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Theodor W Adorno Vers une esthétique négative.

2.1 La critique de la raison historique

2.1.1 La Raison et le mythe

La réflexion d'Horkheimer et Adorno prend pour point de départ le concept de « nature ». Étymologiquement, ce terme renvoie à l'appellation grecque phusis qui signifie « action de faire naître ». La nature se comprend alors comme une force créatrice, une dynamique vivante qui réunit tout ce qui évolue dans l'univers et dans l'homme. Elle est ce qui définit tout être et toute chose : elle se présente comme essence. Elle renvoie à tout ce qui se produit spontanément, instinctivement. Pour nos auteurs, la nature s'oppose à tout ce qui est du ressort de la rationalité, du calcul et de l'expérience. L'identité au même titre que la dualité lui sont étrangères. Elle s'impose comme « le modèle d'une médiation sans

violence du singulier et de l'universel, d'une synthèse des forces qui préserve ensemble l'individualité et la totalité105 ». Retenons alors que, dans le cadre de la Dialectique, la

nature se voit appréhendée dans sa définition générale, soit comme F« Autre » de la Raison, pour désigner tout ce qui ne peut être identifié à la subjectivité pensante de l'homme.

Mais tandis que l'immensité de cette nature suscitait chez Hegel l'étonnement de l'esprit, pour Horkheimer et Adorno, elle amène plutôt le sujet à se mettre en position de défense. Dans la Dialectique, la nature se présente certes comme une force omniprésente, mais une force qui se distingue surtout par son caractère menaçant et hostile. Elle habite l'homme primitif, elle le terrifie. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas en mesure d'expliquer et de comprendre ces manifestations naturelles. La peur primitive de l'homme à l'égard de la nature se scelle donc dans son inconnaissance du monde qui s'avère synonyme d'impuissance. Pour Horkheimer et Adorno, cette crainte pour la vie se présente comme le moteur même du développement historique du sujet. C'est d'ailleurs ce qui les amène à croire que la genèse de l'humanité et par le fait même la source anthropologique de la domination sociale résident dans « le principe de la conservation de soi ». À cet effet, ils citent Spinoza : « "Conatus sese conservandi primum et unicum virtutis est fundamentum" est la devise de toute civilisation occidentale [...]106 ». Tout organisme vivant doit

nécessairement faire face à l'adversité des forces naturelles et des autres espèces qui menacent sa survie. L'homme, qui ne fait point exception à la règle, se retrouve alors sans issue : il doit dominer la nature pour ne pas être lui-même dominée par elle.

On constate ici que l'École de Francfort hérite de l'œuvre marxienne une ambivalence féconde quant à la question du rapport homme-nature. Effectivement, depuis les Manuscrits de 1844, Marx semble avoir abordé le thème de la nature selon deux perspectives distinctes. D'un côté, il semble avoir mis l'accent sur la nécessité pour l'homme de s'arracher à l'animalité et à la nature par l'entremise du travail. Ce dernier étant le moyen privilégié par lequel l'homme peut définir ses propres conditions d'existence et garantir sa souveraineté sur le monde, l'avènement de la société communiste

105 Yves Cusset et Stéphane Haber, Le vocabulaire de l'école de Francfort, Paris, Ellipses, 2002, p. 48. 106 Horkheimer et Adorno, Dialectique de la raison, p. 45.

