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III. Les Lymphomes Anaplasiques à Grandes Cellules (LAGC) :

III.5. Les différents variants moléculaires impliquant ALK (tableau 3):

III.5.1. NPM-ALK, translocation (2 ;5)(p23 ;q35) :

Dans 70 à 80% des cas, les LAGC ALK positifs sont associés à la translocation chromosomique réciproque (2 ;5)(p23 ;q35). Le clonage des points de cassure sur chaque chromosome a ensuite permis d’identifier les partenaires impliqués : ALK sur le chromosome 2 et NPM sur le chromosome 5262, 293.

Le gène NPM situé sur le chromosome 5 en q35 code une protéine ubiquitaire : la nucléophosmine. Elle est constituée d’un domaine d’oligomérisation en N-terminal et de deux signaux de localisation nucléaire en C-terminal qui lui permettent de former des homohexamères et de se localiser au noyau et plus particulièrement au niveau du nucléole. NPM est une protéine navette impliquée dans le transport des protéines pré-ribosomales entre le noyau et le cytosplasme. Elle participe donc à l’assemblage des ribosomes mais possède également d’autres fonctions connues. Elle est aussi une protéine chaperonne qui empêche l’agrégation des protéines dans le nucléole. De plus, NPM est phosphorylée par le complexe Cdk2/CyclinE et joue un rôle essentiel dans le contrôle de la duplication du centrosome lors de la mitose294. Enfin, elle régule la stabilité et l’activité transcriptionnelle du suppresseur de tumeur p53295. En effet, en se liant à HDM2, elle empêche la liaison de HDM2 à p53 et la dégradation de p53 qui en découle296. Le gène NPM est également impliqué dans de nombreux cancers dans lesquels il peut être surexprimé, délété, muté ou réarrangé. Ainsi, on lui confère des propriétés oncogéniques ou de suppresseur de tumeur suivant le contexte297. Elle est ainsi impliquée dans plusieurs pathologies hématopoïétiques mettant en jeu des translocations chromosomiques. Par exemple, dans les leucémies aiguës promyélocytaires, la translocation (5 ;17) juxtapose NPM à RARα (retinoic acid receptor α)298

et dans les LAM et syndromes myélodysplasiques, NPM est associée à MLF-1 (myeloid leukemia factor-1) en conséquence de la translocation (3 ;5)299.

56 Le gène ALK situé sur le chromosome 2 en p23, code un récepteur transmembranaire à activité tyrosine kinase appartenant à la superfamille du récepteur à l’insuline. ALK est constitué d’un large domaine extracellulaire, d’un domaine transmembranaire hydrophobe et d’un domaine intracellulaire portant le domaine à activité tyrosine kinase. Le récepteur ALK présente une forte homologie de séquence, notamment au niveau du domaine catalytique, avec le récepteur LTK (leucocyte tyrosine kinase)300. Le récepteur ALK pleine taille est quasi exclusivement exprimé au niveau du système nerveux central301, 302 et principalement au stade embryonnaire. Deux ligands de ALK ont été identifiés : la pléiotrophine (PTN)303 et la midkine (MK)304, qui sont toutes deux des cytokines sécrétées par les cellules neuronales et gliales principalement au cours de l’embryogenèse. Il a été démontré dans notre équipe que le récepteur ALK pleine taille fait partie de la famille des récepteurs à dépendance. En effet, il présente une activité pro-apoptotique en l’absence de ligand et une activité anti-apoptotique en présence de son ligand305. Enfin, aucun phénotype particulier n’a été observé dans les souris déficientes en ALK.

La translocation (2 ;5)(p23 ;q35) place le gène ALK tronqué sous le contrôle du promoteur fort de NPM afin d’aboutir à l’expression constitutive et ectopique d’un transcrit chimère NPM-ALK dans les cellules lymphoïdes. Le transcrit réciproque n’est pas retrouvé car le promoteur du gène ALK n’est pas actif dans les cellules lymphoïdes. Le transcrit NPM- ALK fait 2.4 kb et code une protéine de 80kDa. L’extrémité N-terminale de la protéine chimère est composée des 117 premiers acides aminés de NPM contenant le domaine d’oligomérisation mais ayant perdus les séquences de localisation nucléaire. L’extrémité C- terminale est constituée de 563 acides aminés de ALK contenant le domaine tyrosine kinase de ALK. Le domaine d’oligomérisation de NPM permet aux protéines NPM-ALK de former des homodimères306. La formation d’homodimères mime la fixation du ligand et le rapprochement des domaines kinase de ALK permet de les activer par trans- et auto- phosphorylation. Les kinases ainsi activées vont recruter de nombreux effecteurs et permettre la transformation cellulaire. Les protéines NPM-ALK peuvent également former des hétérodimères NPM-ALK/NPM avec des protéines NPM sauvages et être localisées au noyau et au nucléole grâce aux signaux de localisation nucléaire de NPM sauvage. En effet, les travaux de Bischof et al.306 ont permis de montrer une association entre NPM-ALK et NPM par l’utilisation d’un anticorps reconnaissant la partie C-terminale de NPM (exclue de la protéine chimère). Les homodimères NPM-ALK/NPM-ALK sont localisés uniquement au niveau cytoplasmique et peuvent avoir une localisation proche de la membrane plasmique du

57 fait de leur association avec le récepteur CD30. La localisation de NPM-ALK détectée en immunohistochimie à l’aide d’un anticorps dirigé contre la partie C-terminale de ALK, est cytoplasmique, nucléaire et nucléolaire.

