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Chapitre 2 : Cadre de référence et recension des écrits 12

2.4 Recension des écrits 21

2.4.2 Rôle indépendant des infirmières-chefs dans la qualité des soins 30

Tout d’abord, par sa proximité et son autorité sur les équipes de soins, l’IC est dans une position stratégique pour proposer des solutions rapides et efficaces afin d’améliorer la qualité des soins au quotidien (Poniatowski et Youngberg, 2005). Également, son leadership transformationnel lui permet d’accompagner et de mobiliser son équipe afin d’apporter des changements (Labarre, 2007), mais aussi d’améliorer la qualité des soins (Wongs et Cummings, 2007; Phillips et Byrn, 2013). L’IC a aussi un rôle à jouer afin de favoriser l’utilisation des données probantes permettant d’appliquer des soins de qualité (Currie, Tolson et Booth, 2007).

Patient complexe Infirmière Organisation

Pratique

clinique

directe

et soins indirects Coaching : enseignement et modèle de rôle Collaboration / consultation (expertise clinique) Raisonnement éthique Leadership (agent de changement) Recherche et intégration des données probantes

À la suite d’une recension des écrits de la littérature québécoise publiée entre 1990 et 2014, une tendance est constatée en ce qui concerne l’évolution de la pratique de l’IC vers des responsabilités administratives au détriment des responsabilités cliniques (Dallaire et al., 2015). Les résultats de cette recension précisent également que plusieurs appellations sont utilisées pour désigner le rôle des IC et qu’il y a un manque de clarté dans son rôle et ses caractéristiques. Nonobstant les ambigüités dans le rôle de l’IC, les auteurs précisent l’importance de conserver une dimension clinique afin que l’expertise de l’infirmière-chef puisse contribuer à des soins de qualité. En effet, comme l’IC est responsable de la gestion du personnel administrant des soins directs au patient, elle a un rôle important dans l’assurance de soins de qualité (Dallaire et al., 2015; Villeneuve, 2005).

Les résultats de la recension précédente sont en concordance avec ceux de la thèse de doctorat de Villeneuve (2005) sur « L’influence des facteurs structurels sur le travail managérial des infirmières-chefs : six études de cas dans trois hôpitaux du Québec ». En effet, les résultats révèlent que le contexte de travail des IC est très différent d’une structure organisationnelle à l’autre et qu’une tendance se dessine concernant la diminution de ses activités cliniques. À l’aide des résultats de son étude, Villeneuve (2005) regroupe les composantes du travail de l’IC en quatre grandes dimensions : clinique, administrative, managériale et compensatoire. Pour le travail clinique, il inclut les soins directs aux patients, le développement clinique et le contrôle de la qualité des soins. Pour le travail administratif, il est composé de la gestion financière, de la gestion des ressources matérielles et de la gestion administrative du personnel (remplacement du personnel). Le travail managérial est composé de trois niveaux : stratégique, fonctionnel et opérationnel. Dans le niveau stratégique, l’IC sera impliquée dans l’établissement d’une vision de l’unité et de l’établissement. Dans le niveau fonctionnel, l’IC s’engage dans l’amélioration continue de l’offre de services visant des soins de qualité et aussi dans la gestion des ressources humaines (recrutement du personnel, formation, évaluation du rendement, relations de travail, activités de supervision, gestion disciplinaire et gestion des conflits et mobilisation). Pour le niveau opérationnel, il comprend : la régulation quotidienne des activités sur l’unité, la coordination des interactions avec les autres services internes et externes et les patients de l’unité ainsi que la mise en œuvre de changements. Finalement, le travail compensatoire est l’exécution de tâches ne relèvent pas du rôle tel que défini par

Villeneuve (2005). Ainsi, la dimension clinique du rôle de l’IC est bien présente dans cette étude allant même jusqu’à l’administration de soins directs au patient. Toutes ses activités, selon le cadre de référence de l’étude, ont un impact sur les résultats des soins et donc la qualité qui en découle.

Pour le Ministère de la Santé et des Services sociaux [MSSS] (2006), le rôle de l’IC comporte également une dimension clinique qui l’implique dans la gestion de la qualité des soins. En effet, selon le MSSS (2006), l’IC est responsable de contrôler la durée de séjour, de vérifier que chaque patient ait un plan de soins interdisciplinaire et individualisé, d’apprécier les actes des professionnels sous sa responsabilité, de collaborer à la révision des normes et pratiques, d’identifier les situations à risque et d’enquêter en présence d’incident ou d’accident. En somme, les responsabilités de l’IC se regroupent donc dans la gestion des ressources humaines, la gestion des opérations, le développement des pratiques et le contrôle de la qualité des soins.

