• Aucun résultat trouvé

III. Les Lymphomes Anaplasiques à Grandes Cellules (LAGC) :

III.9 La signalisation de NPM-ALK :

III.9.1. NPM-ALK et prolifération :

C’est à la fin des années 90’s qu’a été mis en évidence le caractère oncogénique de NPM-ALK. La caractérisation de ce potentiel oncogénique passe par la mise en évidence de la faculté des cellules à proliférer en l’absence de facteurs de croissance, à croitre en agar mou et à proliférer sans inhibition de contact. Ainsi, des fibroblastes de rat transfectés avec NPM- ALK ont montré une plus grande prolifération, une augmentation de l’entrée en phase S du cycle cellulaire s’accompagnant de la surexpression des cyclines A et D1 ainsi que des protéines impliquées dans la prolifération telles que Fos, Jun et Myc355. Il a par la suite été montré que l’expression de Myc est bien corrélée à celle de NPM-ALK356 bien que son rôle précis n’ait jamais été étudié dans les LAGC. L’implication de NPM-ALK sur la prolifération cellulaire est principalement attribué à la voie Ras-Erk (figure 9).

NPM-ALK constitutivement activée et phosphorylée sur de nombreux résidus tyrosines s’associe à des effecteurs intracellulaires possédant des domaines SH2 ou d’autres domaines de liaison aux phosphotyrosines de l’oncogène. Ainsi, des protéines impliquées dans la régulation de la prolifération induite par les RTK comme Shc (SH2 domain- containing transforming protein), IRS-1 (insulin receptor substrate-1) et Grb2 (growth factor

68 receptor-bound protein-2), forment un complexe avec NPM-ALK. Shc et IRS1 se lient directement à l’oncogène mais ne semblent pas avoir de rôle majeur dans la lymphomagenèse comme le montrent des expériences menées avec un mutant de NPM-ALK incapable de lier les deux protéines mais gardant ses propriétés transformantes sur des fibroblastes NIH3T3357.

Plus récemment, le rôle de la tyrosine phosphatase SHP2 dans la prolifération induite par NPM-ALK a été mis en évidence (figure 9). Il a été montré que NPM-ALK est associé à SHP2 et la phosphoryle sur tyrosine en position Y542 et Y580. En l’absence de NPM-ALK (shRNA), SHP2 n’est pas phosphorylée en C-terminal. SHP2 et NPM-ALK se trouvent dans un complexe avec Gab-2 et Grb2 où Grb2 est associée à SHP2 par son domaine SH2. C’est la liaison de SHP2 au complexe Grb2/SOS qui va permettre l’activation de la voie Ras-Erk. Il a également été montré dans le même article, que l’extinction de SHP2 par shRNA réduit de façon significative la phosphorylation de Erk1 et Erk2 et de la Y416 présente dans la boucle d’activation de Src. Cela a pour conséquence une diminution de la prolifération et de la migration cellulaire. Ce travail met donc en évidence le rôle de régulateur positif de la phosphatase SHP-2 sur les voies de proliférations induites par NPM-ALK358.

Contrairement au rôle de régulateur positif de SHP2 dans les LAGCs, SHP1 exerce un rôle négatif et son absence se traduit par une croissance cellulaire anarchique préférentiellement médiée par l’activation de la voie Jak3/STAT3. Ainsi, les travaux de Han, Y et al.359 ont montré que la restauration de l’expression de SHP1 par l’agent déméthylant 5- aza-2’-deoxycytidine provoque une déphosphorylation de Jak3 et STAT3 mais aussi une dégradation de Jak3 par le protéasome. Néanmoins, la restauration de l’expression de SHP1 n’a pas provoqué d’augmentation significative de l’apoptose mais a rendu les cellules plus sensibles à l’apoptose induite par la doxorubicine. La perte d’expression de SHP1 dans les LAGC permettrait donc une activation constitutive de la voie Jak3/STAT3. La même équipe a montré que la réexpression de SHP1 par transfection dans des lignées de LAGC, provoque non seulement une diminution de phosphorylation de Jak3 et STAT3 mais aussi une diminution de l’expression des cibles de STAT3 que sont la cyclin D3 et les protéines anti- apoptotiques mcl-1 (myeloid cell leukemia-1) et Bcl-2. Ils ont également confirmé que cette réexpression de la phosphatase SHP1 se traduit par une diminution du niveau d’expression des protéines Jak3 et NPM-ALK. Ce phénomène peut être bloqué par le traitement des cellules au MG-132, un inhibiteur du protéasome. SHP1 induit donc la dégradation de Jak3 et NPM-ALK par le protéasome. Des expériences de coimmunoprécipitations ont montré que Jak3, SHP1 et NPM-ALK formaient un complexe protéique. Ils ont aussi montré que la

69 réexpression de SHP1 ne provoque pas d’apoptose mais a plutôt un effet cytostatique avec un arrêt des cellules en G1360. La perte d’expression de SHP1 participe donc à la pathogénèse des LAGC ALK positifs.

