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RÔLE DES IMMIGRÉS DANS L’ÉCONOMIE DES PAYS DE SAVOIE ! !

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L’année 1931 est considérée comme marquant le point culminant de l’immigration en France dans l’entre-deux-guerres. Il faudra attendre 1975 pour retrouver une importance aussi élevée de l’immigration au sein de la population et de l’économie françaises. Dans les deux départements savoyards le phénomène est amplifié du fait de l’ampleur des besoins dans l’économie.!

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Tableau 7: Principaux résultats du recensement de 1931

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Comme l’indique ce tableau, le pourcentage des immigrés en Savoie est supérieur de plus de deux points à ce qu’il est au niveau national. Si les Italiens et les Suisses continuent de former la grande majorité des immigrés en Haute- Savoie avec plus de 91% des effectifs, en Savoie, la part de ces deux nationalités diminue sensiblement par rapport aux recensements précédents. Ils représentent encore 83% de l’immigration mais les Suisses sont désormais moins nombreux que les étrangers venus dans le cadre des recrutements à distance au profit des industriels. Les Polonais dépassent désormais les Suisses avec 872 ressortissants dont 21% de femmes et les Russes les suivent de près avec 670 ressortissants dont 25% de femmes. Il faut noter que ces deux nationalités sont aussi présentes en Haute-Savoie avec 318 et 211 ressortissants. On a donc une configuration particulière avec une dominante de vieilles immigrations de voisinage avec un pourcentage de femmes voisinant les 40% et une minorité croissante de nouvelles immigrations venues de loin et encore très peu féminisées. Dans quels secteurs travaillent ces deux composantes de la population immigrées des pays de Savoie ? !

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Le premier groupe est ventilé selon un spectre assez large alors que le second reste très concentré dans l’industrie et par conséquent dans les villes où sont

Population totale

Etrangers naturalisés

Italiens Suisses Autres Total

Etrangers % Etrangers Savoie 229476 2252 16604 806 3368 20778 9,05 H a u t e - Savoie 248640 2366 13258 6143 1772 21173 8,5 Total 478116 4618 29862 6949 5140 41951 8,7 France 41 228000 361000 808979 2 729000

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6,5

implantées les principales usines. Ainsi parmi les hommes actifs de nationalité italienne et suisse on trouve la répartition suivante :!

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Tableau 8 : répartition sectorielle des actifs masculins!

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Même si le secteur des industries de transformation est dominant, on trouve une répartition assez large avec une présence non négligeable dans le secteur des professions libérales qui regroupe ici les entrepreneurs et les artisans indépendants. Il faut même noter la présence de cette population dans les services publics où en général on ne trouve que des nationaux.!

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Pour ce qui est de la répartition sectorielle des femmes actives des deux nationalités mentionnées, on a le tableau suivant :!

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Tableau 9 répartition sectorielle des femmes actives !

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La répartition sectorielle des femmes de ces deux nationalités qui représentent dans les deux départements l’essentiel de la population immigrée n’est pas très différente de celle des hommes. L’industrie de transformation est le premier secteur concerné. L’usine est donc le principal horizon professionnel des femmes Il faut noter l’importance du nombre d’entre elles qui travaillent dans le secteur

SAVOIE mines agriculture Industrie de transformation C o m m e r c e manutention Professions libérales soins Services publics Italiens 228 586 6449 360 494 15 36 Suisses 42 253 4 53 14 9 H A U T E SAVOIE Italiens 153 397 5568 166 397 40 44 Suisses 19 850 1207 47 337 65 67

Savoie agriculture Industrie de transformation Commerce Professions libérales soins S e r v i c e s publics Italiens 205 669 285 60 204 11 Suisses 7 42 25 37 28 1 H a u t e - Savoie Italiens 114 542 198 30 101 1 Suisses 226 184 115 107 125 1

des soins qui est à comprendre au sens moderne de «  care  » englobant aussi bien le secteur de la santé que le travail de soins à la personne dans un cadre domestique. Les femmes sont aussi très présentes dans le commerce et en Haute-Savoie, on note un nombre important de Suissesses travaillant dans l’agriculture. Les nationalités d’arrivée plus récente sont essentiellement présentes dans le secteur industriel comme le révèle le tableau suivant !

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Tableau 10 : répartition sectorielle des actifs masculins polonais et russes!

