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Mise en contexte entretien ! Monsieur B.!

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Après avoir hautement profité de la v i o l e n c e d é s o r d o n n é e v o i r e anarchique qui accompagne les années de son installation au pouvoir, Mussolini souhaite mettre fin à l’indiscipline qui gangrène alors l’Italie. Pour ce faire, il s’appuie sur son ministre de la justice, Rocco, qui édifie un véritable pouvoir répressif sur les d é c o m b r e s d e s i n s t i t u t i o n s démocratiques. En réformant sans ménagement aucun le pouvoir central, Rocco forge la nouvelle physionomie du pays  : l’Italie a désormais un régime policier et autoritaire 72. En

novembre 1926, les lois fascistissimes (dont la véritable appellation est lois de défense de l’État) couronnent l’édifice. Elles transforment les libertés individuelles en souvenirs  ; pour ne mentionner que les aspects qui concernent le sujet, «  tous les passeports pour l’étranger sont annulés  ; des sanctions sévères sont p r i s e s à l ’ é g a r d d e s é m i g r é s clandestins et il est prévu un usage immédiat des armes contre ceux qui tentent de franchir la frontière (…) 73 ».!

La rigueur de ces interdictions ne contrarie cependant pas la résolution de ceux qui veulent échapper au

système  : au contraire, ils sont assez nombreux à les braver pour aller s’installer de l’autre côté des Alpes.! La période de la Seconde guerre mondiale fut particulièrement pénible pour le contingent italien présent en France, dans la mesure où il s’est trouvé soumis à des logiques difficiles à soutenir. L’entrée en guerre de l’Italie contre la France a dirigé envers l e s r e s s o r t i s s a n t s t r a n s a l p i n s méfiance et animosité. Ceux-ci naviguent dans des eaux troubles, puisque leur pays d’origine s’oppose au pays où ils choisissent de vivre…! Sur le territoire savoyard, la présence militaire italienne et les liens tissés de longue date rendent plus nettes encore ces ambiguïtés et compliquent la situation 74. Pour ce qui relève des

rapports entre les Transalpins et les Savoyards pendant le conflit, Mino Faïta propose de distinguer deux phases  : la première s’étend de 1940 à novembre 1942 alors que la seconde couvre l’intervalle qui va de novembre 1942 à septembre 1943.! - Dans un premier temps, la Savoie fait, quasiment intégralement, partie de la zone libre. On n'observe à ce moment-là qu’une discrète présence italienne. À l’évidence, ce ne sont pas des conditions favorables à un déploiement de violence caractérisée.

Cf. S. Berstein et P. Milza, L’Italie contemporaine, du Risorgimento à la chute du 72

fascisme, Armand Colin, 1995, p.270

Ibid., p.271 73

Notons qu’à cette époque, on estime que le groupe des Italiens représente 7 à 10% 74

«  La population savoyarde a su faire l a d i s t i n c t i o n e n t r e l e s f o r c e s d’occupation et la minorité fascisante qui les soutenait et tous les autres, une majorité silencieuse, craignant pour son avenir, honteuse d’une situation qu’elle n’avait pas voulue et q u ’ e l l e r é p r o u v a i t . 75» A i n s i , l a

vingtaine d’altercations repérée pendant ce laps de temps met aux prises des Savoyards et des fascistes mais également des Italiens et des fascistes. Dans l’ensemble, les c l i v a g e s p o l i t i c o - i d é o l o g i q u e s prennent le pas sur les appartenances nationales. D’ailleurs, les tensions concernent bien moins les troupes d’occupation que les civils qui font preuve d’une arrogance revancharde ou ceux qui cherchent à tirer profit de la présence de soldats italiens 76.!

- La seconde phase est marquée par l’installation des troupes allemandes en zone libre pour essayer de contenir un éventuel débarquement dans le sud de la France. Ceci étant, pour ce qui est du sud-est du pays, à l’exception de quelques grandes villes, ce sont les militaires italiens qui ont la main. Selon Christian Villermet, près de 6000 soldats transalpins prennent place en Savoie 77  : outre le maintien

de l’ordre, ils se chargent de la traque des réfractaires au STO et de la

répression de la résistance. Notons que les activités de surveillance et de dénonciation trouvent l’appui des militants fascistes 78.!

