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SAINT-AIGNAN D’ORLEANS LA CRYPTE

4. Les recherches archéologiques depuis le XIX e siècle

Premiers travaux dans la crypte

En 1845, l’architecte départemental Clouët fut engagé pour faire cinq relevés de Saint-Aignan d’Orléans, et en 1846 un devis de restauration de l’édifice 165 (fig. 6). Au chapitre des travaux de consolidations urgentes déjà exécutés figure la mention « au socle du nord ainsi qu’aux socles des contreforts des chapelles jusqu’au milieu du chevet du chœur inf.[érieur ?] », alors que ne furent menés qu’au quart des travaux « dans la petite cour des cryptes » et « dans le jardin inf.[érieur ?], au socle de la façade ouest et dans la cour du couvent » 166. Clouët insista également sur la « recherche des chapelles des cryptes » et sur « l’ouverture de quelques fenêtres pour donner de l’air » 167. Au chapitre des consolidations et des restaurations, il mentionna la « continuation du travail pour la crypte » 168 et dans un nouveau devis de 1849, « une nouvelle proposition de fouille et de déblais dans la chapelle souterraine » 169. Le chevet et le transept furent quant à eux restaurés en 1862.

Après ces opérations, Clouët dressa un mémoire des travaux effectués en cinq ans environ, le 11 juin 1851, qui reste malheureusement assez imprécis au sujet de la crypte. Toutefois, on peut noter que cette partie de l’édifice ne semble pas avoir fait l’objet de restaurations intensives, comme en témoigne encore son état de conservation 170.

165

Méd. Patrimoine : 81/45/145/1, carton 42. 1328a (1843-1930). 1846 : devis approximatif des travaux à faire pour la restauration de l’église Saint-Aignan d’Orléans, Monument historique, de L.-W. Clouët, accompagné de 5 plans et coupes.

166 A. D. Loiret : sous-série 59 J 23. 167 A. D. Loiret : sous-série 59 J 23. 168 A. D. Loiret : sous-série 59 J 23. 169 A. D. Loiret : sous-série 59 J 23. 170

Dès les années 1860, l’état de conservation de l’édifice souleva des craintes : bien qu’il soit bon dans l’ensemble, on s’inquiétait de mouvements de terrain, sans savoir s’ils étaient dus au poids des constructions placées au-dessus ou d’un véritable affaissement du sol. On en vint même jusqu’à se demander si les grandes crues de la Loire, survenues régulièrement après

En 1857, le chanoine de Torquat fit abaisser le niveau du sol de la crypte 171 (fig. 9). A une profondeur de 0,50 m environ, on découvrit les sépultures de chanoines inhumés dans la crypte au XVIIIe siècle dont quelques épitaphes ont été conservées. Les travaux furent alors arrêtés, comme on peut le vérifier sur les anciennes gravures montrant le sol de la crypte au niveau des bases des demi-colonnes de la façade du martyrium et juste au-dessous de l’arcature murale nord. Le chanoine de Torquat attribuait l’exhaussement du niveau du sol de la crypte à un ajout de terre datant du début du XVIIIe siècle, sans donner plus de précision, mais soulignait bien qu’il ne s’agissait pas des gravats évacués lors de l’abaissement du niveau du cloître vers 1820.

La tribune d’orgue et le calorifère

La fabrique de Saint-Aignan, qui avait fait la demande d’un orgue dès 1846 et avait obtenu un devis en 1851, fut finalement aidée par l’Etat en 1870. Deux courtes notes manuscrites, non signées et remontant aux années 1871-1872, rendent compte de trois sondages effectués pour l’installation de la tribune d’orgue, située au revers du mur occidental de la collégiale actuelle 172. Tous ont fourni une indication stratigraphique se recoupant. Entre ± 105,65 m NGF (sol actuel de la collégiale) et ± 104,65 m NGF se situe une épaisse couche de remblai avec de nombreux éléments de démolition et beaucoup d’ossements. On a ensuite observé jusqu’à ± 103,15 m NGF des inhumations avec des petits vases d’argile remplis de charbon et portant des traces d’encens brûlé 173. Juste au-dessous se trouve une couche de terre végétale noire, battue et unie d’environ 0,10 m d’épaisseur puis, dans les deux premiers sondages 174,

1856, n’y avaient pas joué un rôle. Malgré l’insistance de la Société archéologique et historique de l’Orléanais sur l’état de délabrement de la crypte et la grande nécessité de pratiquer des travaux de consolidation de l’édifice, seuls des témoins furent placés dans la crypte à la fin du

XIXe siècle. Bulletin de la Société archéologique de l’Orléanais 1892a. 171

TORQUAT 1857. 172

A. D. Loiret : sous-série 59 J 23. 173

Les caractères de ces inhumations – les pots d’argile – ne permettent pas de les dater précisément entre la fin du Moyen Age et l’époque moderne : PRIGENT 1996. Le nombre important de sépultures et leur superposition plaident en faveur d’une longue période d’utilisation.

