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2.2 Turbulence et Optique Adaptative

2.2.4 L’optique adaptative

2.2.4.2 Les éléments d’une OA

Analyse de surface d’onde Il existe de nombreux analyseurs de front d’onde, (voir [39]), je m’intéresserai dans la suite uniquement à l’analyseur de Shack-Hartmann[40]. Celui-ci est l’analyseur plan-pupille linéaire le plus fréquemment utilisé dans les systèmes d’OA utilisés en astronomie (COME-ON ([41]), ADONIS ([42]), Keck [43], Gemini [44], NAOS ([36]), SAXO [45]). Il consiste (Figure 2.10) en une matrice de micro-lentilles échantillonnant le plan pupille. La position de la tache ainsi formée au foyer de chaque sous-pupille donne une mesure de l’inclinaison locale du front d’onde, ou pente locale. Le vecteur des pentes locales est noté p dans la suite. Cette mesure s’effectue par le calcul du photocentre de chaque tache dans le plan focal de chaque micro-lentille. Un processus d’intégration permet de remonter à la connaissance de la phase.

Correction La correction des aberrations turbulentes mesurées par l’ASO est assurée par le MD. Un bes-tiaire des différents types de miroirs déformables peut être trouvé dans ([46]). Dans les systèmes d’OA, le principe de la correction est généralement le suivant : la phase turbulente doit être corrigée au mieux par le miroir déformable. Celui-ci se compose d’une surface réfléchissante souple déformée par des action-neurs piézo-électriques, électrostatiques ou électromagnétiques. Il s’agit de déformer la surface d’onde de quelques micromètres (cette amplitude varie selon la taille du télescope et les conditions typiques d’obser-vation). Le miroir déformable est donc commandé par le vecteur de tensions déduit de ces mesures.

spot turbulent                               matrice CCD Front d’onde turbulent

Matrice de micro-lentilles





axe optique

FIG. 2.10 – Schéma de principe du Shack-Hartmann.

corr

ϕ

miroir

déformable controleur de front d’onde)(analyseur

mesure résidu ϕres phase turbulente correction ϕ turb Y pentes de référence bruit de mesure b v

FIG. 2.11 – Schéma de l’asservissement d’un système d’optique adaptative, en boucle fermée. Commande Un système d’OA est un asservissement visant à corriger (et donc à diminuer) la phase tur-bulente dans la pupille. Un asservissement temps-réel de ce type fonctionne sur le principe de la boucle fermée. En boucle fermée, un système d’OA minimise donc la grandeur suivante :

φres = φturb− φcorr (2.27)

comme illustré sur la Figure 2.11 avec φres la phase résiduelle après correction par la boucle d’OA, φturb la phase turbulente en entrée de l’instrument, et φcorrla phase de correction apportée par le système d’OA.

Un des principaux problèmes en OA est de calculer les meilleures tensions v à appliquer au MD à partir des mesures de l’ASO p. Ce calcul doit d’une part prendre en compte le bruit de mesure de l’ASO et d’autre part prendre en compte le retard temporel de la correction. En effet la turbulence évolue rapidement, le temps typique d’évolution est donné par τ = 0,31r0/v[28,47], avec r0le paramètre de Fried et v la vitesse du vent, il est de l’ordre de quelques millisecondes dans le cas du VLT et dans le visible par exemple ; compte tenu du temps de lecture de la caméra et du temps de calcul par le RTC, la correction apportée par le système d’OA présente généralement un retard de quelques millisecondes (typiquement 1 à 2 ms). Comme je m’intéresserai plus tard uniquement à la correction d’aberrations statiques, les problèmes temporels ne seront pas abordés ici. Notons simplement que le type d’asservissement utilisé dans la plupart des cas est de type intégrateur, où les effets de retard temporel sont partiellement atténués par un coefficient de gain g < 1 appliqué aux tensions commandant le MD dans la boucle d’OA. Ce gain dépend du retard global. Le lecteur intéressé trouvera de nombreuses informations sur le sujet dans [48,49,50].

l’ASO se calcule alors par l’opération linéaire suivante :

vt = vt−dt+ gCp (2.28)

où vt−dt est le vecteur de tension appliqué à l’itération précédente, g le gain intégrateur, C la matrice de commande représentant la relation linéaire entre les pentes mesurées sur l’ASO p et les tensions à appliquer au DM. Cette matrice sera explicitée ultérieurement.