La détection de la translocation (2 ;5) sur le plan moléculaire peut se faire par la mise en évidence des ARNm hybrides par RT-PCR262, 307, 308. L’utilisation des amorces 5’NPM et 3’ALK permet la détection de l’ARNm hybride des cas proteurs de la t(2 ;5). Cependant, une RT-PCR semi-nichée (amorce 3’ALK et oligonucléotide de la jonction NPM-ALK) permet une détection plus sensible du transcrit308.

La translocation (2 ;5) peut également être mise en évidence par une technique de FISH (fluorescent in situ hybridation) à deux couleurs309. Cette technique permet de visualiser à l’aide de sondes ADN spécifiques des régions 5’ de NPM et 3’ de ALK, le réarrangement des gènes ALK et NPM sur des noyaux en interphase.

Enfin, comme cela a été abordé précédemment, la détection de la protéine NPM-ALK peut se faire en immunohistochimie à l’aide de d’anticorps monoclonaux dirigés contre la partie C-terminale de ALK. Deux anticorps monoclonaux sont couramment utilisés pour le diagnostic des LAGC : l’anticorps monoclonal ALK1, produit par l’équipe de Mason, D302 et l’anticorps monoclonal ALKc produit par l’équipe de Falini, B267. La protéine ALK étant totalement exclue des tissus lymphoïdes normaux, ces anticorps représentent donc des outils précieux pour le diagnostic des LAGC mais aussi pour la détection de la maladie résiduelle.

L'analyse immunohistochimique de nombreux cas de LAGC avec les anticorps dirigés contre ALK a permis de mettre en évidence des différences dans la localisation intracellulaire de la protéine282. En effet, dans environ 20% des cas de LAGC ALK positifs, on ne retrouve pas le marquage caractéristique de NPM-ALK (cytoplasmique, nucléaire et nucléolaire). Ces différences dans la localisation intracellulaire de ALK, la mise en évidence cytogénétique de translocations impliquant la région chromosomique 2p23310, 311 ainsi que la détection par western blot de protéines de poids moléculaires différents de celui de NPM-ALK, ont conduit à rechercher d’autres partenaires de fusion de ALK. Ainsi, à ce jour, huit autres translocations chromosomiques impliquant ALK ont été mises en évidence dans les LAGC.

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III.5.2. TPM3-ALK, translocation (1 ;2)(q25 ;p23) :

La translocation t(1 ;2)(q25 ;p23) a été identifiée et clonée dans notre laboratoire par Lamant, L312. Elle juxtapose le gène ALK à celui de TPM3 (tropomyosine non musculaire 3). Elle est la translocation la plus fréquente après la (2 ;5) puisqu’on la retrouve dans 10% des cas de LAGC. Néanmoins, elle est également retrouvée dans les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires. La protéine chimère TPM3-ALK est exclusivement localisée dans le cytoplasme et le marquage montre un renforcement membranaire. De façon similaire à NPM- ALK, les protéines TPM3-ALK forment des homodimères qui permettent l’activation constitutive du domaine kinase de ALK.

III.5.3. TPM4-ALK, translocation (2 ;19)(p23 ;p13.1) :

TPM4-ALK est le produit de la translocation t(2 ;19)(p23 ;p13.1)313, 314. TPM4 est un homologue de TPM3 situé sur le bras court du chromosome 19. Comme TPM3-ALK, la protéine chimère TPM4-ALK forme des homodimères et hétérodimères et possède une localisation exclusivement cytoplasmique.

III.5.4. TFG-ALK, translocation (2 ;3)(p23 ;q21) :

Dans les travaux de Hernandez, L et al.315, 316, sont décrits trois variants impliquant les gènes TFG (TRK-fused gene) et ALK. En effet, selon la position du point de cassure dans le gène TFG, trois variants de tailles différentes peuvent être générés : TFG-ALKs (short), TFG- ALKL (long) et TFG-ALKXL (extra long). Le marquage immunohistochimique de ces

protéines avec l’anticorps ALK1 montre une localisation cytoplasmique.

Les trois partenaires de ALK : TPM3, TPM4 et TFG conservent en 5’ un domaine d’oligomérisation en hélice super-enroulée (coiled-coil) qui permet leur dimérisation.

III.5.5. ATIC-ALK, inv(2)(p23 ;q35) :

Les travaux de Wlodarska, I et al.311 ont permis d’identifier une inversion cryptique au niveau du chromosome 2 sur lequel sont présents les gènes ALK et ATIC317. Le gène ATIC code la protéine 5' aminoimidazole-4-carboxamide ribonucleotide formyltranferase/IMP cyclohydrolase impliquée dans la synthèse des purines. Le domaine de dimérisation de ATIC est conservé dans la protéine chimère et permet la formation de dimères qui mène à