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C. Écrire nécessite des compétences scripturales

4. RECENSION SUR LES PRINCIPES ET LES ORIENTATIONS DIDACTIQUES

Dans cette partie, nous rendrons compte des principes et des orientations didactiques64 de l’écriture que nous avons dégagés à partir de 50 textes écrits principalement par des didacticiens65 entre 1995 et 2015. Trois grands principes didactiques seront mis de l’avant : 1) tenir compte des apprenants, 2) créer un climat sécurisant66 et 3) choisir des dispositifs didactiques susceptibles de favoriser l’apprentissage de l’écriture. De ces trois principes découlera une vingtaine d’orientations didactiques plus précises. Une brève rétrospective concernant la didactique de l’écriture précède la présentation des principes et des orientations didactiques afin de mettre en relief l’évolution de ce champ d’études et de situer notre recension par rapport aux travaux qui ont été menés précédemment.

Rétrospective de la didactique de l’écriture et des domaines connexes l’ayant influencée : des années 1980 à aujourd’hui

Les années 1980 ont été déclarées par Barré-de-Miniac (1995) « les années écriture ». Cette dernière a recensé dans un article, ayant pour titre « La didactique de l’écriture : nouveaux éclairages pluridisciplinaires et état de la recherche », un grand nombre de travaux susceptibles d’apporter un éclairage à la didactique de l’écriture.

Si elle a qualifié les années 1980 d’« années écriture », c’est principalement en raison de l’avancement des connaissances dans plusieurs domaines connexes à la didactique dans cette période – dont la psychologie cognitive, la psycholinguistique, la psychologie génétique, l’anthropologie et la sociologie – qui a permis de faire évoluer la réflexion sur l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture (Barré-de-Miniac, 1995).

64 À partir de notre recension des écrits, nous avons établi des principes qui regroupent des orientations plus précises. Ces principes empruntent parfois des concepts à la pédagogie qui nous paraissent particulièrement importants pour la didactique de l’écriture : c’est la raison pour laquelle nous pensons qu’ils doivent être considérés comme des principes didactiques.

65 Voir la liste complète des textes retenus dans les tableaux 1 et 4 de la méthodologie (p. 50 et p. 57). 66 On pourrait nous reprocher que certains des principes et des orientations ont plus à voir avec la pédagogie qu’avec la didactique. Nous pensons néanmoins que ces derniers doivent être pleinement considérés comme didactiques, étant donné leur importance fondamentale pour l’enseignement et l’apprentissage. Comme nous le verrons dans la recension, plusieurs didacticiens de l’écriture les mettent de l’avant et soulignent également leur importance.

Notons d’abord les avancées en psychologie cognitive – avec entre autres le modèle de Hayes et Flower de 198067 – qui ont permis aux didacticiens de repenser l’activité scripturale et de faire des propositions didactiques leur étant liées :

ces recherches ont suscité à l’époque de leur diffusion et de leur approfondissement en France de grands espoirs. Elles ont constitué un élément moteur important dans l’autonomisation de l’écriture comme champ de recherche à l’intérieur de la didactique du français d’une part, dans le passage d’une didactique centrée sur le texte à une didactique des processus de production eux-mêmes. (Barré-de-Miniac, 1995, p. 97)

De son côté, la psycholinguistique a permis d’apporter un éclairage concernant « la linguistique du texte et du discours, [en prenant appui] sur la génération de textes (Anis, 1992, 1993) » (Barré- de-Miniac, 1995, p. 98).

Pour ce qui est de la psychologie génétique, les travaux de Feirero ont été marquants : « des protocoles expérimentaux et des “situations-problèmes” d’inspiration piagétienne ont permis à E. Ferreiro et à l’équipe du laboratoire PsyEF de définir des niveaux de conceptualisation de l’écrit : l’enfant passerait ainsi d’un niveau pré-syllabique, à un niveau syllabique, puis syllabico- alphabétique et enfin seulement alphabétique » (Barré-de-Miniac, 1995, p. 100)68.

