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Mécanismes mis en jeu dans la modulation de l’expression de SHP1 dans les tumeurs :

II. 4.2.1.5 SHP1 et Bcr-Abl :

II.4.2.2. Mécanismes mis en jeu dans la modulation de l’expression de SHP1 dans les tumeurs :

De nombreuses études ont montré que l’expression de SHP1 au niveau protéique ou ARNm pouvait être fortement diminuée voire totalement absente dans de nombreuses lignées cellulaires cancéreuses d’origine lymphoïde ou non231. De plus, il a été montré que la réexpression de SHP1 dans ces lignées cancéreuses provoquait une diminution de la prolifération cellulaire. Ces observations ont permis de définir SHP1 comme étant un suppresseur de tumeur.

La diminution de l’expression de la protéine SHP1 dans les lymphomes et leucémies peut être due à une diminution de l’expression de l’ARNm ou à des modifications affectant sa synthèse protéique ou sa dégradation. En effet, dans certaines lignées n’exprimant pas la protéine, l’ARNm de SHP1 a été détecté, indiquant donc que l’absence d’expression de la protéine peut également être due à des modifications post-transcriptionnelles. Cependant, dans d’autres lignées n’exprimant pas SHP1, l’ARNm n’a pas été détecté, résultant probablement de modifications au niveau génique telles que des mutations, des délétions ou encore des modifications dans la région promotrice. Afin de déterminer si un désordre génétique ou une modification étaient impliqués dans la décroissance de l’expression de SHP1, les régions codantes et les jonctions d’epissage ont été analysées dans différentes lignées cellulaires de lymphome T. Aucune délétion ou mutation ponctuelle n’a été détectée dans ces lignées232. De plus, l’intégrité du gène de SHP1 a été confirmée par l’induction de l’expression de la protéine par le TPA, le DMSO (diméthylsulfoxide) et/ou l’ATRA (all-trans retinoic acid)229, 233. En effet, certaines lignées ont montré une réponse à de tels traitements au niveau de la réexpression ou surexpression de la protéine. D’autres par contre n’y sont pas sensibles, à l’inverse des cellules normales (PBMC) qui montrent une surexpression transitoire de SHP1 en réponse au traitement par le TPA232. Toutefois, dans la plupart des cas,

45 l’absence d’ARNm de SHP1 est due au processus de « gene silencing » résultant de la méthylation du résidu cytosine dans les îlots CpG localisés à l’extrémité 5’ du gène PTPN6. En effet, la région promotrice du gène de SHP1 dans les cellules malignes T est résistante à la digestion par différentes enzymes de restriction sensibles à la méthylation. De plus, le traitement de ces cellules avec l’agent déméthylant : 5-azadesoxycytidine permet de rendre la région sensible à la digestion et d’induire une augmentation de l’expression de l’ARNm de SHP1232. Un niveau d’expression diminué ou nul de SHP1 peut donc être causé par une méthylation de son promoteur30, 32, 232. Les travaux de Zhang, Q et al.234 ont mis en évidence un complexe protéique responsable de l’absence d’expression de SHP1 dans les lymphocytes T malins. Ce complexe protéique se lie au promoteur de SHP1 et est constitué de la DNA methyltransferase 1 (DNMT1), de STAT3 activé et de l’histone deacetylase 1 (HDCA1). De façon intéressante, des traitements avec un oligonucléotide anti-sens de DNMT1 ou un siRNA ciblant STAT3 ont provoqué la déméthylation du promoteur et la réexpression de SHP1. Dans une autre étude, les auteurs ont montré que la perte d’expression de SHP1 est corrélée au stade d’avancement de lymphomes T cutanés (CTCL)235.

Nous allons décrire ci-dessous, quelques exemples de diminution d’expression de SHP1 dans les cancers hématopoïétiques.

Il a été montré que le niveau d’expression de SHP1 est dramatiquement diminué dans de nombreux cas de lymphomes de Burkitt. Les lymphomes de Burkitt sont des lymphomes non Hodgkiniens parfois associés à une infection EBV (Epstein Barr Virus). Une étude a montré que dans 13 lignées de lymphomes de Burkitt négatives pour l’EBV et 11 lignées positives pour l’EBV, le niveau d’expression de SHP1 est diminué de l’ordre de 95%236.