Le calcul des tensions à partir des mesures de pentes de l’ASO se fait par le biais de la matrice d’interac-tion. Cette matrice peut être obtenue de deux façons. D’une part –ce n’est pas la solution que nous utilisons– elle peut être calculée numériquement en prenant en compte la géométrie du système[51]. D’autre part, elle peut être calibrée directement (i.e. optiquement) par le système d’OA lui-même en mesurant les pentes obte-nues sur l’ASO lors du déplacement de chaque actionneur ou de chaque mode représentant le système[52]. La matrice d’interaction permet donc de calculer les variations de pentes sur l’ASO correspondant à un vecteur de tensions appliqué au MD, et ce par une opération matricielle linéaire simple :

p= Dv (2.29)

où p représente les mesures de pentes de l’ASO, D est la matrice d’interaction du système, v est le vecteur de tensions appliquées au MD. On a supposé ici que le système d’OA était complètement linéaire.

Lors de la fermeture de boucle, c’est l’opération inverse qui est nécessaire : les mesures de pentes du SH doivent permettre de calculer les tensions à appliquer au MD [52]. Ce calcul fait intervenir l’inverse généralisée de la matrice d’interaction, la matrice de commande notée C :

C= DTDDT (2.30)

où † représente l’inverse obtenue par décomposition en valeurs singulières tronquées et un filtrage adé-quat des valeurs présentant le plus mauvais conditionnement, et T l’opération de transposition matricielle.

Le calcul de l’inverse généralisée passe par une étude des valeurs propres de la matrice à inverser et de son conditionnement. Pour éviter une amplification du bruit due aux faibles valeurs propres de la matrice DTD, l’inverse généralisée sera calculée en utilisant une décomposition en valeurs singulières tronquées. Les inverses des valeurs propres les plus faibles sont mises à zéro lors de l’inversion, les modes associés à ces valeurs propres ne seront donc pas corrigés par le système.

Ces modes filtrés lors de l’inversion sont les modes pour lesquels l’ASO n’a qu’une faible sensibilité, voire une sensibilité nulle. Sans filtrage, si l’un de ces modes est envoyé au DM (i.e. s’il est présent dans le jeu de tension appliqué aux actionneurs), il sera effectivement appliqué au DM mais sera non vu par l’ASO. Selon l’Equation2.28, sa contribution dans le jeu de tension vt−dt apparaît dans le jeu de tension vt à l’itération suivante. Ce processus s’incrémente donc dans la boucle fermée jusqu’à saturation des ten-sions appliquées au DM. Parmis ces modes, on compte le piston (le premier polynôme de Zernike Z1) qui n’influe pas sur la formation d’image. Celui-ci peut néanmoins être commandé par le MD et être introduit sur le jeu de tensions appliquées, mais reste non-vu par l’ASO. Le second mode non-vu par l’ASO est le gaufre. Ce mode correspond à un agencement en quinquonce des actionneurs, lorsqu’on les tire et pousse alternativement (Figure2.12de gauche). Ce mode déforme les spots de l’ASO, mais ne les déplace pas. Sa mesure est nulle, c’est donc un mode non-vu par l’ASO. Toutefois, il introduit sur l’image pleine pupille quatre répliques de la FEP autour du motif central ce qui réduit d’autant les performances de l’imagerie (Figure2.12de droite).

Lame séparatrice - dichroïque La lame séparatrice est un élément optique simple mais important dans un système d’OA. Cette lame assure la séparation du flux lumineux entre les deux voies d’imagerie et d’analyse. La séparation peut se faire en amplitude ou spectralement (ce qui est souvent le cas pour les systèmes d’OA en astronomie). Dans ce dernier cas, la lumière visible est dirigée vers la voie d’analyse et la lumière infrarouge vers la voie d’imagerie.

FIG. 2.12 – Carte de phase du gaufre [à gauche] et FEP correspondante à 1µm [à droite], telles que modéli-sées sur le banc d’OA de l’ONERA. Les actionneurs sont actionnés alternativement de −λ/10 + λ/10. Voie d’imagerie La voie d’imagerie est une voie parallèle à la voie d’analyse. Elle utilise une partie du flux pour en extraire l’information scientifique. La voie d’imagerie comprend ses propres optiques, sou-vent même associées à chaque instrument (caméra, spectrographe...) introduisant leur cortège d’aberrations optiques dues au polissage ou aux alignements.

Les Figures2.13et2.14montrent respectivement le profil circulaire moyen de la FTO et la FEP d’une courte pose corrigée par optique adaptative. La FTO courte pose montre la même fréquence de coupure haute qu’un télescope parfait (à D/λ), ce qui illustre le fait que l’optique adaptative fournit des images à la limite de diffraction. Elle présente cependant un décrochement autour de la fréquence correspondant à l’espacement d des actionneurs (ici d = D/20).

FIG. 2.13 – Courte pose en présence de turbulence corrigée par un système d’OA. Le centre du champ est correctement corrigé, jusqu’à une distance correspondant au pas interactionneur. Les conditions de simula-tion sont une turbulence de type Paranal et le système d’OA correcteur de SPHERE.