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Aux archives nationales (AGN) il a fallu tracer une géolocalisation me permettant de situer les acteurs que je voulais observer. Du fait que l’orientation d’étude débute par une comparaison socio-temporel, en ce qui concerne les communautés indigènes, le livre

Regiones Indígenas de México publié en 2006 par la Commission nationale pour le

développement des peuples indigènes (Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos

Indígenas – CDI –) m’a été d’une grande aide tout comme le rapport de la CONAPO sur la

marginalité en milieu rural. Les régions indigènes42 au Mexique sont principalement : Mayo- Yaqui ; Tarahumara ; Huicot o Gran Nayar ; Purépecha, Huasteca ; Sierra Norte de Puebla y Totonacapan ; Otomí de Hidalgo y Querétaro ; Mazahua-∫Otomí ; Montaña de Guerrero ; Cuicatlán, Mazateca, Tehuacán y Zongolica ; Chinanteca ; Mixe ; Mixteca ; Costa y Sierra Sur de Oaxaca ; Valles centrales ; Sierra de Juárez ; Istmo ; Chimalapas ; Tuxtlas, Popolucha- Nahuatl de Veracruz ; Chontal de Tabasco ; Norte de Chiapas ; Los Altos de Chiapas ; Selva Lacandona ; Frontera Sur et Maya. Dans ces régions une grande variété linguistique y est constituée. Dans la production de ma thèse j’ai décidé de me concentrer sur d’autres inégalités produites par le processus institutionnel que l’Etat à travers de la SEP avait mis dans ses principes de démocratie. L’espagnol, d’après les pratiques pédagogiques que j’ai pu repérer dans l’analyse, était toujours la « langue nationale »43. C’est ainsi qu’au-delà de cette inégalité linguistique, j’ai décidé de poursuivre ma recherche afin d’identifier en quoi ce processus avait contribué à l’existence d’un taux très fort de marginalisation dans l’ensemble de ces régions44. Voici, une première carte avec la division politique du Mexique et deux cartes officielles permettant de percevoir ces régions :

        

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Nota : A partir de la deuxième partie de la thèse, le concept “Indigène” (plus politiquement correct aujourd’hui) n’est pas employé mais son homonyme historique “Indien” que j’ai du respecter du fait de son usage dans les archives.

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Durant la période postrévolutionnaire, plusieurs tentatives de scolariser dans la langue vernaculaire ont été ménés antropologiquement par les acteurs éducatifs. Le projet de Manuel Gamio en Teotihuacan entre 1917 et 1920, celui de Moisés Sáenz en Carapan en 1932 et le Projet Tarasco en 1939-1940 piloté par Morris Swadesh. Ces projets ont connu un succès mitigé du fait de l’implantation du castillan comme la langue nationale dans la plupart des pratiques éducatives des école rurales publiques. A plusieurs reprises, les inspecteurs éducatifs ont voulu intégrer une éducation en langue indienne, pourtant, le réjet était la plupart du temps systématique. Voir l’archive aux annexes : (AGN-SEP, DB, B. 3276, D. 4, Dc1029).

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En effet, d’après le Conseil national de population (Consejo Nacional de Población – CONAPO –) 82,6% des municipalités (rurales et indigènes) de ces régions se trouvent dans des conditions de “haute” et “très haute”

C ar te 1 D ivi si on P ol it iq u e d e s E tat s- U n is d u M exi q u e

Carte 2

Régions avec 40% et plus de population indigène et type de municipalités dans l’année 2000