De nombreuses études épidémiologiques et cliniques ont établi une relation entre le virus lymphotropique de type I des cellules T (HTLV-I) et les lymphomes T incluant les lymphomes/leucémies T de l’adulte (ATLL) et les lymphomes T cutanés (CTCL)237. Sur 14 lignées de lymphomes T positifs pour HTLV-I, 10 ont montré une expression de SHP1 diminuée voir nulle tandis que 3 ont conservé un taux normal de SHP130, 172, 238. Il a été montré que ces 3 lignées expriment la cytokine IL-5 qui active constitutivement la voie JAK/STAT et contrecarre ainsi la régulation négative de SHP1. Le profil d’expression de SHP1 dans les lymphomes T est le même quelque soit de statut en HTLV-I. En comparaison aux lymphocytes B et T normaux, 12 lignées cellulaires incluant des lymphomes Hodgkiniens, des lymphomes agressifs non Hodgkiniens de type T et des lymphomes NK/T,

46 ont montré un taux de SHP1 fortement diminué voire nul. En contrepartie, 2 lignées ont montré une expression normale de SHP130, 238. De plus, la perte d’expression de SHP1 pourrait être progressive et dépendante du stade d’avancement de la maladie.

Des travaux font état de dérégulations de la voie Jak/STAT résultant de méthylations aberrantes de SHP1 dans des cas de leucémies aigues239, de lymphomes du manteau et de lymphomes folliculaires240 et de myélomes multiples241.

Le niveau d’expression de SHP1 a également été trouvé dramatiquement diminué dans les lymphocytes T périphériques de patients atteints de syndrome de Sezary ainsi que dans la lignée cellulaire HUT-78 dérivée d’un cas de cette pathologie. Dans cette lignée, Jak3 a été trouvé hyperphosphorylée en l’absence de SHP1, indiquant le rôle de régulateur négatif joué par la PTP sur la voie Jak/STAT242. Wu, C et al.243 ont étudié les fonctions de suppresseur de tumeur de SHP1 et ont mis à jour un nouveau mécanisme de SHP1 dans la régulation de la voie Jak/STAT. En effet, la réexpression de SHP1 dans trois lignées de lymphomes ou leucémies ainsi que dans une lignée de cancer du sein a permis d’inhiber leur croissance en partie en agissant sur la voie Jak/STAT. De plus, les auteurs ont montré que SHP1 régule négativement les kinases Tyk2 et Jak1 en accélérant leur dégradation par le protéasome. La réexpression de SHP1 se traduit par une diminution de phosphorylation de Jak3 et STAT3. Des travaux concernant la régulation de la voie Jak/STAT par SHP1 ont été réalisés dans des lignées de lymphomes anaplasiques à grandes cellules (LAGC) et seront décrits dans le chapitre suivant.

Le niveau d’expression de SHP1 a été également trouvé diminué voire nul dans différentes lignées cellulaires leucémiques (SKW3, K562)229. Cependant, SHP1 est exprimée à un niveau normal dans certaines lignées (KG1, JURKAT)30. L’expression de SHP1 apparait donc comme étant assez diversifiée dans les différentes lignées cellulaires leucémiques. Ces différences au niveau de l’expression sont toutefois corrélées, en général, à la progression et à l’agressivité de la leucémie. En effet, des expériences ont été menées afin de savoir si les modifications du niveau d’expression de SHP1 observées dans de nombreuses lignées cellulaires se retrouvent au niveau d’échantillons de patients atteints de lymphomes et de leucémies et si ce niveau d’expression est modifié durant la progression tumorale ou l’invasion. Une étude basée sur l’analyse par « cDNA expression array » ou « tissue microarray » de 207 échantillons de patients atteints de différents lymphomes et leucémies a montré que 100% des lymphomes NK/T et plus de 95% de différents types de lymphomes

47 étaient négatifs pour SHP1. Il a également été montré que 60% des lymphomes malins de bas grade étaient négatifs pour l’expression de SHP130. Une autre étude a mis en évidence une expression quasi nulle (29 cas/30) de SHP1 dans les cellules lymphomateuses des centres folliculaires244. Ces résultats sont donc cohérents avec ceux trouvés dans les lignées cellulaires. Néanmoins, comme c’est le cas dans certaines lignées, quelques échantillons se sont révélés positifs pour SHP1. C’est par exemple le cas de lymphomes du manteau (12/12), de lymphomes lymphocytiques de la zone marginale (10/10), de leucémies lymphoïdes chroniques, de « small lymphocytic lymphomas » (13/13) et de 4 cas de lymphomes malins de type B à petites cellules244. L’analyse de l’expression de SHP1 sur des cas de patients atteints de syndrome myélodysplasique à différents stades, a permis de définir SHP1 comme étant un facteur pronostic de ces pathologies. En effet, il a été montré que la perte d’expression de SHP1 est associée à une progression rapide de la maldie et une survie diminuée245.

En résumé, l’expression de SHP1 est fortement diminuée dans de nombreux lymphomes et leucémies. Ces données sont en accord avec le rôle crucial de SHP1 comme régulateur négatif des signaux de prolifération dans les cellules normales. Elles mettent également en évidence le rôle de SHP1 dans la pathogenèse d’un large spectre de lymphomes et leucémies.