Les principales opérations des soldats italiens sont dirigées contre les maquisards  : les sites de Platé, des Dents-de-Lanfon, de Monfort (Tête- Noire), Confins essuient effectivement des attaques des Alpini. Malgré des dommages sérieux, ces actions ne sont pas trop dures à encaisser : elles sont en tous les cas sans commune mesure avec les coups que les Allemands porteront aux maquis quelques mois plus tard. Pour sa part, la résistance riposte en s’en prenant aux fascistes et aux collaborateurs 79.

Dans un contexte où la moquerie a cédé le pas à la violence, une montée de l’hostilité à l’endroit de l’occupant est palpable mais, de manière originale, elle ne se mue pas en italophobie généralisée. La chose s’explique certainement par le fait que la majeure partie des Italiens se démarquent de la troupe et des suppôts du régime  : la plupart d’entre eux préfère faire profil bas mais une fraction non négligeable fait le choix de rejoindre la résistance.!

Ces traits généraux ne doivent pas contribuer à effacer le fait que la

M. Faïta, La vie rêvée des Italiens, op. cit., p.153 75

Ibid., pp.156-157 76

C. Villermet, A noi Savoia : Histoire de l’occupation italienne en Savoie, La Fontaine 77

de Siloé, 1999, p.23

Cf. M. Faïta, La vie rêvée des Italiens, op. cit., p.159 78

Ibid., pp.160-161 79

période fut complexe et douloureuse pour les immigrés italiens  : l’entretien qui suit le rend sensible. Ajoutons qu’il apporte de la lumière sur un aspect peu documenté  : les relations ambiguës entre la population locale et les maquisards. Le maquis prend une forme tangible au cours de l’été 1943 : à l'automne de la même année, on estime à 15 000 le nombre de maquisards en zone Sud 80. Notons

que les maquis se répartissent inégalement sur le territoire : la Savoie et la Haute-Savoie figurent parmi les départements qui en comptent le plus. Bien entendu, tous ceux qui s'y trouvent ne sont pas des résistants  ; p o u r l e s r e s p o n s a b l e s d e l a r é s i s t a n c e , l ' e n j e u c o n s i s t e à transformer ces réfractaires en combattants. Sur le terrain, la survie des maquisards passait par une n é c e s s a i r e c o m p l i c i t é a v e c l a population locale, au sens strict car ils dépendaient d'eux pour se nourrir et de manière indirecte, car seul leur silence les préservait des représailles nazies ou vichystes.!

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Or, les relations entre la population rurale et les maquisards sont plus ambivalentes qu'on ne l'imagine  : l'arrivée des seconds dans les campagnes peut dans certains cas donner l'impression d'une autre forme d'occupation 81   : les mesures de

r é t o r s i o n à l ' é g a r d d ' i n d i v i d u s convaincus de collaboration, les raids pour se procurer des vivres.... dégénèrent parfois en débordements. Ces abus arbitraires exaspèrent les locaux qui peuvent finir par dénoncer les maquisards aux autorités. Une partie de l'entretien met en lumière ce type de comportements complexes que la guerre engendra  : en l'espèce, le pillage subi par la famille de l'enquêté se double d'une confusion entre nationalité et préférence politique. Quoi qu'il en soit, les graves inconduites de quelques maquisards conjuguées au rejet ordinaire des premières heures de la Libération ont profondément imprégné le parcours de l'enquêté.


J. Jackson, La France sous l'Occupation 1940-1944, Flammarion, 2004, p.571 80

Ibid., p.576 81

Entretien avec Monsieur B.!

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« J’ai dû apprendre à me battre puisque j’étais Italien »!

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Lieu :!Aime! ! Origine : Italie (Veneto)! ! Période : 1935-2015!

Mots clés : Clandestin, Fascisme, École, Entreprise, Racisme, Centre de tri de Montmélian.!

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« Tous ceux qui résistaient avaient le bras droit cassé »!

