• Aucun résultat trouvé

II. Les PTPs à domaines SH2 : SHP1 et SHP2 (SHPs) :

II.4. Rôle biologique de SHP1 :

II.4.1 Rôle de SHP1 dans la physiologie des cellules hématopoïétiques :

II.4.1.1 Rôle de SHP1 dans les lymphocytes B :

La capacité de SHP1 à inhiber la signalisation du BCR (B cell receptor) a, dans un premier temps, été mise en évidence par l’observation, chez les souris motheaten, d’une plus grande prolifération des cellules B suite à la stimulation du BCR. Les travaux de Pani, G et al.121 ont montré une phosphorylation et une activité des MAPKs accrues suite à la stimulation du BCR de cellules dérivées des souris me/me par rapport aux cellules B sauvages. Cela a été confirmé dans l’article de Siminovitch, KA et al.122 qui montre une réponse proliférative bien plus grande de ces cellules me/me par rapport à ces mêmes cellules dans lesquelles l’expression de SHP1 a été restaurée. Pani, G et al.121 ont également mis en évidence une association transitoire entre le BCR et SHP1 ainsi qu’une déphosphorylation par SHP1 des chaines Ig-α associées au BCR. Ces travaux montrent donc le rôle de régulateur négatif de SHP1 sur la signalisation du BCR. En se liant au BCR et en déphosphorylant les chaines Ig-α et Ig-β, SHP1 maintient le complexe BCR dans un état quiescent123

. La capacité de SHP1 à réguler négativement le BCR dans les cellules au repos pourrait expliquer une plus grande susceptibilité des cellules B à la transformation cellulaire en l’absence de SHP1. Dans ce cas, les cellules se trouveraient dans un état « pré-activé », favorable à la transformation. Lors de l’engagement du BCR, SHP1 se dissocie du complexe et va se lier à des corécepteurs impliqués dans l’inhibition du BCR124 (figure 7).

Les récepteurs inhibiteurs de la signalisation du BCR présentent dans leur partie intracellulaire, des motifs ITIMs pouvant lier les domaines SH2 de SHP1. Ces motifs ITIMs (I/L/V-X-pY-X-X-L/V) ont, dans un premier temps, été étudiés au niveau du récepteur FcγRIIB qui a la faculté de s’associer au BCR et d’inhiber l’activation cellulaire. Lors de ce « cross-link », il a été montré que SHP1 se lie au motif ITIM de FcγRIIB125

. Néanmoins, l’inhibition de l’activation cellulaire dans ce contexte ne semble pas dépendre de SHP1 mais plutôt de la lipide phosphatase SHIP dont le rôle est de diminuer le taux de PI(3,4,5)P3 à la membrane126-128.

31

Figure 7 : Rôles et substrats de SHP1 dans les lymphocytes B (Source : Zhang, J, Immunology, 2000129) :

Un autre modulateur négatif du BCR est capable de lier physiquement et fonctionnellement SHP1130. Il s’agit du récepteur CD22 qui est connu pour réguler négativement la signalisation du BCR131. CD22 présente deux motifs ITIMs intracellulaires qui sont phosphorylés lors de la phase précoce d’activation du BCR et qui deviennent de ce fait capables de recruter SHP1132. Le mécanisme par lequel SHP1 va inhiber la signalisation du BCR dans ce contexte n’est pas parfaitement élucidé mais semble faire intervenir la tyrosine kinase Lyn, qui, en phosphorylant CD22, va permettre le recrutement de SHP1. La PTP est alors localisée à proximité du BCR afin de l’inhiber133, 134. Le récepteur CD19 joue également un rôle dans ce mécanisme en participant à l’activation de Lyn, initiant ainsi la voie inhibitrice CD22/SHP1135. Ainsi, il apparait que les propriétés phénotypiques et fonctionnelles des cellules B issues des souris déficientes en CD22, sont qualitativement proches de celles observées chez les souris déficientes en SHP1 ou en Lyn. Bien que Lyn ait des fonctions connues sur le BCR136 et dans le recrutement et l’activation de Syk137, la suppression de l’expression de Lyn engendre une augmentation plutôt qu’une diminution de l’activation des voies du BCR138. Lyn, CD22 et SHP1 interviennent donc dans une voie de

32 signalisation commune visant à inhiber la transduction des signaux d’activation du BCR139 (figure 7).

