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DE MEHUN-SUR-YEVRE LA COLLEGIALE

1. Le clocher-porche

Développée sur trois vaisseaux, la tour-porche 631, marquée à ses angles par de puissants contreforts (pl. 34), compte trois niveaux (fig. 181) : un porche, une salle haute et un beffroi couvert d’ardoise. Largement repris aux XIXe et XXe siècles, cet ensemble est bâti en moyen appareil de calcaire. Les deux premiers niveaux sont de même largeur que la nef et la hauteur est aujourd’hui légèrement supérieure au vaisseau de l’édifice. Le beffroi garde d’ailleurs sur sa face orientale la trace du solin de l’ancienne toiture détruite par l’incendie de 1910 (fig. 182). Par le jeu du pignon découvert de la nef et des contreforts rampants de sa face occidentale, la tour réduit sa largeur au niveau du beffroi et s’inscrit ainsi dans la silhouette de l’église.

Le rez-de-chaussée est occupé par un porche bâti sur les fortifications de la ville. Le vaisseau central est ouvert à l’ouest sur la vallée de l’Yèvre et surplombe le Grand moulin et la porte de l’enceinte qui lui était attenante 632 (fig. 162, 181, 182). Il forme avec les deux bas-côtés qui l’encadrent un ensemble de plan barlong. Le voûtement d’arêtes renforcées par des arcs doubleaux brisés est supporté par des piliers dont les angles sont adoucis par

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des colonnettes. Seulement accessible par les arcades latérales, le porche exploite la déclivité importante entre le côté nord et le côté sud de la construction (fig. 184). C’est ainsi que sa travée nord se trouve en léger contrebas (pl. 35, 36).

La salle haute reprend en plan les dispositions du porche mais l’organisation du voûtement est différente. Les travées latérales sont couvertes par un demi-berceau alors que la travée centrale, dont la voûte est aujourd’hui détruite, devait à l’origine présenter des arêtes très élancées. Communicant autrefois vers la nef par une grande arcade brisée condamnée vers le milieu du XIXe siècle (fig. 186), la salle ouvre vers l’ouest par une série de trois baies en plein-cintre à double rouleau dont les dimensions varient selon les travées (fig. 181, 187).

Le beffroi, de plan carré, s’élève sur le vaisseau central de la tour-porche. Deux arcades aveugles de profil brisé soutenues par des colonnettes à chapiteaux situées sur les faces nord, ouest et sud rythment son élévation à l’extérieur (pl. 35, 36). L’ensemble est couronné par une corniche à modillons au-dessus de laquelle a été monté le nouveau beffroi charpenté : une flèche percée d’abat-sons cantonnée de quatre clochetons dans les angles (fig. 174).

Les circulations verticales ont été au moins partiellement modifiées. Depuis le XVIe siècle, on accède à la salle haute en empruntant un escalier en vis dont la cage est située dans l’angle nord-ouest de la nef (pl. 34) et dessert une tribune en bois située au-dessus (pl. 37, fig. 312, 313). La communication est ensuite assurée par une porte de profil plein-cintre fortement ébrasée vers l’ouest et présentant une archivolte retournée en crossettes (fig. 190). Au-dessus de cette porte, à l’est, on remarque un amincissement du mur. De là, on peut monter au beffroi grâce à une échelle métallique (fig. 187).

Le décor est limité aux petits chapiteaux végétaux des colonnettes d’angle des piles occidentales du porche. Le portail ouvrant vers la nef est encadré par deux colonnettes à chapiteaux sculptés supportant un gros tore (fig. 185). Enfin, le mur nord de la tour est orné d’un agneau nimbé inscrit dans

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BUHOT DE KERSERS 1891 : 296. Une ancienne porte se trouvait immédiatement en contrebas du porche, au sud-ouest.

un disque entouré de l’inscription : « ECCE AGNVS DEI » ; l’ensemble est apposé sur une croix d’entrelacs elle-même inscrite sur un cercle de végétaux.

2. La nef

La nef unique (31,50 m x 10,40 m) (pl. 34) est charpentée. Elle comporte un seul niveau d’élévation constitué par des baies en plein cintre situées nettement en haut des murs gouttereaux et procurant un éclairage direct (pl. 37). Aucune articulation ne vient briser la continuité des surfaces murales intérieures aujourd’hui enduites et décorées de faux joints (fig. 188). A l’extérieur, des contreforts en moyen appareil rythment de façon plus ou moins régulière les murs gouttereaux montés en moellons assisés (fig. 167, 174).

Rythmée par six contreforts assez restaurés, l’élévation nord est délimitée en six travées 633 ouvertes chacune par une baie à ébrasement simple et archivolte retournée en crossettes (pl. 35, fig. 192). Les cinq dernières travées reposent sur une fondation apparente en légère saillie et leurs contreforts sont juchés sur de petits piédestaux totalement restaurés d’environ 1 m de hauteur. Au-dessus, le mur est monté en moellons grossièrement équarris mais néanmoins assisés qui sont recouverts par des joints beurrés. Les chaînages des contreforts montrent qu’ils appartiennent bien à la même construction puisque les assises de moellons sont parfaitement réglées au moyen appareil.

