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3 Le rôle de la lithologie sur la morphologie des fjords et l’érosion glaciaire

3.4 Précisions et analyses complémentaires sur le rôle lithologique dans le développement et la

3.4.2 Le rôle des fractures sur la morphologie des fjords

Je poursuis ici l’analyse du rôle des propriétés mécaniques du substrat rocheux sur la morphologie des fjords, prédits par la loi d’arrachement d’Iverson (2012), dans le modèle de fjords iSOSIA (voir section 3.2). Alors que l’analyse présentée en section 3.2, se focalise sur le rôle de la résistance moyenne du substrat rocheux aux contraintes de traction (σ0, Eq. 4) et à la densité de niveau de faiblesse (m, Eq. 4), qui représentent les propriétés lithologiques (i.e. taille de grain, foliations, texture), je considère ici un contrôle structural via l’incorporation du facteur de volume. Ainsi l’équation 4 (section 3.2) devient équivalente à l’équation 3.2 pour la probabilité de rupture. Ce facteur de volume, 𝑉

𝑉0, diminue la probabilité de rupture à mesure que la surface de contact glace-roche diminue, justifiant que la probabilité d’exploiter des fractures orientées de façon optimale pour l’érosion diminue. Ainsi, ce facteur reflète un contrôle structural plutôt que lithologique.

Pour explorer ce contrôle structural, j’utilise l’équation 3.2 avec le facteur de volume, et considère les expériences présentées en section 3.2, avec une variation du module de Weibull, m (Figure 6). Le volume de roche V est défini par la taille des cavités et la surface de contact (𝑉 = ℎ𝑐(𝐿𝑐− 𝑆)), et le volume caractéristique, 𝑉0= ℎ𝑐𝐿𝑐, est assez large pour contenir la plus grande fracture définie comme égale à la distance entre cavités Lc (Iverson, 2012).

Les relations profondeur-largeur de fjords obtenues pour des incisions similaires (niveau de référence de ~1300m ; section 3.2), ne montrent pas de différences significatives de largeur de fjords lorsque le facteur de volume est pris en compte pour les expériences considérant une faible et une forte résistance du substrat rocheux. En effet, les moyennes restent ~10.5 et ~12.5 km, respectivement (Figure 3.4). Une légère différence est observée pour la profondeur des fjords où, dans le cas d’une forte résistance du substrat (m = 4.2) la moyenne passe de 0.69 km à 0.65 km pour les expériences considérant ou non le facteur de volume ; et de ~0.66 km à ~0.61 km dans le cas d’une faible résistance (m = 1.5). Les différences topographiques (∆𝑧) entre les expériences avec et sans le facteur de volume montrent, que l’incision du fjord situé à ~80 km de distance verticale (Fjord 1 ; Figure 3.4) est plus grande avec le

Figure 3.4. (A) Relation profondeur-largeur de fjords résultants d’une érosion contrôlée par une variation du module de Weibull

m et par le facteur de volume (Vf) reflétant la présence de fractures (équation 3.2). Les différences de topographies résultantes des modèles sans (𝒛𝟏) et avec (𝒛𝟐) le facteur de volume sont comparées dans le cas (B) d’une faible érodabilité, m = 4.2 ; et (C) d’une forte érodabilité, m = 1.5. ∆𝒛𝑩,𝑪= 𝒛𝟏𝑩,𝑪− 𝒛𝟐𝑩,𝑪. En rouge, l’altitude du substrat rocheux z2 > z1, en bleu z1 > z2. La distribution totale des tailles relatives des cavités (S/Lc) suivi au cours des expériences est montrée en (D). Ces tailles relatives sont limitées entre 0.4 et 0.8.