Les apports en anthropologie et en sociologies sont également significatifs pour la didactique de l’écriture :

Dès la fin des années soixante-dix, l’écriture n’est plus considérée seulement comme un outil de communication ou un objet et outil d’enseignement et d’apprentissage. Elle est également étudiée dans ses usages codifiés et ritualisés (Abastado, 1979), sa dimension culturelle (Goody, 1979, 1986), et son enseignement est considéré dans sa dimension socio-historique (Chervel, 1977; Furet et Ozouf, 1977; Martin, 1988). Les pratiques d’écriture sont considérées comme celles d’un sujet socio-culturel, doté d’une position sociale et historique (Certeau, 1990; Chartier, 1986) dont l’écriture est le signe autant qu’un moyen de conquête de celle-ci (Carassus, 1980; Chaudron et de Singly, 1993). Les années quatre-vingt voient un important développement des recherches historiques et anthropologiques. L’écriture est étudiée comme contribuant à la dynamique évolutive des hommes et des sociétés, du point de vue des changements qualitatifs des sociétés et activités humaines qui sont liés à son invention et à ses usages. (Barré-de-Miniac, 1995, pp. 103-104)

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Pour plus d’informations concernant le modèle de Hayes et Flower de 1980, voir p. 23.

68 Ces considérations concernent davantage l’entrée dans l’écriture pour les jeunes enfants. Nous ne traitons pas de ces éléments dans notre recension, étant donné qu’elle porte sur l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture chez des élèves adolescents.

La recension de Barré-de-Miniac de 1995 a ainsi permis de mettre en lumière les apports des différents domaines connexes à la didactique de l’écriture qui permettent de lui apporter un éclairage et de pousser plus avant sa réflexion.

Un peu plus de cinq ans après la publication de cette recension, soit en 2002, un colloque intitulé « L’écriture et son apprentissage. Questions pour la didactique, apports de la didactique » s’est déroulé à Paris et a réuni plusieurs didacticiens de l’écriture. Les axes du colloque étaient au nombre de quatre : [1] l’écriture de l’élève, entre activité singulière et activité collective; [2] l’écriture, parmi les pratiques langagières scolaires et non scolaires; [3] l’écriture de l’élève, entre normes, reproduction et invention et [4] l’écriture de l’élève, entre acte graphique et acte scriptural. Des numéros thématiques des revues Repères et Pratiques69 ont été publiés en 2002 et 2003, faisant office d’actes de ce colloque. Plane (2002-2003) écrivait ainsi en introduction du numéro de Repères que « la réflexion sur l’écriture et son apprentissage s’est complexifiée, incluant de nouveaux paramètres, de nouveaux référents théoriques, rendant désormais vaine toute tentative qui aurait la prétention de construire une représentation systémique de l’enseignement-apprentissage de l’écriture visant à l’exhaustivité » (p. 4). Elle soulignait également que « la didactique de l’écriture a […] gagné en complexité, et l’image du scripteur en épaisseur » (p. 8). Elle faisait finalement ressortir six thèmes importants pour chercheurs et formateurs : 1) les genres discursifs, 2) « la prise en considération du caractère dynamique, heuristique de l’écriture » (p. 7), 3) « la redéfinition de la notion de contexte culturel et communicationnel » (p. 8), 4) le sujet-scripteur et les pratiques d’écriture extrascolaires, 5) « le suivi des évolutions provoquées par l’emploi des outils informatiques qui rendent possibles de nouvelles formes scripturales et instaurent des pratiques d’écritures et des fonctionnements sémiotiques et communicationnels inédits » (p. 8) et 6) le questionnement par rapport à la créativité et aux stéréotypes dans l’écriture littéraire.

Schneuwly (2002-2003), à titre de grand témoin du colloque, a écrit en conclusion à ce même numéro de Repères que « l’ensemble des interventions a donné à voir l’écriture dans toute son épaisseur comme une activité complexe inscrite dans un contexte social déterminé à la fois par le cadre scolaire et communicationnel. Trois points forts se dégagent : le consensus sur la référence

69 Voir les revues suivantes : Plane, S. (dir.). (2002-2003). L’écriture et son apprentissage à l’école élémentaire. Repères, n◦ 26/27; Masseron, C. (dir.). (2002). L’écriture et son apprentissage. Pratiques, n◦ 115-116.

aux genres, le repérage des déterminations qui influent sur la pratique enseignante, et la prise en compte du sujet scripteur » (p. 317)70.

