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La construction de l’État passe par l’instauration d’un système fiscal, en tant qu’une des dimensions du RFF, permettant sa reproduction et sa régulation. L’histoire de la fiscalité est ainsi une partie fondamentale de l’histoire de l’État. Cette section a pour objet d’exposer succinctement les multiples étapes qui ont permis à l’État français de se doter d’un système fiscal. Ces diverses étapes constituent donc un préalable à l’existence de politiques fiscales incorporant les rapports sociaux contradictoires du RFF. Cette section s’évertuera à les présenter. Alors que la période féodale s’étend du IXe jusqu’au tournant du XIIe et du XIIIe siècle (Bloch, 1939), l’étude des revenus du pouvoir royal nous apprend que des éléments constitutifs de cette période continuent d’apparaître jusqu’au XVe siècle dans l’État. Entre le XIIe et le XVe siècle, la formation socio-historique se caractérise donc par un phénomène d’hybridation. La structure des revenus de l’État relève à cet égard d’une dimension féodale tout en étant dans une formation socio-historique qui s’en éloigne. Dans la première sous-section, nous exposerons ces éléments et nous verrons que le roi perpétue dans un premier temps un fonctionnement féodal concernant l’origine de ses revenus (1.1). Progressivement, le système fiscal se constitue à travers différentes organisations et différents dispositifs, dont l’instauration d’une comptabilité étatique à travers les premiers comptes de l’histoire du pouvoir royal. Tous les efforts du pouvoir royal vont dans le sens de chercher à s’affranchir du

poids de la féodalité, afin de s’étendre territorialement et d’accroître ses revenus. La seconde sous- section retracera l’évolution de l’institutionnalisation du système fiscal à travers la création de divers impôts directs et indirects (1.2). Nous y verrons que ce processus ne fut pas un long fleuve tranquille, et qu’il fut à l’inverse un enjeu de pouvoir dans le cadre de cette construction étatique.

1.1 Empreinte de la féodalité et création d’une comptabilité étatique

Selon Ormrod et Barta (1996), la disparition de l’Empire romain a engendré une destruction des pratiques du système fiscal qui y avaient cours. C’est à partir du haut Moyen-Âge (476-888) que la reconstruction de nouveaux systèmes fiscaux s’amorce. Un ensemble d’institutions nécessaire au fonctionnement d’un système fiscal commence à apparaître à partir de cette période. Durant le règne de Charlemagne (800-814)142, les intendants en tant qu’agents de l’Empire carolingien récoltent des

revenus au nom de l’autorité centrale, et non en tant qu’agents de l’empereur compris comme un propriétaire foncier. La capacité de prélever des revenus au nom de l’État nécessite la présence d’un pouvoir incorporé dans les différentes institutions, dont le rapport monétaire est l’un des éléments constitutifs. De nombreuses invasions vikings eurent lieu pendant la période que recouvre l’existence de l’Empire carolingien. Ces invasions et la manière dont les rois parvenaient à établir des accords de paix nous renseignent sur leur capacité à se procurer des revenus relativement rapidement. En effet, en 845, « Charles le Chauve, roi de Francie occidentale, versa […] 7 000 livres d’argent pour se donner du répit face aux incursions des Vikings. On ne possède aucune indication sur la manière dont ce tribut, le plus ancien, a été levé, mais son importance même exclut la possibilité qu’il ait été puisé dans les ressources existantes du roi » (Ormrod et Barta, 1996, p. 40-41).

Lorsque l’Empire carolingien s’effondre et que le pouvoir se décentralise dans les seigneuries des différents royaumes européens, le système fiscal connaît le même sort et disparaît également. La période féodale143 (IXe-XIIe siècle) se caractérise dès lors par l’absence d’un système fiscal unifié qui

lève l’impôt au nom d’une institution censée représenter l’ensemble du royaume ou de l’empire. Le pouvoir de la royauté ne s’étend donc pas au-delà du domaine du roi144, et peut être assimilé à ce titre

à celui de n’importe quelle seigneurie : « les droits régaliens, dans la France du XIe siècle, étaient seigneuriaux, non pas souverains » (Ormrod et Barta, 1996, p. 45). C’est précisément à partir du XIIe siècle, en l’occurrence pendant le règne de Philippe II Auguste (1180-1223), qu’une dynamique de

142 Il s’agit des années de règne de Charlemagne en tant qu’empereur. En tant que roi, son règne alla de l’an 768 à l’an 814.

