• Aucun résultat trouvé

LA FIN DU VINGTIÈME SIÈCLE : REGROUPEMENTS FAMILIAUX ET DEMANDEURS D’ASILE!

!

Au cours des années 1980 et 1990, les flux migratoires changent de composition. Au niveau national, la part des personnes venant pour des raisons de travail qui était jusque là prépondérante descend à moins de 10% tandis que les entrées de familles dépassent les 50% et que celles des demandeurs d’asile atteignent les 30%. Les deux départements savoyards n’échappent pas à cette évolution. En 1982 elle commence déjà à être perceptible, tandis que les nouvelles immigrations venues de pays tiers rattrapent en importance les immigrations européennes.!

!

Principaux résultats du recensement de 1982 :

!

La part des femmes au sein de la population étrangère est encore inférieure de 8 points à ce qu’elle est dans la population totale mais c’est déjà beaucoup plus élevé qu’en 1975 et 1968 où cette proportion était inférieure à 40% au niveau des deux départements. Dans le cas des naturalisés, la proportion de femmes est nettement plus élevée qu’au niveau de la population totale. C’est là une constance qui se poursuite jusqu’à nos jours. Dans le cas précis des pays de Savoie au début des années 1980, on peut penser que les naturalisations ayant concerné principalement les anciennes immigrations, avec en particulier un pic élevé avant la Seconde guerre mondiale, la dominante féminine s’explique par le fait qu’il s’agit alors d’une population vieillissante dans laquelle les femmes sont toujours les plus nombreuses.!

!

On observe une augmentation du nombre des femmes dans toutes les nationalités présentes, même si les immigrés européens en comptent toujours plus comme le révèle le tableau suivant :!

Population totale % de de femmes naturalisés % de femmes

!

Etrangers % de femmes % Population étrangères Savoie 324000 50,9 9520 56,12 25720 42,9 7,9 H a u t e - Savoie 501620 50,3 14240 59,2 46340 41,7 9,2 Total 825620 50,6 23760 57,6 72060 42,3 8,5 France 54 296000

!

254000 4037000

!

37,5 7,4

Part des femmes au sein des différentes nationalités en 1982

!

On constate que la proportion de femmes a considérablement augmenté par rapport à 1975, en particulier dans les nationalités d’Afrique du nord et de Turquie même si elle reste nettement inférieure à ce qu’elle est chez les Européens. Chez les Algériens la proportion de femmes est passée de 26% à 37,1%, chez les Marocains, elle est passée de 24% à 38,2%. Chez les Tunisiens, elle est passée de 18% à 33,7% et chez les Turcs de 22% à 34%. Il y a donc bien eu de nombreux regroupements familiaux entre 1975 et 1982 au sein de groupes de travailleurs qui auparavant vivaient très majoritairement isolés. C’est ce que confirment certains entretiens réalisés dans le cadre de cette recherche, comme celui d’une jeune femme marocaine dont le père est venu d’abord avec d’autres hommes pour travailler à Chambéry avant de faire venir femme et enfants six ans plus tard ou celui d’une femme turque arrivée aussi en 1976.!

!

«  (…) donc ils ont débarqué à Chambéry, ils ont travaillé, première année 70 jusqu'à 76. Donc pendant 6 ans et donc après il a fait venir ma maman et puis donc nous, mon frère, ma petite sœur et moi. Ma petite sœur qui avait 6 mois et moi qui avait 3 ans 56. »"

!

« Je suis arrivée en France en 1976. Mon père est arrivé trois ans auparavant. C'était au cours de la dernière vague d'arrivée de main-d'œuvre étrangère 57. »"

!