La première travée se distingue néanmoins de cet ensemble homogène (fig. 193) : bâtie en moyen appareil sur toute sa hauteur, les contreforts qui la délimitent ne possèdent pas de piédestal et la baie qui y est percée présente un décor de colonnettes d’ébrasement à chapiteaux sculptés et moulure torique à l’extérieur comme à l’intérieur. De plus, elle comprend à sa base un arc en plein-cintre ouvrant vers un passage voûté transversal à la nef aujourd’hui occupé par la chaufferie de l’église (fig. 195). Bien que le moyen appareil de la première travée semble cohérent avec les contreforts qui l’encadrent et avec la

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Bien que ce terme soit impropre, on le retiendra ici de façon à faciliter la description et l’analyse. Les travées sont comptées d’ouest en est.

baie, il reste difficile d’estimer l’homogénéité de la partie basse (fig. 193). De même, une surface murale de moyen appareil est visible sur la deuxième travée, à l’ouest de la baie. Tout porte donc à croire que cette zone supérieure est homogène mais qu’elle appartient à la même phase de chantier que l’ensemble du mur gouttereau nord 634.

Aujourd’hui condamnées, deux ouvertures postérieures à la nef sont également visibles. La première se situe dans la deuxième travée, désaxée vers l’est 635. Il s’agit d’une porte dont on conserve le seuil et une partie du linteau à baguette décorée de choux frisés très dégradés (fig. 194). La seconde, percée dans la sixième travée de la nef, est une porte cintrée (fig. 196). Surmontée par deux corbeaux, elle était en toute logique abritée par un auvent. A l’instar de l’ouverte précédente, cette porte devait desservir le cimetière. Par sa position dans le chœur, on peut penser qu’elle était réservée aux membres de la communauté. Malheureusement, aucun élément ne permet véritablement de préciser sa chronologie (XVIIe-XVIIIe siècles d’après le clavage de l’arc).

Le mur sud, actuellement rythmé par quatre contreforts, est quant à lui beaucoup moins homogène (pl. 36, fig. 167, 168). On remarquera tout d’abord l’arrachement d’un contrefort immédiatement à l’ouest de la porte d’entrée (fig. 197) qui, dès lors, servira pour la numérotation des cinq travées ainsi délimitées.

Les deux premières travées sont de largeur irrégulière mais présentent les mêmes caractéristiques que celles du mur nord : une construction en moellons assisés recouverts par un enduit beurrant. Les contreforts, là encore assez restaurés, sont bien chaînés à la maçonnerie. Chaque travée est ouverte par une baie à ébrasement simple et archivolte retournée en crossettes. En partie basse, la première travée présente une irrégularité dans la maçonnerie formant une légère saillie au droit du mur (fig. 198). En l’absence d’un piquetage des joints et d’un relevé, il reste difficile d’interpréter cet élément. En partie basse de la deuxième travée, on trouve le sommet d’un arc

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Au revers du contrefort de la première travée, on observe une petite armoire parfois qualifiée de crédence. BUHOT DE KERSERS 1891 : 297.

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cintre correspondant à l’ancien passage transversal sous la nef 636. Il est surmonté, à mi-hauteur de l’élévation, par une petite baie de profil brisé (fig. 199).

Les trois autres travées ont un traitement différent : la construction semble beaucoup plus régulière avec l’emploi de moellons assisés, de petit appareil dont les limites sont difficiles à apprécier en raison des joints beurrés (fig. 197) et des chaînages de pierres plates (fig. 201). Quatre baies plein-cintre à ébrasement simple ouvrent sur ces travées, à raison d’une dans la troisième et dans la cinquième et de deux dans la quatrième. Une d’entre elles était d’ailleurs chaînée au contrefort dont on voit l’arrachement (fig. 197). Ces baies sont très différentes de celles des deux premières travées du mur sud de la nef : situées à une altitude inférieure, elles sont plus étirées, dépourvues d’archivolte et présentent surtout des claveaux allongés. Leur espacement régulier, totalement indépendant des deux baies occidentales, montre, à l’instar des éléments décrits, qu’il s’agit d’une construction différente.

Ces travées conservent par ailleurs la trace de plusieurs percements : outre la porte d’entrée qui peut probablement être attribuée à des restaurations du XIXe siècle, on remarque respectivement à l’ouest et à l’est de l’accès actuel, une porte en anse-de-panier dans la troisième travée et une porte en plein-cintre à claveaux larges dans la quatrième (fig. 197, 202). La première pourrait être la plus ancienne car il s’agit d’une ouverture gothique dont le rouleau extérieur semble avoir été repris. La seconde correspond probablement à un percement moderne sans que la chronologie relative ne permette d’expliquer une telle transformation. Enfin, on note la présence, à l’ouest du contrefort dans lequel se trouve une pierre sculptée représentant trois personnages de profil en buste 637 (fig. 203), une zone appareillée au-dessus de deux corbeaux situés à faible hauteur du sol (fig. 204). Une nouvelle fois, en l’absence de piquetage des joints et de relevé, il reste difficile d’interpréter cette perturbation.

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Il s’agit d’un couloir voûté par un berceau plein-cintre rampant renforcé par un arc doubleau. Il ouvrait sur la première travée nord et remontait vers la deuxième travée sud de la nef.

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Cette pierre sculptée passe souvent pour être un remploi de sarcophage. PROVOST 1992 : 171. A. D. Cher, 2 F 587 : 149.