143 La période féodale ne doit pas être confondue avec le mode de production féodal. Elle indique la période historique habituellement définie comme féodale ; tandis que le mode de production féodal caractérise une manière spécifique de produire et de consommer qui peut dès lors s’inscrire à proprement parler en dehors de l’intervalle historique de la féodalité.

144 Le domaine royal doit être considéré comme une entité politique et non comme une simple zone géographique : « the royal domain […] should refer less to a geographical entity than to a collection of rights, revenues and jurisdictions » (Henneman, 1999, p. 101).

reconstitution d’un pouvoir central s’apparentant à un État s’amorce145. Elle s’opère en commençant

par l’accentuation de la division du travail dans le cadre du prélèvement de l’impôt, et par l’institutionnalisation de techniques comptables.

Le règne de Philippe II Auguste connaît une transformation institutionnelle fondamentale. C’est en effet au cours de ce règne qu’une distinction est faite entre le Trésor et la cassette du roi146. En

réalisant cette séparation, le pouvoir royal se dote d’institutions abstraites supérieures à la seule personne du roi. La constitution d’un Trésor pose les jalons de la réapparition d’un État et des finances publiques. Le pouvoir royal ne se réduit plus au roi conçu comme simple propriétaire foncier. Il s’éloigne donc d’une « logique de la “maison” » du roi pour tendre vers un État se matérialisant sous la forme du pouvoir royal (Bourdieu, 1997, p. 57). La reconstruction d’un système fiscal est donc bien l’un des facteurs qui permettent la reconstitution de l’État (Mordacq, 2018).

C’est également sous le règne de Philippe II Auguste qu’une nouvelle catégorie d’agent apparaît, accentuant ainsi la division du travail parmi les agents royaux dans le cadre du recouvrement de l’impôt. Ce processus de division du travail et de délégation du pouvoir induit un renforcement du phénomène de dépersonnalisation du pouvoir. À cet égard, un mécanisme d’abstraction du pouvoir se réalise qui s’actualise concrètement à travers les institutions et les agents qui les font fonctionner. Initialement, le pouvoir royal n’employait qu’un type d’agent : les « prévôts ». C’est en 1190, à la suite du départ en croisade de Philippe II Auguste, que les « baillis » font leur apparition et viennent compléter et complexifier le système fiscal du pouvoir royal. Lors de son départ pour la troisième croisade (1189-1192), Philippe II Auguste écrit une ordonnance-testament dans laquelle il expose, d’une part, ses volontés sur le fonctionnement du pouvoir royal en son absence ; et d’autre part, ses dernières volontés dans le cadre de sa succession, s’il venait à mourir au cours de la croisade (Philippe II, 1916), cf. annexe n° 1. Dans cette ordonnance-testament, il précise que la création des baillis a plusieurs finalités, dont celle consistant à exercer un pouvoir de contrôle sur les prévôts. En raison de leur position hiérarchique, les baillis se situent entre les prévôts et le Trésor (Gravier, 1904). La surveillance des prévôts par les baillis a pour but d’éviter qu’ils ne détournent trop d’argent censé finir dans les caisses du pouvoir royal. Ce contrôle se traduit concrètement par l’établissement de comptes réguliers de leur part et de la part des baillis (Henneman, 1999). L’ensemble des différentes dépenses effectuées et revenus récoltés devait figurer dans ces comptes. Les prévôts et les baillis présentaient trois fois par an leurs comptes au pouvoir royal au moment de la Chandeleur, de l’Ascension et de la Saint-Rémi (Baldwin, 1986)147. La mise en place de techniques comptables

145 La célèbre formule de Bernard de Chartres (1070-1130) (« Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux ») illustre de façon métaphorique la reconstitution de l’État. Dans cette citation, les nains représentent la modernité qui émerge au XIIe siècle ; tandis que les géants représentent l’Antiquité (Le Goff, 2018). L’une des interprétations que nous pouvons avoir de cette phrase est qu’elle consacre le rapprochement des ambitions fiscales du pouvoir royal avec le système fiscal de l’Empire romain. 146 Soit le trésor particulier du roi.

