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Chapitre 4 Catégorisation de l’erreur et description du corpus

1. Catégorisation de l’erreur

1.3 Définition des erreurs

1.3.2 Erreur grammaticale

Grâce à la rigueur de la grammaire française, le français est considéré comme une langue élégante, stricte et bien formée. En revanche, la complexité de cette grammaire rend l’apprentissage forcément difficile. Les erreurs grammaticales, à la vue du nom, désignent les erreurs qui violent des règles grammaticales, telles que les règles morphologiques, syntaxiques et sémantiques de la langue.

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Marie-Françoise MORTUREUX, 2008, La lexicologie entre langue et discours (deuxième édition revue et actualisée), Armand Colin, Paris, page 8.

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1). Erreur morphologique

La morphologie est l’étude de la formation, de la structure des mots et des variations de leurs formes. « Au sens strict, la morphologie s’occupe de la structure interne des mots »124. Mais au sens large, elle pourrait prendre en considération la formation des groupes de mots et des phrases. Par exemple, le nom peut être précédé d’un article ou d’un autre morphème déterminant; l’adjectif peut être caractérisé par la présence d’un morphème de comparaison ; même au niveau des phrase, la formation sujet+verbe(+complément) peut être utilisée pour décrire la structure de la phrase. Tous ces phénomènes font aussi partie de l’objet d’étude de la morphologie. C’est ce que l’on appelle la morpho-syntaxique.

Ainsi voyons-nous que la frontière entre l’étude de la morphologie et celle de la syntaxe est en fait très floue. Dans notre travail, pour faciliter la classification, nous décidons de mettre les erreurs qui concernent la formation des unités plus grandes que le mot dans les erreurs syntaxiques et celles qui concernent la formation des mots dans le champs d’étude de la morphologie. Selon nous, la conjugaison ou la flexion des verbes à un temps-tense déterminé se localise aussi dans l’étude de la morphologie. Car d’après nous, la forme « auxiliaire + partie conjuguée » forme une unité intégrale qui ressemble aux mots composés. La séparation entre l’auxiliaire et la partie suivante fait perdre sens à tous les deux : sémantiquement, l’auxiliaire n’a pas de sens, il sert plutôt comme un indicateur du temps ; la partie qui suit l’auxiliaire n’est plus indépendante, car elle ne peut pas non plus être utilisée toute seule comme un verbe. Néanmoins, s’il s’agit d’un mauvais choix du temps-tens, nous le mettons dans l’étude de sémantique.

Selon la définition donnée par Nicole Delbecque dans son livre Linguistique cognitive,

comprendre comment fonctionne le langage, la morphologie est « l’étude des composants qui

entre dans la formation des mots et des unités grammaticales »125. Ainsi, l’étude de la morphologie comprend deux aspects différents : formation des mots et formation des unités grammaticales.

Dans nos recherches, les erreurs concernant la formation des mots sont catégorisées dans les erreurs dérivationnelles et les erreurs concernant la formation des unités grammaticales se

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Nicole DELBECQUE (éd), 2002, Linguistique cognitive, comprendre comment fonctionne le langage, Bruxelles, Editions Duculot, page 75.

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trouvent dans les erreurs flexionnelles.

Composition des mots (dérivation)

100 Morphologie

Composition des unités grammaticales (flexion)

a. Erreur morphologique dérivationnelle

La dérivation est un processus de formation des mots à partir d’un radical par préfixation, suffixation, etc. C’est un moyen important et efficace que le français utilise beaucoup pour enrichir son vocabulaire. En ce sens, on pourrait dire en quelque sorte que la langue française est une langue bien motivée, car une grande partie de son vocabulaire est formée à l’aide des différents suffixes et préfixes.