Suite à l’engagement du BCR, SHP1 est également capable de se lier aux motifs ITIMs du récepteur PIR-B (Paired Immunoglobulin-like Receptor B). Ce récepteur présente six domaines Ig-like dans sa partie extracellulaire et trois motifs ITIMs intracellulaires dont deux interagissent avec SHP1140. Comme CD22, PIR-B est phosphorylé par Lyn. Il a été montré que PIR-B est capable d’inhiber les évènements consécutifs à l’activation du BCR tels que la mobilisation de calcium intracellulaire, la phosphorylation des chaines Ig-α/β du BCR mais aussi des kinases Syk, Btk (Bruton tyrosine kinase) et de la PLCγ2141

. Tous ces effets sont annulés en présence d’une SHP1 catalytiquement inactive ou en présence de mutations sur les tyrosines de PIR-B nécessaires à sa liaison avec SHP1142 (figure 7).

Le CD72, autre co-récepteur du BCR est également capable d’interagir avec SHP1. Il est présent sous forme d’homodimères, exclusivement dans les cellules B. CD72 est phosphorylé suite à l’engagement du BCR et peut inhiber l’activation cellulaire en provoquant un arrêt de croissance et/ou une induction de l’apoptose143. Il contient deux motifs ITIMs capables de lier SHP1 par son domaine SH2 N-terminal144. Contrairement à CD22, il a été identifié comme étant également un substrat direct de SHP1145. Il a été observé, chez les souris déficientes en CD72, une réponse accrue aux stimuli mitogènes et un nombre réduit de cellules B matures146, comme cela a été relevé chez les souris déficientes en SHP1 et en CD22. Il semble donc que l’inhibition engendrée par le complexe SHP1/CD72 soit semblable à celle du complexe SHP1/CD22 (figure 7).

En plus de ces effets sur le BCR et ses corécepteurs, SHP1 est capable d’agir au niveau de nombreux effecteurs cytosoliques intervenant dans la signalisation du BCR. Le fait que le niveau de phosphorylation de nombreux effecteurs précoces de la signalisation du BCR soit significativement augmenté dans les cellules issues de souris motheaten par rapport aux cellules contrôles, indique que SHP1 régule l’activité de plusieurs membres des kinases de la famille Src. Il a ainsi été montré que Lyn est un substrat de SHP1 et que son activité est augmentée dans les cellules SHP1-/-147. Ainsi, par son domaine SH2 N-terminal, SHP1 s’associe à Lyn et la déphosphoryle sur son site d’autophosphorylation (Y397). Dans ces travaux, les auteurs ont également montré le rôle de SHP1 sur le co-modulateur positif du BCR qu’est CD19. En effet, SHP1 exerce un effet de régulateur négatif indirect sur CD19 en désactivant Lyn qui participe à la phosphorylation de CD19. Les travaux de Yoshida, K et

33 al.148 ont montré que Lyn est activée par le traitement des cellules avec des agents génotoxiques. En réponse au traitement, Lyn phosphoryle SHP1 sur la tyrosine 564 et participe ainsi à son activation. Par ailleurs, il a été montré que SHP1 pouvait désactiver Lyn, établissant ainsi une boucle de rétrocontrôle négatif. Dans ce contexte, l’apoptose cellulaire induite en partie par l’activation de Lyn, est atténuée par l’action de SHP1 sur Lyn. Il apparait que les rôles de Lyn et SHP1 sont intimement liés comme le montre l’observation de défauts similaires dans l’hématopoièse chez des souris déficientes en Lyn ou en SHP1149. Les relations étroites entre les Src kinases et SHP1 ont également été mises en évidence par les travaux de Carsten, F et al.81 Il y est montré d’une part que les Src kinases peuvent activer SHP1 en la phosphorylant sur tyrosine en C-terminal mais aussi que ces protéines partagent une spécificité de substrat puisque SHP1 déphosphoryle les substrats de Src. De plus, il semble que les substrats de Src n’interagissent que faiblement avec les domaines SH2 de SHP1 mais sont plutôt reconnus par le domaine catalytique de la PTP. L’action de SHP1 sur les Src kinases, n’est pas seulement inhibitrice comme cela a été montré pour Lyn. En effet, les travaux de Somani, K et al. ont montré que SHP1 participe à l’activation de Src en déphosphorylant la tyrosine inhibitrice en C-terminal (Y529)150.