serait conditionnel à la maîtrise totale sur la nature. D'un autre côté, il a aussi appréhendé l'homme comme un être entièrement naturel, soit comme un être vivant, doté de besoins et dont la nature est « le corps non-organique ». C'est ce qui l'a amené à aborder le travail sous l'aspect d'un rapport ou d'un « échange » avec la nature : « Il n'est pas vrai que le travail soit la source de toute richesse, il en est seulement le père, la nature en est la mère ». L'éclosion d'un univers plus rationnel semblerait ainsi passer par la volonté d'un rapprochement, d'une réconciliation, d'une co-évolution avec la nature. Dès lors, c'est en grande partie ce double positionnement marxien que l'École de Francfort tend à reproduire bien que sous des modalités différentes. Ainsi, pour Horkheimer et Adorno, si l'homme doit nécessairement dominer la nature pour assurer sa survie, il va sans dire que le retour à l'état originaire d'harmonie avec la nature, malgré son caractère illusoire, doit tout de même conserver le statut de norme. Le problème, ce n'est pas tant le besoin de l'homme de se libérer de la nature, mais la manière par laquelle il y parvient, soit la domination. Il s'agit donc, par la critique de la raison historique, de mettre un terme à cette tension entre l'homme et la nature de manière à procéder à leur réconciliation. Mais avant de voir comment Adorno envisage un tel rapprochement, voyons d'abord comment s'opère cette domination au fil de l'histoire.

Selon Horkheimer et Adorno, le premier mode historique de domination de l'homme sur la nature constitue le mythe. Ce dernier prend essentiellement la forme d'un discours par lequel le sujet cherche à expliquer les manifestations naturelles auxquelles il fait face. En ce sens, aux débuts de l'humanité correspond ce qu'on appelle une période animiste ou magique. À cet âge, l'homme primitif croit en l'existence d'une force vitale animant les animaux et les éléments naturels ; la nature lui apparaît comme étant peuplée d'esprits supérieurs dotés de la capacité d'agir sur le monde de manière bienfaisante ou non. Dès lors, pour témoigner des manifestations « surnaturelles » qu'il observe quotidiennement et pour instituer ses croyances, le sujet en vient à se créer des images, des récits. Et le mythe se présente justement comme un récit, celui d'une action créatrice par

107 Karl Marx, Manuscrits de 1844 : économie, politique & philosophie, trad. Emile Bottigelli, Paris, Éditions

sociales, 1972 [1932], p. 81.

108 Karl Marx et Friedrich Engels, Critique des programmes de Gotha et d'Erfurt, trad. Randglossen zum

laquelle une origine se trouve délivrée1 9. Dans celui-ci, les forces naturelles sont

personnifiées : elles incarnent des personnages merveilleux comme des divinités ou des animaux chimériques et revêtent par le fait même une importante charge symbolique. Le récit mythique se présente donc comme une activité par laquelle le sujet en arrive à apprivoiser ce que la nature recèle d'inhumain, de surnaturel. C'est dans cette optique qu'il constitue le mode de domination originel pour l'École de Francfort, la « première technique » pour reprendre la formulation de Benjamin. Mais il n'en demeure pas moins que pour Horkheimer et Adorno, le mythe établit une relation communicationnelle avec la nature qui est trompeuse. En ce sens, l'explication du monde qu'il fournit se révèle foncièrement mensongère. Ce qui amène les auteurs à croire que « cette illusion constitue en fait la nature du mythe110 ». La domination sur la nature que le récit mythique prétend

exercer se montre alors tout aussi irréelle que lui. Dans ce contexte, l'homme ne se libère pas de l'emprise des forces naturelles, mais en est, d'une certaine manière, toujours prisonnier.

C'est ainsi que le projet civilisateur et émancipateur de Y Aufklàrung au XIXe siècle

trouve toute sa légitimité. Il implique de détruire les mythes et de libérer l'homme comme sujet en se fondant désormais sur le savoir rationnel qui permettra réellement de dominer la nature plutôt que d'être dominé par elle. Il en ressort que la Raison, comparativement au mythe, semble posséder un avantage majeur : elle permet l'accès à des vérités universelles et nécessaires qui expliquent les phénomènes naturels. Ainsi, si le mythe se comprend comme muthos, c'est-à-dire comme parole qui raconte, la Raison se présente plutôt comme logos, soit comme parole qui démontre. Alors que le muthos se distingue par sa malléabilité et adapte son contenu aux contextes culturels, le logos cherche plutôt à asseoir ses affirmations sur un discours univoque. Il permet la création d'ordre puis la systématisation de la nature dans tout ce qu'elle a d'incompréhensible et de désordonné. Conséquemment, le passage du mythe à la Raison tel que présenté dans la Dialectique doit être compris comme le passage du dispersé à l'unique, celui du particulier à l'identique. Mais soulignons que cette idée de la Raison comme ordonnancement du diffus, voire comme modalité de domination de la nature, témoigne pour Horkheimer d'une crise inscrite dans le