C’est de l’Italie du nord qu’est parti le fascisme. D’ailleurs, les Italiens du nord traitaient d’Arabes les Italiens qui habitaient au sud de Rome. Aujourd’hui encore, lorsque je retourne en Italie, je ne suis pas considéré comme un Italien mais comme un Vénitien, tout comme les Piémontais le sont avant d’être Italiens. À l’époque, Hitler et Mussolini montaient au pouvoir. Du côté de Venise, là où habitait mon père, l’embrigadement a commencé. Puisqu’il n’a jamais souhaité adhérer au parti, il fut expulsé d’Italie en 1935. Être expulsé signifiait partir sans rien emporter, être emmené par train ou par camion jusqu’à Porto Vecchio. À Porto Vecchio, le bourrage de crâne se poursuivait et tous ceux qui résistaient avaient le bras droit cassé. De Porto Vecchio à Modane, des trains faisaient le trajet pour les voyageurs non expulsés qui avaient des laissez-passer. En revanche, les personnes qui étaient expulsées se rendaient à pied de Porto Vecchio à Modane et empruntaient dans le noir les rails du train, sous le tunnel de onze kilomètres. Il fallait faire attention car les trains passaient et ne s’arrêtaient jamais. Il fallait essayer de se coller contre la paroi du tunnel — il n’y avait que 50 centimètre jusqu’aux rails —, et se mettre à plat ventre pour ne pas être aspiré. Mon père a dû faire le voyage avec son bras cassé. En France, il fut plâtré à l’hôpital de Montmélian après être passé par le centre de tri de Modane.

À 7 kilomètres de Montmélian, à Laissaud, un abbé a proposé à mon père d’être commis de sa ferme. Il s’occupait de la ferme, y vivait et lui reversait la moitié des récoltes. !

Ma mère est également Italienne, expulsée de la région de Venise, mais je ne me souviens plus de son histoire quand elle est arrivée. Mes parents se sont rapidement rencontrés en France et se sont mariés environ trois mois après, en 1938 au Consulat d’Italie à Chambéry. Puisqu’ils avaient fui le fascisme et disaient qu’ils ne retourneraient jamais en Italie, ils ont demandé la naturalisation. À cette époque, cette demande fut refusée. !

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« Leur venue était ciblée parce qu’il y avait une haine envers les Italiens ».! Je suis né dans la ferme où habitaient mes parents, en 1941. Ma sœur aînée, Milena, est née en 1939. Ensuite, il y a d’autres enfants  : Louis, né en 1944, Marcelle en 1948 et Brigitte en 1956. Les prénoms de nos frères et sœurs sont à consonance française car avec ma sœur Milena, nous avons dit aux parents qu’il fallait mieux arrêter de donner des prénoms italiens, car pour nous c’était très dur. Pendant la guerre, il ne faut pas oublier qu’en Savoie les Italiens n’avaient le droit ni au pain, ni à la viande. Ce n’est qu’en 1950 que j’ai pu manger du pain. Ma mère a donc appris à faire le pain à la maison. Je me souviendrai toujours que c’était le meilleur pain que je mangeais. Puisque mon père et ma mère avaient une ferme, dans les années 1943, les gens venaient acheter des produits, même des habitants de Grenoble. Ce que mes parents gagnaient, ils le mettaient de côté. Fin 1944, des personnes ont frappé à la maison. Nous avons ouvert et nous avons vu cinq maquisards, ou faux maquisards, je ne me souviens pas. J’étais enfant et lorsque j’ai vu ces personnes avec toutes leurs armes et un beau revolver, je me suis approché de l’un d’eux pour le toucher. Il m’a pris, m’a mis une paire de baffes et j’ai roulé au sol. À l’époque, nous avions un berger allemand et pour nous protéger, il a mordu. L’homme a tué mon chien, devant moi. Ensuite, ils ont cambriolé mes parents. Ils ont tout pris. Je ne sais pas comment vous dire… quand vous êtes petit et qu’ils tuent votre chien, quand ils volent tout, qu’ils foutent tout en l’air, qu’ils frappent ma mère pour que mon père dise où sont cachées les économies… Avant de partir, ils ont pris ce dont ils avaient besoin dans notre poulailler. Leur venue était ciblée parce qu’il y avait une haine envers les Italiens, alors que mon père a fui l’Italie. Ceux qui sont venus nous voler étaient tous français, pas un ne parlait allemand. Plus tard, j’ai su qu’un de ces hommes habitait près de chez nous et était devenu un grand

transporteur. Jusque dans les années 1950, nous avons subi le fait d’être Italiens. Nous n’avons été naturalisés Français qu’en 1952.!