L’implication de pp60Src dans la prolifération de lignées dérivées de LAGC a été mise en évidence par les travaux de Cussac et al.361 dans lesquels l’extinction de cette PTK par siRNA provoque une nette diminution de la croissance cellulaire. Il a été montré que les deux protéines sont associées par la tyrosine Y418 de NPM-ALK et qu’elles s’activent chacune réciproquement. Cette association est indispensable aux propriétés mitogéniques puisque une mutation de la Y418 de NPM-ALK empêche la liaison à pp60Src et réduit nettement l’indice de prolifération. NPM-ALK est donc un substrat de Src. De plus, il a été montré que la α- DGK (α-diacylglycerol kinase), un substrat de Src, joue un rôle critique pour véhiculer les propriétés mitogéniques de NPM-ALK. Elle est en effet constitutivement active dans les lignées de LAGC exprimant NPM-ALK et se trouve dans un complexe avec pp60-Src et NPM-ALK. L’inhibition de la α-DGK par un inhibiteur ou par siRNA se traduit par une prolifération cellulaire réduite362.

Dans les travaux de Leventaki et al.363, il a été montré que NPM-ALK phosphoryle JNK (Jun N-terminal kinase) qui va alors phosphoryler Jun afin d’augmenter le niveau d’activation du facteur de transcription AP1 (figure 9). L’inhibition de JNK provoque une diminution de la phosphorylation de Jun, de la liaison de AP1 à l’ADN et de la prolifération cellulaire avec un arrêt du cycle en G2/M. La progression dans le cycle perturbée et la croissance cellulaire incontrôlée sont le fait de l’inhibition de p21 et de la surexpression des cyclines D3 et A. Il semble donc que la phosphorylation et l’activation de JNK et Jun par NPM-ALK contribuent à promouvoir la croissance cellulaire et l’oncogenèse des LAGC.

L’activation de la PLCγ-1 contribue également à la transformation cellulaire due à NPM-ALK (figure 9). La PLCγ-1 est capable de se lier directement à NPM-ALK afin d’être phosphorylée et activée comme le témoigne le taux élevé d’inositol phosphate retrouvé dans les cellules exprimant NPM-ALK. Cette interaction se fait entre les domaines SH2 de la PLCγ-1 et la Y664 de NPM-ALK. Des cellules lymphoïdes murines Ba/F3 et des fibroblastes de rat (Rat1a) transfectés par un mutant de NPM-ALK ne pouvant être phosphorylé sur la Y664, ne sont pas transformés par l’oncogène qui ne peut pas lier la PLCγ-1. Une surexpression de la PLCγ-1 peut alors restaurer partiellement le niveau de prolifération

70 qu’aurait induit NPM-ALK non muté sur la Y664. Il apparait donc que la PLCγ-1 est un effecteur majeur de la signalisation de NPM-ALK364.

Figure 9 : NPM-ALK et la voie Ras-Erk (Source : Chiarle, R, Nat Rev Cancer, 2008291).

En 2003, Ouyang. T et al.365 ont mis en évidence un nouvel effecteur de NPM-ALK. Il s’agit de la protéine NIPA (nuclear interacting partner of ALK) qui fut dans un premier temps identifiée comme jouant un rôle anti-apoptotique. En effet, la surexpression de NIPA dans des cellules Ba/F3 permet de les protéger de l’apoptose induite par la privation en IL3. Dans les cellules exprimant NPM-ALK, NIPA est phosphorylée sur tyrosine et serine avec un site majeur de phosphorylation sur la S354. Des mutations situées dans la séquence de localisation nucléaire de NIPA ou sur la S354 lui ôtent son activité anti-apoptotique. De plus, dans les cellules Ba/F3 exprimant NPM-ALK, l’apoptose induite par un traitement à la wortmannin, un inhibiteur de la PI3-K est accentuée par la surexpression d’un dominant négatif de NIPA. Depuis lors, le rôle de NIPA a été plus profondément étudié et l’article de Bassermann et al.366, a montré qu’elle est une protéine F-box impliquée dans la régulation de l’entrée en mitose et dans la dégradation de la cyclin B1 par le protéasome. En effet, elle fait partie du complexe SCF (Skp1 Cullin F-box protein complex) qui possède une activité E3-ligase et contrôle le cycle cellulaire en permettant la protéolyse de protéines régulant le cycle. Dans ce complexe, la protéine F-box détermine la spécificité de substrat. L’assemblage du complexe SCFNIPA dépend de la phosphorylation de NIPA afin de restreindre son activité à l’interphase. Pendant l’interphase, le complexe SCFNIPA est responsable de la dégradation de la cyclin B1. En fin de phase G2 et pendant la mitose, la phosphorylation de NIPA inactive le complexe et autorise l’accumulation de cyclin B1. Deux nouveaux sites de phosphorylation sur serine : S359 et S395 ont été mis en évidence par les travaux de Bassermann, F et al.367.

71