• Aucun résultat trouvé

Un rôle fondé sur l’irrationalité ?

Agir de manière rationnelle peut se définir comme étant « conforme à la raison, à la logique, au bon sens » (1). « Rationnel » peut être rattaché au qualificatif « Logique ». Selon PARETO, est logique une action utilisant des moyens appropriés selon une fin (146). Toutefois, la fin semble largement indéterminée du fait d’un ensemble de facteurs lié à la fois aux membres et à leur CPP.

« Avoir l’intention de » peut signifier « Avoir l'idée, la volonté de faire quelque chose, mais sans que la réalisation en soit assurée » (1). Entre la volonté d’atteindre et atteindre réellement, la visée et la fin, il existe une frontière. Edgar MORIN explique « que toute action quelque soit sa nature, échappe de plus en plus à la volonté de son auteur à mesure qu’elle entre dans le jeu des inter-rétro-actions du milieu où elle intervient. Les effets de l’action dépendent non seulement des intentions de l’acteur, mais aussi des conditions propres au milieu où elle se déroule. Ainsi l’action risque non seulement l’échec, mais aussi le détournement ou la perversion de son sens » (147). En effet, si l’intention du CPP vise la protection des personnes ou même une réflexion éthique, rien n’en garantit le résultat « éthique » ou la protection des personnes. D’après un personnes interrogée, l’action du CPP demeure irrationnelle à ce niveau car « si on ne voulait prendre aucun risque, on ne le ferait pas ».

Malgré ses implications morales évidentes, la discussion ne peut seulement porter au niveau des finalités. Ce n’est pas uniquement une question de finalité de l’action ou de motivation des membres. Les intentions, les motivations, les visées ne sont pas une garantie de la réussite de l’action (112). Les membres agissent rationnellement dans un cadre de construits qui, eux, sont arbitraires. Les actions irrationnelles tiennent leurs origines de l’organisation du comité de protection des personnes. Les membres sont dépendants des moyens qu’ils ont créés pour « vivre ensemble » (116) et qui circonscrivent leurs capacités de se définir de nouvelles finalités (112).

Les contraintes d’un CPP, ou les problèmes d’organisation, ne sont pas nécessairement le résultat du développement des interactions humaines, c’est-à-dire d’une « dynamique spontanée » qui porte les personnes, considérées comme des « êtres sociaux », à s’unir (112). Ces problèmes ne sont pas davantage la conséquence logique et déterminée de l’organisation du CPP. Dès lors, il n’existe pas de one best way, de solution universelle, ou de déterminisme (112). Ils résultent de la tentative d’une coopération dans des objectifs communs malgré des membres ayant des motivations et objectifs divergents (112). Ces tentatives aboutissent à des solutions qui ne représentent jamais les seules possibilités ou les meilleures dans un contexte donné. Ainsi, les solutions et les décisions sont

Finalement, le CPP vise-t-il une recherche éthique ou une éthique de la recherche ? Le rapport de l’Inspection Générale des Affaires de Santé (IGAS) sur l’évolution des comités de protection des personnes, identifiait les comités de protection des personnes comme étant « les comités d’éthique de la recherche en France » (81). Si tel est le cas, en quoi le CPP est-il un comité d’éthique de la recherche en France ?

Conclusion

L’émergence des principes internationaux, concernant l’éthique de la recherche, impose de passer par un Comité pluridisciplinaire indépendant pour évaluer les protocoles de recherches impliquant la personne humaine. En France, le respect de ces principes internationaux dépend, en partie, des « Comités de Protection des Personnes » (CPP). Toutefois, si ces principes souhaitent l’indépendance des CPP, l’exercice d’une tutelle de l’État envers ces derniers semble compromettre leur indépendance. Le risque réside dans un assujettissement des membres qui voient leur bénévolat en pâtir. En effet, l’évolution du statut sui generis, permettant une certaine capacité d’adaptation des CPP et de ses membres, à un statut d’administration publique avec une tutelle renforcée, conduit à une rigidification dans l’exercice des missions dont relève le CPP.

Malgré cette « bureaucratisation de l’éthique », les membres des CPP œuvrent pour un maintien de leur indépendance à travers leur bénévolat. Cette résistance est l’origine d’un refus des membres de résumer leur mission seulement à l’acceptabilité de la recherche d’un point de vue de la loi relative à la recherche impliquant la personne humaine. Leur réflexion « éthique » ne peut se résumer à des critères garantissant la recherche au regard de la loi ou même à une application normative des principes de l’éthique de la recherche, comme la vérification d’un consentement écrit, sous couvert de l’éthique.

Les membres d’un CPP investissent leurs rôles à travers un bénévolat qui sous-tend une certaine indépendance vis-à-vis de toute forme de pression ou d’autorité hiérarchique au sein de leur CPP. Cette indépendance constitue la raison et la crédibilité pour laquelle la Déclaration d’Helsinki, ou même la Convention d’Oviedo, demandent le regard d’un Comité d’éthique sur les projets de recherche. Loin de prétendre garantir une recherche « éthique », les CPP constituent néanmoins un moyen de discuter de ce que peut représenter l’éthique de la recherche, qui restaure à la personne son statut de sujet. La reconnaissance du service rendu par les membres bénévoles des CPP, mais aussi de leur qualité, appelle à la prudence quant à l’institutionnalisation susceptible de détruire un équilibre fragile lié à leur bene volens. Cette reconnaissance peut passer par leur consultation et leur considération car ce sont avant tout les membres des CPP qui vivent la réalité du terrain et qui s’adaptent à celle-ci. C’est ici une partie de la vulnérabilité du membre qui accomplit son bénévolat