147 « Loin de leur seule revendication d’efficacité technique, les outils [de gestion] sont en fait des pièces maîtresses et agissantes permettant la domination de certains sur d’autres, et des armes dans une lutte inégale » (Chiapello et Gilbert, 2013, p. 63). Ces auteurs utilisent le terme d’outils de gestion au lieu d’outils comptables, mais la signification de ces termes est identique. Bourguignon (2005, p. 357) prolonge cette vision des outils comptables

régulières a donc pour origine l’ambition royale de mieux contrôler ses propres agents, afin d’accroître ses revenus, plutôt que de se doter d’outils statistiques permettant d’avoir une meilleure vision globale de la situation économique et financière. Les outils comptables émergent dès lors en tant qu’outils de domination (Chiapello et Gilbert, 2013) à partir desquels le pouvoir royal réussit à se renforcer148. À travers l’instauration des comptes royaux réguliers, le roi est en mesure de mieux

contrôler ses propres agents et de s’assurer que le prélèvement sur son domaine royal se réalise comme il l’entendait. C’est en ce sens qu’un rapport de domination se met en place à travers la médiation d’outils de gestion, ou à travers la réification de ce rapport de domination via les outils comptables. Ces derniers participent donc à l’accroissement du pouvoir central et à la réapparition de l’État.

En plus de la dimension de contrôle et d’affirmation de la domination de l’État, la création des baillis engendra une spécialisation des tâches sur le plan du recouvrement de revenus au nom du pouvoir royal. Les baillis se spécialisèrent dans la perception de revenus « ordinaires de nature occasionnelle (profits de justice, régaliens et de forêts) » ; tandis que la tâche des prévôts portait sur le recouvrement de revenus « ordinaires de nature régulière » (Ormrod et Barta, 1996, p. 51). Une troisième catégorie comptable nommée revenus « extraordinaires » complète l’ensemble des sources de revenus. Ce type de revenu était recouvré soit par les prévôts, soit par les baillis. Comme leur nom l’indique149, ces revenus n’avaient pas pour objet d’être pérennes et devaient être perçus en cas de

nécessités absolues. Ils pouvaient théoriquement être perçus dès lors que la survie du pouvoir royal était en jeu, dans le cadre des guerres par exemple. L’une des formes essentielles des revenus extraordinaires était l’impôt qui était prélevé au-delà du domaine royal. L’étude de la composition des revenus du pouvoir royal est à ce titre révélatrice, d’une part, du pouvoir de la royauté et des rapports sociaux qui y sont cristallisés ; et d’autre part, de la dynamique socio-historique de cette institution.

La division des tâches occasionne une croissance du rendement du système fiscal qui se manifeste par un accroissement des revenus récoltés par les agents royaux. Ce phénomène est révélé par les comptes royaux de 1202-1203 qui sont les premiers de l’histoire à être parvenus jusqu’à nous (Nortier et Baldwin, 1980)150. Le graphique n° 1 ci-dessous illustre ces premiers comptes fiscaux

comme objets de domination à travers la mobilisation du concept de réification de Lukács (1984) selon lequel des rapports sociaux sont objectivés, masquant ainsi le rapport de domination.

148 « Loin de leur seule revendication d’efficacité technique, les outils [de gestion] sont en fait des pièces maîtresses et agissantes permettant la domination de certains sur d’autres, et des armes dans une lutte inégale » (Chiapello et Gilbert, 2013, p. 63). Ces auteurs utilisent le terme d’outils de gestion au lieu d’outils comptables, mais la signification de ces termes est identique. Bourguignon (2005, p. 357) prolonge cette vision des outils comptables comme objets de domination à travers la mobilisation du concept de réification de Lukács (1984) selon lequel des rapports sociaux sont objectivés, masquant ainsi le rapport de domination.