Pour poursuive dans la description du rôle de l’IC sur le plan de la qualité des soins, Laschinger et al. (2007) ont fait une grande enquête à travers dix provinces canadiennes (n=1 164) afin de dresser le profil de la structure et de l’impact des gestionnaires infirmières dans les centres hospitaliers canadiens. Ainsi, il en ressort que la structure organisationnelle a un impact sur la qualité des milieux de travail des IC. Lorsque les gestionnaires ont l’impression qu’elles influencent l’équipe de direction, ceci a un impact sur la perception de la qualité des soins et la satisfaction des cadres intermédiaires. De plus, les barrières à l’exécution d’un rôle efficace des infirmières gestionnaires sont les contraintes financières, le manque de temps accompagné de l'augmentation de la taille et de la complexité organisationnelle. Ainsi, la structure organisationnelle et sa complexité sont à considérer dans la perception de qualité des soins que peuvent avoir les infirmières-chefs.

Au plan international, certaines études démontrent également l’évolution du rôle de l’IC anciennement l’infirmière la plus expérimentée de l’unité de soins vers un rôle d’infirmière gestionnaire (McCallin et Frankson, 2010). Cependant, plusieurs études s’intéressent à la contribution de l’IC vers des soins de qualité. Ainsi, en Australie, une étude qualitative effectuée par Stanley (2006), a exploré le rôle des IC en demandant aux

(n=830) ont été distribués et des entrevues (n=50) ont eu lieu visant à connaître les qualités perçues d’un management et la personne considérée comme leader-clinique. Les résultats indiquent une confusion évidente dans le rôle de l’IC entre ses fonctions de leader-clinique et de management. Ainsi, l’auteur propose une solution qui serait de diviser le poste en deux en assurant ainsi un soutien clinique dédié au personnel de l’unité. Cependant, dans une étude qualitative effectuée (n=12) au Danemark par Sorensen, Delmar et Pedersen (2011), les résultats montrent que l’IC n’a pas le choix de se promener entre ses fonctions cliniques et managériales en adoptant un rôle hybride.

Dans le même ordre d’idées, en Finlande, des chercheurs ont exploré comment les IC décrivent et comprennent leurs rôles dans un processus de changement visant des soins de qualité (Salmela et al., 2012). Dans cette étude, des entrevues se sont déroulées avec des infirmières-chefs (n=17) selon une approche phénoménologique herméneutique. Les résultats ont mis en évidence la création d’un modèle de changement ancré dans le quotidien qui se concentre sur les soins de qualité et se compose des trois dimensions suivantes : diriger les relations, diriger la culture et diriger le processus. Dans ce modèle, les IC se considèrent comme modèle de rôle et affirment posséder un rôle de motivateur bienveillant sur le plan des relations. Dans la dimension de la culture, ils créent une atmosphère ouverte basée sur les données probantes confirmant l’identité des soins. Finalement, dans le processus, ils ont la responsabilité de la réalisation des bons soins aux patients. Ces trois dimensions du rôle de l’IC associées aux processus visant des soins de qualité se regroupent dans l’aspect clinique de son rôle. Pour le développement d’une culture de sécurité, Feng et al. (2011) a d’ailleurs réalisé une étude descriptive corrélationnelle visant à explorer la relation entre l’engagement des IC et le développement d’une culture de sécurité. Pour ce faire, un questionnaire auto-administré a été distribué à 20 IC et 228 infirmières travaillant dans des unités de médecine, de chirurgie ou de soins intensifs. Les résultats indiquent que l’engagement des IC pour la sécurité des patients est associé au développement d’une culture de sécurité dans l’établissement. Ainsi, les IC doivent agir de façon visible pour améliorer la qualité des soins notamment en appliquant les normes en vigueur, mais aussi en étant un modèle de rôle.

D’ailleurs en Israël, les résultats d’une étude de Drach-Zahavy et Dagan (2002) réalisée à l’aide d’observation semi-structurée (n=48) révèlent que l’IC consacre la majorité de son temps à l’aspect clinique de son rôle qui, cette fois-ci est composée en autre de soins directs et de communications avec la famille. Cependant, l’IC divise son temps à parts égales entre les soins cliniques directs et ses fonctions administratives. La mesure de la proportion du temps que l’IC consacre à l’amélioration de la qualité des soins représente entre 2 et 15% de son temps, mais cette composante est définie uniquement par la mise en place de procédure pour améliorer la qualité. Plusieurs autres aspects de son travail peuvent être associés à l’amélioration de la qualité des soins comme le leadership permettant de communiquer avec les employés pour les motiver à offrir des soins de qualité et améliorer le climat de travail (Timmings, 2011).

