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III. Formalisation de la Grille de Contrôle

III.3. Rapports et documents analysés

Une quantité de 149 archives (dont 1236 pages) d’après le protocole et le projet de thèse ont été répertoriés. Ces documents sont relatifs à la conception de l’ensemble de la Thèse suite à l’interprétation réalisée après la Grille de Contrôle et le cadre d’interprétatif.

Ces documents ont été analyses répertoriant les informations des énoncés sur l’histoire officielle de la culture, la musique, les beaux-arts. Je voulu mettre en exergue la relation de ce qui était valorisé en tant que « connaissances scientifiques et savoirs idéologiques » tout comme les « vertus citoyennes » dans le but de tracer les savoirs transmises par le système d’éducation nationale, c’est-à-dire les savoirs idéologiques/rationnels. De même, je mets en lumière les procédures de gouvernement visant à structurer l’éducation scolaire.

Les analyses des intellectuels de l’époque, leur praxéologie (Cf. Zouari, 2010) et la comparaison avec les rapports des inspecteurs et des maîtres ruraux sont d’une grande richesse qualitative, permettent une meilleure compréhension du programme politique de la SEP.

III.3.1. La sociohistoire des archives

Les documents analysés relatifs aux perceptions de la situation éducative de l’époque de la part des acteurs de la SEP et affiliés aux départements énoncés précédemment, correspondent à une régionalisation divisée premièrement en trois catégories. D’une part la région nord d’une autre la région sud et centre.

De même, les rapports rédigés par les maîtres ruraux et pas les inspecteurs éducatifs constituent la perception des acteurs de dispositifs de la SEP : les Casas del Pueblo et les

Misiones Culturales. Ces documents ont été extraits des boîtes contenant des dossiers qui

datent de la période 1921-1938 notamment.

De ces documents, une sélection a été établie en considérant la région et la pertinence avec les départements de la SEP tout comme les programmes pédagogiques. Des tous ces documents

ont a récupéré la quantité de rapports qui détaillent la situation éducative dans les aspects discursifs qui complementaient les archives expliqués précédemment :

a) La qualité de l’éducation

b) Les nécessités/besoins des établissements c) Les bilans éducatifs

d) Les problèmes avec les familles e) Les problèmes avec les élèves

f) Les fêtes patriotiques de la nation mexicaine et leur déroulement g) Les réponses sur la notion de nation dans les pratiques éducatives h) Les rapports pédagogiques

i) Les festivités scolaires

j) Les perceptions sur la servitude k) Les langues et leur enseignement

L’analyse du discours a eu pour objectif de répertorier les énoncés ayant un rapport avec la notion de justice sociale et de les comparer entre eux. L’objectif est d’apprécier l’évolution de la pensée pédagogique par rapport à la justice sociale tout comme de comprendre ses mécanismes. L’interprétation des données des archives, a été guidée par les concepts et notions sur la situation éducative de l’époque ainsi que par le rapport spatio-temporel de la notion de « juste » (car la notion est variable dans le temps et dans l’espace) énoncés dans chacun des documents. Les conclusions ont été réalisées sur la notion de correspondance entre les éléments signalés. Ils s’arrêtent dans la « bijection » (correspondance biunivoque d’élément à élément ou de terme à terme). A partir de cela, on aperçoit l’équipotence entre les intérêts pédagogiques.

Concepts clef

1. Concepts > Justicia = libertad, igualdad ; democracia, patria, nación, raza,

indígena, opresión, liberación, derecho, mérito, desarrollo, etc.

2. Phrases composés permettant la stabilisation d’une notion.

Ex:

Le 15 août 1924. Dans la “Casa del Pueblo” Ranchería Palo Blanco del

Municipio de Tonalá, Chiapas, archive issue du Departement d’Education et Culture Indienne, les maîtres étaient chargés d’organiser des éléctions

démocratiques à l’intérieur des établissements scolaires. La désignation de la Flor Regional, était une pratique destinée à concevoir démocratiquement une “fleur” qui pourrait être représentative de la communauté. La notion nous permettant de saisir une pratique pédagogique serait celle exposé, dans ce cas précis, par l’inspecteur éducatif dans son rapport à la SEP : « Se

llevaban a cabo votaciones de tipo democrático para civilizar. » (AGN-

SEP, DCI, Dc5, D64, B2F.03.10 : 1924)

Objectifs

• Retracer les fréquences conceptuelles

• Retracer les correspondances de sens entre les discours de l’Etat et leur réception par les populations bénéficiaures.