En 2010, ces thèmes sont repris dans le chapitre portant sur la didactique de l’écriture faisant partie du collectif « Didactique du français langue première » de Simard, Dufays, Dolz et Garcia- Debanc. Cet ouvrage concernant la didactique du français et les didactiques plus spécifiques qui lui sont propres (didactique de la lecture, didactique de l’écriture, didactique de la littérature, etc.) a réuni des didacticiens provenant de différentes régions francophones, soit le Québec, la Belgique, la Suisse et la France. Ce livre s’adresse principalement aux enseignants de français en poste et en formation. Bien que cet ouvrage soit intéressant, Paradis (2012) a souligné dans son mémoire de maitrise en didactique que

l’ouvrage collectif de Simard et al. (2010) a les forces et les faiblesses d’un ouvrage généraliste. Ainsi, il donne un aperçu global de l’écriture et donne des pistes pour pousser plus avant la recherche. Ces pistes prennent souvent la forme de catégorisations de différents types (dimension de l’écriture, thèmes de recherches, obstacles à l’écriture, principes d’action pour enseigner l’écriture, principes pour une progression, typologie de textes) qui ont leur importance, mais qui ne permettent pas de comprendre le fonctionnement du processus scriptural. Par souci de concision, des recherches en didactique y sont fréquemment mentionnées sans toutefois que leurs conclusions soient exposées et, à l’opposé, des principes sont énoncés sans être justifiés. (pp. 42-43)

Malgré certaines lacunes soulignées par Paradis, ce collectif nous a permis d’avoir une vue d’ensemble de la didactique de l’écriture et nous a fourni une bibliographie pertinente pour mener notre recherche.

Par ailleurs, le mémoire de Paradis paru en 2012 peut aisément s’inscrire dans notre rétrospective, puisqu’il avait pour objet et titre la « synthèse des connaissances en didactique du français sur l’écriture et le processus scriptural ». Cette synthèse est divisée en trois parties : la première propose des définitions de l’écriture; la deuxième présente les modélisations du processus scriptural et la troisième met de l’avant les sous-processus des principaux modèles présentés en deuxième partie, soit la planification, la mise en texte et la révision. Ces synthèses nous ont permis d’avoir de solides appuis théoriques et une bibliographie pertinente nous permettant de nous concentrer plus spécifiquement sur les orientations didactiques de l’écriture, la recherche concernant les définitions de l’écriture et les modélisations du processus scriptural ayant déjà été menée récemment par Paradis.

En 2014, Bucheton a écrit le livre Refonder l’enseignement de l’écriture dans lequel elle propose une intéressante synthèse des connaissances sur l’enseignement de l’écriture. Elle met de l’avant en quatrième de couverture quatre principes didactiques de l’écriture :

considérer l’élève comme une « personne à part entière » avec l’ensemble de ses capacités à penser, questionner, hiérarchiser, et avec sa sensibilité; ne pas croire qu’écrire est une simple affaire de règles et de normes linguistiques; s’intéresser davantage à la réécriture – qui renseigne sur le processus d’écriture – qu’au produit final; modifier les postures et les gestes d’écriture des enseignants pour créer des conditions et des situations favorables à l’écriture.

Nous reviendrons sur ces principes dans notre recension et ferons souvent référence à cet ouvrage.

Finalement, en 2016, un colloque international intitulé « Enseignement et apprentissage de l’écriture de la maternelle à l’université et dans les formations tout au long de la vie » auquel nous avons participé a eu lieu à Bordeaux. Quatre axes ont donné lieu à cinq conférences plénières, quatre symposiums, une table ronde et une cinquantaine de communications : (1) éléments épistémologiques, (2) enseignement de l’écriture, (3) apprentissage de l’écriture et (4) formation à la didactique de l’écriture. Ce colloque a été l’occasion pour nombre de chercheurs de remettre en questions la didactique de l’écriture à l’aune des recherches récentes en didactique et dans ses domaines connexes, et de mettre de l’avant les pistes en émergence pour la didactique de l’écriture, dont la place des technologies. Au moment où nous écrivons ces lignes, l’ouvrage faisant état de ce colloque n’a pas encore été publié.

Cette brève rétrospective concernant la didactique de l’écriture nous permet de mieux situer la recension des écrits que nous avons menée. Nous nous appuyons entre autres sur la recension de Barré-de-Miniac publiée en 1995 dont il a été question précédemment, ce qui justifie que nous nous soyons concentrée pour notre part sur les recherches en didactique de l’écriture menées entre 1995 et 2015. Si dans ces vingt années, plusieurs travaux ont été publiés, il nous apparaissait important de les réunir pour en faire émerger de grandes orientations guidant ainsi l’élaboration de séquences didactiques en cohérence avec les avancées de la recherche71. Nous rejoignons néanmoins Plane (2002-2003) concernant l’exhaustivité d’une telle entreprise : vu le grand nombre de travaux et, dans certains cas, la divergence des opinions des chercheurs en didactique,

71 Il est à noter qu’au moment où nous avons fait la sélection de notre premier corpus, le livre de Bucheton (2014) était à paraitre. C’est la raison pour laquelle il n’a été sélectionné que dans notre deuxième corpus.

il est difficile, voire impossible de tendre à une description qui rendrait parfaitement compte de la didactique de l’écriture.

