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Malgré les prouesses technologiques assurant des qualités optiques toujours meilleures, la détection d’exoplanètes depuis le sol reste limitée par les résidus de Speckle causés par les aberrations statiques ou quasi-statiques des systèmes optiques utilisés [94]. Ces résidus de Speckle ne sont pas de la lumière cohé-rente, et ne sont par conséquent pas atténués par le coronographe. Un moyen, pour se débarasser au moins en partie de ces résidus de Speckle, est d’utiliser une technique d’imagerie différentielle. Cette technique est souvent associée à l’imagerie différentielle spectrale (IDS), mais l’imagerie différentielle est plus vaste. Elle consiste à calibrer les résidus de Speckle en soustrayant deux (ou plusieurs) images, obtenues en fai-sant varier un paramètre d’observation. Pour que cette technique profite à la détection d’un compagnon, il est nécessaire que les différentes images présentent les mêmes résidus (à une loi d’évolution connue près si besoin est, comme une dilatation spatiale ou une rotation). Mais elles doivent présenter également une diversité quant au compagnon, celui-ci doit donc présenter un signal différent dans les différentes images.

L’évolution du paramètre d’observation doit permettre de différencier la contribution de l’étoile centrale de celle du compagnon. Ce paramètre peut être la longueur d’onde (Imagerie Différentielle Spectrale IDS) ou la rotation de champ (Imagerie différentielle Angulaire IDA) ou encore la polarisation de la lumière réfléchie par le compagnon (Imagerie à Différentiel de Polarisation IDP). Il est également envisageable (et même profitable) de combiner différentes techniques différentielles, comme par exemple l’IDS et l’IDA. Je m’intéresserai dans la suite aux deux premiers types de différentiel, c’est à dire spectral et angulaire. Les techniques proposées peuvent bien sûr s’étendre au cas polarimétrique sans restriction.

2.5.1 Imagerie différentielle spectrale

L’imagerie différentielle spectrale a été proposée à l’origine par Hayden Smith[95] afin d’améliorer la détection de planètes extrasolaires. Elle a été développée ensuite [94,79] dans le cadre de la recherche de naine brunes, par l’instrument TRIDENT[96]. Cet instrument a la particularité d’acquérir trois images si-multanément autour de la longueur d’onde de la raie du méthane 1,6µm. La diversité de longueur d’onde influe sur le signal de l’étoile de deux façons : tout d’abord le flux de l’étoile est acquis à des longueurs d’onde différentes, et en toute exactitude le spectre de l’étoile est chromatique. La proximité des longueurs d’ondes, ainsi que les propriétés de corps noir de l’étoile, permettent de s’affranchir en bonne approximation de cette différence. Mais en parallèle, le changement de la longueur d’onde d’observation modifie la phase aberrante (dépendance en 1/λ) et modifie donc la structure même des résidus que l’on cherche à éliminer par imagerie différentielle. Dans le cas de faible phase, ce changement de structure est (au premier ordre) une dilatation spatiale de la répartition d’intensité dans le plan focal.

Le signal issu de la planète est issu de la superposition de deux émissions de corps noir. Une première émission située à la température de l’étoile correspondant à la lumière réfléchie par la planète, et une se-conde émission située à une température inférieure (donc à une longueur d’onde supérieure) correspondant à la température de rayonnement de la planète. Le spectre de la planète est cependant entaché de nombreuses signatures spectrales significatives (cf Figure 2.33) dues à l’atmosphère du compagnon. Cette atmosphère est connue pour avoir une composition chimique plus complexe que celle de l’étoile, elle présente de nom-breuses raies d’absorption. En particulier, dans le cas d’une planète géante gazeuse telle qu’un jupiter chaud, la raie d’absorption du méthane autour de 1,6µm est très marquée (contraste en émission pouvant aller jus-qu’à 3 entre l’intérieur et l’extérieur de la raie).

2.5.1.1 Implémentation pratique du différentiel spectral

remise à l’échelle spatiale La phase dépend de l’inverse de la longueur d’onde. Les images acquises à différentes longueurs d’onde proches présentent donc des différences de structures inhérentes à cette dépen-dance. Cependant pour des longueurs d’onde proches, il est possible de considérer que ces différences de

FIG. 2.33 – Spectre d’une planète à 500K et d’une étoile G2. Le spectre de la planète est donné pour deux positions orbitales, à ' 1AU [vert] et à quelques AUs [bleu], où la planète présente uniquement son émission propre dans d’infrarouge.

structure sont dues à une dilatation spatiale proportionnelle au rapport des longueurs d’onde. Le passage d’une image à l’autre est alors connu analytiquement,

iλ2(α) = iλ1λ1

λ2) (2.54)

et une remise à l’échelle spatiale fine (dans le cas de SPHERE, les deux longueurs d’onde sont proches) permet de recaler la structure des Speckle. La remise à l’échelle spatiale fine peut être astucieusement effectuée dans le domaine de Fourier. Pour cela, il suffit d’étendre ou de diminuer le support fréquentiel des tableaux sur lesquels sont calculés les transformées de Fourier des images. Une puissance nulle est administrée aux fréquences rajoutées artificiellement, ce qui a pour effet de ne pas introduire d’information supplémentaire dans l’espace réel.