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« Mon père tremblait quand il voyait le centre de tri de Montmélian ». !

Au lendemain de la guerre, beaucoup de parents du côté de ma mère, les Rigetto, sont venus s’installer ici. Il y a eu ses parents et ses frères. C’est comme aujourd’hui : lorsqu’une personne se sent bien à un endroit, elle fait venir des gens. Après la guerre, il fallait reconstruire la France. La France avait besoin des Italiens mais cela n’empêchait pas les Français de les traiter de « sales ritals » et de « sales macarons ». Il n’y avait pas la reconnaissance, c’était juste une main- d'œuvre corvéable. Vous pouviez travailler 17 heures par jour, c’était de l’esclavage moderne. Ils ne pouvaient même pas manger à table. Ils avaient une écuelle et dormaient dans la grange sur une paillasse. Ils ne dormaient jamais dans les maisons. Ces conditions de vie et la haine envers ces immigrés ont fait que les Italiens devaient être solidaires, qu’ils se réconfortent. C’est pour cela que la chapelle de Myans a été le lieu de culte des Italiens. Les Italiens se réunissaient une fois par an à la chapelle, le lundi de Pacques. Avant d’être la patronne des Savoyards, elle était la patronne des Italiens de France. Encore aujourd’hui, des prêtres viennent du Piémont pour cette messe. Quand nous étions enfants, il fallait partir de Laissaud jusqu'à Myans. C’était une expédition, à pied ou a vélo, comme le faisait ma mère. Sur le porte bagage, il y avait moi et derrière, des prunes du jardin pour essayer de les vendre et gagner un sous. Il y avait 22 kilomètres à faire.!

Le quartier des Castors, à Montmélian, est fait d’une trentaine de villas d’Italiens. Un Italien construisait, puis faisait la maison d’un autre… Dans cette ville, il y avait ces fameux baraquements et le centre de tri des Italiens. Mes parents sont passés par là. On leur demandait ce qu’ils savaient faire. Tous les gens du coin qui avaient besoin de main-d’œuvre et qui ne voulaient pas beaucoup les payer venaient au centre de tri. Ils disaient : « Toi tu es robuste, tu vas faire cela, toi tu

feras ça »… et c’est comme ça que mon père a pu prendre la ferme de l’abbé.

Sa sœur fut embauchée à 300 mètres de chez nous, chez un colonel. Mon père me parlait beaucoup de ce centre. Il tremblait quand il le voyait. Je ne me souviens plus exactement s’il disait : « C’est le lieu de notre désespoir » ou s’il disait  : « c’est le lieu de nos désillusions  ». Il le disait en italien. Ce centre fut démoli dans les années 1960. Lorsque la France a voulu oublier les anciens souvenirs, tout fut rasé. Malgré des liens de solidarité entre les ouvriers Italiens,

ceux-ci se sont dispersés au fil des années. Seuls des liens avec la famille proche ont perduré.!

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« C’est une jeunesse détruite, c’est une haine »."

À la maison, nous parlions le vénitien. Je n’ai commencé à parler français qu’à

l’âge de cinq ans, lorsque je suis entré à l’école. Les parents ont peu à peu appris à parler français, même si cela a mis plus de temps que pour Milena et moi. Puisque nous allions à l’école avec ma sœur - puis les frères et sœurs qui nous ont suivi-, les parents ont pu apprendre par notre intermédiaire  : ils nous parlaient en italien et nous leur répondions en français. !

Avec les gens de Laissaud, c’était très dur. Je me souviens que lorsque les chasseurs revenaient bredouilles de la chasse, ils tuaient nos animaux qui étaient dans le grand parc devant la ferme : lapins, oies, canards. Ils les flinguaient et disaient à mon père : « Crève donc vieux rital ».!

