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Chapitre 3 Théories de l’apprentissage linguistique et acquisition de la langue

5. Rôles des langues apprises dans l’apprentissage de la langue cible

5.2 Rôles des autres langues acquises dans l’apprentissage de la langue cible

Aujourd’hui, on tend à « dissoudre » les notions de « langue maternelle » et « langue étrangère », car beaucoup de gens deviennent bilingues même trilingues. Ainsi, avant d’aborder une nouvelle langue, il se peut que l’apprenant parle deux ou plusieurs langues.

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Pour cette raison, dans certaines études, les chercheurs préfèrent remplacer la dichotomie entre « langue maternelle » et « langue étrangère » par « langue source » ou « langues départ » et « langue cible ». Et pour marquer l’ordre de l’apprentissage de toutes les langues, le numérotage devient la méthode la plus courante. Au lieu de dire « langue maternelle », on dit la « langue première » (L1), ainsi obtient-on L2, L3, etc.

Nous avons déjà vu le rôle important de la première langue dans l’appropriation d’une autre langue. Mais lorsque « les apprenants possèdent déjà l’amorce d’une compétence plurilingue, les sources diversifiées auxquelles ils peuvent avoir recours relativisent l’importance de la première langue »114 et le recours aux autres langues acquises ou apprises ne doit pas être négligé dans l’apprentissage de la langue cible.

Le rôle de L2 ressemble beaucoup à celui de la L1. La L2 assume aussi les trois fonctions de la L1. Mais selon nous, la fonction de prémisse de la L1 semble plus importante que celle de la L2. L’apprenant a tendence à avoir recours à la L1 pour établir le système sémantique de la langue cible, car le système sémantique de L1 s’accomplit avec la maturation du système cognitif de l’apprenant et devient par conséquent plus familier que les autres. Il peut servir de référence aux systèmes sémantiques de toutes les autres langues apprises ultérieurement.

En ce qui concerne la fonction de référence, d’après la recherche de Leila FARKAMEKH115, si la L2 est plus proche typologiquement de la langue cible, l’apprenant tend à faire plus de références à la L2 qu’à la L1. Mais le degré de recours à la L2 dépend du niveau de L2 chez l’apprenant. Leila FARKAMEKH (2006) constate que les apprenants qui sont plus compétents en L2 présentent davantage d’influences interlinguistiques sur L3 (transfert positif ou interférence) ; mais les apprenants qui sont moins compétents en L2, à mesure que leur niveau en L3 progresse, montrent de moins en moins d’interférences de L2 sur L3, et leurs erreurs, si elles persistent, sont en relation plus étroite avec le phénomène de surgénéralisation de L3, avec parfois un recours à leur L1 qui est en position dominante puisqu’elle est la langue de l’environnement.

Quant aux apprenants chinois en FLE, la plupart d’entre eux ont déjà appris l’anglais au

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L. GAJO, 2000, Immersion, bilinguisme et interaction en classe, Paris, Hatier, CREDIF « LAL », page 106.

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FARKAMEKH Leila, 2006, Les influences de l’apprentissage de la première langue étrangère (anglais) sur

l’apprentissage de la deuxième langue étrangère (français) chez les apprenants persanophones, thèse de doctorat à

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lycée et au collège, tandis que leur apprentissage du français débute plus tard. Ainsi, l’anglais devient leur L2 et le français L3. Il est à noter que leur anglais au moment de leur apprentissage du français est souvent au niveau intermédiaire ou débutant. Bien que par rapport au chinois, le français ressemble plus à l’anglais, la référence à l’anglais pourrait devenir moins importante que celle au chinois.

Quant à la fonction métalinguistique, son recours demande un niveau élevé de la langue de référence chez l’apprenant et l’enseignant. A cause de leur niveau d’anglais insatisfaisant, il y a de fortes chances que l’apprenant et l’enseignant chinois fassent plus de recours métalinguistiques à la langue chinoise (L1) qu’à l’anglais (L2).

En guise de conclusion

Nous avons commencé ce chapitre par la présentation de différentes mémoires et du processus mnémonique, car nous croyons que ces connaissances peuvent nous aider à mieux déceler le processus d’apprentissage linguistique et nous permet de mieux comprendre l’origine de certaines erreurs. L’apprentissage n’est pas terminé par la résolution de problèmes. La solution trouvée doit être encore stockée dans la mémoire à long terme afin d’être activée au moyen du système mnémonique dans des situations analogues ultérieures. Néanmoins le stockage des informations et des solutions réussies dans la mémoire à long terme n’est pas toujours facile, il demande un traitement, une compréhension, des pratiques et des révisions de ces informations. L’insuffisance ayant lieu à n’importe quelle phase du processus ci-dessus pourrait provoquer des erreurs. Comment favoriser le stockage des informations dans notre mémoire à long terme devient par conséquent une préoccupation importante dans l’enseignement/apprentissage de la langue. Elle nous guide dans la conception du programme d’enseignement et nous procure des remédiations à certaines erreurs.

Les notions telles que l’apprentissage et l’acquisition, savoir déclaratif et savoir

procédural sont des notions importantes dans les théories de l’apprentissage linguistique. En

renvoyant aux activités cognitives, l’apprentissage et l’acquisition ne représentent pas de différence. Le savoir déclaratif et le savoir procédural sont les deux types de connaissance dans l’apprentissage linguistique. La transformation du savoir déclaratif en savoir procédural n’est pas automatique, ce qui explique pourquoi certains apprenants n’arrivent pas à utiliser les règles grammaticales qu’ils connaissent dans leur production. L’éclaircissement de ces notions devient par conséquent nécessaire pour notre future analyse des erreurs.

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Les différentes théories de l’apprentissage linguistique nous dévoilent soit le processus, soit les éléments importants dans l’apprentissage linguistique. Le behaviorisme, malgré ses contributions limitées, souligne l’importance des exercices pour former un automatisme langagier ; le constructivisme nous conseille d’avancer notre apprentissage par étapes en nous basant sur des connaissances antérieures et sur des pratiques interactives ; la théorie de la ZPD met l’accent sur un étayage d’un tuteur dans l’apprentissage et considère la progression de l’apprentissage comme un passage de résolution de problème avec du soutien à une résolution autonome ; la théorie de collaboration dépasse la collaboration entre l’apprenant et l’enseignant en proposant d’autres formes de collaborations et en mettant en lumière l’importance des activités métacognitives dans l’apprentissage et la théorie de l’intégration cognitive dans l’acquisition de la langue seconde fait le postulat de trois stades dans l’acquisition d’une langue étrangère. Toutes ces connaissances nous aident à concevoir une meilleure méthodologie d’enseignement sur le plan cognitive, soit une approche cognitive en didactique des langues, qui sert de remédiations aux erreurs dans nos recherches.

L’interprétation des rôles de la langue maternelle dans l’apprentissage des autres langues nous révèle que le recours à la langue maternelle est inévitable et pas toujours néfaste, ce qui nécessite une réhabilitation du statut de la langue maternelle dans l’enseignement des langues étrangères. Les trois fonctions de la langue maternelle nous permettent aussi de mieux interpréter les erreurs.

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DEUXIEME PARTIE : ANALYSE ET

INTERPRETATION D’ERREURS

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Chapitre 4 Catégorisation de l’erreur et