Les principes et les orientations didactiques de l’écriture

Pour élaborer cette recension, nous avons analysé 50 textes publiés principalement entre 1995 et 2015. Étant donné le grand nombre d’orientations dégagées de ces différents documents, nous les avons classées de manière à faire ressortir les liens qui les unissent72.

D’emblée, nous tenons à souligner que d’autres classements auraient tout à fait été possibles et pertinents. Nous citons, en plus de nombreux didacticiens, certains spécialistes associés à des domaines connexes à la didactique – dont Hayes et Deschênes, des chercheurs issus de la psychologie cognitive – lorsque nous jugeons qu’ils apportent un éclairage intéressant à certains principes ou à certaines orientations didactiques.

Trois grands principes ont été dégagés de notre recension – 1) tenir compte des apprenants, 2) créer un climat sécurisant et 3) choisir des dispositifs didactiques73 susceptibles de favoriser l’apprentissage de l’écriture – desquels découlent une vingtaine d’orientations didactiques au total. Si certaines orientations ou certains principes sont transversaux à plusieurs disciplines scolaires, d’autres concernent l’enseignement de l’écriture en particulier. Cela étant dit, qu’ils soient propres à la didactique de l’écriture ou non, ils doivent tous être pris en considération concernant l’enseignement et l’apprentissage de l’écriture.

Premier principe : Tenir compte des apprenants

Nous aurions pu faire le choix d’inclure ce principe dans celui de « créer un climat sécurisant », étant donné que la prise en compte des apprenants participe à la création du climat de la classe. L’enseignant soucieux de créer un climat de classe propice à l’apprentissage de l’écriture devra nécessairement tenir compte des différentes dimensions dont il sera question dans cette section. Toutefois, étant donné l’importance de la prise en compte des apprenants en didactique de l’écriture, il nous a paru important d’en faire une catégorie à part entière, afin de la mettre en valeur. Rappelons rapidement que le rapport à l’écriture, le sujet-scripteur et les représentations des élèves, qui seront traités dans cette section, sont des préoccupations importantes, voire

72 Dans cette optique, plusieurs renvois seront faits entre les différentes orientations afin d’alléger la lecture et de faire ressortir les nombreux liens existant entre elles.

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Selon Weisser (2010), professeur en sciences l’éducation, un dispositif didactique est « un travail d’ingénierie a priori, [sic] mixte d’objets physiques ou sémiotiques organisés pour atteindre un but explicite » (p. 291). Il existe ainsi différents dispositifs didactiques dont la séquence didactique proposée par Dolz, Noverraz et Schneuwly (Schneuwly et Dolz, 2009).

centrales, chez plusieurs didacticiens de l’écriture, dont Barré-de-Miniac, Penloup, Chabane et Bucheton, pour ne nommer que ceux-là.

Ce principe se décline en quatre dimensions dont il faut tenir compte, voire modifier, compléter ou faire évoluer au besoin : a) les connaissances des élèves, b) leur zone proximale de développement (ZPD), c) leurs difficultés en écriture et d) leur rapport à l’écriture et leurs représentations.

a) Tenir compte des connaissances des élèves

Les élèves, lorsqu’ils arrivent dans une nouvelle classe, ont déjà certaines connaissances et certaines représentations. La considération de l’apprenant passe nécessairement par une prise en compte des connaissances qu’il a acquises avant d’entreprendre un nouvel apprentissage (Reuter, 2000) : l’enseignant doit s’enquérir de ces connaissances et en tenir compte dans son enseignement. Les connaissances déjà existantes constituent la base sur laquelle les élèves « construiront » de nouvelles connaissances. Plusieurs didacticiens proposent des dispositifs didactiques qui tiennent compte des connaissances des élèves. Par exemple, dans la séquence didactique de Dolz, Noverraz et Schneuwly (2001)74, une production initiale permet à l’enseignant d’évaluer ce que ses élèves sont en mesure de faire et ce qu’ils ont à travailler de manière plus systématique. Les connaissances sont ainsi prises en compte dans l’enseignement. Cette orientation est fondamentale pour élaborer des situations d’apprentissage stimulantes. Une bonne activité d’apprentissage doit effectivement être construite sur la base de la prise en compte des connaissances des élèves, mais également de la zone proximale de développement (ZPD) dont il sera question dans la prochaine section.