facteur de volume que sans, pour les deux résistances du substrat (Figure 3.4B-C). En revanche, pour une forte résistance (m = 4.2 ; Figure 3.4B), la largeur du fjord situé à ~30 km de distance verticale (Fjord 2), ne varie pas, bien que l’érosion des flancs soit différente avec ou sans le facteur de volume. En effet, dans le cas où le facteur de volume est considéré, l’érosion est localisée préférentiellement sur le flanc droit du fjord (bleue, Figure 3.4B), mais est délaissée sur le flanc gauche (rouge, Figure 3.4B). L’inverse est vrai pour le cas sans le facteur de volume. Ainsi les différences topographiques de ~181 m et ~-186 m de part et d’autre des flancs du fjord, se compensent et sa largeur ne change donc pas ou peu entre les deux expériences (Figure 3.4B). Cet effet n’est pas observé dans le cas d’une faible résistance du substrat (m = 1.5 ; Figure 3.4C) où la largeur du fjord varie légèrement entre les expériences avec et sans le facteur de volume (Figure 3.4A).

Ces variations faibles de morphologie des fjords entre les expériences considérant ou non le facteur de volume, contrastent avec les résultats présentés dans la section précédente, où le facteur de volume impacte la position du pic d’érosion dans le cas d’une forte érodabilité considérée via le paramètre m (Figure 3.3B). J’explique cela, par la gamme de taille relatives des cavités, S/Lc, finalement obtenue dans les modèles de fjords dans iSOSIA. En effet, dans ces expériences cette gamme est limitée à des valeurs entre 0.4 et 0.8 (Figure 3.4D). Dans les expériences décrites à la Figure 3.3, les relations entre la taille relative des cavités et le taux d’érosion sont montrées pour une gamme allant de 0 à 1. Ainsi, dans les modèles de fjords simulés avec iSOSIA, les taux d’érosion augmentent jusqu’à des tailles relatives de cavités de ~0.6 puis diminuent pour des tailles plus grandes pour une résistance faible du substrat (m = 1.5 ; Figure 3.5B), ce qui diffère des prédictions faites dans les expériences de la section précédente, qui prédisent une diminution de l’érosion pour la gamme de taille relative de cavité considérée (entre 0.4 et 0.8, Figure 3.3B). Une relation similaire est observée dans le cas d’une résistance forte du substrat (m = 4.2 ; Figure 3.5A) mais est plus en accords avec les prédictions précédentes

Figure 3.5. Relation entre taux d’érosion et taille relative des cavités (S/Lc) pour les modèles de fjords considérant le facteur

de volume, 𝒗

𝑽𝟎 dans l’équation 3.2, et une variation du module de Weibull pour une faible érodabilité m = 4.2 (A) et une forte érodabilité, m = 1.5 (B). Les ronds blancs montrent les moyennes des taux d’érosion pour chaque tranche de taille relative de cavités (variable).

(Figure 3.3B), pour la gamme de taille relative des cavités observées (Figure 3.4D). Pour les deux érodabilité, le taux d’érosion est maximal autour d’une taille relative de cavité sous-glaciaire de ~0.6 (Figure 3.5).

Ainsi, l’ajout du facteur de volume reflétant le rôle de fractures sur la résistance du substrat rocheux n’a pas amené des changements significatifs de morphologie de fjord, des expériences supplémentaires considérant une gamme plus large de cavité sous-glaciaire devront être menées pour explorer davantage le rôle du facteur de volume dans la loi d’arrachement proposée par (Iverson, 2012). Toutefois, il est à noter que ces résultats n’entre pas en contradiction avec les observations où l’espacement entre fractures (considéré ici implicitement à travers la distance entre les cavités Lc, V0 = hcLc), conditionne la probabilité d’arrachement par bloc (e.g. Becker et al., 2014; Dühnforth et al., 2010). Ici, l’espacement est trop large pour avoir un effet supérieur au facteur de contrainte différentielle. Dans les expériences présentées dans cette section, le facteur de volume joue donc un rôle mineur dans la distribution de l’érosion avec la taille relative des cavités, où le facteur de contrainte différentielle contribue majoritairement.