109 Aristote, Poétique, trad. J. Hardy, Paris, Belles Lettres, 1969, p. 38-39, VI, 1450 b 5.

développement même de la rationalité au fil de l'histoire. Cette crise, on pourrait la décrire comme étant celle de l'instrumentalisation de la Raison. Pour la comprendre, rapportons- nous à la thèse qu'Horkheimer développe dans Eclipse de la Raison, en 1949.

Dans cet ouvrage, l'auteur défend la distinction classique entre deux types de rationalités : la raison objective, entendue comme la rationalité en fonction des valeurs (Wertrationalitàt) et la raison subjective, soit la rationalité en fonction des fins (Zweckrationalitàt). Cette typologie des formes de rationalité, Horkheimer la doit essentiellement à Weber qui montre dans Économie et société (1922) que la compréhension d'un fait social, soit d'une activité pourvue de sens, ne pourrait être possible sans un recours à certains idéaltypes, c'est-à-dire à certaines constructions méthodologiques111.

Parmi ces catégories, il délimite justement celle de la rationalité par les valeurs et celle de la rationalité en fonction des fins. La première qu'il définit arbitrairement comme la raison objective, constitue selon lui une rationalité dite normative. Il l'interprète comme une croyance consciente en la valeur d'une action ou d'une vérité, que celles-ci soient d'ordre éthique, esthétique ou religieux. Cette rationalité est alors au service d'une conviction et opère indépendamment de toute considération à l'égard des chances de succès ou des conséquences d'un acte.

Agit d'une manière purement rationnelle en valeur celui qui agit sans tenir compte des conséquences prévisibles de ses actes, au service qu'il est de sa conviction portant sur ce qui lui apparaît comme commandé par le devoir, la dignité, la beauté, les directives religieuses, la piété ou la grandeur d'une cause quelle qu'en soit la

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nature .

Autrement dit, la rationalité objective expose dans quelle mesure l'existence des hommes est raisonnable. La question des biens supérieurs et des problèmes de la destinée de l'humanité figurent au cœur de cette raison. On comprend donc qu'elle constitue le ciment sur lequel se fondait autrefois le projet de la philosophie, soit celui de découvrir l'essence des choses, de percer les apparences pour atteindre la vérité. C'est pourquoi cette rationalité s'avère indissolublement liée à la découverte du vrai, la reconnaissance du beau,

111 Max Weber, Économie et société, trad. Julien Freund [et al.], Paris, Pion, 1971, p. 6. 1,2 lbid., p. 22-23.

du bon et du juste. Elle octroie effectivement à l'humain la liberté de décider si les actions sont bonnes ou mauvaises en elles-mêmes, si elles participent au bonheur de l'être ou si, inversement, elles mènent à la déraison, à l'aberration. Dans le cadre de la raison objective, c'est donc la valeur des finalités qui se retrouve au centre de la réflexion philosophique.

Quant au second type de rationalité, dite subjective, il se trouve plutôt à être de nature téléologique. Préconisée principalement par les empiristes et les pragmatiques, elle cherche à harmoniser les actions et les outils pour atteindre certaines fins indépendamment de toute considération quant à la valeur de ces finalités. Horkheimer la définit comme « la force qui finalement permet des actions raisonnables [...] la capacité de classer, de déduire et tirer des conclusions, peu importe le contenu de la réflexion : le fonctionnement abstrait du mécanisme de la pensée ». Elle renvoie donc à une logique obéissant strictement au calcul et à la volonté d'efficacité. En d'autres mots, elle présente un aspect essentiellement instrumental. Dans le cadre de la raison subjective, on ne cherche pas à s'interroger sur les conséquences d'une action mais bien à déterminer l'utilité de cette dernière : a-t-elle permis d'atteindre les buts fixés ou non ? Si la fin n'est que rarement abordée par ce type de rationalité, on peut tout au moins dire qu'elle est évoquée comme allant de soi, qu'elle est donnée d'avance. On lui attribue alors une portée universelle du fait qu'elle semble demeurer indépendante des intérêts particuliers et des contingences.