b) Tenir compte de la zone proximale de développement (ZDP)

La ZPD (aussi appelée zone prochaine de développement par Vygotski) est un concept qui a fait couler beaucoup d’encre en éduction. Il s’agit de la « zone comprise entre ce que l’enfant peut faire seul et ce qu’il peut faire avec l’aide de l’adulte. La [ZPD] suppose donc une interaction entre deux personnes, interaction au sein de laquelle l’une comme l’autre peut construire ou modifier sa représentation d’un concept. Elle constitue le point précis où il y a possibilité de développement grâce à l’interaction » (Archambault et Venet, 2007, p. 13).

Selon Vygotski (1997/1934), « l’apprentissage n’est valable que s’il devance le développement. Il suscite alors, fait naître toute une série de fonctions qui se trouvent au stade de la maturation,

qui sont dans la zone prochaine de développement. C’est là le rôle capital que joue l’apprentissage dans le développement » (p. 368).

Ce concept a été repris par des didacticiens, dont Reuter (2000) et Astolfi (2011). S’intéresser à la ZPD des élèves permet de leur proposer des activités qui correspondent réellement à leurs capacités. Astolfi (2011) souligne que le mode de travail collaboratif peut être souhaitable quand l’on vise la ZPD :

ce qui fait la force du travail en commun des élèves sur les propositions des uns et des autres, c’est qu’elles sont plus proches entre elles qu’elles ne le sont de la solution du maître. Celle-ci est finalement « trop belle » – c’est-à-dire trop distante de leurs possibilités présentes – pour qu’ils soient en mesure de se l’approprier. Lev Vygotski distingue le niveau de développement réel d’un sujet (correspondant à ses performances observables) et son niveau de développement potentiel, qui tout en n’étant encore qu’une virtualité est déjà présent en « germe » lors d’interactions qui restent dans la zone proximale. (p. 83)

Le concept d’étayage a été pensé en lien avec la ZPD. L’étayage consiste à donner l’aide dont l’élève a besoin pour qu’il réussisse une tâche qu’il n’aurait pu réussir seul (Gauthier, Bissonnette et Richard, 2013). Comme nous le verrons un peu plus loin, l’enseignement explicite, qui met entre autres de l’avant l’étayage, prend fortement en compte la ZPD.

c) Tenir compte des difficultés des élèves et favoriser la différenciation dans l’enseignement lorsque cela s’avère nécessaire

Tous les élèves d’une même classe n’auront pas exactement la même ZPD et les mêmes difficultés : ils ne seront pas rendus à la même place dans leur apprentissage de l’écriture. Considérant cela, la différenciation est essentielle, dans la mesure du possible, pour répondre aux besoins spécifiques de chacun. Stradling et Saunders ont donné, en 1993, une définition de la différenciation pédagogique qui a été traduite par Prud’homme et ses collaborateurs (2005) : il s’agit du « processus par lequel on fait correspondre les buts d’apprentissage, les tâches, les activités, les ressources et le soutien offert à l’apprentissage avec les besoins, les styles et les rythmes d’apprentissage de l’élève » (p. 2). La réforme pédagogique75

du début des années 2000 faisait d’ailleurs de la différenciation pédagogique « l’une des clés favorisant le développement des compétences de l’apprenant et l’accès à un niveau de réussite plus élevée (Conseil supérieur de l’éducation, 2002) » (Prud’homme et coll., 2005, p. 1).

75 Concernant la réforme pédagogique, aussi appelée « renouveau pédagogique », voir note de bas de page 4 à la p. 6.

Plusieurs didacticiens soutiennent la différenciation en suggérant d’adapter les activités d’apprentissage proposées aux élèves. Dolz, Noverraz et Schneuwly proposent, dans le cadre de leur séquence didactique76, de prévoir « des interventions différenciées sur les dimensions qui posent le plus de problèmes » (2001, p. 13). Ces activités peuvent être menées avec la classe