Italiens Espagnols Portugais Autres

U.E

Algériens Marocains Tunisiens Turcs Autres

Savoie 8880 800 4160 480 6480 2140 600 1040 1140 % femmes 44,5 40,5 46,1 62,5 39,5 38,3 39,7 30,7 52,6 Haute Savoie 10300 4360 8900 1520 8840 2720 1720 2680 5960 % femmes 42,7 43,5 50,1 40,7 34,7 38,2 33,7 37,3 41,9 Total 19180 5160 13060 2000 15320 4860 2320 3720 7100 % femmes 43,6 42 48,1 51,6 37,1 38,2 33,7 34 47,2 Entretien Chama H. 15/07/15 56 Entretien Serpil O. 7/07/2015 57

Les immigrations du début des années 1970 ont pris dès le départ une dimension familiale. C’est le cas des Portugais où la proportion de femmes était déjà de 44% en 1975 et passe à 48,1% en 1982. Les arrivées des familles se sont faites beaucoup plus tôt et dans un délai relativement court après la venue du père, comme le précise cette dame de 50 ans interviewée à Chambéry :!

!

«  Alors moi je suis arrivée en France en septembre 73. J'avais 8 ans. Je suis venue faire mes 9 ans en France. Avec mes parents, par l'immigration. Légale. Mon papa est venu un an avant nous, a trouvé un appartement, c'est a rempli, a acheté à la croix rouge des lits tout ça, il a meublé l'appartement et après il nous a fait venir 58. »"

!

!

!

Entretien Maria R, 28/09/2015 (association « les roses de mai »)

ÉLARGISSEMENT DES ORIGINES!

!

Les chiffres de 1982 confirment les différences entre les deux départements savoyards. La Haute-Savoie compte une population immigrée nettement plus nombreuse avec deux à trois fois plus d’originaires du Maghreb, de Turquie et d’autres pays tiers. Dans le cas de ces derniers pays on trouve en particulier des originaires d’Afrique sub-saharienne avec en particulier un groupe de Cap- verdiens installés à Thonon-les-Bains. Ils sont tous originaires de la même île de cet archipel lusophone qui connaît depuis longtemps de nombreux flux de départs vers l’Europe aussi bien que vers l’Afrique et l’Amérique. Ils ont fondé une association nommée Santa Catarina du nom de leur village d’origine 59.!

!

Une population de Laotiens venus comme demandeurs d’asile après 1975 a commencé à s’installer dans la vallée de l’Arve à partir de 1977 où une entreprise de téléphonie dénommée HPF en avait embauché un nombre important 60. Cette

entreprise fabriquait des téléphones fixes au design original qui aujourd’hui sont recherchés comme objets de collection. Elle a disparu au début des années 1980. Les Laotiens sont restés nombreux dans la région, surtout à Bonneville où d’autres populations originaires d’Asie du Sud Est, Cambodgiens et Vietnamiens sont venues s’installer dans les années 1970.!

!

On constate aussi que la population étrangère en Haute-Savoie est un peu moins féminisée qu’en Savoie, ce qui explique l’importance du parc de foyers pour travailleurs qui compte une dizaine d’établissements contre un seul en Savoie.!

!

Pour ce qui est de l’emploi, les chiffres de 1982 confirment les différences entre immigrés européens et non européens sous l’angle des qualifications. Parmi les Italiens, les ouvriers non qualifiés ne représentent que 7,9% des actifs en Savoie et 12,6% en Haute-Savoie. Migration vieillissante, ils comptent 9,7% de retraités. La promotion sociale se fait chez eux par le biais de l’accès au statut de patron de l’artisanat, du commerce ou de la petite entreprise industrielle ainsi que par les professions intermédiaires. Ils sont par contre peu nombreux à être cadres ou membres des professions intellectuelles. C’est chez les naturalisés que l’on trouve la plus forte proportion de membres de cette catégorie  ainsi que la plus forte proportion de retraités. Cette catégorie se rapproche le plus des Français sous l’angle de la place dans l’échelle sociale.!

!

A. Pelletier, op cit. 59

R. Alili, « Les Laotiens de Bonneville », Hommes et migrations, n°1166, juin 1993, pp 60