• Observer l’évolution de la pensée sur la justice sociale.

Selon Guilhaumou (2002) : « L’activité langagière apparaît alors immédiatement sociale. A l’isomorphisme langue/discours succède une unité dialectique entre le linguistique et l’extralinguistique, un isomorphisme entre le discours et les pratiques sociales. Le choix des mots-pivots, donc du corpus d’énoncés, présuppose une définition du discours politique en termes d’acceptabilité sociale ». Ces mots pivots que nous retraçons ici permettent de corroborer le lien entre les énoncés discursifs et les pratiques scolaires. L’analyse cherche à déchiffrer l’impact de concepts et notions portant un sens direct avec la justice sociale en vue des hypothèses de cette étude.

À titre d’exemple l’archive suivante (1/1280) permet d’illustrer le procédé d’analyse. La photographie du document suivante est datée comme « lue » par la SEP le 23 février 1923 (tampon faisant foi) et a été collectée lors du travail de terrain en février 2013 (document du Archivo General de la Nación (AGN) numéroté 118, classé dans le dossier 96286 de la boîte 3F2.02.3 qui correspond au Département des Ecoles Rurales (DER) incorporé au Département de Culture Indigène (DCI). L’analyse est classée en deux catégories initiales : le

corpus de l’archive et la notion représentative de ce même corpus permettant l’approximation

Figure 2 (Archive 3)

Lettre du 7 février 1925, par l’inspecteur Nephtali Ancino adressée à José Vasconcelos

Traduction :

Monsieur le Secrétaire de l’Education Publique. Mexico DF

C’est par “El Universal”56 que nous est parvenu le vaste programme que M. le Président de la République prétend développer pour élever la clase ouvrière, et en particulier pour sortir la classe indigène de l’ignorance dans laquelle l’ont laissée les gouvernements, qui durant les années passées n’ont songé qu’à leur bien-être, accordant peu d’importance à la grandeur de la Patrie.

L’état du Chiapas est celui à qui doit revenir en priorité ce bienfait car il compte des milliers d’Indigènes à l’état presque sauvage qui conservent langue, religion et coutumes de leurs ancêtres. Ils vivent, disséminés dans des champs de maïs et occupent de vastes étendues de terre.

Le village se compose du temple, de la maison municipale et de cabanes en paille fermées que l’on n’ouvre qu’une fois l’an à l’occasion du carnaval et de la fête votive.

Dans le village, ne vivent que les autorités indigènes; le secrétaire est le seul ladino57 qui puisse y vivre, ainsi que l’instituteur lorsqu’il y a une école. Toute autre personne qui voudrait y résider est tuée.

Peu de villages comptent des ladinos, c’est pour cela que le travail des missioinaires qui sont venus il y a deux ans s’est avéré inutile et très coûteux pour le gouvernement, car pour parvenir à instruire ces Indiens il faut connaitre leur langue et leurs coutumes.

Le missionaire Don Pino Trujillo est entré dans le village de San Pablo avec les forces armées; il a monté une école dans une montagne, les Indiens ont brûlé l’édifice et voulurent le tuer.

A) Corpus des archives

1. Le document est à l’attention de José Vasconcelos (premier ministre de l’Education après la Révolution en 1921) et a été rédigé exactement lors de la période de la mise en place de sa pédagogie58,

2. Date et signature du document : 7 février 1925, par « Nephtali Ancino ». (Inspecteur scolaire ; maire de la région ?).

La profession n’est pas toujours précisée, en raison d’un manque de classification des documents et d’“oublis” à l’époque de la rédaction. Cependant on peut être certain que le signataire fait partie du gouvernement postrévolutionnaire et ce pour plusieurs raisons :       

 

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Journal national né le 1er octobre 1916. Son fondateur, l’ingénieur Félix Fulgencio Pallavicini (1881-1952), faisait partie de l’assemblée constituante de Querétaro. L’objectif du journal cherchait donner voix aux postulats édictés par l’assemblée de la Révolution Mexicaine.

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Ladino (population) : Ce sont des indigènes ou des métis hispanisés en Amérique Centrale, et particulièrement ceux qui font usage de l’espagnol comme langue maternelle. Ils sont considérés aussi juste comme des métis (mestizos), DRAE. *Ladino: En Amérique centrale, métis ou Indien ayant perdu son identité culturelle, Larousse.