174

Dans le troisième sondage, on rencontra du mortier qui scellait probablement les dalles d’un niveau de sol juste au-dessous de la couche de terre végétale, soit à ± 103,05 m NGF.

une autre couche de gravats et de démolition jusqu’à la cote ± 102,65 m NGF. Enfin, sous cette altitude se situent des vestiges architecturaux. Dans le premier sondage, on observa une grosse et longue pierre de marbre impossible à extraire car elle était engagée dans du remblai dans lequel elle avait probablement été abandonnée 175. Elle se présentait comme un chapiteau avec un tailloir décoré de trois filets et un chanfrein sur lequel étaient dessinées des croix de Malte. Dans le second sondage, on découvrit des restes de construction, des tegulae, du mortier à gros sable comparable aux parties les plus anciennes de la crypte et une pierre plate du même grain que celui de l’appareil du martyrium.

Bien qu’imprécises, ces informations indiquent la puissance stratigraphique de l’extrémité occidentale de la collégiale. Par la concordance entre le niveau de sol du troisième sondage et celui de l’appui des fenestellae supérieures du martyrium (± 103,05 m NGF), les vestiges de constructions observées dans les deux premiers sondages pourraient être antérieures au XIe siècle.

Un devis dressé le 22 août 1877 pour l’installation d’un calorifère proposait d’utiliser le couloir sud de la crypte comme canalisation d’air froid. Cette solution ne fut finalement pas retenue et en 1892, on installa le four dans le soubassement de la chapelle sud de la collégiale. Les travaux permirent la découverte de sépultures « remontant à une époque déjà éloignée » 176, et notamment celle d’un chanoine nommé Cassin 177.

Les fouilles du Docteur Lesueur

La découverte la plus spectaculaire fut faite en mars 1953. En vue d’une visite de la Société française d’archéologie 178, un rangement et un nettoyage de la crypte furent entrepris. A cette occasion, Pierre Hamel démonta quelques

175

Deux petites notes mentionnent une nouvelle couche avec des éléments carbonisés (et des ardoises), et certifient que la pierre de marbre formant chapiteau était bien engagée dans du mortier, faisant partie d’un corps de maçonnerie.

176

Méd. Patrimoine : 81/45/145/1, carton 42, 1328a (1843-1930). 1892-1893 : signalement du mauvais état de la crypte et nécessité de sa consolidation ; observations de nombreuses fissures dans les voûtes, dues soit au poids des constructions supérieures, soit à un affaissement du sol. 177

pierres des assises supérieures d’un des piliers 179. Un tailloir et la partie supérieure d’un chapiteau polychrome apparurent rapidement, encourageant à procéder de la même manière pour les cinq autres supports, après accord de l’Architecte des Bâtiments de France, R.-J. Boitel. Cette découverte permit le déblocage de fonds pour de nouveaux sondages, effectués sous la direction du Dr Lesueur 180. Malheureusement, aucun rapport de fouille ne fut rendu et on doit se contenter aujourd’hui des informations assez imprécises qu’il a publiées dans son article du Bulletin monumental 181 (pl. 4). Des reproches lui furent d’ailleurs adressés par les membres de la Société française d'archéologie, dont Jean Hubert et Marcel Aubert 182.

Malgré tout, les sondages du Dr Lesueur restent une source primordiale pour la connaissance du sanctuaire. Pratiquées non seulement dans la crypte mais aussi sous le trottoir au nord de la collégiale, ses fouilles permirent de mettre au jour, entre 1953 et 1956, l’extrémité du bras nord et les substructions du bras sud du transept du XIe siècle ainsi que des vestiges sous le sol de la crypte.

Dans la salle centrale, on retrouva un emmarchement immédiatement à l’est des deux piliers médians de l’abside, ce qui permit par ailleurs de mettre au jour les fondations des piliers chemisés. Deux sondages furent également effectués à l’entrée du couloir sud 183, immédiatement au sud du martyrium et à l’opposé, à l’entrée du côté nord.

178

Bulletin monumental 1953 : 413. 179

J. Banchereau avait très tôt fait remarquer que le sommier des voûtes était très nettement en retrait des maçonneries, laissant ainsi supposer que les piliers primitifs avaient été chemisés : BANCHEREAU 1922 : 158.

180

Méd. Patrimoine : 81/45/145/1, carton 43, 1328b (1843-1930). 181

LESUEUR 1957. Seul un très court rapport dactylographié anonyme (du Dr Lesueur ou de E. du Ranquet ?) postérieur au 14 novembre 1954 ainsi que deux plans et coupe concernent ces sondages. Orléans, S.D.A.P. du Loiret, dossier Orléans, église Saint-Aignan. Voir MARTIN 2003 : 59-62.

182

C’est ce qu’indique clairement le rapport de la 4e section de la Commission supérieure des Monuments historiques (Fouilles et antiquités classiques) dans un procès-verbal daté du 28 février 1958 signé par Jean Hubert : « [...] Mais si l’on pouvait penser que M. le Dr. Lesueur s’expliquerait sur tout ceci soit dans le rapport qu’il ne pouvait pas manquer d’adresser à la Direction de l’Architecture sur l’emploi du crédit alloué, soit dans l’article dont on annonçait la publication prochaine dans le Bulletin monumental. Or, il n’en a rien été. M. le Dr. Lesueur n’a envoyé aucun compte-rendu, aucune photographie, aucun relevé à la Direction de l’Architecture. Il n’a pas publié l’article attendu sur les fouilles de St-Aignan d’Orléans. Il s’est contenté de faire paraître dans le Bulletin monumental (Tome CXV, 1957, p. 169-206) un article sur l’église où il parle sans précision des fouilles. [...] » Sous-Dir. Archéologie : dossier Loiret, Orléans, église Saint-Aignan [1953-1958].

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