En fait, l’apprenant découvre très tôt l’existence des différentes combinaisons entre les suffixes, les préfixes et les morphèmes. Les mots de la même famille, par exemple : enseigner,

enseignant, enseigné, enseignement ; agréable, désagréable, etc., aideraient l’apprenant à

entrevoir ces règles. Par ailleurs, afin de faciliter la mémorisation de vocabulaire et d’élargir le champ lexical de l’apprenant, l’enseignant introduit aussi des connaissances sur la formation des mots, telles que la formation suffixale, la formation préfixale et la formation parasynthétique, etc. Fasciné par ces règles de dérivation, l’apprenant manifeste un grand intérêt à la formation des mots et a tendance à utiliser ces connaissances pour retenir et déduire des mots. Néanmoins, la mauvaise maîtrise et la fausse utilisation des règles dérivationnelles chez l’apprenant pourraient faire apparaître beaucoup de mots qui n’existent pas ou qui ne se disent pas (ex : * orangier à la place d’oranger et *fermation à la place de fermeture, etc. ).

Ainsi, comme son nom indique, l’erreur morphologique dérivationnelle désigne les erreurs concernant la formation des mots.

b. Erreur morphologique flexionnelle

Le français est une langue flexionnelle dans laquelle le mot se décompose en radical et en marque morphologique. D’après le Petit Larousse, la flexion est un « procédé morphologique consistant à ajouter à la racine du mot des désinences exprimant des

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catégories grammaticales (genre, nombre, personne) ou des fonctions syntaxiques (cas) ».126 La flexion en genre signifie le changement morphologique de certains mots en masculin et en féminin (ex : étudiant/étudiante ; il/elle ; grand/grande), et la flexion en nombre désigne l’accord du mot en singulier et en pluriel (ex : étudiant/étudiants ; il/ils ; grand/grands). Dans la langue française, seulement les noms, les pronoms et les adjectifs possèdent ces deux types de flexion. Mais la flexion des adjectifs possessifs et des pronoms est beaucoup plus compliquée que celle des noms et des adjectifs qualificatifs. Les adjectifs possessifs s’accordent non seulement en genre et en nombre avec les noms caractérisés, mais aussi en personne. La flexion des pronoms ne consiste pas à modifier simplement les désinences. La plupart changent de forme est si radicalement que l’on n’y voit plus de rapport entre eux, par exemple : « je » et « nous » ; « tu » et « vous », « lui » et « eux », etc. De plus, ce qui est plus difficile dans leur apprentissage, c’est le choix des pronoms et des adjectifs possessifs selon la relation de rection entre les différentes parties. Dans ce cas-là, nous préférions considérer l’erreur concernant l’accord des pronoms et des adjectifs possessifs comme l’erreur syntaxique.

La flexion en personne signifie la « forme de la conjugaison et du pronom permettant de distinguer le ou les locuteurs (première personne), le ou les auditeurs (deuxième personne), celui, ceux ou ce dont on parle (troisième personne) »127. Dans la langue française, pour un temps grammatical128 déterminé, les verbes se présentent sous différentes formes selon le sujet : « je parle ; tu parles ; il parle ; nous parlons, vous parlez et ils parlent ». Mais cette modification morphologique du verbe n’est pas simplement déterminé par le sujet. Elle dépend aussi des temps – aspect – modalité (TAM) du verbe, par exemple : « je parle, je parlerai, j’ai parlé, je palais, je parlerais, que je parle ... ». Ainsi, la forme du verbe dépend à la fois du sujet et du TAM. Mais une fois le TAM et le sujet déterminés, la conjugaison ou la morphologie du verbe est fixée. Par conséquent, au lieu d’être une erreur syntaxique, l’erreur de conjugaison du verbe ou du temps grammatical, telle que « tu *parle, tu *a parlé, j’*ai rentré, elle s’est *levé, etc. », est considérée dans nos recherches comme l’erreur de morphologie flexionnelle. Néanmoins, l’erreur du verbe concernant un mauvais choix du TAM sera classée dans l’erreur sémantique.

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Le petit Larousse en couleurs 1995, p. 444.

127

Ibid., p. 769.

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On distingue le temps grammatical du temps verbal. Le premier se situe dans une étude de la flexion, tandis que le deuxième vise à une étude sur la valeur du tempstense et doit donc se localiser dans l’étude sémantique.

