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Chapitre 4 Catégorisation de l’erreur et description du corpus

1. Catégorisation de l’erreur

1.5 Hypothèses de l’origine de l’erreur

La morphologie (qui comprend ici la forme orthographique des mots) et la syntaxe sont des domaines plutôt structuraux : elles sont souvent compositionnelles et peuvent donner lieu à des études contrastives intralinguales (à l’intérieur d’une même langue, entre l’interlangue et la langue cible) ou interlinguales (entre les différentes langues). Seulement, lorsqu’on attribue des propriétés d’iconicité à la syntaxe, la syntaxe peut relever aussi une interprétation ou une orientation cognitive. C’est pourquoi, selon nous, l’analyse des erreurs morphologiques

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(erreur lexicale de forme y comprise) et syntaxiques seraient plutôt structurales131 et leur remédiation doit faire appel à l’automatisation.

Néanmoins, la sémantique (au sens large qui comprend à la fois la signification des syntagmes et des phrases, mais aussi la signification des mots) et la pragmatique sont rarement compositionnelles : les fonctions sémantique et pragmatique des énoncés ne sont pas composées par la somme des fonctions des parties. C’est l’intégration d’une envie de s’exprimer, d’une manipulation des connaissances pour s’adapter à la situation et d’une intervention de contrôle du locuteur qui permet une action langagière aux niveaux sémantique et pragmatique. L’analyse des erreurs sémantiques (erreurs lexicales de concept et erreurs grammaticales sémantiques) et pragmatiques et les remédiations associées doivent ainsi être de type cognitif.

En adoptant ce prémisse, nous pouvons formuler des hypothèses sur les origines des différentes erreurs. Toutes ces hypothèses se basent sur notre expérience de l’enseignement/ apprentissage du français et sur nos connaissances précédentes des théories de l’apprentissage linguistiques. Il se peut qu’elles ne soient pas totalement correctes. Nous allons les vérifier en nous servant des exemples concrets dans les chapitres suivants.

1.5.1 Hypothèses au niveau microscopique

1). Hypothèse concernant les erreurs lexicales de forme :

Nous supposons que la complexité des relations phonèmes-graphèmes dans la langue française entraîne souvent des erreurs lexicales de forme, car la plupart des phonèmes peuvent être écrits de plusieurs façons : les mots incluent fréquemment des lettres muettes et il existe de nombreux homophones non homographes (par ex : mer, mère ; ver, vers, vert, verre). Pour les erreurs concernant le mélange des mots dont les sens sont bien différents, l’origine des ces erreurs existerait dans la ressemblance formelle de ces mots. Quant aux erreurs de genre, la difficulté viendrait probablement du non-existence du masculin et du féminin dans la langue chinoise. En apprenant un nom français, l’apprenant chinois n’a pas d’habitude d’accorder une attention particulière à son genre, d’où une difficulté majeure pour retenir par coeur le genre des noms français, d’autant plus qu’il manque des règles générales pour distinguer le masculin et le féminin.

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2). Hypothèse concernant les erreurs lexicales de concept :

Le fait qu’un seul mot a plusieurs significations, c’est-à-dire la polysémie lexicale, constitue une autre difficulté dans l’apprentissage du lexique. Il arrive souvent que les significations attachées à un mot soit très nombreux, notamment pour des noms et des verbes. Une mauvaise maîtrise de la polysémie du lexique provoque non seulement une difficulté dans la compréhension écrite ou orale, mais aussi dans la production écrite ou orale. En plus, la corrélation de sens entre les synonymes et les proches constitue une autre difficulté dans l’assimilation du lexique.

De plus, à la différence des enfants, les apprenants adultes ont tous déjà établi un réseau conceptuel ou sémantique représentant les concepts de notre monde extérieur durant leur apprentissage de la langue maternelle. Lorsqu’ils apprennent une nouvelle langue, il leur suffit de connecter les nouveaux signes linguistiques avec les signes équivalents dans leur langue maternelle pour saisir leur référents dans le monde réel. Pour les gens qui apprennent trois ou même plus de langues, cette connexion serait sans doute plus complexe. Mais comme le réseau conceptuel est d’abord construit avec l’apprentissage de la langue maternelle, et que l’apprentissage des autres langues se fondent sur la base de ce réseau, nous supposons qu’au niveau sémantique du mot, l’erreur est produite surtout par un transfert négatif de la langue maternelle.

3). Hypothèse concernant les erreurs morphologiques :

Faute de référence dans la langue maternelle qui est une langue non flexionnelle, la morphologie de la langue française devient sans aucun doute quelque chose de tout nouveau pour les apprenants chinois. Des années de « fossilisation conceptuelle » sur le non-changement des noms, des adjectifs et des verbes dans la langue maternelle causent souvent une négligence de la flexion au début de l’apprentissage du français chez les Chinois . Mais après la conceptualisation de la flexion, en considérant la grande différence entre les langues apprises (le chinois et l’anglais) et le français au niveau morphologique, nous présumons que les erreurs morphologiques trouvent leur origine dans l’interférence de l’interlangue de l’apprenant, autrement dit, ce sont surtout des erreurs de surgénéralisation : l’apprenant utilise leurs connaissances acquises de la langue cible pour inférer la flexion ou la

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déviation du nouveau mot.