Source : CDI, 2006

Carte 3

Degré de marginalisation rurale par municipalités en 1995

La première carte présente une régionalisation des populations indigènes, dont des zones rurales. Les points rouges démarquent les populations avec une densité indigène de plus de 70%. La deuxième carte de la CONAPO présente les municipalités de la federation et leur dégré de marginalisation dans les zones rurales. Avec cette piste d’orientation, j’ai réalisé une première exploration des archives.45 Pendant que je réalisais mon étude dans les salles de l’AGN, j’ai réussi à établir 1236 photos de pages qui correspondaient à une quantité de 149 archives46. Pour établir ce millier de pages, j’ai du passer en revue une quantité qui correspondait à peu près au double, mais qui soit étaient incompréhensibles, soit contenaient une information correspondant à des domaines autres que celui de mes analyses, comme des lettres sur l’éducation dans des autres pays latino-américains, tels que le Pérou, le Nicaragua, ou bien nord-américains, tel que les États-Unis qui s’intéressaient à la situation scolaire rurale et indienne au Mexique47. En ce qui concerne l’« espace », du nord au sud : 18 archives correspondent à l’Etat de Chihuahua, 6 à l’Etat de Sonora, 12 à l’Etat de Durango, 7 à l’Etat de Jalisco, 3 à l’État de San Luis Potosí, 3 à l’État de Tamaulipas, 8 à l’Etat de Puebla, 9 à l’Etat du Mexique dont 3 à sa capitale Toluca, 2 à Guanajuato, 1 à Michoacán dont Carapan, 1 à l’Etat de Hidalgo, 3 à l’Etat de Querétaro, 18 à l’Etat de Oaxaca et 34 à l’Etat de Chiapas48. Les 24 restants correspondaient à la Ville de Mexico ou bien consistaient en des discours politiques ou des communiqués, tant nationaux qu’internationaux, des conférences, un code civil (Chihuahua) où se manifestait concrètement la scission scolaire entre les différentes « races » et des rapports des assemblées législatives. Ceci donne 43 archives qui correspondent à la zone verte, 48 à la zone jaune et 58 à la zone rouge nous permettant ainsi       

 

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La région de la péninsule de Yucatán n’est pas prise en compte pour deux raisons. Tout d’abord les archives que j’ai trouvées sur cet État péninsulaire étaient uniquement au nombre de trois et ne correspondaient qu’à l’appel d’une maîtresse rurale dans la région de Hecelchakán en 1936. Il m’aurait fallu plus de temps pour accéder à une information beaucoup plus approfondie du fait que le processus de scolarisation de la SEP a été différent dans cette région principalement Maya à cause du mouvement indépendantiste et de la vague rationaliste de l’éducation qui ont obligé à l’Etat à agir autrement. C’est ainsi que dans la partie argumentative de la thèse cette région est prise en compte mais pas travaillée avec les archives. Cela serait probablement l’occasion d’un autre projet de recherche. Pour plus d’information sur l’éducation rationaliste, voir : Martínez Assad, 1986.

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Chaque archive est constituée des plusieurs pages.

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J’en ai quand même conservé quelques exemplaires en me disant que cela pourrait un jour faire l’objet d’un article.

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Le nombre d’archives plus élevé dans les états de Chihuahua, et Chiapas s’explique très facilement du fait de la densité de la population indigène. Les archives qui correspondent à l’Etat de Chihuahua, dont la plupart des indigènes sont des Tarahumaras, comprennent, en plus de la capitale, des Rancherías : Tahonas, Ultimo Esfuerzo, Villa López Distrito de Jiménez ; les municipalités : Cusihuiriachic, Teguirichic et les Casas del Pueblo : Bacabureachic, Humariza et Rio Grande. De l’Etat de Oaxaca, où la plupart sont des mixtecos, mixes, mazatecos (le reste des peuples que l’on connaît aujourd’hui ne sont pas nommés par leur nom identitaire aux archives que j’ai produit) : Le Itsmo de Tehuantepec, Omotepec, Teposcolula et Juchitan. Pour l’Etat du Chiapas, où la plupart sont Tzeltal, Chamulas, Tzotzil et Mayas (ces derniers lorsqu’on évoque la frontière avec le Guatemala – les autres peuples que l’on connaît aujourd’hui ne sont pas évoqués-) : San Isidro Siltepec, Omoa, Batopilas, Motozintla, Soconusco, Tapachula, Suchiate, Comitán, San Pedro Remate, San Cristobal de las Casas ; Rancherías : Palo Blanco, Tonalá, Cintalayapa.

un équilibrage dans l’analyse. Voici une carte permettant de montrer la distribution des archives par Etat :

Carte 4

Distribution des archives par Etat

Conception : Castro Reyes, 2015

En ce qui concerne, le « temps », c’est-à-dire, les années de leur production, mois confondus, 5 correspondent à l’année 1923, 28 à l’année 1924, 22 à l’année 1925, 3 à l’année 1926, 7 à l’année 1927, 14 à l’année 1928, 6 à l’année 1929, 6 à l’année 1930, 3 à l’année 1931, 9 à l’année 1932, 10 à l’année 1933, 5 à l’année 1934, 16 à l’année 1935 et 10 à l’année 1938. Les 5 restants n’ont pas de date.

