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SAINT-AIGNAN D’ORLEANS LA CRYPTE

5. L’agrandissement des années 1470

Le problème de la perte des cinq absidioles du XIe siècle dans le nouveau chevet fut résolu quelques années plus tard par la construction de cinq chapelles rayonnantes desservies par un déambulatoire implanté autour de l’abside polygonale (pl. 18). Ces travaux furent poursuivis par des chapelles latérales sur le flanc nord de la collégiale (fig. 82). Les sources écrites et

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Cette chapelle orientée est partiellement visible sous un arc brisé supportant un massif de maçonnerie probablement en lien avec l’aménagement de la cage d’escalier située dans l’angle nord-ouest du « socours de marelle ».

quelques indices archéologiques permettent de préciser le déroulement du chantier.

Les textes transcrits par M. Colas des Francs indiquent que le chantier débuta en 1469, au sud, par la construction du « socours de marelle » 305, accolé à l’est de la sacristie aménagée dans le bras sud du transept du XIe siècle (pl. 16). Il s’agit d’une salle rectangulaire divisée en deux travées carrées voûtées d’ogives. Eclairée par deux baies en tiers-point à l’est 306 et au sud, elle est dotée, au sud-est, d’un contrefort diagonal. Cette pièce est accessible par la dernière travée du collatéral sud de chœur et elle communique avec la sacristie médiane par une arcade. En outre, elle possède un escalier conduisant vers l’étage supérieur des deux sacristies 307.

Le « socours de marelle » est contemporain des cinq chapelles rayonnantes qui furent bâties à partir de 1469 308 sous la direction de Pierre de Tournay 309 (pl. 18). La construction fut réalisée du sud vers le nord, autour de l’abside polygonale. La continuité des assises de maçonneries et leur chaînage attestent parfaitement l’homogénéité de cette phase de chantier, achevée après 1472 310.

Les chapelles rayonnantes sont de plan pentagonal précédé par une travée droite. Jointives par leurs contreforts (fig. 82), elles masquent en partie basse les culées des arcs-boutants de l’abside polygonale contre lesquelles elles ont été plaquées en partie haute (fig. 74). Le déambulatoire délimité par cette couronne d’absidioles présente de nombreuses irrégularités déjà évoquées : l’absence de rond-point, les contreforts primitifs de l’abside rhabillés de faisceaux de colonnettes (fig. 73), les étranglements et le pincement du voûtement aux deux entrées du déambulatoire. L’ensemble a été bâti sur la terrasse aménagée à partir des absidioles de la crypte (pl. 15). Sa réalisation a donc dû entraîner la condamnation du déambulatoire de la crypte du XIe siècle

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Cette baie a été partiellement condamnée pour y aménager une porte lors de la mise en place de l’escalier extérieur desservant la cour d’accès à la crypte.

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L’installation de la cage d’escalier a considérablement modifié les vestiges de la face orientale du bras sud du transept du XIe siècle et de la chapelle orientée qui s’y trouvait.

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au tout début des années 1470 311 (pl. 4), sans doute plus dans un souci de stabilité que de solidité de l’édifice, selon le même alignement que celui du renfort en sous-œuvre pratiqué au XIe siècle (pl. 14). Le déambulatoire et les anciennes chapelles de la crypte, qui servaient peut-être encore aux chanoines de Saint-Aignan, furent alors condamnés puisque la communauté disposait désormais d’espaces plus vastes et plus facilement accessibles au niveau principal de l’édifice.

Toutefois, la chapelle nord fut conservée moyennant quelques transformations (pl. 10, fig. 35). Le relevé a permis de constater la superposition de plusieurs enduits peints, le dernier (Usb 1012) couvrant encore largement l’élévation. Dans la moitié occidentale de la chapelle, il scelle la condamnation des deux baies primitives conservées. Dans la moitié orientale, en revanche, il file dans l’ébrasement d’une baie agrandie qui ne fut bouchée qu’après son application. En partie inférieure, la couche revient au sol sur un niveau de tomettes (US 1016) (fig. 83), peut-être à mettre en relation avec celui découvert par le Dr Lesueur dans la salle centrale (fig. 84). Ces éléments permettent de penser qu’il s’agit là de transformations liées à l’édification des chapelles rayonnantes du XVe siècle (1469-1472). La condamnation des deux baies primitives indique en effet que la crypte devait avoir été remblayée à l’extérieur et la troisième, dépourvue d’ébrasement, devait ouvrir vers les soubassements de la nouvelle construction. Les traces d’enduit prouvent qu’un autel se trouvait encore dans l’absidiole après ces transformations. Peut-être les soubassements furent-ils momentanément utilisés à des fins funéraires pour les chanoines, le caveau ayant été fermé postérieurement pour abriter les sépultures.

Enfin, le chantier du chevet fut terminé par la réalisation des chapelles latérales du chœur de la collégiale (fig. 82). De plan carré, deux chapelles, à l’ouest desquelles se trouvait un porche, formaient une suite de pignons sur la face nord du chevet. A l’est, la dernière chapelle présente un voûtement assez

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Un conduit situé à l’entrée du couloir nord de la crypte aurait pu servir au comblement du déambulatoire et des absidioles de la crypte qui, manifestement, ont conservé leur couvrement. L’ouverture devait en effet prendre jour à l’extérieur de la collégiale avant la construction des chapelles latérales du chœur.

bas car elle est surmontée par un étage chauffé par une cheminée et ouvrant dans le collatéral nord. Probablement ces chapelles latérales étaient-elles prévues dès la construction du déambulatoire et des chapelles rayonnantes 312 : l’absidiole septentrionale ne possède pas de baie sur sa face occidentale (fig. 82). Toutefois, elles ont été exécutées après l’achèvement des chapelles rayonnantes, comme l’indique le placage de la chapelle du trésor et la chapelle rayonnante nord de la collégiale 313.