Dans Éclipse de la Raison, Horkheimer avance, à l'instar de Weber, que la Raison subjective a graduellement pris la place de la Raison objective au cours de l'histoire. Cette situation s'expliquerait par l'impuissance de la rationalité en fonction des valeurs à exprimer l'universalité de manière aussi grandiose que la rationalité en fonction des fins. En ce sens, la seconde juge la première comme étant essentiellement mythique, c'est-à-dire « affectée d'une irrationalité114 ». Par là, il faut entendre que les valeurs semblent revêtir le

même caractère irrationnel que les émotions, les traditions et les préférences. Dès lors, la portée de la raison objective apparaît d'autant moins universelle qu'elle repose sur des intérêts particuliers. C'est pourquoi d'ailleurs les Lumières en viendront à associer ce type de rationalité aux sociétés dites traditionnelles, soit à celles qui n'auraient pas encore

113 Max Horkheimer, Éclipse de la raison, trad. Eliane Kaufholz, Paris, Payot, 1974, p. 27. 114 Weber, Économie et société, p. 23.

développé le raisonnement philosophique. Bien qu'elle se voit reléguée au second plan, soulignons que la Raison objective ne disparaît pas complètement. Elle persiste notamment dans la religion et dans certaines conceptions de la moralité, par exemple celle de Kant115.

Néanmoins, faut-il surtout retenir que dans la foulée de la modernité, son influence sur la détermination des grandes orientations sociales décroît considérablement. Les critères de vérité ne sont alors plus fondés sur celle-ci mais bien sur la rationalité subjective entendue comme instrument et modalité de calcul.

Dans ce passage de la rationalité objective à la rationalité subjective, Horkheimer et Adorno décèlent la source de F autodestruction de la Raison. Ils soutiennent qu'en s'instrumentalisant, la Raison tend à se défaire de son caractère normatif et à sombrer dans le relativisme puis le scepticisme. Cessant d'aspirer à la reconnaissance du vrai, du bon et du juste pour devenir socialement neutre, elle peut désormais servir toutes les entreprises particulières. Une activité est considérée raisonnable dans la simple mesure où elle sert à quelque chose. Conséquemment, cette nouvelle raison instrumentale, bien qu'elle prétende à l'indépendance par rapport aux valeurs et aux contenus, se trouve paradoxalement à s'enfoncer dans F irrationalisme en laissant le champ libre aux opinions personnelles et même aux mythes. Ainsi que l'expliquent Horkheimer et Adorno : « Du fait que, dans les visées déterminées, elle démasque le pouvoir de la nature sur l'esprit comme une menace pour sa législation autonome, la raison reste, en vertu de son caractère formel, à la disposition de tous les intérêts naturels"6 ». C'est cette dynamique de permutation entre

deux types de rationalité que l'École de Francfort désigne sous l'expression « dialectique du mythe et de la raison ».