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De plus, normalement, l’étude de flexion comprend l’étude de cas. Le cas signifie la « forme variable prise par certains mots (substantifs, adjectifs, pronom, participe) selon leur fonction dans la phrase, dans la langue à déclinaisons ».129 Dans le français d’aujourd’hui, la flexion de cas n’existe que dans les pronoms130. Une même personne peut se présenter sous des formes différentes dans les différents cas : pronom sujet, pronom tonique, pronom direct et indirect, telles que « je, moi, me » de la première personne. Mais comme cette flexion n’est pas un simple changement morphologique, elle est déterminée par la fonction de ces pronoms dans la construction de la phrase, par exemple : sujet de la phrase, complément direct ou indirect du verbe, complément de la préposition, etc. En ce sens, leur forme dépend de sa relation avec les autres éléments de la phrase. C’est la raison pour laquelle nous mettons les erreurs de cas dans la catégorie syntaxique.

Bref, dans nos recherches, l’erreur morphologique flexionnelle comprend les erreurs de l’accord en genre et en nombre des noms, des adjectifs et les erreurs de conjugaison des verbes.

2). Erreur syntaxique

La syntaxe fait partie de la grammaire. Elle étudie la façon dont les unités linguistiques se combinent pour former des phrases dans une langue. Autrement dit, la syntaxe étudie les relations entre des mots et des syntagmes d’une phrase. Plus précisément, elle étudie la relation de rection entre des différentes parties de la phrase ; la combinaison de ces parties, par exemple la collocation, la connexion et l’ordre des mots ; ainsi que l’omission de certaines parties qui causerait des phrases incomplètes et la mauvaise composition de la phrase.

Lorsqu’un mot en appelle un autre syntaxiquement, on parle de régime ou de rection. Par exemple, pour le verbe manger, lorsqu’il est transitif, il appelle forcément un mangeur et un mangé (Paul mange une pomme) et lorsqu’il est intransitif, il n’appelle que le mangeur (Paul mange). Et dans l’exemple « Le petit garçon mange », le verbe manger régit le nom garçon qui régit lui-même le déterminant le et l’adjectif petit. Ce type de contrainte entre les mots est appelé rection en linguistique.

Lorsque deux mots ou deux syntagmes se trouvent fréquemment coprésents dans un texte,

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Le petit Larousse en couleurs 1995, p. 191.

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LU Zhenyuan, 2004, “A brief comparison of case in English, Chinese and French”, dans Journal od Hechi Univesity (2004, 12), p. 107.

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on parle de cooccurrence. La collocation est une cooccurrence privilégiée. Elle signifie une association habituelle d’un mot à un autre, par exemple : gommer son accent pour signifier faire disparaître son accent ; le vin blanc pour désigner le vin produit avec de la pulpe non colorée bien qu’il soit effectivement jaune. Dans la collocation, il arrive souvent qu’un terme conserve son sens originel et qu’un terme perd son sens originel mais apporte un supplément de sens qui donne un sens défini au syntagme.

La connexion des mots signifie que la forme de certains mots est déterminée par sa relation avec les autres mots. Par exemple, pour un syntagme nominal composé par un article et un nom, le choix de l’article est à la fois déterminé par le genre du nom et par l’absence ou la présence du complément du nom (ex : C’est *une (la) maison de Pierre). Pour un adjectif qualificatif déterminé, son accord en genre et en nombre dépend du nom qu’il caractérise, il s’agit là plutôt d’une flexion morphologique et le choix entre des adjectifs de sens différents se place dans l’étude de lexique de concept. Mais le choix de l’adjectif possessif est fixé par sa connexion avec d’autres parties de la phrase, par exemple : « Pardon, Monsieur. *Ton (Votre) passeport est périmé. » C’est la raison pour laquelle nous tenons à catégoriser les erreurs de l’adjectif possessif dans les erreurs syntaxiques. Quant au syntagme prépositionnel, l’utilisation de préposition est déterminée soit par le verbe (ex : réfléchir à, avoir besoin de, etc.), soit par le groupe nominal qui la suit (ex : en France, à Paris, sur le marché, etc.). Cette relation de rection est de même pour le choix entre les adjectifs et les adverbes (ex : Il court *rapide (vite)) ; entre les différents types de pronoms (ex : Je *le (lui) téléphone), etc. Selon, nous, toutes ces relations constituent l’objet de l’étude de la syntaxe et la violation de ces relations conduit à une erreur syntaxique.