Dans les travaux présentés dans le cadre de l’imagerie différentielle spectrale (chapitre 4), la remise à l’échelle spatiale est supposée parfaitement effectuée. En effet le principe de la méthode d’inversion mise en œuvre dans ce chapitre porte plutôt sur l’estimation de FEP que sur la remise à l’échelle spatiale. Les images simulées à différentes longueurs d’onde seront donc simulées directement au même échantillonnage. Simple différence Les images multi-spectrales peuvent être combinées de diverses façons ([79,97]) afin de soustraire les Speckle résiduels. Dans le cas simple de deux longueurs d’onde λ1 et λ2, une première approche consiste en la différence simple (SD) de deux images iλ1 et iλ2 à deux longueurs d’onde λ1et λ2. La remise à l’échelle en longueur d’onde est supposée là encore parfaitement effectuée. La soustraction des images permet de calibrer les aberrations communes aux deux images :

SD = iλ1 − iλ2. (2.55)

La simple différence est fortement limitée par les aberrations optiques différentielles entre les deux images iλ1 et iλ2. En effet, ces deux images sont obtenues simultanéments pour s’assurer que les paramètres

FIG. 2.34 – Schéma optique de l’imagerie différentielle spectrale, acquisition de deux images spectrales simultanément. Les aberrations optiques inhérentes à chacune des voie sont indiquées, acsont les aberrations communes, a1et a2 sont les aberrations de chaque voie, aF1 et aF2 les aberrations de chaque filtre.

de la turbulence sont identiques dans les deux images. Cependant, l’acquisition simultanée oblige d’utiliser deux chemins optiques différents et ceux-ci présentent chacun des aberrations optiques différentes.

De plus même dans un cas parfait (id est sans aberrations), l’atténuation ∆N/N du bruit de structure de la FEP n’est pas infinie. Cette atténuation est définie comme le rapport du bruit de structure de la différence d’image sur celui de la fonction d’étalement. Dans le cas de la simple différence, la valeur absolue de cette atténuation s’écrit comme ([?]) :

∆N N ∝ λ2− λ1 λ2 (2.56)

L’atténuation du bruit de structure est donc proportionnelle à l’écart entre les deux longueurs d’onde d’observation. Il apparaît alors nécessaire de choisir l’intervalle le plus faible possible, afin de s’assurer une parfaite ressemblance dans la structure aberrante des deux FEP. Cependant cette condition ne va pas de paire avec une diversité significative dans le signal du compagnon.

Double différence La double différence (DD) utilise quant à elle deux images de référence supplémen-taires iref, λ1 et iref, λ2. Ces deux images sont obtenues sur des étoiles de références. La DD consiste à effectuer la soustraction de deux simple différences, une première sur les images scientifiques iλ1 et iλ2, et une seconde sur les images de référence :

DD = (iλ1 − iλ2) − (iref, λ1 − iref, λ2) (2.57) La DD s’exprime alors simplement en fonction de la simple différence présentée précédemment :

DD = SD − (iref, λ1 − iref, λ2) (2.58)

La DD permet donc de calibrer non seulement les aberrations statiques communes (cette calibration est assurée par la SD), mais également les aberrations statiques différentielles dues aux trajets optiques

différents. En effet les Speckle résiduels dus aux aberrations différentielles présents dans le premier terme de la DD sont identiques aux Speckles résiduels dans le second terme.

La double différence permet de supprimer le biais des aberrations différentielles en calibrant l’effet de ces aberrations dans le plan focal. Elle est donc plus performante que la SD.

La DD présente cependant deux limitations : tout d’abord elle impose d’acquérir les images de références avec le même système optique que les images scientifiques. L’acquisition est donc a fortiori différée, et est limitée par l’évolution des aberrations différentielles entre l’instant d’acquisition des images scientifiques et l’instant d’acquisition des images de référence. La DD impose donc des contraintes sur la stabilité du système. De plus, la DD met en jeu 4 images au lieu de 2, le bruit dans l’image finale est donc amplifié d’un facteur2.

L’imagerie différentielle spectrale reste limitée par les effets du chromatisme. Les deux longueurs d’onde doivent être choisies suffisament distantes pour introduire une diversité suffisante sur l’objet observé, mais cependant doivent rester proches pour éviter toute décorrélation des grains de speckle. En effet si les lon-gueurs d’onde sont trop distantes, la remise à l’échelle par une simple dilatation spatiale n’est plus valable. Nous allons dans le chapitre4proposer une utilisation différente des images multi-spectrales.

2.5.2 Imagerie différentielle angulaire

Dans le cas de l’IDA, la détection tire parti de la rotation de champ. En effet pour un instrument à pupille stabilisée comme SPHERE, le champ de vue de l’instrument tourne au cours de l’acquisition. La vitesse de rotation du champ dépend de la position de l’observatoire et de la source dans le ciel, ainsi que du moment dans la nuit où l’image est acquise. La Figure2.35montre cette vitesse de rotation pour différentes déclinai-sons de source, et pour une latitude d’observation correspondant à celle de Paranal. La vitesse de rotation de champ est plus grande pour une source proche du zénith, et elle est la plus grande lorsque la source passe au méridien du lieu considéré ; elle peut alors prendre de grandes valeurs (5 tours par jour pour une source située à 6du zénith).

L’utilisation du différentiel angulaire a été proposée à l’origine par A. Labeyrie [98] pour calibrer les aberrations statiques du Hubble Space Telescope. La tehnique a été récemment developée par Cristian Ma-rois [99,79], c’est une technique de calibration de FEP. Elle consiste à faire l’acquisition d’une série tem-porelle d’images du système étoile-compagnon, pendant un temps suffisant pour permettre au champ de tourner de façon significative.

Il est alors possible d’estimer la FEP dans le jeu d’images ainsi formées. Par exemple par extraction de la valeur médiane. On soustrait alors à chaque image la FEP estimée, afin d’avoir uniquement le compagnon dans chaque image, à des positions angulaires différentes. Les images résultantes sont alors « pivotées » de façon à amener le compagnon à la même position dans chaque image, et additionnées.