On peut alors comprendre en quoi Y Aufklàrung participe à la résurgence du mythe mais scelle aussi en quelque sorte le sort de la Raison et de la domination. Le projet des Lumières avait pour objectif de libérer l'homme du mythe en se fondant sur le savoir rationnel qui lui permettrait de dominer la nature. Néanmoins, ce savoir s'avère être dorénavant purement technique. Il se présente tel un savoir-faire qui nie toute réflexion

Immanuel Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, trad. Victor Delbos, Paris, Delagrave, 1981 [1785].

quant aux finalités externes de l'action. Par la mise en œuvre de la pensée rationnelle, le sujet en vient alors à produire pour produire mais aussi à s'identifier à l'exercice de cette praxis, qui devient synonyme de « réalisation de soi ». C'est pourquoi la domination est appréhendée par Horkheimer et Adorno comme la résultante d'un mauvais égoïsme, d'une hypertrophie de cette volonté d'autoconservation qui se manifeste par l'intermédiaire d'une éthique instrumentale, celle de la « maîtrise du monde ». Critiquer la raison en revient donc à critiquer le nouveau mode de domination de la nature qu'elle inaugure ou plus précisément le nouveau type de rapport qu'elle établit avec cet « Autre », soit un rapport d'identité. En ce sens, il a été expliqué précédemment que le passage du mythe à la raison devait être conçu tel le passage du diffus à l'unité. Or, cette volonté de confiner le particulier dans un rapport d'identité doit s'interpréter, aux yeux d'Horkheimer et Adorno, comme la manifestation concrète du caractère totalitaire de la raison. Autrement dit, on ne saurait cerner véritablement pourquoi la raison bascule dans le mythe sans s'interroger sur ce qui la lie à la domination. Conséquemment, dans la prochaine section, nous montrerons que la critique que les auteurs adressent au pouvoir accru de la raison sur la nature s'avère intimement liée à leur critique générale de la pensée identifiante.

2.1.2 De la mimésis à l'identité

De manière à montrer en quoi la raison s'avère intrinsèquement liée à la domination, il nous apparaît nécessaire de la comparer au mythe. À l'époque animiste, le mythe appelle à un geste de libre reproduction de l'apparence qu'Horkheimer et Adorno désignent sous l'appellation « mimésis ». Pour les auteurs, ce terme renvoie à « un comportement humain élémentaire d'autodéfense et d'expression » qui consiste essentiellement à « se faire semblable à l'autre ». Le fait est que, durant la période animiste, l'homme primitif ne se distingue en rien de la nature dont il fait partie. Il ne dispose pas d'une identité solide, au contraire, il ne se comprend qu'en relation avec les forces naturelles qu'il rencontre. Il n'est alors que le reflet de la totalité, un rouage dans le mécanisme de la nature. Dans cet état des choses, il se présente comme un être naturel vulnérable qui peut à tout moment être habité ou persécuté par les esprits supérieurs. Pour

' Marie-Andrée Ricard, « Mimésis et vérité dans l'esthétique d'Adorno », Laval théologique et philosophique, vol. 52, no 2, 1996, p. 449.

s'extirper de l'emprise menaçante de la nature qui se trouve à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de lui, le sujet, par l'entremise du mythe et de la magie, en vient alors à agir mimétiquement à son égard, il se fait semblable à elle. Ce comportement mimétique originaire, Horkheimer et Adorno l'expliquent précisément dans ce passage de la Dialectique :

Les rites du chamane s'adressaient au vent, à la pluie, au serpent au- dehors, ou au démon dans le malade, et non à des matières ou des spécimens. L'esprit qui s'adonnait à la magie n'était pas un et identique ; il changeait comme les masques du culte qui étaient supposés ressembler aux nombreux esprits. [...] Le sorcier imite les démons ; pour les effrayer ou les apaiser, il prend des attitudes effrayantes ou débonnaires. Bien que sa fonction soit d'imiter, il n'a

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jamais proclamé [...] qu'il était l'image du pouvoir invisible .

Il faut maintenant voir que le désenchantement du monde va de pair avec le renoncement systématique à cette relation mimétique originelle. En ce sens, l'avènement de la raison s'effectue par l'entremise d'un renversement des modalités du rapport originel entre l'homme et la nature : si autrefois, le sujet, pour se libérer des forces naturelles, tâchait de se faire semblable à celles-ci, c'est aujourd'hui la nature elle-même qui doit se faire semblable au sujet. Le rapport mimétique qui existait antérieurement se trouve