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a. La boîte est majoritairement composée de documents officiels, écrits et rédigés, soit par des inspecteurs, soit par des gouverneurs locaux ou des maires régionaux ;

b. Le tampon atteste bien que le document a été traité par les autorités correspondantes ;

c. La rédaction, l’argumentation et la calligraphie prouvent que l’auteur non seulement a bénéficié d’une éducation supérieure mais aussi qu’il connaît la question des affaires publiques.

3. Le document est composé de trois pages59. 4. Région : Chiapas paragraphe 2.

B) Notions représentatives du corpus

1. Notions d’Etat, notions de citoyen

a. Dans les paragraphes 1 et 5 apparaissent deux notions représentatives des volontés de l’Etat. Les énoncés du paragraphe 1 situent les intentions présidentielles de la mise en place du système éducatif comme quelque chose de très louable, voir nécessaire, car ils parlent de la « refondation » de la Patrie ;

b. Dans les paragraphes 4 et 5 est mise en valeur l’importance de la présence des hommes ladinos ;

c. Dans le paragraphe 2 on peut lire « Chiapas est celui à qui doit revenir en

priorité ce bienfait car il compte des milliers d’Indigènes à l’état presque sauvage qui conservent langue, religion et coutumes de leurs (ancêtres)aborigènes. Ils vivent, disséminés dans des champs de maïs et occupent de vastes étendues de terre. », l’énoncé est rédigé dans le contexte du

discours politique sur l’intégration de l’époque ainsi que soutient la négation de cette culture.

2. Conditions d’acceptabilité : rapports entre l’Etat et communautés

        

a. Dans le paragraphe 4 il est spécifié que seul le ladino (l’unique existant dans la région) peut rentrer dans les communautés indigènes, et uniquement le maître dans le cas où il y aurait une école. Il stipule aussi que ce sont les deux personnes autorisées à rentrer, quelqu’un de non-autorisé risquerait la mort ; b. Dans le paragraphe 5 il est question des misioneros en faisant allusion à leur

échec au village à cause du manque de connaissances de la langue indienne et des habitudes de la région ;

c. Dans le paragraphe 6 on peut lire : « Le missionaire Don Pino Trujillo est

entré dans le village de San Pablo avec les forces armées; il a monté une école dans une montagne, les Indiens ont brûlé l’édifice et voulurent le tuer ».

Dans l’ Archéologie du savoir, Foucault nous rappelle qu’« il ne s’agit pas de trouver ce qui pourrait rendre légitime une assertion, mais d’isoler les conditions d’émergence des énoncés, la loi de leur coexistence avec d’autres, la forme spécifique de leur mode d’être, les principes selon lesquels ils subsistent, se transforment et disparaissent. A priori, non de vérités qui pourraient n’être jamais dites, ni réellement données à l’expérience ; mais d’une histoire qui est donnée, puisque c’est celle des choses effectivement dites » (1969 : 174). L’exemple précédent sert ainsi de modèle pour interpréter et analyser cette histoire entre les acteurs dans le cadre du processus de scolarisation, donc d’intégration/assimilation. Certes l’exemple est juste un document qui, isolé, n’est pas représentatif, cependant il permet de montrer comment il a été évalué le degré de correspondance entre les faits et le discours et d’observer la participation de l’État dans la construction d’un discours socio-politique sur la citoyenneté à partir de son appareil éducatif.

Il faut signaler aussi le système d’idées philosophiques des promoteurs de cette éducation autour du discours politique qui permettent la structuration des pratiques éducatives et la construction de l’institution éducative. Vasconcelos soulignait dans son livre El Desastre (1957) que « l’inspiration du modèle d’enseignement Indien est arrivé naturellement de la tradition espagnole. A force d’avoir niée cette inspiration, de l’avoir oublié, elle n’a pas pu réussir dans la République pendant son siècle indépendante (…) la volonté du misionero [disait-il] était à la source de sa solitude, de son célibat ; libre d’enfants et des parents qui lui ont permis de créer une famille spirituel entre ceux qu’il civilisait et sauvait » (Vasconcelos, 1957 : 1328-1329). La philosophie pédagogique de Vasconcelos était plus humaniste envers la question de l’Indien. Lorsqu’il était à la tête de l’Université Nationale il soulignait l’importance des trois grands écrivains, Benito Pérez Galdos (1843-1920), Romain Rolland (1866-1944) et Leon Tolstoï (1828-1910) que pour lui avaient systématisé les valeurs de