Co n c ep tio n : Ca st ro Re y e s, 2 0 1 5 G rap h iq u e 1

D’après l’exploitation des archives, une régularité discursive s’est mise en lumière dans les pratiques pédagogiques que l’Etat menait dans chaque état de la République. J’ai décidé de ne pas tracer chaque État fédéré par année dans une même rubrique, mais de l’exposer car la cohérence avec la carte du CDI était établie. Ainsi, comme je l’ai signalé précédemment, je me suis appliqué à relever les aspects discursifs sur la notion de justice sociale dans les régions concernées que l’appareil idéologique du gouvernement fédéral visait à construire avec son programme éducatif.49 Dans quelle mesure ces “aspects discursifs” sont-ils devenus ou appartenaient-ils à un dispositif discursif/éducatif ?

A partir des travaux sur la sémiologie et de l’analyse de discours, principalement ceux de

Cours de Linguistique Générale de F. de Saussure (1916), L’aventure sémiologique de

Barthes (1985) et de Langage et pouvoir symbolique de Bourdieu (1982)50 j’ai décidé de tracer les aspects que les énoncés de ces archives évoquaient51 : « les programmes lyriques et matériels scolaires » (5 archives), « les rapports de bibliothèques et les livres qui abritaient » (4 archives), « les rapports du Département de la Culture Indienne de la SEP avec ses plusieurs branches “Casas del Pueblo”, “Escuelas Rurales”, “Centros Indígenas”, “Misiones

Culturales”52, “Departamento de Enseñanza Agrícola”, etc. » (32 archives), « Des pratiques démocratiques insistant sur la notion de “vote” comme l’activité de la Flor Regional » (11 archives), « la mise en place des notions nationales à partir de fêtes populaires ou des activités ludiques » (4 archives), « des pratiques concrètes sur l’économie à l’école [car la notion était souvent évoqué] » (7 archives), « Pratiques concrètes de santé et programme antialcoolisme » (8 archives), « des pratiques sur la politique nationale et ses vertus » (16 archives), « sur les langues indiennes » (3 archives), « des pratiques sur l’histoire de la patrie » (8 archives), « des pratiques permettant l’unification des collectivités et les séparant en communautés » (7 archives), « des pratiques pour la civilisation moderne “mexicaine” » (21 archives), « des pratiques concernant la “pédagogie civilisatrice” (8 archives). Les 15 restants ne concernaient que les discours politiques et des lois et règlements où l’interaction entre les acteurs de la SEP et les habitants des zones rurales et indiennes n’était pas établie.

        

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De même, afin de pas tomber dans l’erreur de la bifurcation trop régionaliste ou bien trop simpliste avec une quantité d’archives qui ne me donnait pas la possibilité de situer chronologiquement Etat par Etat/année par année. Ce travail a été déjà établi par les statistiques officielles dans la première partie de la thèse.

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Le travail du livre de Foucault L’archéologie du savoir (1969) s’est fait ultérieurement pendant l’analyse des énoncés des archives

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Dans l’argumentation de la deuxième partie de la thèse j’expose quand même certaines subtilités que j’ai saisies entre le nord et le sud de ces régions.

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L’idée des Misiones Culturales trouve son origine avec le député José Galvez qui fut après approuvée par Vasconcelos. En octobre de 1923 l’official majeur de la SEP, Roberto Medellín, instaura le premier groupe pilote sous la direction de Rafael Ramírez. Ils ont fait appel aux meilleurs maîtres de la ville de Mexico et débuta à Zacaualtipan, Hidalgo. En 1924 existaient 6 Misiones Culturales et vers 1930 il y avait une totalité de 14.

Co n c ep tio n : C as tr o R ey e s, 2 0 1 5   G rap h iq u e 2

A cette catégorisation a succédé l’analyse des corpus, sur la base, notamment de la théorie de la justice de Rawls, ceci afin d’avoir une approche critique et une orientation d’étude. Deux démarches principales ont été relevées : a) une réflexion philosophique et socio-politique sur les conditions socio-historiques permettant la cristallisation d’une institution sociale comme l’école et b) l’établissement d’une Grille de Contrôle dans le cadre analytique afin de réaliser un ciblage précis du corpus des archives. Pour ce faire, ont servi de références deux articles, l’un de Jacques Guilhaumou, Le corpus en analyse de discours : perspective historique, (1/2002), l’autre de Dominique Maingueneau Analyse du discours et archive, (8/1993) qui ont contribué théoriquement au repérage des énoncés susceptibles de dégager des notions de justice et leur structuration en milieu rurale lors de l’analyse de pratiques pédagogiques.