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Au total 89% des hommes actifs de ces deux nationalités recensés dans les deux départements travaillent dans les industries de transformation alors que dans le cas des Italiens et des Suisses le pourcentage est de 75%. Même s’il y a une certaine persistance de la présence suisse dans l’agriculture et même si on observe chez les immigrés « traditionnels » des pays de Savoie une tendance à la diffusion dans tous les secteurs de l’activité économique, c’est bien l’industrie qui, dans ces années de plein emploi occupe l’essentiel des étrangers. C’est encore plus vrai chez ceux qui sont arrivés après la Première guerre mondiale qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes. Les femmes russes et polonaises, il est vrai peu nombreuses, sont très majoritairement employées dans les industries de transformation. La présence polonaise dans les mines est très faible alors qu’au niveau national ils y forment le contingent le plus important. Cela s’explique essentiellement par la faible importance de ce secteur dans les pays de Savoie. On est passé d’une première immigration au XIXème siècle qui venait des pays voisins avant tout pour remplacer les Savoyards partis ailleurs dans les différents secteurs où ils travaillaient, en particulier dans l’agriculture, à une immigration dans l’entre-deux-guerres qui vient toujours majoritairement du voisinage mais qui est recrutée de plus en plus loin pour venir soutenir l’essor industriel de la région, essor porté à l’époque par la houille blanche et non par le charbon comme dans d’autres bassins industriels.

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SAVOIE mines agriculture Industrie de transformation Commerce manutention Professions libérales soins Services publics Polonais 43 2 485 4 5 2 1 Russes 3 415 2 7 1 1 HAUTE SAVOIE Polonais 21 150 6 13 1 Russes 3 108 4 9 5 1

LA VIE DES IMMIGRÉS À L’ÉPOQUE DU DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL!

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Comment vivent les immigrés dans les pays de Savoie dans l’entre-deux- guerres ? Comme il n’existe plus guère de témoins ayant connu cette époque on en est réduit à imaginer la vie quotidienne des immigrés à travers des témoignages de seconde main ou à travers les effets produits par les changements économiques et politiques survenus à l’époque. Il y a d’abord un assouplissement de la législation sur les procédures d’entrée qui a facilité les mouvements migratoires et sans doute renforcé les possibilités d’installation en France par rapport à la situation antérieure. En 1926, devant l’ampleur des besoins en main-d'œuvre, la France supprime le registre d’immatriculation qui obligeait chaque candidat au séjour à se faire immatriculer à la mairie de son lieu de résidence en fournissant un extrait de naissance et une pièce d’identité visée par le consulat dont il relevait. La personne était alors en possession d’un extrait de ce registre qu’il devait présenter à chaque contrôle sous peine d’expulsion. Cette démarche compliquée est remplacée par une simple carte mentionnant l’état civil et la profession exercée. Celle-ci s’obtenait facilement sur la foi des déclarations de la personne demandeuse. Avec la crise qui touche la France au début des années 1930 cette carte disparaît et les candidats au séjour doivent présenter un certificat d’embauche et un certificat sanitaire. Puis, devant la persistance de la crise, on passe à l’institution de quota. Le préfet fixe pour chaque secteur un pourcentage d’immigrés à ne pas dépasser. Certains secteurs restent néanmoins très ouverts aux immigrés. Le bâtiment et les travaux publics peuvent embaucher jusqu’à 50% d’étrangers. Cette restriction sera abolie en 1939 devant les besoins en main-d'œuvre générés par les industries liées à la défense. !

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Tous ces changements ont eu pour résultat de faire augmenter les situations de clandestinité et devant le peu d’empressement de la main-d'œuvre française et de la main-d'œuvre immigrée déjà stabilisée à travailler dans certains secteurs comme les chantier en haute altitude, les employeurs n’ont pas hésité à recruter des irréguliers.!

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Sous l’angle des conditions de vie au quotidien on constate des différences importantes selon les localités. Dans les petites villes développées autour d’une industrie dominante, les employeurs fournissaient le gîte et le couvert. À Ugine, les familles étaient logées dans le «  phalanstère  » construit en 1910 par l’architecte genevois Maurice Braillard sous la forme d’une cité en U, très fonctionnelle et offrant un très haut niveau de confort pour l’époque avec chauffage central et eau courante. Les immigrés y sont regroupés par nationalités, ce qui ne facilite pas toujours le contact. Des bagarres sont souvent