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Une perte de confiance dans la relation entre les CPP et les chercheurs

Les entretiens ont révélé qu’il existait réciproquement une méfiance entre les membres du CPP et les chercheurs. Même si les entretiens ont été réalisés auprès de membres de CPP, trois entretiens sur neuf impliquaient des médecins et pharmaciens, eux-mêmes chercheurs. Ainsi, ils estimaient pouvoir parler en leur nom. Par exemple, l’un d’entre eux expliquait que « Quand on est investigateur on voit les difficultés, déjà pour monter un essai, alors quand on a des difficultés en plus sur des vétos qu’on ne comprend pas, comme les CPP, on se dit qu’on a des malades qui auraient pu en profiter ».

Selon ces derniers, cette méfiance vis-à-vis d’eux-mêmes de la part des CPP existait du fait d’abus. Selon des dires « Certes il y a eu, il y a et il y aura toujours des abus. Mais voir toujours le côté négatif parce que c’est ce qui fait scandale… Je veux dire il y a des chercheurs honnêtes vous savez ? Quelle intention on leur fait porter ? ».

La majorité des membres disaient que leur « CPP est très positif vis-à-vis de la recherche (…) On n’essaie pas d’arrêter la recherche pour des broutilles sans importance. S’il y a des objections on va juger si vraiment ça vaut le coup ! Surtout lorsque c’est sur des cancers… Donc surtout, le but : ne pas ralentir la recherche ». Alors que d’autres membres expliquaient « Hélas, on tente quand même de museler les chercheurs et ça, de plus en plus. Ça devient une régulation administrative, ce qui reste pas acceptable non plus ».

À l’unanimité, les membres expliquaient que le but n’était donc pas d’entraver la recherche mais de « rappeler que la personne a un intérêt toujours supérieur à la recherche » et que « les progrès doivent être toujours accompagnés d’une prise de conscience de ces progrès ». Certains membres avaient le sentiment que les chercheurs n’écoutaient pas les remarques des CPP. Par exemple, un membre exprimait que « Si le monde de la recherche écoutait les CPP, ça se saurait ». Alors que d’autres, voyaient une évolution dans la considération des remarques du CPP. Par exemple, « J’ai vu de la part des protocoles de recherches présentés par des labos un progrès dans la qualité du document d’information du patient qui convient d’attester. Non, ils prennent vraiment en compte nos remarques ».

Une rôle d’accompagnement des chercheurs

Comme dit précédemment, les membres du CPP disaient être favorables à la recherche mais expliquaient que le CPP avait un rôle dans l’amélioration des protocoles de recherche, voire d’éducation auprès des chercheurs.

Selon l’ensemble des membres interrogés, les recherches présentaient une nette amélioration après le passage dans un CPP qu'avant. Cette amélioration concernait de multiples domaines à la fois sur le plan scientifique, législatif, mais surtout concernant les notes d’information. Selon eux ces améliorations n’étaient pas quelque chose qu’ils imposaient aux chercheurs mais qu’ils proposaient à ces derniers.

Ils expliquaient que leur rôle se situait dans leur remarque qui devait s’inscrire dans une visée pédagogique auprès des chercheurs. Selon des dires, « On s’inscrivait dans une collégialité pédagogique et non pas dans une collégialité de rupture, de condamnation (…) si on disait non, et c’est très rare, on était plus explicatif sur les raisons. On envoie toujours des questions et des commentaires pour améliorer. C’est-à-dire qu’on va leur expliquer que le protocole ne va pas mais on émet des suggestions. Pour qu’ils progressent ».

Selon certains, « L’idée c’est de les aider parce que l’idée peut être bonne et c’est utile pour la recherche » et cette aide passait par un rôle-conseil auprès d’eux. Certains membres estimaient qu’ils conseillaient déjà les chercheurs pour améliorer la recherche ; alors que d’autres estimaient que le rôle-conseil n’était pas compatible avec le CPP. Par exemple selon des dires, « En général à la CNIL on est amené à conseiller les responsables de traitement, les chercheurs qui demandent des conseils. En tant que membre d’un CPP, c’est délicat et je ne voulais pas me tracasser avec ça donc je ne l’ai pas fait ».

Guider les chercheurs pour protéger les participants

Cette guidance des chercheurs était selon les membres un moyen « pour que le CPP assure pleinement sa mission de protection des personnes ». Des personnes expliquaient que « la protection des personnes passent avant tout par une guidance auprès des chercheurs. Elle guide la recherche dans un but louable ». Cette assistance était réalisée afin de faire « en sorte que se fasse la recherche sans oublier ce que ça implique et qui prend des risques pour que cette recherche ait lieu ».

Ainsi, selon les membres cette aide résultait « de la compréhension mutuelle des enjeux, de la construction mutuelle d’éléments de sécurité pour les patients, dans des arguments éthiques et dans le respect des chercheurs ».

Selon une personne, cette assistance auprès des chercheurs visait la protection des personnes mais selon elle, les chercheurs étaient impliqués dans la notion de personne. Autrement dit, cette assistance visait la protection des chercheurs et plus largement, une protection de la recherche. Cette personne illustrait son propos en expliquant que cette notion de protection dépassait largement la notion de personne comme on pourrait l’entendre : ce serait à la fois protéger la recherche, mais aussi l’économie, etc.

Selon lui, le CPP avait « un profond respect pour la recherche » et ce profond respect de la recherche s’accompagnait d’un souci de « l’intégrité scientifique ». Toujours selon ces propos, « L’intégrité scientifique est noble et doit être défendue. Et ça reste compatible avec une fonction de CPP » car « le CPP peut chercher là où la recherche peut être dévoyée. En défendant la recherche, on défend les personnes ».

Aussi, d’un point de vue plus économique, il exprimait que les recherches, qui n’étaient pas conçues de manière adéquate, entrainaient un coût pour la société et finalement des pertes qui pourraient être évitées. Selon lui, « De faire péricliter des financements de recherche parce que tous ceux qui s’égarent avec des projets (…), là aussi c’est de l’argent public de dépenser. Là on a quand même un levier, on a un levier pour dire “c’est de l’argent public là avec lequel vous déconnez“ ».