149 Même si, par la suite, les revenus extraordinaires ne garderont d’extraordinaire que leur nom, au regard de la fréquence à laquelle le pouvoir royal fait appel à ce type de revenu, et au regard de leur part relative dans les revenus totaux (Guéry, 1978).

150 Le fait que le règne de Philippe II Auguste soit relativement mieux documenté que les règnes précédents relève en partie de la création du Trésor des Chartes au début du XIIIe siècle, dont la finalité était de reconstituer les archives royales précédemment perdues par Philippe II lors d’une bataille contre Richard Cœur de Lion.

ainsi que ceux d’autres années fiscales. Il met en exergue les évolutions des sources de revenus du pouvoir royal.

Les revenus ordinaires augmentent de manière substantielle à la suite de la création des baillis démontrant de facto l’accroissement du rendement du système fiscal en matière de revenus. La mise en place d’une comptabilité régulière à partir des années 1190 semble également jouer un rôle en termes de hausse de revenus prélevés par les agents royaux. La conjoncture économique a certainement joué elle aussi un rôle dans la hausse des revenus, étant donné l’essor économique que représente le XIIe siècle (Ormrod, 1996). En 1190, les revenus ordinaires valent 30 759 livres tournois (lt) ; en 1203, ils s’accroissent d’un montant égal à 8 967 lt, soit une hausse de 30 % en 13 ans. Par ailleurs, l’annexion du duché151 de la Normandie engendre un gain de revenus de 100 336 lt.

Les revenus provenant de cette annexion représentent environ 41 % des revenus totaux ordinaires. L’ampleur de la hausse des revenus totaux, à la suite de l’intégration de cette seigneurie dans le domaine royal, démontre d’une certaine façon la faiblesse relative du montant des revenus du domaine royal avant cette annexion. L’intégration de la Normandie dans le domaine royal marque au demeurant un tournant dans la lutte pour l’hégémonie du pouvoir entre la couronne anglaise et la couronne française : « dans les années 1190, [les recettes du duché] avaient valu à Richard Ier

d’Angleterre un revenu annuel se situant entre 56 000 livres tournois (en 1195) et 136 500 (en 1198) » (Ormrod et Bata, 1996 : 53). Cependant, l’un des enseignements de la composition des

151 Soit une forme concrète de seigneuries.

Graphique 1 : Revenus sélectionnés de la couronne française en livres tournois, 1179-1221. Sources : ESFDB (1993), Ormrod et Barta (1996)

revenus royaux est le rôle décisif et central du domaine royal comme principale source de revenus. Le fait qu’il en soit ainsi illustre l’emprise des structures féodales qui s’exerce toujours sur le pouvoir royal. Ce n’est réellement qu’entre le XVe et le XVIIe siècle que la structuration des revenus du pouvoir royal démontre son affranchissement du carcan du domaine royal. Ce dernier devient à partir de cette période un système fiscal relativement unifié qui s’applique sur le royaume, soit sur le territoire de l’État. C’est ce que Ormrod (1996, p. 111) nomme la « transition d’une fiscalité féodale à une fiscalité d’État ».

1.2 Un processus erratique d’imposition du système fiscal

Dans cette sous-section, nous aborderons le cas de la dîme comme un impôt représentatif des mécanismes à l’œuvre dans le processus de mise en place d’un impôt. Les guerres et l’Église jouent en ce sens un rôle fondamental (1.2.1). Puis, le pouvoir royal s’extrait de ces deux facteurs à travers les États généraux, qui figurent comme l’organisation représentative de l’époque, et à travers la conjonction de deux types de crises qui frappent le royaume à quelques années d’écart, offrant la possibilité d’instaurer des impôts permanents (1.2.2). À cet égard, un réel système fiscal pérenne se constitue à partir du XVe siècle.