l’esprit humain. Vasconcelos était à la recherche de populariser « Ce que le génie humain avait produit de mieux (mais aussi) des livres au contenu social qui aideraient les opprimés et des livres sur les arts et d’industrie d’application pratique » (Vasconcelos, dans Loyo, 1984 : 304). Il critiquait les actions prétendant diviser les indiens des « non-indiens », comme s’est fut le cas durant la ségrégation aux Etats-Unis. Cependant, lorsqu’on compare ses idées sur la philosophie pédagogique et celles de l’idéologie politique des archives d’après la Révolution nous nous apercevons d’un autre état des choses. Soit par le dialogue, par l’autorité légitime de l’Etat, ou bien par la violence symbolique, la nouvelle idéologie mexicaine postrévolutionnaire et moderniste, était née et progressivement en train de s’installer dans la conscience des individus. Bref d’institutionnaliser les citoyens par le biais d’une discrimination « politiquement invisible » du fait de deux logiques de justice sociale et d’un même discours national.

Vasconcelos acceptait que l’éducation dispensée aux Indigènes et celle mise en place dans les régions rurales était basée sur l’apprentissage des activités agricoles. Ceci se faisait sous les principes de la escuela de la acción (l’école active) afin de promouvoir une économie locale et sortir de la misère économique dans laquelle se trouvaient les Indiens et paysans de ces régions. Cependant, il s’opposait au fait de créer des « soldats-ouvriers » ou des paysans au service d’une classe favorisée car cela ne correspondait aux idéaux de la Révolution ni à sa philosophie (Vasconcelos, 1935). Pourtant, il existait auparavant une discrimination

nominative60 envers les plus défavorisés – Indiens et paysans – (Cf. Bonfil, [1987] 2005) qui prit une forme institutionnelle61 dans les activités de la SEP malgré les idéaux politiques sur l’éducation des Indiens et paysans. Suivant les propos de Bourdieu en effet, « l’institution d’une identité, qui peut-être un titre de noblesse ou un stigmate (« tu n’es qu’un… »), est l’imposition d’un nom, c’est-à-dire d’une essence sociale. Instituer, assigner une essence, une compétence, c’est imposer un droit d’être qui est un devoir être (ou d’être). C’est signifier à quelqu’un ce qu’il est et lui signifier qu’il a à se conduire en conséquence. L’indicatif en ce cas est un impératif » (1982 : 179). La compréhension de l’analyse des archives nous permet d’indaguer le rapport discursif avec cette représentation. D’un côté, nous avons les « savoirs idéologiques » qui font partie des philosophies pédagogiques et actions politiques portant un

        

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Le concept permet d’expliquer comment à travers le langage institutionnalisé sont cristallisés les rôles et les représentations des certains individus appartenant à des groupes sociaux traditionnellement non aptes voire, en processus d’adaptation. C’est aussi le résultat d’un stigmate validé par les représentations sociales voulant uniformiser le « bon » et le « mauvais ». Dans le cas de mon étude, cela s’applique à des processus de civilisation. Voir : Goffman, 1963 ; Elias, [1939] 1973 ; Bourdieu, 1982.

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discours en soi, d’un autre côté nous retrouvons les faits qui attestent de l’acceptation, par les populations (ou collectivités ethniques) auxquelles était adressée l’instruction. Une telle conjoncture dévoile les mécanismes de cohésion dans le processus d’ajustement entre la représentation institutionnalisée par l’Etat et les bénéficiaires permettant la formalisation d’un nouveau pacte sociale. Face aux injustices antérieures à la Révolution qui touchaient principalement les Indiens et paysans du Mexique, nous pourrons observer les évolutions de ces injustices. Ce procédé permet d’observer la structuration d’une idée de justice sociale et son paradoxe, celui de la confrontation avec l’univers culturelle et sociale des Indiens et des paysans portant des autres besoins et des autres idéaux politiques. Françoise Lestage, dans son livre, Les Indiens mixtèques dans les Californies contemporaines. Migrations et identités

collectives (2008), explique, à titre d’exemple, une permanence encore aujourd’hui d’un pacte

social issu d’une solidarité politique indienne ou plutôt mexicaine (dont le tequio des indiens

mixtecos) qui ne correspond pas à ce pacte social moderne voulait par la nation

postrévolutionnaire.