Également, certaines publications discutent du rôle de l’IC en ce qui concerne la sécurité des soins qui vise l’atteinte de soins de qualité. Ainsi, l’Americain Organization of Nurse Executive [AONE] (2007), mentionne que le rôle de l’IC sur le plan de la sécurité des patients est d'aider à mettre en place de meilleures pratiques et établir une culture de sécurité au sein de l'organisation. Pour ce faire, l’IC doit avoir les compétences nécessaires pour concevoir, coordonner et implanter les pratiques sécuritaires et la pratique dans les domaines de la gouvernance, les soins aux patients, l'éducation et la recherche. Ceci ne peut être accompli seulement en collaboration avec l'équipe interdisciplinaire, mais doit comprendre des solutions venant des équipes de soins, des décideurs et de la communauté. Ainsi, l’expertise clinique de l’IC est requise afin d’instaurer de meilleures pratiques et une culture de sécurité. L’AONE (2015) a également publié un document sur le rôle de l’IC regroupant les compétences en trois catégories : la science, l’art et le leader within. Dans la science, l’IC doit développer son expertise dans la gestion financière, la gestion des ressources humaines, l’amélioration des processus, la prise de décision lors de situations complexes, les technologies, la planification stratégique, les connaissances cliniques appropriées. Dans la composante de l’art, l’IC doit gérer et mobiliser ses employés (évaluation de rendement, développement des employés et rétention du personnel), elle doit influencer les comportements et gérer les conflits tout en créant un environnement de travail sain et équitable à travers la diversité culturelle. Finalement, dans la dernière

composante nommée leader within, l’IC doit se développer elle-même, planifier sa carrière et entre autres, pratiquer la pratique réflexive lors de prises de décisions.

Toujours en lien avec l’implication de l’IC dans la sécurité, Eggenberger (2012), a réalisé une étude qualitative à l’aide d’entrevue semi-structurée (n=20) afin de décrire l’expérience d’être une IC en soins aigus. Huit thèmes sont ressortis de ces données. Tout d’abord, créer un filet de sécurité, surveiller la qualité, gérer l’équipe, montrer la voie, mobiliser l’équipe sur les échanges ou les questionnements au sujet de la qualité, connaître ses équipes et les soins, « éteindre des feux » et finalement garder les patients satisfaits. L’expertise clinique de l’IC est donc requise afin qu’elle puisse s’impliquer dans la sécurité des soins aux patients.

En dépit de cette contribution dans la sécurité visant la qualité des soins, les résultats de certaines études démontrent que l’IC passe de moins en moins de temps dans les soins directs et indirects en agissant dans d’autres modèles. Ainsi, Surakka (2008) a réalisé une étude descriptive et comparative des caractéristiques des IC dans différents environnements hospitaliers de Finlande, et ce, à différents moments. Les agendas d’IC (n=155) travaillant dans un même district ont été collectés entre les années 1990 et 2000. Les résultats indiquent que les activités contiennent des tâches d’organisation, de coopération et de communication. Plus précisément, les activités d’organisation sont composées de soutien aux équipes de soins, de planification, d’évaluation et de gestion des ressources matérielles et financières. Les activités de coopération comprennent entre autres, des réunions impliquant le personnel et la collaboration interprofessionnelle. Il précise que l’IC anciennement considérée comme manager, suit maintenant un modèle de leadership. En effet, l’IC va plutôt agir comme facilitatrice pour le développement des compétences en s’impliquant moins directement dans la formation et la supervision du personnel.

Également, les résultats d’une étude qualitative réalisée en Suède auprès des IC (n=10) démontrent aussi qu’elles passent moins de temps dans les activités cliniques. Ainsi, à la suite d’observations, les résultats démontrent que les gestionnaires infirmières de première et de deuxième ligne ont des activités variées, mais souvent de courtes durées (<9 minutes) (Arman, Delive, Wikström et Törnström , 2009). En outre, elles passent plus de la

moitié de leur temps en réunion, 16 % de leur temps à des tâches administratives, mais seulement une petite fraction de leur temps à faire la planification (Arman et al., 2009).