4). Hypothèse concernant les erreurs syntaxiques :

Au niveau syntaxique, comme le chinois et le français appartiennent aux familles linguistiques différentes, de grandes différences y existent entre les deux langues. Ayant compris cette grande différence syntaxique, au lieu de faire appel à ses connaissances syntaxiques en langue maternelle, l’apprenant a recours à ses connaissances syntaxiques en anglais. Ainsi croyons-nous que l’anglais exerce une grande influence dans l’apprentissage du français au niveau syntaxique

5). Hypothèse concernant les erreurs sémantiques :

Dans nos recherches, les erreurs sémantiques concernent surtout les erreurs de préposition et les erreurs de TAM. Bien que les prépositions n’aient pas de référent dans le monde réel, certaines possèdent des significations spatio-temporelles saillantes qui peuvent être représentées par des schémas. Mais dans l’enseignement /apprentissage des prépositions françaises, l’enseignant et l’apprenant font souvent appel à leurs équivalents en langue chinoise, c’est-à-dire à une explication métalinguistique pour saisir le sens, ce qui efface souvent les nuances existant entre les différentes prépositions et entraîne des erreurs concernées.

En ce qui concerne les erreurs de TAM, on sait qu’il existe en français de nombreux TAM, par exemple, seulement pour l’indicatif au passé, il y a le passé composé, l’imparfait, le passé simple, le plus-que-parfait, le passé surcomposé et le passé antérieur et chaque temps verbal possède un sens temporel spécifique. Dans le système linguistique en construction de l’apprenant (soit l’interlangue de l’apprenant), en ignorant les nuances de sens temporel de chaque temps verbal, l’apprenant mélange les différents temps verbaux, ce qui provoque une utilisation aléatoire des temps verbaux. Et très souvent, l’apprenant a tendance à simplifier les multiples temps et aspects en recourant à celui ou ceux dont il connaît mieux la formation, par exemple, le passé composé est utilisé pour décrire tous les événements passés.

6). Hypothèse concernant les erreurs sociopragmatiques :

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d’usage en chinois et en français, des erreurs qui sont peut-être acceptables au niveau lexical et grammatical, mais qui sont inacceptables au niveau sociopragmatique pourraient apparaître dans l’écrit des apprenants. Il s’agit des expressions et des phrases qui ne s’adaptent pas à la situation de parole et qui paraissent ainsi bizarres, ridicules ou anormales aux yeux des natifs français. Nous supposons que toutes ces erreurs sont dues à la lacune de compétence sociopragmatique chez l’apprenant. Par manque de cette compétence, une référence à la langue maternelle devient naturelle dans l’apprentissage, ce qui conduit aux erreurs.

1.5.2 Hypothèses au niveau macroscopique 1) Manque d’entraînement

Dans l’apprentissage, il y a toujours des élèves qui sont motivés et qui prennent leurs études au sérieux. Ils travaillent beaucoup en classe et après le cours. Grâce à leurs efforts, ils obtiennent une belle réussite dans leurs études. A l’inverse, certains élèves ne travaillent pas assez et maîtrisent mal ce qu’ils ont appris. Ils éprouvent des difficultés dans leurs études et commettent sans arrêt des erreurs. Nous croyons que cette différence peut s’expliquer par la disparité des efforts consacrés aux études chez les deux groupes d’apprenants et que les erreurs sont liées au paresse de l’apprenant. Autrement dit, l’insuffisance d’entraînement entraîne un mauvais automatisme et une acquisition médiocre des connaissances linguistiques chez l’apprenant. Ainsi, il suffit de donner davantage d’exercices aux élèves pour qu’ils mémorisent et utilisent bien les connaissances apprises.

2) Compétence d’apprentissage inférieure des apprenants

Etant donnée les mêmes cours suivis et les différentes performances chez les apprenants, nous supposons que certains apprenants ne savent pas comment apprendre. Ils sont passifs dans leurs études et n’excellent pas à réfléchir et à poser des questions. Ils ne savent pas faire d’autorégulation afin de mieux s’adapter à la situation durant leur résolution de problèmes, ni faire d’autocorrection et d’autoévaluation pour se connaître mieux. Ils ne savent pas non plus faire le bilan sur leur expérience de réussite ni de tirer des leçons de l’échec pour se perfectionner dans les tâches ultérieures. Pour ce groupe d’élèves, l’échec de l’apprentissage vient d’une compétence d’apprentissage inférieure ou d’un manque de compétence métacognitive. Pour qu’ils puissent réussir dans leurs études, il faut une modification

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profonde dans leur façon d’apprentissage. Plus précisément, il faut leur apprendre à apprendre afin qu’ils deviennent métacognitifs dans leurs études.