Une autre PTK, la kinase Syk est également un substrat de SHP1, comme l’a montré l’étude dans laquelle l’expression d’une SHP1 inactive se traduit par une augmentation de la phosphorylation de Syk suite à l’engagement du BCR123, 141. Syk interagit via ses domaines SH2 avec les motifs ITAMs phosphorylés des chaines Ig-α/β et provoque l’activation d’effecteurs secondaires tels que Btk, PLCγ et PI3-K.

SHP1 est également capable de moduler la fonction de la protéine adaptatrice BLNK/SLP65 (B cell linker protein/SH2 domain leukocyte protein of 65 kDa)151, 152. Cette protéine est impliquée dans la signalisation du BCR. Elle se lie à la PLCγ, Grb2/Sos, Vav et Nck dans les cellules B activées. Elle est de plus structurellement et fonctionnellement similaire à la protéine SLP76 qui est également un substrat de SHP1 dans les lymphocytes T (voir chapitre suivant). L’association de SHP1 à BLNK/SLP65 lui permet de se positionner à un carrefour de la signalisation cellulaire du lymphocyte B afin d’y exercer son rôle de régulateur négatif sur une grande variété d’effecteurs de la signalisation du BCR.

En résumé, le rôle de SHP1 dans la signalisation du BCR intervient à différents niveaux, tant au niveau du récepteur à l’antigène et de ses corécepteurs qu’au niveau de PTKs et d’autres effecteurs cytosoliques.

34

II.4.1.2. Rôle de SHP1 dans les lymphocytes T :

De nombreuses données obtenues à partir de cellules issues des souris motheaten indiquent que SHP1 module la signalisation induite par le TCR. Les thymocytes de ces souris sont hypersensibles à la stimulation du TCR, suggérant que SHP1 joue un rôle majeur dans la régulation des signaux du TCR au cours de la maturation de ces cellules dans le thymus153, 154. Ce rôle de régulateur négatif passe essentiellement par une déphosphorylation de la kinase ZAP70155. La prolifération cellulaire et la production d’IL-2 sont très nettement augmentées dans les cellules me/me par rapport aux cellules T normales suite à l’engagement du TCR. Comme pour le BCR, la fonction de SHP1 sur la signalisation du TCR est réalisée à travers de nombreuses interactions protéiques. SHP1 se lie à la fois au TCR au repos et activé, et participe à la déphosphorylation de protéines associées telles que les chaines ζ et ε du CD3156, 157

. Contrairement au cas des lymphocytes B, la fonction de SHP1 sur les corécepteurs du TCR est moins évidente. SHP1 n’a, par exemple, pas d’influence sur la fonction d’un inhibiteur du TCR tel que CTLA4, ni sur le récepteur co-stimulateur CD28154.

Il a été montré que SHP1 est associée constitutivement à la protéine transmembranaire CD5 présente à la fois dans les cellules T et B158. CD5 est une protéine inhibitrice de la signalisation du TCR159. Un « cross-link » entre CD5 et le TCR provoque la diminution de phosphorylation sur tyrosine de nombreux effecteurs tels que CD3ζ, ZAP70 et la PLCγ. La stimulation du TCR provoque une augmentation de la phosphorylation du motif ITIM de CD5 et de l’association à SHP1158. Il semble donc que SHP1 participe à l’inhibition de la signalisation du TCR via CD5. Néanmoins, l’implication de SHP1 dans ce mécanisme est à ce jour mal définie. Il semble qu’il y ait un effet compensatoire entre SHP1 et CD5 afin de maintenir un niveau bas de phosphorylation du TCR puisque CD5 est surexprimé dans les cellules déficientes en SHP1.

Dans le lymphocyte T, SHP1 intervient également dans la régulation de membres des kinases de la famille Src comme Lck160 et Fyn153. Il a également été montré que SHP1 s’associe et déphosphoryle la protéine kinase ZAP-70155, 161. De plus, elle est capable de se lier et de déphosphoryler la sous-unité p85 de la lipide kinase PI3-K qui agit à la fois sur la prolifération, l’apoptose et la réorganisation du cytosquelette162. SHP1 participe également à la régulation de la signalisation du TCR via des interactions avec de nombreuses protéines telles que Vav, Grb2163 ou encore SLP76. La protéine Vav, qui est un facteur d’échange de