D’autre part, Dish et al. (2011) affirment que les infirmiers-chefs ont toutes les compétences nécessaires pour travailler à l’amélioration de la qualité et de la sécurité des patients, mais qu’ils sont souvent trop pris dans la gestion budgétaire. Dans une étude qualitative qui s’est déroulée dans huit hôpitaux américains (n=171), les chercheurs ont mis en évidence quatre facteurs susceptibles d’aider les IC à améliorer la qualité et la sécurité des patients soit la présence d’un leadership fort chez les membres de la direction montrant clairement les objectifs à atteindre, un partenariat avec l’équipe médicale, un environnement de travail sain et finalement l’implication et l’engagement des employés. Le leadership de l’IC se manifeste dans la mobilisation des employés et la collaboration avec l’équipe médicale afin de s’assurer des soins de qualité. Ainsi, dans cette étude, la gestion budgétaire semble être un facteur contraignant en raison du temps qui y est consacré, mais le leadership apparait plutôt comme un facteur favorisant l’atteinte de soins de qualité.

En somme, dans les articles recensés, il ressort une variété de rôles pouvant se diviser dans des volets clinique et administratif (Sorensen et al., 2011; Stanley, 2006) et comme le mentionne Villeneuve (2005), dans un volet qu’il nomme plutôt managérial. Le rôle de l’IC est clairement associé à la qualité des soins par son rôle auprès des infirmières administrant des soins directs au patient (Eggenberger, 2012; AONE, 2007; Salmela et al., 2012) malgré qu’elles font face à des contraintes diminuant le temps consacré à cette responsabilité (Laschinger et al., 2007; Dish et al., 2011; Surakka, 2008). Le modèle de Villeneuve (2005), adapté au système de santé québécois, regroupe l’ensemble des composantes du rôle des IC énumérées dans cette recension. Ce modèle sera utilisé pour la réalisation de cette étude, mais certaines composantes seront regroupées et adaptées en tenant compte, entre autres, des constats de l’étude de Dallaire et al. (2015) qui, avec l’accord de Villeneuve, ont remis en question certaines composantes. Ainsi, le modèle adapté permettra de bien opérationnaliser le rôle de l’IC sur le plan de la qualité des soins. La figure 3 illustre les composantes du rôle de l’IC visant des soins de qualité. Ces composantes de rôle, seront utilisées pour la réalisation de cette étude. Tout d’abord, le leadership, parfois qualifié de transformationnel est un concept qui est intégré au rôle de

l’IC associé à plusieurs aspects qui contribuent à améliorer la qualité des soins. Ainsi, le leadership est quelquefois associé à la mobilisation du personnel et la collaboration avec les autres professionnels (Dish et al., 2011 ; AONE, 2015), à la réalisation de changement (Labarre, 2007) ou encore, au coaching et au mentorat (Drach et Dagan, 2002). Pour cette raison, le leadership sera placé au cœur du rôle de l’IC. Par la suite, pour la gestion des ressources matérielles et financières (managérial), l’IC s’assure que l’unité puisse dispenser des soins en fonction des besoins des patients tout en justifiant les dépenses réalisées (Villeneuve, 2005). Dans la gestion des ressources humaines (managériales) l’IC exerce les activités suivantes : recrutement du personnel, formation, évaluation du rendement, relations de travail, activités de supervision, gestion disciplinaire, gestion des conflits et mobilisation (Villeneuve, 2005). Pour le développement d’une culture de sécurité (Salmela et al., 2012; Feng et al., 2011), l’IC fixe des objectifs d’amélioration de son unité basés sur des standards de pratique (managérial) tout en assurant un contrôle de la qualité des soins (clinique) (Villeneuve, 1966). Dans cette composante, l’IC identifie les situations à risque, réalise des enquêtes sur les accidents et incidents et traite les plaintes reçues (MSSS, 2006). La gestion des opérations des activités permet à l’IC de régulariser l’offre de services, les processus et les activités en place (managérial) (Villeneuve, 2005). L’IC peut alors effectuer la gestion des lits, contrôler la durée de séjour et résoudre les problématiques des patients en interdisciplinarité (MSSS, 2006). Finalement, le développement des meilleures pratiques permet à l’IC d’être un modèle de rôle, de vérifier que les processus de soins respectent les standards de qualité et de sécurité et d’utiliser les données probantes (clinique). La mise en œuvre du changement mentionné par Villeneuve (2005) sera incluse dans ce volet clinique. Le dernier aspect est le travail compensatoire qui regroupe les activités qui ne devraient pas être réalisées par l’IC selon sa vision managériale du rôle de l’IC mais qui contribue au bon fonctionnement de l’unité (Villeneuve, 2005).

Voici la figure 3 qui illustre les composantes du rôle de l’IC ayant pour but ultime d’assurer une qualité des soins aux patients. Ces composantes seront utilisées pour la réalisation de cette étude à l’aide des écrits consultés (AONE, 2007; MSSS, 2006; Salmela, Eriksson et Fagerstrom, 2012; Villeneuve, 2005).

Figure 3 : Rôle indépendant de l’IC dans la qualité des soins