Lorsque j’étais enfant, j’ai dû apprendre à me battre puisque j’étais Italien. J’ai appris à survivre. Les Français venaient sur moi à plusieurs et c’est comme ça que j’ai appris l’utilité des coins : lorsque vous êtes dans un coin, ils ne peuvent pas venir de tous les côtés. Un seul peut venir de face. J’ai appris à recevoir. Et je peux vous garantir que lorsque je recevais un coup de poing, il y en avait trois qui étaient par terre. Je suis devenu un bagarreur, c’est pour cela que j’ai fait du rugby quand j’étais adulte, à Montmélian. Dans l’équipe de rugby ça se passait bien, il faut être soudé dans une équipe. Si un ne joue pas, les autres s’en rendent compte et ils le massacrent. Il y avait aussi beaucoup d’Italiens dans l’équipe. Mais en tout cas, plus jeune, pour survivre à l’école, il fallait se battre. Au catéchisme, les enfants Français pouvaient moins montrer qu’ils étaient anti Italien puisque les curés de l’époque étaient assez rigoureux. Je n’ai tout de même pas beaucoup de liens avec l’église, car j’ai été foutu dehors du catéchisme car je faisais des bêtises. De toute façon, nous étions toujours à part, il y avait toujours cette forme de ségrégation jusqu’à ce que les Italiens soient allés faire la guerre d’Algérie.!

Je me souviens qu’à la ferme, trois personnes de Laissaud venaient toujours quand mon père était dans les champs et ils lui mettaient un coup de tête. Ils lui disaient : « Sale Rital, sale macaron ! ». Plus tard, je leur suis rentré dans le lard. C’est une jeunesse détruite, c’est une haine. Ce n’est pas une haine contre la France puisque malgré tout, c’est elle qui nous a recueillis ; j’ai eu la haine contre une certaine catégorie de Français. Lorsque je vois que beaucoup ont des

médailles, je me dis aussi que la moitié des Français étaient des collabos ! Et sur cette moitié, seulement le dixième a été condamné ; le reste a été blanchi, tel le transporteur dont je vous ai parlé. Il a été blanchi et maintenant on ne peut plus le toucher. C’est pour ça que je n’ai jamais aimé De Gaulle. Il voulait la pacification nationale et qu’on oublie tout. Mais on oublie les massacres qu’ils ont faits, la manière dont on pouvait aussi raser les femmes sans savoir ce qu’elles avaient vécu. Je n’ai jamais apprécié tout cela.!

Lorsque vous vous faites massacrer quand vous êtes un enfant, lorsque vous recevez des coups quand vous allez à l’école, quand votre père reçoit des coups… c’est dur. On pouvait juste se dire que pour les contrer, il fallait être supérieur à eux. Donc lorsque je suis arrivé à l’école, je ne connaissais pas un seul mot de français. Mais un an après, je connaissais le français. Dès l’âge de six ans, j’étais soit le premier, soit le deuxième et l’autre était un camarade italien de Laissaud. Même en français et en mathématiques nous étions les meilleurs. Ils n’ont jamais pu nous empêcher d’être les meilleurs et eux, les Français, étaient loin derrière. Je me souviens de notre instituteur qui était anti-Italien. Un jour, il voulait me faire écrire une ineptie au tableau sur les Italiens et la guerre. J’ai refusé alors il m’a empoigné et m’a projeté la tête la première sur le tableau. J’ai été assommé. C’est cela mon enfance…!

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« Les Italiens ont connu une plus grande ascension que les Français car ils avaient plus la  "niaque" ».!

J’ai quitté l’école à 14 ans, même si j’adorais étudier et apprendre. À 14 ans, je suis rentré aux papeteries de Moulin-Vieux comme garçon de courses jusqu’à mon service militaire à 18 ans. Je m’occupais du courrier dans l’usine. J’ai connu des violences surtout avec les communistes et la C.G.T. — Confédération Générale du Travail —. Il n’y avait pas du tout de solidarité ouvrière. Tous les Italiens que j’ai connus à la papeterie ont beaucoup souffert  ; mais après