De plus, nous savons que, dans la langue française, pour former un syntagme ou une phrase, les différentes parties doivent respecter un certain ordre. Pour un syntagme nominal composé par un nom et un adjectif, il existe un ordre conventionnel entre ces deux parties (ex : *maison grande (grande maison) ; *intéressant film (film intéressant)). Quant à la formation d’une phrase, il y a aussi un certain ordre, tel que Sujet + Verbe + Complément direct/indirect (COD/COI) ou Sujet + Pronom de COD/COI + verbe, etc. La violation de ces ordres entraîne forcément des erreurs qui sont classées aussi dans les erreurs syntaxiques, selon nous.

Enfin, l’omission et l’addition de certaines parties du discours causent aussi des erreurs. Ces erreurs appartiennent aussi aux erreurs syntaxiques, car l’omission et l’addition

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perturbent en quelque sorte la structure de la phrase, par exemple : « Je suis allé *(à) le marché » ; « J’ai trouvé une belle veste, mais je *n’ai (ne l’ai) pas achetée » ; « J’aime la robe que je *l’ai achetée à Paris », etc. Et il en est de même pour les phrases mal composées, par exemple : « Néanmoins, mes parents * me voulaient étudier (voulaient que j’étudie) la comptabilité. »

Bref, l’erreur syntaxique désigne les erreurs qui ne respectent pas les règles régissant les relations entre des mots et entre des syntagmes, ainsi que les règles de la construction de la phrase. Ce sont des erreurs concernant la formation des syntagmes et les relations entre les syntagmes.

3). Erreur sémantique

La sémantique a pour objet le sens ou la signification des unités linguistiques. L’erreur sémantique, comme son nom l’indique, désigne les erreurs de sens ou de signification se trouvant dans les différentes unités de langue : lexème, mot, syntagme, phrase, paragraphe et même texte.

Le sens des lexèmes fait l’objet de l’étude de la formation des mots et les erreurs corrélatives se mettent déjà dans les erreurs dérivationnelles. L’erreur concernant le sens des mots pleins (ex : noms, verbes et adjectifs) se place dans l’erreur lexicale de concept, par conséquent, seulement les erreurs concernant le sens des mots outils, des syntagmes et de la phrase entrent dans la catégorie sémantique dans notre travail.

Nous tenons à souligner le lien étroit du syntagme verbal avec la sémantique dans la langue française.

Selon nous, la sémantique du verbe comprend deux types d’information : a. le sens propre du verbe, par exemple « courir » signifie l’action de se déplacer rapidement par un mouvement accéléré des jambes, b. le sens temporel, aspectuel et modal du verbe, par exemple « j’ai couru » renvoie à une action qui a eu lieu et dont l’aspect est parfait. Les erreurs concernant le sens propre du verbe, nous les avons déjà mises dans la catégorie lexicale. Mais pour les erreurs concernant le sens temporel, aspectuel et modal du verbe, elles seront mises dans la catégorie sémantique, car tous les TAM verbaux ont leur propre valeur sémantique, par exemple : le présent exprime l’actualité ou la permanence dans le temps ; le passé composé indique un passé récent par rapport à la situation actuelle ; l’imparfait indique

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l’état duré ou une habitude du passé ; le passé simple indique une succession d’actions de premier plan situées dans un passé lointain par rapport à la situation actuelle ; le conditionnel met l’accent sur la politesse, le potentiel envisageable ; et le subjonctif traduit les divers sentiments du locuteur ; etc.

En ce qui concerne les mots outils, les erreurs de l’omission et de l’ajout inutile sont déjà catégorisées au niveau syntaxique. Seulement les erreurs concernant la confusion de leur sens (notamment pour les prépositions et les conjonctions) peuvent constituer l’objet de la sémantique.

Enfin, au sens strict, les erreurs sémantiques au delà de la phrase ne se localisent plus au champs grammatical, mais plutôt dans les erreurs sociopragmatiques. Ainsi, dans nos recherches, l’erreur sémantique fait partie de l’erreur grammaticale. Elle comprend majoritairement l’erreur concernant le TAM du verbe, l’erreur concernant le choix des prépositions et des conjonctions ainsi que l’erreur de sens des syntagmes.