Les six chapelles latérales de la nef furent ensuite ajoutées sous les règnes de Charles VIII (1483-1498) et de Louis XII (1498-1515) 314 et la collégiale fut consacrée le 28 août 1509 (fig. 68, 69). Ruiné par deux raids protestants en 1562 et en 1567, l’édifice perdit sa nef dont les vestiges subsistèrent, ainsi que sa tour occidentale, jusqu’à leur destruction en 1804 315. Il n’en reste aujourd’hui que les grandes arcades de la dernière travée qui contrebutent la croisée du transept dans la cour du Grand Séminaire (pl. 18).

* * *

On peut désormais mieux cerner la chronologie de l’édifice au fil des différents chantiers du XIe et du XVe siècle.

Dans les premières années du XIe siècle, la reconstruction de la collégiale sous l’égide de Robert le Pieux débuta par le martyrium et ses faces latérales caractérisées par l’emploi d’un petit appareil allongé (pl. 13). Il fallut araser des maçonneries antérieures, notamment au sud-ouest de la salle transversale, et rechercher le sol géologique pour installer de puissantes

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A. D. Loiret : G 1700, acte du 7 octobre 1469. Le document désigne la mise en place d’un escalier de trente-et-une marches dans la septième chapelle.

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Le contrefort de la chapelle rayonnante nord est d’ailleurs visible à l’intérieur de la chapelle latérale.

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HUBERT 1661 : 32. Il n’en subsiste qu’une trace d’arrachement de voûte à l’ouest du bras nord du transept.

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L’architecte orléanais Benoît Lebrun racheta les vestiges en 1791. A. D. Loiret : Q I n° 6. du 2 au 30 mai 1791. A la Révolution, la collégiale avait été transformée en fabrique de tentes et

fondations. Les murs furent interrompus à la cote ± 103 m NGF, probablement dans le but de voûter la structure. Les tranchées furent remblayées et on mit en place plus tard les bras de transept formant également l’extrémité des couloirs. Dans la continuité, on édifia l’enveloppe extérieure des collatéraux, du déambulatoire et des chapelles rayonnantes. Peut-être interrompit-on encore la construction à ± 103 m NGF. On peut également émettre l’hypothèse d’un développement du nord vers le sud : les maçonneries présentent en effet une plus forte densité de petit appareil allongé dans la moitié nord de la crypte, ce qui pourrait être lié à l’utilisation des matériaux prévus pour le début du chantier. La construction concerna ensuite les murs latéraux des couloirs et leur voûtement ainsi que les piliers de l’hémicycle. Enfin, on installa les supports de la salle centrale qu’on put ainsi voûter après la réalisation du sommet de la façade du martyrium.

Très rapidement, l’édifice connut d’importants désordres : avant même la mise en couleur définitive des chapiteaux sculptés, on dut en effet pratiquer une reprise en sous-œuvre de toute la moitié sud-est de la crypte, transversalement au pendage du coteau vers la Loire (pl. 14). L’opération fut probablement motivée par des lézardes sur le déambulatoire qui conduisirent à la condamnation d’au moins deux de ses ouvertures au nord-est et au sud. Faut-il y voir la conséquence des travaux exécutés par la reine Constance entre 1031 et 1032 et qui visèrent peut-être à la mise en place d’un étage d’éclairage direct dans l’abside ? Quoi qu’il en soit, les enduits peints durent, selon toute logique, être appliqués après ce repentir car ils sont absents derrière les renforts.

Au XVe siècle, la crypte fut l’objet de nouvelles transformations en relation avec les deux chantiers successifs de la collégiale.

Dans les années 1440, les absidioles de la crypte furent réaménagées extérieurement par des murs plats où l’éclairage direct fut toujours préservé (pl. 15). Cet ensemble polygonal était probablement destiné à supporter une vaste terrasse maçonnée sur laquelle reposaient les culées d’arcs-boutants de la nouvelle abside. Les couloirs d’accès furent allongés sous toute la surface du chevet du XVe siècle et la crypte fut totalement enduite. Probablement cette

les reliques de saint Aignan avaient été transférées à Saint-Euverte entre 1793 et 1803. A. D. Loiret : sous-série 59 J 13, Reliques (1793-1865).

réhabilitation de la construction du XIe siècle palliait-elle la disparition de cinq chapelles rayonnantes au niveau principal de l’édifice. De même, les deux piles occidentales de la crypte pourraient avoir été reprises en sous-œuvre car elles n’avaient pas été renforcées dans le courant du XIe siècle. En raison de leur emplacement, on peut également supposer qu’elles étaient destinées à supporter un aménagement monumental.

Malgré les moyens mis en œuvre pour intégrer la crypte au nouveau parti architectural, cette réalisation fut rapidement transformée à la fin des années 1460 (pl. 18). La construction de cinq chapelles rayonnantes autour de l’abside nécessita le remblaiement extérieur de la crypte et par là-même la condamnation de ses ouvertures, ensuite enduites. La majeure partie du déambulatoire et quatre des cinq chapelles rayonnantes furent condamnées, selon le même alignement que la campagne de renfort du XIe siècle. Un sol de tomettes fut aménagé dans la salle centrale et dans l’absidiole nord. Celle-ci comportait encore un autel, indiquant que la crypte conserva néanmoins une fonction cultuelle tardivement.

CHAPITRE 2

SAINT-MARTIN DE TOURS