1.2.1 Sortir de la féodalité via l’Église et les guerres : le cas de la dîme saladine

La mise en place d’institutions fiscales, telles que le Trésor ou la tenue régulière de comptes, et de l’accentuation de la division du travail ne fut pas pour autant un gage de développement sans accroc de l’État. Loin de suivre une trajectoire linéaire, l’amorce de la reconstitution d’un État à travers le pouvoir royal à partir du XIIe siècle constitue davantage un processus tâtonnant, marqué par des essais, des retraits et une institutionnalisation progressive de mesures fiscales.

La dîme152 saladine (1188) est une illustration de l’incapacité du pouvoir royal à imposer – dans

les deux sens du terme – à sa convenance un nouvel impôt et donc une nouvelle source de revenus. Elle participe à la dynamique de reconstitution d’impôts directs prélevés au nom du roi et non plus de revenus provenant de l’utilisation de moyens de production mis à disposition par le roi (fours, moulins, pressoirs, ateliers monétaires). Elle s’inscrit donc dans la catégorie des revenus extraordinaires et représente ainsi une tentative de faire sortir le pouvoir royal des structures féodales. La raison de la création de la dîme saladine s’explicite par le besoin de financer la troisième

152 Le mot dîme a pour origine le caractère volontaire des contributions égales à un 1/10e du revenu des églises et des monastères pour participer au financement de l’État (Gagnol, 1911).

croisade à la suite de la prise de Jérusalem par le sultan Saladin en 1187. L’Église et les guerres jouent ainsi un rôle important dans la reconsolidation du système fiscal du pouvoir royal français. L’assiette fiscale de la dîme saladine repose sur une taxation de 1/10e des revenus perçus par les sujets

du royaume durant l’année fiscale. Seuls les sujets qui accompagnèrent Philippe II Auguste – les croisés – étaient exemptés de son paiement (Gagnol, 1911). L’enjeu de ce nouvel impôt direct était double. D’une part, il incitait les sujets du royaume à venir prêter main-forte à Philippe II en participant aux batailles dans le cadre de la troisième croisade. D’autre part, son instauration induisait une absence de traitement différencié entre les clercs et les laïcs. La raison d’État était donc première concernant la logique de cette innovation fiscale. Aussi, la légitimité de cet impôt reposait sur la figure du roi en tant que représentant de l’État, dont la finalité était l’accroissement des revenus du Trésor. De ce fait, elle se distingue des rentes féodales qui tiraient leur légitimité du droit de la seigneurie banale. Cependant, même si la dîme saladine s’appliquait sur l’ensemble du royaume, les collecteurs d’impôt en dehors du domaine royal étaient les clercs et les seigneurs. Ils avaient ainsi tout le loisir de reporter sur les bourgeois et les paysans le paiement réel de cet impôt direct, à travers la perception d’impôts seigneuriaux compensant le paiement de la dîme (De la Mardiere et Chevreau, 2012).

De nombreuses contestations éclatèrent à la suite de la création de cette dîme. Elles provenaient notamment du clergé qui redoutait de la voir se transformer en un impôt royal permanent (De la Mardiere et Chevreau, 2012). Face à ces révoltes fiscales, le pouvoir royal recula et supprima la dîme une année seulement après son instauration. Ainsi, l’histoire de la dîme saladine est courte (1188- 1189), mais elle cristallise des rapports sociaux, dont les rapports de pouvoir de l’époque. L’un des enseignements de l’histoire de cet impôt direct est l’absence d’une souveraineté consolidée et d’une domination sur l’ensemble du territoire. À l’inverse, l’Église à travers le clergé représente un pouvoir fort qui réussit à faire reculer le pouvoir royal quant à la mise en place d’un impôt. L’empreinte de la féodalité sur les rapports sociaux et le système fiscal est toujours présente. Mais la marque de la féodalité disparaît progressivement à travers les interstices créés par les croisades. En effet, la papauté au cours du XIIIe siècle permet aux pouvoirs royaux – l’Angleterre, la Castille et la France – de