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Chapitre 3 Théories de l’apprentissage linguistique et acquisition de la langue

3. Théories de l’apprentissage linguistique

3.4 Du scaffolding process de Bruner à la collaboration de Portine

Etant successeur de Vygotski, Bruner souligne aussi le rôle de l’interaction dans l’apprentissage :

Le processus cognitif individuel de l’apprentissage est rendu possible et ne peut être mis

en mouvement que par l’interaction avec un partenaire social. Le savoir acquis par l’apprenant

doit lui avoir été transmis, ou plus exactement rendu accessible dans des formes adéquates, par

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Lev Semyonovich VYGOTSKI, 1997, Pensée et langage, traduction de Françoise Sève, la Dispute/SNEDIT, Paris, page 445.

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75 la médiation d’un « tuteur » (Bruner)99.

Il développe la théorie de Vygotski en proposant la notion de « scaffolding process ». C’est pourquoi il est considéré comme représentant du courant néo-vygotskien. Selon Bruner, le scaffolding process (qui est souvent traduit par étayage en français, mais nous préférons la traduction de procédure d’accompagnement, proposée par Portine, qui a le sens plus proche du terme originel et qui est plus facile à comprendre) favorise l’apprentissage. Il comprend six fonctions : obtention de l’adhésion de l’apprenant à la tâche, réduction des degrés de liberté, maintien de l’orientation, orientation de l’attention de l’apprenant, régulation de la frustration et présentation de modèle de solution100, qui peuvent se répartir en plan de la métacognition et en plan de la réalisation de la tâche selon Portine101 :

Plan de la métacognition Plan de la réalisation de la tâche

1 Obtention de l’adhésion de l’apprenant 2 Réduction des degrés de liberté

3 Maintien de l’orientation 4 Orientation de l’attention de l’apprenant

5 Régulation de la frustration 6 Présentation de modèle de solution

Activités métacognitives assumées par l’apprenant

Autoguidage

Activités assumées par le partenaire

Guidage

L’accompagnement assume donc deux fonctions différentes : l’une dépend du guidage du partenaire et agit sur la résolution de problèmes et l’autre dépend des activités métacognitives de l’apprenant et agit sur « l’auto-guidage » de l’apprenant. Les activités métacognitives de l’apprenant jouent ainsi un rôle important dans l’apprentissage. Elles renvoient à un auto-guidage de l’apprenant vers la résolution de problèmes et à une autorégulation de son planning et de ses stratégies d’apprentissage afin de résoudre le problème. (Nous ne développons pas ici la notion de « métacognition », car elle sera traitée dans le chapitre 8).

L’importance des activités métacognitives dans l’apprentissage reprouve que l’apprentissage est une activité active. Elle nous révèle aussi que la remédiation à l’erreur,

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Pierre BANGE, 2005, en collaboration avec CAROL Rita et GRIGGS Peter, 2005, L’apprentissage d’une langue

étrangère : Cognition et interaction, L’Harmattan, page 34.

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Ici, nous avons adopté les traductions des termes proposées par Henri Portine dans son ouvrage en rédaction.

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comme l’apprentissage, demande aussi des efforts de l’apprenant.

Dans les travaux de Vygotski et ceux de Bruner, pour que l’apprentissage se progresse, l’interaction doit se passer entre l’apprenant et un tuteur (par rapport à un novice) ou un adulte (par rapport à un enfant). Autrement dit, un soutien vertical est la clé du passage du niveau atteint à la ZPD. Mais le professeur Portine a dépassé la « théorie » de l’interaction préconisée par Vygotski et Bruner en développant la notion de « collaboration ». Selon lui, il existe plusieurs types de collaboration dans l’apprentissage et chacun permet un approfondissement de l’apprentissage.

Le schéma suivant regroupe les différentes collaborations proposées par Portine :

Collaboration

transmission de connaissances tâtonnement commun

Collaboration Collaboration Collaboration Collaboration conjointe

verticale oblique transversale

( ) ( ) ( ) ( + )

La collaboration verticale se passe entre l’apprenant et son enseignant ou son tuteur. Ce dernier maîtrise bien les connaissances que l’apprenant est en train d’acquérir et peut l’aider à l’acquérir. Dans la collaboration oblique, l’enseignant s’appuie sur un apprenant qui maîtrise mieux le savoir en discussion que les autres pour faire acquérir le savoir concerné aux autres. En ce qui concerne la collaboration transversale, elle se déroule à l’intérieur d’une classe ou d’un groupe. En effet, les connaissances des apprenants ne sont pas homogènes. Ils sont souvent plus forts sur certains points et plus faibles sur d’autres points. Cette hétérogénéité permet ainsi une complémentarité de connaissance entre les apprenants. Et la collaboration conjointe désigne un travail en petit groupe afin d’élaborer ensemble la réponse à une question ou la résolution d’un problème. Elle « est donc proche d’une forme de tâtonnement expérimental à la Freinet »102.

La notion de « collaboration » souligne l’interaction entre les apprenants durant laquelle l’apprenant devient souvent moins dépendant que dans une interaction avec l’enseignant. Ayant le même statut que les autres dans l’apprentissage, l’apprenant ose mettre en question

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ce que disent les autres et réfléchit avant d’accepter l’opinion de ses camarades. De plus, ses points forts l’aident à former une confiance en soi-même. Bref, une telle collaboration est surtout bénéfique pour la maturation métacognitive de l’apprenant.

L’apprentissage en collaboration nous procure aussi des inspirations dans le traitement des erreurs. La distinction des erreurs par soi-même est souvent difficile, mais celle des erreurs d’autrui s’avère moins difficile. L’identification et la justification des erreurs d’autrui laissent souvent l’apprenant se croire intelligent et l’empêchent de commettre ces erreurs dans sa production ultérieure. En revanche, en perdant la face devant son camarade, l’apprenant qui commet les erreurs va mieux mémoriser cette « histoire » et essaie de ne plus les commettre.

3.5 Théorie de l’intégration cognitive dans l’acquisition de la langue