tensions appliquées au miroir sont données par la relation :

v= DTDDTDFφ (3.13)

Dans une première approximation, si l’on considère que l’inverse généralisée est une inverse classique, il vient que les tensions appliquées au miroir sont directement données par la projection des mesures φ par la matrice d’influence :

Cette expression permet de se rendre compte que les tensions sont exprimées à l’aide d’une matrice calibrée (les fonctions d’influence sont mesurées par un moyen externe, ZYGO ou autre). Cependant, la simplification DTDDTD' ! assimile l’inverse généralisée à une inverse classique. Et ceci implique-rait qu’aucun mode n’a été filtré, et n’est pas raisonablement applicable. Quoiqu’il en soit, la matrice D (et donc son inverse généralisée) est calibrée sur le banc et prend en compte les erreurs de modèle et les possibles désalignements des optiques les unes par rapport aux autres.

Cette expression est à comparer à l’expression utilisée précédemment, où les tensions appliquées au miroir lors de la fermeture de boucle étaient données par v = CZa, avec a le vecteur de coefficients de Zernike et Z la matrice de projection théorique des Zernike sur les pentes.

Résultats expérimentaux La Pseudo-Closed Loop a été implantée sur le banc de manière à estimer les NCPA sur une base de pixels par diversité de phase. De plus, la procédure de compensation prend en compte les différentes multiplications matricielles permettant de passer d’une carte de phase aux pentes de correction à ajouter aux pentes de références. Les résultats de 3 itérations successives sont montrés sur la Figure 3.10.

FIG. 3.10 – Cartes de phases successives obtenues après 0, 1, 2 et 3 itérations de la Pseudo-Closed Loop . La mesure se fait sur des cartes 60 × 60 pixels.

Il apparaît clairement que les basses fréquences sont compensées dés la première itération, et qu’à la troisième itération il ne reste qu’un résidu ressemblant partiellement à du gaufre. Ce type de défaut ne peut pas être corrigé par une fermeture de boucle sur des références modifiées puisque par nature le gaufre n’est pas vu par l’ASO. Cependant il a été calibré et il est possible de le prendre en compte dans un post-traitement, ou de rajouter les tensions aux tensions d’offset et de fermer la boucle à partir d’un jeu de tensions déjà modifiées (voir paragraphe suivant).

Un avantage de cette méthode réside dans l’utilisation de matrices de projection entièrement calibrées sur le banc. En effet D ou F sont toutes deux des matrices mesurées soit par l’ASO de la boucle d’OA, soit par un analyseur externe. Les erreurs de modèle et les défaut d’alignement des optiques sont ainsi pris en compte. Il s’ensuit une convergence très rapide de la Pseudo-Closed Loop , et dés la première itération le Strehl maximum est atteint.

Soustraction du gauffre résiduel Le gaufre évoqué dans le paragraphe précédent est une aberration propre aux systèmes d’optiques adaptative. Elle correspond, en terme d’erreur de front d’onde, à la forme prise par le miroir lorsque les actionneurs sont déplacés en alternance positives/négatives (comme illustré sur la Figure3.12). L’ASO est insensible à ce mode qui déforme les spots de l’ASO sans les déplacer. Leur photocentre reste inchangé et la déformée mesurée est nulle. Il est donc impossible de compenser ce mode en modifiant les pentes de référence. Par contre ce mode est parfaitement commandable par le miroir, puis-qu’il suffit d’appliquer le jeu de tensions (composé d’alternances +1V − 1V ) à la bonne amplitude pour le compenser.

Les résidus de phase obtenus après trois itérations de Pseudo-Closed Loop montrent clairement que la phase se compose d’un gaufre, qui n’est donc pas compensable par la boucle fermée. Comme expliqué

FIG. 3.11 – Evolution du rapport de Strehl avec le nombre d’itérations de la Pseudo-Closed Loop , mesurée sur l’image et calculé avec les cartes de phase mesurées à chaque itération

FIG. 3.12 – Carte de phase du gaufre, tel que modélisé sur le banc d’OA de l’ONERA. Les actionneurs sont actionnés alternativement de +1V − 1V .

précédemment, ces résidus de phase sont néanmoins calibrés lors de la mesure dans la base des pixels. Il est alors possible de compenser la part de ces résidus commandable par le miroir en modifiant les tensions d’offset en boucle ouverte.

Les résidus de phase obtenus dans le test précédent sont alors projetés dans l’espace des tensions et compensés en boucle ouverte. Les PSF de la Figure3.13 montrent deux PSF : celle de gauche est obtenue sans compensation du gaufre, ni des NCPA, celle de droite est obtenue après compensation en boucle ouverte (donc par modification des tensions d’offset) des NCPA (procédure précédente) et du gaufre résiduel. Ce test montre que la correction du gaufre est possible en boucle ouverte. L’atténuation du gaufre mesurée sur l’intensité des quatre points parasites de l’image obtenue est supérieure à 90%.

FIG. 3.13 – Compensation du gaufre en boucle ouverte, par modification des tensions d’offset. [gauche] Sans compensation, [droite] avec compensation. L’échelle d’intensité est saturée pour mettre en avant les 4 points générés par le gaufre, ceux-ci sont entourés en jaune.